02/03/2024 Esambe Josilonus ©2015 | Le
rang
et le sang des Courtenay | Voilà
des gens qui, cinq siècles après Louis VI le gros, s'en firent un père et soutinrent que leur sang royal méritait qu'ils eussent un rang.
L'écho répondit que le sang n'existait pas sans le rang. Telle est la tragédie de cette maison, sa funeste merveille (Saint Simon): L'injustice
constante faite à cette branche de la maison royale légitimement issue du roi Louis le Gros est une chose qui a dû surprendre tous les temps qu'elle a duré, et montrer en même temps la funeste merveille de cette maison, qui dans un si long espace n'a pu produire un seul sujet dont le mérite ait forcé la fortune, d'autant plus que nos rois ni personne n'a jamais douté de la vérité de sa royale et légitime extraction (à la date de 1715, Mémoires, T XIII, CH8, p 180). Héros négatifs, tout va de travers pour eux, de génération en génération. Trop souvent au mauvais moment ou au mauvais endroit d'un écosystème précaire et aléatoire (instabilité des droits et surmortalité de leurs détenteurs), leur histoire cumule les échecs. Cependant, rien ne les achève, ni le déclin, ni la médiocrité, ni même l'extinction. Au dix-septième siècle, des revenants astiquent leur lustre obscurci et cherchent à imposer leur descente de Louis VI le Gros par mâles légitimes pour obtenir le label "prince du sang". On ne nie pas leurs droits, on ne les reconnaît pas. Louis XIV les laissera s'autoproclamer princes. Leur tentative échoue, leur échec est un succès. Les mêmes raisons expliquent les deux. Enigme. Tombé par hasard sur ce cas, j'ai été intrigué : au milieu du XIIe siècle, ces Courtenay naissent de l'annulation des Courtenay. Ils constituent une impossibilité ontologique : ils ne sont pas Courtenay, cessent de l'être, échouent à le redevenir! Hélas, à peu près ignorés par l'Histoire, ils n'ont guère laissé de traces. S'il arrive que les mémoires et les archives aident, le plus souvent ils ajoutent des inconnues à l'équation au lieu de la résoudre. Cependant, les auteurs du temps sont de précieux informateurs : malgré et à cause des bizarreries qui nous chiffonnent, ils sont au plus près d'un système de pensée que nous ne pouvons plus saisir, si longtemps après la Révolution. Mais, une fois aperçu cet ensemble d'organisation, de quelle façon restituer ces dossiers emboités? Trop de va-et-vient entre le premier plan et les arrière-plans donnerait un texte indigeste parce qu'informe, sans cesse rompu par de trop longues parenthèses. Aussi ai-je décidé de dissocier autant que possible les éléments narratifs et les développements analytiques. |