10/02/2025 | |
Esambe
Josilonus![]() ©2025 | II.
GŽnŽrations
douteuses? Nouvelle version |
En 2015 je n'avais pas mis de point d'interrogation au titre car la gŽnŽalogie des seconds Courtenay me semblait problŽmatique en divers endroits. Aujourd'hui, 2025, je pense que sa faiblesse rŽside moins dans son contenu que dans sa nature : elle est essentiellement obscure. Du fait que, aprs quelques gŽnŽrations, nos sieurs tombent dans la simple gentilhommerie, leurs mariages et leurs enfants relvent de la sphre privŽe. Eux seuls se soucient de savoir qui est le chef de la Maison. Aussi, comme le note Gibbon dans son trop malicieux appendice sur la Maison de Courtenay, leur
gŽnŽalogie, au lieu, dÕtre enregistrŽe dans les annales du royaume, ne peut tre vŽrifiŽe que par les recherches pŽnibles des gŽnŽalogistes, recherches
pŽnibles et surtout contestables. D'une part il faudrait accŽder aux documents de famille, enfouis dans les coffres d'archives des ch‰teaux Courtenay (dans quel Žtat sont-ils ?), d'autre part les actes administratifs ou judiciaires s'Žparpillent entre OrlŽans, Gien, Sens, Paris... La construction la plus achevŽe, celle de du Bouchet, Ïuvrant pour le "Prince" Louis, donne plus de 200 pages de preuves invŽrifiables, pas toujours pertinentes et parfois en contradiction avec le texte (Jean du Bouchet, 1661, Histoire gŽnŽalogique de la Maison Royale de Courtenay, Paris).
Saint-Simon, Luynes et bien d'autres, attestent qu'on ne doute plus de leur descente de Louis le gros. Pourquoi ? Ils n'ont pas convaincu par une dŽmonstration, mais persuadŽ par une active "campagne de communication" dŽveloppŽe avec persistance pendant 50 ans, appuyŽe sur le silence du roi qui, s'il ne les reconna”t pas, ne leur interdit pas de prŽtendre. En matire de blanchiment, le temps travaille tout seul. Pensons ˆ ce PŽrusse [1] qui, sous Henri III, se fleurdelisa audacieusement et se fit prince
de Carency. A la gŽnŽration suivante, nul ne s'en choquait plus. Sous Louis XIV, dans l'inflation des titres nobiliaires, effectifs ou factices, les "princes" prolifrent.
L'effet boule de neige s'exerce d'autant mieux que l'enjeu est plus faible. Nos sieurs demandent tous les privilges des princes du sang, ils le doivent, pour montrer qu'ils croient eux-mmes ˆ leur droit, condition indispensable pour que les autres y croient. En rŽalitŽ, ils se contentent de peu et prennent garde de ne rien faire volontairement qu'on pžt opposer ˆ leur droit. Comme Louis et Louis-Charles ne marchent sur les pieds de personne et cdent le pas ˆ ceux que prŽcdent les princes du sang, on les laisse faire. Le secret, c'est de rester dans la zone grise, une espce de no man's land o personne ne demande le mot de passe.
AveuglŽs par le sang, nos sieurs ne voient pas que, outre leur mŽdiocritŽ historique, leur gŽnŽalogie elle-mme les condamne ˆ l'Žchec : descendraient-ils de Louis le gros, cela ne les inclurait pas dans la Maison rŽgnante qui est Bourbon (voir Courtenay
royaux).
Inconscients du pige et voulant justifier leur prŽtention, nos sieurs ont besoin que leur descente soit autorisŽe. Du Tillet l'a fait, les frres Sainte-Marthe le dŽfont, il faudra du Bouchet pour opŽrer le rŽtablissement.
MalgrŽ ses tortuositŽs, cette descente, en elle-mme, para”t plausible. Le problme est historique, non gŽnŽalogique. Du Tillet atteste leur origine en mme temps qu'il en annule les consŽquences : Le
laps
du temps & diminution de bien ont rŽduit au rang des gentilshommes aucuns de cette branche [Dreux] et de celle de Courtenay vŽritablement issus du sang de France [...] Assez y a eu de maison Royales abbatues dont les descendants par nŽcessitŽ sont tombŽs de leurs rangs (Recueil des Roys, Žd. 1580, p 80). Belleforest (1579), en Žcho, dŽplore leur abaissement :
leur
nom est demeurŽ sans ranc, grandeur ni mŽmoire [2]. Saint-Simon, plus tard, ne dira pas autre chose. L'opinion commune (que les Rois partageront) les traite en vestiges sŽculaires, sans consistance.
NŽanmoins, deux points sont ˆ Žtudier : le silence des Sainte-Marthe en 1619 (1) et le passage des Champignelles aux BlŽneau (2). Les doutes qu'ils sont susceptibles de susciter, se dissiperont ˆ l'examen.
Les branches nŽes de Pierre, fils de Louis le Gros, et d'Isabeau de Courtenay finissent sans postŽritŽ ou font quenouille les unes aprs les autres:
* celle des empereurs de Constantinople (Pierre II, l'a”nŽ), en 1285
* celle du second fils, Robert de Champignelles, en 1472
* celle du troisime, Guillaume de Tanlay, en 1383
* celle du quatrime, Jean d'Yerre, en 1384
La lignŽe de Robert a failli s'arrter ds la gŽnŽration suivante, malgrŽ ses huit enfants : deux filles, deux hommes d'Žglise, deux dŽcŽdŽs sans postŽritŽ, un expatriŽ. Par chance, il reste un dernier fils, Guillaume. La lignŽe dure jusqu'ˆ Jean de Champignelles, iv du nom, qui vend son patrimoine (Jean sans terre) et meurt (1472) sans postŽritŽ lŽgitime. Les BlŽneau prennent le relai.
Selon Du Tillet [3], il reste, de la descente de Pierre fils de Louis le Gros, quelques rameaux de la branche de Robert de Champignelles (le bouteiller de Louis VIII), des arrire-petits-fils de Jean de BlŽneau : Franois de BlŽneau et Guillaume de Chevillon dont la descente dure [4]. Voilˆ le point de dŽpart. Qu'Žcrivent les auteurs ultŽrieurs ?
Plus de cinquante ans aprs la premire version de du Tillet (reproduite sans changement par les Žditions successives), la structure de l'ouvrage des Sainte-Marthe (Histoire
gŽnŽalogique
de la maison de France, 1619) diffre profondŽment : par sa prŽsentation (deux mille pages de gŽnŽalogies aŽrŽes au lieu d'une centaine de pages compactes) et, surtout, par l'organisation. A la diffŽrence de Du Tillet, les auteurs ne dŽclinent pas la postŽritŽ de chaque roi, ils traitent d'abord du tronc (les Rois), puis des branches :
Tome premier : I de l'origine de Robert le Fort, II de Hugues Capet ˆ St Louis, III de St Louis ˆ Philippe de Valois, III de Philippes de Valois ˆ Louis douzime, V Louis douzime ˆ Henry le grand, VI ducs d'Anjou, VII Ducs de Berry, VIII derniers ducs de Bourgogne, IX ducs d'Alenon, X Comtes d'Evreux.
Tome second : XI Maison de Bourbon, XII Comtes d'Artois, XIII Comtes d'Anjou et rois de Sicile, XIIII Comtes de Dreux, XV Ducs de Bretagne, XVI Courtenay, XVII Vermandois, XVIII Ducs de Bourgogne sortis
de
Robert, XIX Dauphin de Viennois, XX Rois de Portugal.
Nos Courtenay, dissociŽs de Louis VI avec les autres branches cadettes, se trouvent dans le tome second, entre Dreux et Vermandois. Les Sainte-Marthe citent les enfants de Pierre "de France" et leurs enfants. Ils ne vont pas plus loin : en omettant la postŽritŽ de Guillaume, fils du bouteiller, ils renvoient au nŽant les fils des Courtenay contemporains de Du Tillet, Franois de BlŽneau, Guillaume de Chevillon.
L'historiographe des Courtenay, Du Bouchet, 1661, commence par les donnŽes solides, historiques et honorables : les ors impŽriaux (hŽlas, vite ternis) de la branche a”nŽe du premier Pierre (Livre I, P1). Puis il passe ˆ Robert le bouteiller et ses successeurs (Livre I, P2). Ensuite, il suit la piste du "sang" : seigneurs de Champignelles (Livre II), srs de Bleneau (Livre III) ; derniers seigneurs de la FertŽ-Loupire ; seigneurs de Chevillon issus des seigneurs de la FertŽ-Loupire, seule branche de cette maison qui subsiste (Livre IV);
sgrs d'Arrablay issus des sgrs de Bleneau ; et, bizarrement en dernier, anciens seigneurs de la FertŽ-Loupire, sortis de la branche de Champignelles (Livre V).
Aprs lui, le Pre Anselme de Sainte-Marie (Histoire
gŽnŽalogique et chronologique de la maison royale de France, 1674), organise en chapitres et paragraphes clairs la soixantaine de pages qu'il consacre aux Courtenay (Tome 1, Maison royale). Il emprunte son contenu ˆ du Bouchet qui, dŽsormais, nourrit les gŽnŽalogies. Le chapitre XVII (Seigneurs de Courtenay et empereurs de Constantinople) comprend quatorze paragraphes classŽs par pertinence et lŽgitimitŽ [5]. Les quatre premires rubriques corrigent et actualisent Du Tillet, sans modifier la sŽquence "Champignelles". Anselme expose la postŽritŽ de Guillaume, fils de Robert, et la parcourt, branche par branche, dans toutes ses ramifications. ArrivŽ ˆ l'oncle du sans
terre
et ˆ ses fils, il liste la branche a”nŽe (seigneurs de BlŽneau) jusqu'ˆ son extinction en 1655 (Gaspard II), puis la branche cadette des Chevillon dont Louis, le bien nommŽ, cinq gŽnŽrations aprs le premier BlŽneau, devient chef de la maison par la mort de Gaspard.
Loin de la ligne directe que rve le Prince Louis, la descente saute de branche en branche : des empereurs on passe aux Champignelles, puis aux BlŽneau et, via les FertŽ-Loupire, aux Chevillon (voir le schŽma dŽtaillŽ ˆ la fin du chapitre).
Dans la 1re Žd. de leur Histoire gŽnŽalogique de la Maison de France (1619) : Louis 6 =>..., Pierre x Courtenay =>..., Robert de Champignelles => Pierre, Guillaume de Champignelles //.
Dans l'Žd. 1627 : Louis 6 =>..., Pierre x Courtenay =>..., Robert de Courtenay => Pierre (=>Perrette, Amicie), Jean, Guillaume //.
Dans l'Žd. 1647 : Louis 6 =>..., Pierre x Courtenay =>..., Robert de Champignelles =>..., Guillaume de Champignelles => Pierre de Courtenay sr de Conches et de Melun [qui aura une rubrique], Philippes de Courtenay, sr de Champignelles & Ch‰teau-regnard, mourut sans enfant, 3. Raoul de Courtenay [Sicile], 4. Robert de Courtenay, Žvque d'OrlŽans, 5. Jean de Courtenay, archevque de Reims, 6. Guillaume de Courtenay, sr de Champignelles... laissant trois enfants : Robert, archevque de Reims ; Pierre [sans postŽritŽ] ; Jean [I] de Courtenay, sr de Champignelles et de la FertŽ Loupire qui contracta mariage avec Jeanne de Sancerre hŽritire de S.Brisson // 7. Isabel de Courtenay, 8. N. Les auteurs dŽtaillent ensuite la branche de Tanlay (et seulement elle), issue de Guillaume, 3e fils de Pierre de France.
Jamais aucun lien entre Robert le bouteiller et les Courtenay contemporains. C'est lˆ que le b‰t blesse ces derniers. Pas mme une flche en pointillŽ. Les deux premires Žditions s'arrtent ˆ Guillaume, le 6e fils de Robert le bouteiller et, oblitŽrant ses deux mariages, lui dŽnie toute postŽritŽ.
Mme si, par concision, les Sainte-Marthe ne voulaient pas s'encombrer de la descendance de Guillaume, ils ne se compromettraient gure en ajoutant quelque chose comme : fut destinŽ ˆ l'Eglise & ne voulut suivre cette profession selon du Tillet, qui fait descendre de luy les Seigneurs de CHAMPIGNELLES & DE BLENEAU.
Ailleurs, ils ne rŽpugnent pas ˆ ces rŽfŽrences marginales, comme, par exemple, dans le Livre suivant (Vermandois), ˆ propos du mariage de Hughes le grand avec l'hŽritire de Vermandois : Le fils [du comte de Vermandois], qui Žtoit Eudes, fut desheritŽ du ComtŽ par le Conseil des Barons de Vermandois, pource qu'il etoit de petit entendement & sans gouvernement. Toutesfois il fut mariŽ & eut un fils, duquel la maison de Saint-Simon est issue selon le mme du Tillet (1619, T2, p. 1388 [6]). Du Tillet a tort et Claude de Rasse, favori de Louis XIII, profitera de sa bŽvue pour s'enter aux Vermandois carolingiens et le faire attester dans les lettres d'Žrection de son duchŽ-pairie (1635) [7].
Disons tout de suite qu'il n'est pas besoin d'Žvoquer ou d'inventer, comme du Bouchet, l'intervention du procureur et une confession des frres Sainte-Marthe [8] pour comprendre la diffŽrence avec Du Tillet : entre temps, nos sieurs ont revendiquŽ publiquement, entassŽ les requtes au roi, il y a eu l'accident d'Edme, l'alliance de son cousin Frauville avec CondŽ et, en 1619, aprs l'art. 9 [9] des nŽgociations de la paix de Loudun (1616), alors que CondŽ n'est pas encore rŽhabilitŽ, un rŽpertoire semi-officiel de la Maison
royale ne saurait accorder ce que "le roi" a refusŽ. L'omission est politique.
NŽanmoins, pour aller au fond des choses, demandons-nous si Guillaume peut poser problme.
Guillaume a ŽpousŽ Marguerite de Chalon, Veuve Venisy, puis Agns de Tocy, Veuve Culant. Nul n'ayant suspectŽ ces mariages, je vais jouer l'avocat du diable.
Du Tillet prŽcise ˆ propos des fils de Robert de Champignelles : Le dernier que le pre avoit destinŽ ˆ l'eglise & n'en
voulut
tre fut messire Guillaume de Courtenay, chevalier, sieur de Champignelles & de la FertŽ de la Loupire que lui donna le comte de Sancerre. Il fut mariŽ deux fois, ˆ Marguerite, dame de Venisy, puis Agns, dame de Charenton (1580, p 89).
Dans le partage initial du patrimoine du bouteiller, le fils a”nŽ, Pierre, obtient notamment Conches que Robert tient en fief du Roi ; le suivant, Philippe reoit Champignelles ; les quatrime et cinquime sont casŽs dans l'Eglise. Le dernier, notre Guillaume, porte le nom du saint tutŽlaire de sa famille maternelle, Guillaume de Corbeil, Žvque de Bourges ( 1209, canonisŽ en 1218), l'oncle d'Isabeau de Courtenay : il est programmŽ pour l'Eglise. Mais la mort sans postŽritŽ des deux premiers fils (resp. 1250 et 1245) et l'absence du 3e, parti avec Charles d'Anjou ˆ la conqute du royaume de Naples, changent son destin : Champignelles lui Žchoit parce qu'il faut un successeur. Guillaume renonce ˆ l'Eglise.
Pour Du Tillet, il n'en
voulut
tre. Pour Anselme, il a quittŽ
son Žtat. Lequel se trompe ?
Le partage de Robert en 1236 dont l'original est au TrŽsor de Chevillon (Du Bouchet, Preuves, p. 53) assimile Guillaume destinŽ ˆ l'Žglise aux clercs avŽrŽs que sont Robert et Jean :...Robertus, Ioannes & Guillelmus clerici... Robertus sera Žvque d'OrlŽans ; Ioannes archevque de Reims ; Guillelmus, c'est Guillaume dont il devient difficile de dire qu'il n'en est pas. Le document suivant, vingt ans aprs, le qualifie de Chevalier de Courtenay, seigneur de VŽnizy, seigneur de Champignelles etc.
Certes, Guillaume, fort jeune en 1236, pourrait avoir ŽtŽ qualifiŽ de clericus par anticipation. MalgrŽ la connexitŽ de Robertus et Joannes, la signification du mot est floue, allant de tonsurŽ ˆ diacre ou prtre, en passant par les degrŽs ecclŽsiastiques mineurs. La doctrine de l'Eglise est sans ambigu•tŽ, quoique cette discipline, toujours difficile ˆ imposer, se rel‰che ˆ partir du XIIIe sicle [10] :
abandonner
la clŽricature, quitter la tonsure ou l'habit clŽrical, constitue un crime d'apostasie. Cela concerne mme les ordres mineurs car, Žtant des degrŽs pour monter plus haut, ils engagent dŽfinitivement. La sanction est l'excommunication (et, le cas ŽchŽant, la privation des bŽnŽfices). Lorsque "l'apostat" s'est mariŽ, l'Eglise respectant l'indissolubilitŽ du sacrement, ne sŽpare pas les Žpoux, elle les excommunie ensemble.
Donc, ˆ supposer que, aprs la mort de ses a”nŽs et l'attribution de Champignelles, le clerc Guillaume ait contractŽ un mariage abusif gr‰ce ˆ la mŽconnaissance, l'indulgence ou l'indiffŽrence de son entourage, ses enfants, quoique lŽgitimes, seraient irrŽguliers.
On le savait au dŽbut du XVIIe o on lisait encore avec plaisir l'Histoire franoise de Paul Aemile. Elle narre la vieille affaire (advenue ˆ peu prs du temps de Guillaume) de Marguerite de Flandre et de son prŽcepteur Bouchard [11], homme de saincte vie, estimŽ, et qui avoit desjˆ pris quelques ordres de prestrise (ce) qui nŽanmoins ne l'empcha pas de faire deux enfants ˆ sa disciple (1598, p. 421). Marguerite Žpousa Bouchard sans que son entourage s'Žmeuve. Cela changea lorsque sa sÏur, Jeanne, dont elle Žtait hŽritire devint comtesse de Flandre et de Hainaut. Jeanne, voulant Žcarter Bouchard des comtŽs futurs de sa femme, rŽvŽla qu'il Žtait homme d'Žglise et "dŽserteur". ConsŽquemment, en 1215, le pape excommunia les Žpoux, sans annuler leur mariage. Ils finirent cependant par se sŽparer et, en 1223, Marguerite se remaria ˆ Guillaume de Dampierre dont elle eut des enfants qui, ˆ sa mort, disputrent son hŽritage ˆ ceux du premier lit, la Flandre et le Hainaut, deux des comtŽs les plus importants d'Occident [12]. St Louis arbitra en 1257 : le second mariage, fait au su et vu d'un chacun, prŽvaut sur le premier, entachŽ de dissimulation. Les enfants rŽguliers reoivent donc la meilleure part, la Flandre, et les irrŽguliers, pas trop mal traitŽs, le Hainaut.
On peut induire de ce jugement que, lorsqu'un mariage implique un dŽserteur de l'Eglise, les enfants sont dŽgradŽs, non annulŽs.
Concernant notre Guillaume, ce principe n'aurait d'effet qu'en prŽsence d'un contentieux d'hŽritage entre les enfants des deux lits.
Si l'on se fie ˆ Du Bouchet, la question n'existe pas car tous les enfants sortent du premier lit : l'a”nŽ, Robert prŽfre l'Žtat ecclŽsiastique ; le 2nd Jean succde ˆ Champignelles ; le 3e (Pierre) meurt sans postŽritŽ ; les autres sont des filles. Anselme, 1674, se rŽfŽrant explicitement ˆ du Bouchet, dit la mme chose.
Mais le texte de du Bouchet est contredit deux fois par ses propres Preuves : 1) un document (p. 69) qualifie Pierre, et non pas Jean, de 2nd fils de Guillaume, ce que confirme le partage post mortem de ses biens, 1290, par lequel Jean reoit Champignelles (p 71) ; 2) dans une charte de Jean, 1302, il se donne pour mre Agns de Tocy, la 2nde femme de Guillaume (p 75).
Cela modifie le tableau. Les continuateurs du Pre Anselme, les RP Ange et Simplicien, Žcriront toute une page (1725, 3e Žd., Tome 1, p 486) pour dŽnoncer les incohŽrences de Du Bouchet. Selon eux, Pierre est fils du second mariage, tandis que le premier a engendrŽ Robert qui se voue ˆ l'Žglise, Pierre qui reoit Champignelles et meurt, Isabeau et Marguerite. Le droit de succession dŽpend des coutumes mais, en gŽnŽral, des fils de lits diffŽrents ne sont pas rŽputŽs frres. Jean venait-il ˆ l'hŽritage de Pierre ?
Il semble que non, puisque dans le "partage" de 1290, Robert, l'a”nŽ, s'intitule seigneur de Champignelles et attribue ˆ Jean ce que notre devant dit frre [Pierre] avait eu en sa partie. C'est donc plut™t une donation qu'effectue Robert porce que ie tiens le plus de l'eritage notre pere, & notre mere. Plus tard, il abandonnera ˆ Jean la part qu'il s'Žtait rŽservŽe et le fera gouverneur du temporel de Reims. Ce Jean ressemble au vilain petit canard devenu cygne ! Il est vrai que, sans lui, la Maison tombait en quenouille.
Cela signifie-t-il que Robert, alors chanoine de Reims, reconnaissant implicitement l'infŽrioritŽ du premier mariage de son pre, voulait avantager le fils du second ?
Rien ne permet de le supposer et, mme alors, tout serait en rgle : Jean est lŽgalement seigneur de Champignelles, et ses successeurs aussi.
L'avocat du diable a perdu.
Une curiositŽ demeure : Du Bouchet ne place pas au bon endroit sa protestation contre l'oubli des Sainte-Marthe. On l'attend ˆ la rubrique de Guillaume ou de son fils Jean, on la trouve ˆ la suivante, celle du fils de ce Jean, Jean ii du nom, qui est pourtant sans problme. C'est ˆ son propos que Du Bouchet mentionne le procureur et cet aveu bizarre des Sainte-Marthe, "lettre", plusieurs fois Žtrange : par son existence, son contenu, sa conservation pendant 40 ans, sa transmission improbable.
Lorsqu'enfin la 3me Ždition des Sainte-Marthe (1647) cesse d'ignorer Guillaume, ses enfants sont indiquŽs mais pas leurs propres enfants, et Jean ii du nom reste ŽludŽ : le texte; on l'a vu, mentionne Guillaume, son mariage avec Marguerite, et leur donne pour fils 1) Robert, 2) Pierre de Champignelles et 3) Jean I dont les descendants sont absents.
J'ai l'impression que du Bouchet, voulant attaquer l'omission de la postŽritŽ de Guillaume en 1619 (date ˆ laquelle se rapporte la fameuse lettre), ouvre le volume qu'il a sous la main, celui de 1647, voit que c'est Jean II qui manque et, s'embrouillant, s'acharne ˆ montrer qu'il faut le rŽtablir, en accumulant inutilement les citations et les preuves qui tŽmoignent que Jean de Courtenay, II du nom, sgr de Champignelles & St Brion dont parle du Tillet... Žtait fils a”nŽ de Jean I du nom aussi sgr de Champignelles et de Jeanne de Sancerre (p 192).
Les maladresses de Du Bouchet engendrent des soupons que, pour ce qu'on sait, la gŽnŽalogie des premiers descendants de Robert ne mŽrite pas.
BlŽneau et Chevillon sortent de l'oncle du sans terre. Bien pourvu en seigneuries (BlŽneau, Tannerre, Chassenay, l'Espinai, Marquant, &c), il a ŽpousŽ Catherine, fille de Franois de L'H™pital, seigneur de Soisy-aux-Loges (Choisy), un personnage bien assis [13]. En 1454, il invoque le retrait lignager pour reprendre Champignelles vendu par Jean IV. En 1455, il rachte la FertŽ-Loupire aux hŽritires (Jeanne et Michelle) et en 1457 acquiert Chevillon par Žchange. Son fils a”nŽ hŽrite de BlŽneau que ses descendants conservent pendant six gŽnŽrations. Le pu”nŽ, Pierre, reoit une collection de terres qu'il rŽpartira entre ses hoirs : la FertŽ-Loupire ˆ Hector ; Chevillon, Martroi et Frauville ˆ Jean ; Bontin ˆ Louis.
La mort de Gaspard de BlŽneau (II du nom) sans postŽritŽ m‰le lŽgitime en 1655 Žteint sa lignŽe. Il transmet le flambeau ˆ ses arrire-cousins Chevillon, issus comme lui de l'oncle du sans terre, six gŽnŽrations plus t™t.
Reprenons ˆ partir de l'oncle :
Dans les histoires gŽnŽalogiques, la fin des Champignelles et le dŽbut des BlŽneau constitue une rupture, marquŽe par un changement de Livre ou de chapitre qui traduit et signale le manque d'Žvidence de cette absorption du neveu Jean IV par son oncle Jean.
Jean sans terre aurait conduit la descente de Robert ˆ l'anŽantissement si cet oncle miraculeux ne recueillait les armes et ne reconstituait le patrimoine. Il rassemble et rŽtablit. Ensuite, il rŽpartit : BlŽneau ˆ son a”nŽ Jean ; la FertŽ-Loupire au cadet, Pierre, dont sortiront nos "Princes" ; Arrablay au dernier.
Le Comte de SoyŽcourt (Notions
claires
et prŽcises sur l'ancienne noblesse de France, 1846) pour lequel il n'existe que douze Maisons anciennes (dont la sienne !) Žcrit : La
dernire maison de Courtenay fut reconnue. par d'habiles gŽnŽalogistes comme rameau lŽgitime de la maison royale de France ; mais d'autres gŽnŽalogistes trouvrent beaucoup d'incertitude dans ses preuves. Il qualifie (sans argument) la branche des seigneurs de BlŽneau de douteusement sortie de celle de Champignelles et continue avec la branche de la FertŽ-Loupire sortie de celle de BlŽneau et celle
de Chevillon, sortie douteusement encore de celle de la FertŽ-Loupire (Žd. 1855, p. 95).
Les seigneurs de BlŽneau sortent-ils douteusement de la branche de Champignelles ?
Autour de 1328, par le mariage de Jean II de Champignelles avec Marguerite de S.VŽrain, BlŽneau entre dans la famille. Cette terre procŽdait du pre de Marguerite, Philippe. Jean de S.Verain, le fils a”nŽ, en a hŽritŽ.
Marguerite devint Dame de BlŽneau par une transaction alors courante mais pour nous dŽconcertante : Jean de S.Verain cde BlŽneau ˆ sa sÏur et, en retour, le reoit d'elle en fief, arrire-fief en rŽalitŽ puisque le seigneur de BlŽneau le tient du Comte de Bar ˆ cause de Saint-Fargeau. Lorsque, en 1350, le fils a”nŽ de Marguerite, Jean III, entrŽ en possession de ses biens, renouvelle la foi-hommage que sa mre avait faite en 1334 en tant que tutrice de ses enfants mineurs, il reconna”t tenir de Madame la comtesse de Bar, pour cause de sa terre de Puisaie, ce que mon oncle Monsieur Jean de Saint-Verain, sire de BlŽneau, tient de moi en fief, c'est ˆ savoir le chastel de BlŽneau et les arrires fiefs qui en sont tenus [14].
Il semble que, S.Verain dŽcŽdŽ, Jean III confie BlŽneau ˆ son frre Pierre. Celui-ci ne deviendra seigneur en titre qu'en hŽritant de son a”nŽ, 1392. Le 8 juillet 1394, Pierre (II de Champignelles etc.) rend aveu au comte de Bar pour BlŽneau. Il meurt lui-mme en 1395, laissant deux fils, Pierre III et Jean.
Ce dernier, ˆ nouveau, est seigneur de BlŽneau pour le compte de son frre dont la mort (1411) laisse un fils mineur, le futur Jean IV, qui, reprŽsentŽ par son tuteur, partage les biens de Pierre II avec son oncle (1415). Le premier reoit, entre autres, Champignelles et S.Brion ; le second, BlŽneau dont il fait aussit™t aveu et hommage ˆ Jean de Bar.
Jusqu'ˆ ce moment, l'a”nŽ avait tout eu, mandatant son frre pour s'occuper de BlŽneau ou tolŽrant sa possession de fait. Cette fois, l'a”nŽ Žtant mineur, BlŽneau prend son autonomie.
Si l'on peut s'interroger sur la lŽgitimitŽ du partage et de l'attribution de BlŽneau ˆ l'oncle, on doit constater cette division entre la branche a”nŽe (Champignelles etc.) reprŽsentŽe par le neveu, et la branche cadette (BlŽneau) qui, par l'extinction de l'autre, deviendra la seule.
Peut-on contester que Pierre et Jean soient frres, et tous deux fils de Jean III ? Il faudrait imaginer que le S.Verain sous-fieffŽ par sa sÏur Marguerite ežt une postŽritŽ qui lui succŽd‰t dans le fief : alors, son arrire-petit fils pourrait tre notre Jean qui, avec la complicitŽ du tuteur, profiterait de la minoritŽ du fils de Pierre pour obtenir BlŽneau en propre. Un indice serait la qualification de Jean II de BlŽneau que lui donne du Bouchet (dans le texte, pas en Preuves), alors qu'il n'y a pas de Jean I, sauf ˆ considŽrer comme tel Jean de S.Verain. Seule cette hypothse permettrait de dire que la branche BlŽneau sort douteusement de celle de Champignelles puisqu'elle viendrait du c™tŽ maternel, et mme grand-maternel. Dans la confusion du temps, des bruits de ce genre peuvent expliquer que, lors du procs en retrait, le procureur fiscal nie la fraternitŽ de Pierre et Jean (s'il s'agit bien de son frre, ce que le procureur ignore et ne croit pas).
Mais cette ŽventualitŽ est totalement fantaisiste, mme si les a”nŽs Champignelles nŽgligeaient BlŽneau qu'ils abandonnaient ˆ leur cadet ou ˆ n'importe qui. D'une part, Jean de S.Verain, mal connu, semble ne pas avoir de postŽritŽ. D'autre part, tous les documents affŽrents reproduits dans les Preuves de Du Bouchet, traitent Pierre et Jean de frres et de fils de
Jean III ; Jean et Jean IV d'oncle et neveu ; Jean IV et Jean, le fils de Jean de BlŽneau, de cousins
germains. Aucune ambigu•tŽ dans le texte du partage de 1415, document Žtabli, sous l'autoritŽ de Tanguy
du
Ch‰tel, garde de la PrŽv™tŽ de Paris, par les notaires jurŽs du roi au Ch‰telet de Paris. D'ailleurs, en 1457, Jean IV ne se contentera pas d'assister au mariage de son cousin germain, il sera partie au contrat, assignant une rente annuelle de cent livres en faveur du dit mariage et pour le bien et l'avancement d'icelui lequel autrement n'ežt ŽtŽ fait ni accompli (p. 173).
S'il y a doute, ce n'est pas en matire de filiation mais ˆ cause de BlŽneau et du changement de branche, aprs Jean IV, chef de la Maison, mort sans postŽritŽ, ses terres vendues pour financer sa participation aux guerres de Charles VII contre les derniers Anglais.
Du Tillet Žcrit : Par le decez dudit Iean de Courtenay, pour tout heritage les pleines armes de la maison de Courtenay vindrent ˆ son oncle Messire Iean de Courtenay. Par quel prodige ? L'oncle, mort en 1460, douze ans avant le neveu (1472), serait bien empchŽ d'en hŽriter quoi que ce soit ! C'est Jean II. de BlŽneau, le cousin germain, qui devient successeur, non pas directement mais par reprŽsentation de son pre.
Il est vrai que, du vivant mme de Jean IV, son oncle a adoptŽ une posture de "prŽ-successeur" en s'employant ˆ rassembler le patrimoine familial. Cela intrigue. Et de la surprise, on passe vite ˆ la suspicion. Disposant de ressources, voit-il dans le chef de Maison un enfant perdu, sans postŽritŽ, occupŽ ˆ de ruineuses aventures guerrires ? Anticipe-t-il l'extinction de la branche a”nŽe et prŽpare-t-il la sienne ˆ prendre le relai, par ambition de cadet, impudence, ou souci de sa Maison ? Il tente de reprendre Champignelles, vendu par son neveu vers 1450.
Champignelles importe. C'est la terre ancestrale, hŽritage et drapeau de Robert le bouteiller. Or, ˆ peine mentionnŽ, Champignelles dispara”t ! Champignelles ne fait que traverser l'histoire, juste pour suturer les deux branches et faciliter le passage de l'une ˆ l'autre. L'oncle aurait obtenu Champignelles judiciairement, par retrait lignager. Retraire consiste ˆ reprendre ˆ l'acheteur un hŽritage aliŽnŽ [15]. Le retrait attesterait la substitution de l'oncle au neveu. Or l'oncle ne rŽussit pas ˆ attacher ce nÏud [16].
Il est vrai que BlŽneau avait affaire ˆ forte partie. La procŽdure qu'il intente contre l'acheteur de Champignelles, Jacques CÏur, grand argentier du Roi, se retrouve englobŽe dans sa liquidation judiciaire, Žpilogue inique d'un procs inique. Chabannes a pris Champignelles ˆ CÏur au nom du Roi. Le procs privŽ devient d'ordre public. Jean doit maintenant arracher Champignelles ˆ un seigneur de guerre sans scrupules [17] et plaider contre le Roi, en la personne de son procureur fiscal. Cette
tŽnŽbreuse
affaire mle la contrainte et le droit. L'oncle renoncera. Le menace-t-on ? Le force-t-on ? Le sŽduit-on ?
Ennemi de Jacques CÏur, Chabannes a dirigŽ au nom du Roi la commission chargŽe de le "juger" et, avant mme la condamnation, il s'est appropriŽ toute la Puisaye (dont Champignelles) qu'avait rassemblŽe CÏur. Pour colorer de lŽgalitŽ cette spoliation, on a organisŽ en 1453 un simulacre d'enchres... remportŽes par Chabannes, pendant que le Roi gardait l'argent et de nombreux biens ; qu'Antoine Gouffier, l'un des commissaires, s'emparait des terres dans le Rouennais ; qu'Antoinette de Maignelais, la ma”tresse du roi, recevait une bonne et grosse ferme du Berry, et ainsi du reste.
Voilˆ l'oncle devant une dangereuse complication : les biens de CÏur confisquŽs au nom du Roi, le Procureur rŽcuse le retrait. Jean ne manquait pas de moyens (juridiques ou autres) puisque le bailli de Sens l'approuve d'abord, dŽcision confirmŽe par la Chambre du TrŽsor, sur appel du procureur : l'arrt de 1454, toujours citŽ comme preuve du retrait (...obtint encore en justice le vendredy 11 d'octobre 1454 par retrait lignager, la terre de Champignelles...).
L'argumentaire du Procureur fiscal est du type : Je n'ai pas cassŽ la thŽire que vous m'avez prtŽe, parce que quand je vous l'ai rendue, elle n'Žtait pas cassŽe ; quand vous me l'avez prtŽe, elle Žtait dŽjˆ cassŽe ; et de toute faon, ce n'est pas ˆ moi que vous l'avez prtŽe.
Sans se soucier de vraisemblance, le Procureur empile des objections ˆ la fois incohŽrentes et contre la NotorietŽ publique [18] : a) on ne peut retraire que de quelqu'un dont on aurait hŽritŽ ; or Jean IV avait hŽritŽ de Champignelles par sa mre aprs le dŽcs de son pre et BlŽneau ne venait pas ˆ l'hŽritage de la femme de son frre ; b) ce frre ayant achetŽ Champignelles (NB il l'aurait achetŽ et non hŽritŽ de son pre), la moitiŽ est ˆ sa femme, l'autre moitiŽ ˆ lui, de sorte que BlŽneau pourrait au mieux demander le retrait de la moitiŽ ; c) s'il s'agit bien de son frre, ce que le procureur ignore et ne croit pas ; d) la vente ayant ŽtŽ faite en lot avec d'autres terres et Champignelles Žtant la plus belle, le prix de 800 Žcus indiquŽ par le demandeur est sous-estimŽ et il lui en faudrait payer au moins 4000.
Cela n'impressionne pas la Chambre du TrŽsor : icelui demandeur sera reu, & icelui recevons au retrait de la dite terre & seigneurie de Champignelles, & avons adjugŽ & adjugeons audit demandeur ladite terre & Seigneurie de Champignelles.
Mais le procureur fiscal fait ˆ nouveau appel, l'affaire vient au Parlement de Paris... et Jean renonce. Un "accord" intervient trs vite, enregistrŽ en date du 16 aožt 1455, par lequel ledit messire Jehan de Courtenay a renoncŽ et renonce de fait par ces prŽsentes ˆ laditte
sentence donnŽe ˆ son prouffit, et aussi audit procs, et ˆ tout ledit droit de retrait lignaigier qui lui compettoit et appartenoit ou puet competter et appartenir, au prouffit du roy nostredit seigneur (Buchon).
D'autres que Jean demandaient ˆ retraire des terres prŽcŽdemment achetŽes par CÏur. Ils sont tous accommodŽs avec la mme efficacitŽ (menace ? persuasion ? promesses ? indemnitŽs ?) et Chabannes reste propriŽtaire de tout [19].
On attendrait que le neveu, Monseigneur de S.Brion (qu'il vendra en 1471), intervienne dans une procŽdure qui ne le lse en aucune faon. Il n'en fait rien. Est-il malade ?, absent ?, ami de Chabannes ?, indiffŽrent ?, prudent ?, corrompu ? On voit, par la renonciation de Jean, que l'affaire, si elle passait par les tribunaux, se rŽglait autrement. Cela n'empche pas Jean de s'intituler seigneur de Champignelles. D'ailleurs, cette terre Žtant morcelŽe en plusieurs parts, il se peut qu'il en ait un morceau.
Aprs la mort de Jean, 1460, lors de son partage successoral, le fils a”nŽ, Jean, devient sr de BlŽneau, Villar, & Champignelles ; le suivant obtient Croquetaine en Brie ; le troisime est sr de la FertŽ-Loupire, Chevillon, Frauville ; Renaud, sr
d'Arrablay
en partie, mourra sans postŽritŽ ; le dernier, Charles sera sr d'Arrablay. Du premier, viendront nos Franois, Gaspar, Edme, Gaspar qui rŽclameront leur royalitŽ ; du 3e, Pierre, nos Chevillon qui en obtiendront l'ombre.
Pour terminer, examinons la deuxime assertion de Soyecourt concernant la branche de Chevillon, sortie douteusement encore de celle de la FertŽ-Loupire. Elle est ˆ la fois vraie et fausse.
Fausse, car les Chevillon qui donneront le "Prince" Louis viennent directement du second fils de Jean I BlŽneau, Pierre, sr de la FertŽ-Loupire, Chevillon etc., qui Žpouse Perrine de la Roche.
Mais, jadis, la FertŽ-Loupire et son importante forteresse furent attribuŽes ˆ Philippe, petit-fils de Robert le bouteiller. Trois gŽnŽrations plus tard, cette seigneurie, tombŽe en quenouille, fut rachetŽe par Jean I BlŽneau. D'o elle arriva ˆ Pierre, puis ˆ son fils Hector, au fils de celui-ci, RenŽ, aprs lequel, retombŽe en quenouille, elle sortit de la famille par le mariage des hŽritires. Toutes les gŽnŽalogies distinguent les derniers seigneurs de la FertŽ-Loupire (issus de Jean I BlŽneau) et les anciens seigneurs de la FertŽ-Loupire, issus directement de Robert le bouteiller.
Il n'y aurait doute que si, par confusion des deux la FertŽ-Loupire, les seconds se rŽclamaient des premiers pour prŽsenter une descente directe du bouteiller et donc de Louis VI : Robert => Jean => Philippe => Jean... Pierre... Jean Chevillon...
au lieu de :
L'examen fastidieux auquel je viens de procŽder met ˆ jour quelques bizarreries mais pas d'anomalie majeure. Pour ce qu'on en sait, la descente n'est pas fautive en elle-mme.
Elle n'a d'autre dŽfaut que ses zigzags. Sur une aussi longue pŽriode, il n'est pas de Maison qui ne doive sa survie ˆ des sauts de branche ˆ branche, ˆ commencer par la Maison royale. Lors de l'extinction d'une branche ainŽe, on remonte ˆ l'anctre qu'elle partage avec une branche cadette et on repart. Nos Courtenay peuvent se dire issus par m‰les de Louis le gros. L'abus serait d'ajouter en ligne directe. Certes, toute descente se fait de pre en fils mais, aux bifurcations, via l'anctre commun, ce sont des cousins qui se succdent (cf. le schŽma rŽcapitulatif ci-dessous).
Si le dernier BlŽneau, Gaspar, n'avait pas transmis les clefs de la Maison ˆ Louis pour son fils Louis-Charles (flche en pointillŽs), cela n'aurait rien changŽ. A l'extinction des BlŽneau, on remontait six gŽnŽrations en arrire (Jean I BlŽneau) et on redescendait les Chevillon jusqu'ˆ Louis.
Outre les bŽvues de Du Bouchet, le sentiment de malaise, voire de manipulation, que produisent ces complications vient du caractre privŽ de cette gŽnŽalogie. Quand il faut croire sur parole, il est facile de douter, mme si l'on n'a pas d'intŽrt particulier. Que Henri de Navarre fut fils de S.Louis Žtait notoire. Que le "prince" Louis fut "fils" d'un Robert le bouteiller, au demeurant inconnu, il Žtait seul ˆ le savoir.
[1] Jean de Perusse dÕEscars (c1500-1595), lointain descendant de Saint-Louis par sa mre (Isabeau, Dame de Carency, issue des Bourbon-La Marche), osa Žcarteler ses armes de fleurs de lys et se fit prince de Carency. Henri III, quoique cŽrŽmonieux, laissa faire Perusse qui, chevalier de l'ordre du Saint-Esprit, occupait des emplois importants et, la gŽnŽration d'aprs, nul ne se souvenait du coup de force.
[2] Belleforest Franois de, 1579, Les Grandes Annales, 1579, Tome 1, p 498 : ces familles (Dreux & Courtenay) n'ont tenu le rang & degrŽ de Princes du Sang & ne se sont faits respecter ainsi qu'ils devoient car s'ils l'eussent fait, il n'y a homme qui eut sceu empescher que leur nom,& reputation n'eut demeurŽ en vigueur tout autant qu'il y eut eu des masles portans le nom & armes de Dreux & Courtenay mais l'abaissement d'iceux, tant pour tre reculez des affaires que pour s'tre alliez plus par avar•ce que pour conserver leur grandeur... a ŽtŽ cause que leur nom est demeurŽ sans ranc, grandeur ni mŽmoire.
[3] Du Tillet lui accorde six fils et une fille...et ne liste que quatre fils : 1) Pierre, Sr de Conches et Mehun, mort sans postŽritŽ m‰le ; 2) Philippe, Sr de Champmolin et Chateaurenard qui mourut sans enfants ; 3) Raoul, archevque de Reims ; 4) Gallien (Guillaume) que le pre avait destinŽ ˆ l'Žglise et n'en voulut tre. Passons sur l'oubli de l'Žvque d'OrlŽans, Robert, ainsi que sur la confusion entre Raoul, fils oubliŽ mort sans postŽritŽ m‰le, et Jean, archevque de Reims. Passons aussi sur les dŽtails fantaisistes que donne du Tillet et sur une prŽsentation peu claire qui ignore les dates. Le paragraphe de la branche des Courtenay comprend sept pages (p 86/92 de l'Ždition de 1580) de 45 lignes chacune, tout en continu, sans un seul saut de ligne (cf. la copie de la 1re page). L'organisation est descendante et hiŽrarchique (branche ainŽe puis branches cadettes dans l'ordre de naissance initial) et le contenu cite indistinctement tous les actes connus qui s'attachent ˆ l'un ou l'autre personnage, qu'ils soient ou non pertinents.
[4] 1)Louis le gros, 2) Pierre, 3) Robert de Champignelles, 4) Guillaume de Champignelles, 5) Jean I de Champignelles, 6) Jean II de Champignelles, 7) Pierre II de Champignelles, 8) Pierre III de Champignelles, 9) Jean iv sans terre//
8') Jean I de BlŽneau.
A partir duquel :
á BlŽneau : 9') Jean II, 10' Jean III, 11' Franois
á FertŽ-Loupire, puis Chevillon : 9") Pierre, 10") Jean de Chevillon, 11") Guillaume.
[5] dont trois paragraphes complŽmentaires (¤.XII. Anciens Seigneurs de Courtenay ; ¤.XIII. Comtes d'Edesse ; ¤.XIV. Seigneurs du nom de Courtenay en Angleterre.
[6] S.Simon devenu duc & pair, on trouve dans l'Žd. 1647 (T.2, p 666) : Eudes, desheritŽ &. privŽ du ComtŽ par le conseil des Barons, pour ce qu'il etoit de petit entendement, & sans gouvernement: Neantmoins il fut mariŽ, & eut un fils, duquel la Maison de S. Simon est issu‘, selon qu'Žcrit le sieur du Tillet qui a suivy en cela un ancien manuscrit dont l'Autheur Žtoit du temps.
[7] Il arrime les Saint-Simon aux comtes de Vermandois carolingiens en modifiant un document, non pas du temps mais postŽrieur d'un bon sicle ˆ la dŽpossession de Eudes l'insensŽ. Boislisle (1879, MŽmoires de S.Simon, T.1, Appendice: GŽnŽalogie de la maison de Rouvroy, p. 385) : Il tira de certain cartulaire de Philippe-Auguste, conservŽ au TrŽsor des chartes , une notice, une espce de gŽnŽalogie informe des derniers reprŽsentants de ce rameau de la dynastie carolingienne, qui semblait avoir ŽtŽ placŽe au revers de la premire feuille du cartulaire pour justifier l'annexion de l'apanage des Vermandois au domaine de Philippe-Auguste. Traduisant le texte latin concernant les anciens Comtes du Vermandois, du Tillet ajoute "dont est descendue la maison de Saint-Simon". C'est sur ce document que tous les historiens ou les chronologistes venus aprs Jean du Tillet, [...] ont fondŽ la gŽnŽalogie des comtes de Vermandois. Les gŽnŽalogistes aux gages travaillrent si bien que le petit Claude de Rasse s'empara du nom de S.Simon, des armes de Vermandois et fit reconna”tre par le Roi, dans les lettres d'Žrection du duchŽ-pairie de Saint-Simon (1635), que les "sieurs de Saint-Simon Žtoient issus en ligne directe des comtes de Vermandois".
[8] DŽclaration Žcrite de la main des Sainte-Marthe citŽe par du Bouchet (1661, p 192), attestant que lorsque, en mai 1619, ils ont soumis leur lettre de privilge au Parlement pour enregistrement...le Procureur General remarqua en la page l375 de la feuille cottŽe MMMMmmmm qu'en parlant de Guillaume de Courtenay Seigneur de Champignelles, ces termes estoient portez " fut destinŽ ˆ l'Eglise & ne voulut suivre cette profession selon du Tillet, qui fait descendre de luy les Seigneurs de CHAMPIGNELLES & DE BLENEAU ": et lors mondit sieur le Procureur General nous auroit (avait) dit; Que pour quelques considerations, il n'estoit ˆ propos d'insŽrer les dits termes...
[9] Art 9. Que droit soit faict ˆ MM de Courtenay, suivant l'ordre et les loix du royaume, suivant les requestes par eux plusieurs fois prŽsentŽes pour la conservation de l'honneur de leur maison, tant du vivant du dŽfunt Roy que depuis; et pour le regard de certaines procŽdures criminelles faictes ˆ l'encontre du sieur de Courtenay-Bleneau, que ce qui pourroit avoir estŽ faict contre les formes et la justice soit rŽparŽ (BouchittŽ Louis-Firmin, 1862, NŽgociations, lettres & pices relatives ˆ la confŽrence de Loudun).
[10] Thomassin, 1681, Ancienne et nouvelle discipline de l'Eglise touchant les bŽnŽfices et les bŽnŽficiers, T. 3, Chp. 5 Si les clercs peuvent encore renoncer ˆ l'Etat ecclŽsiastique, p. 15 :
III. On ne peut donc douter 1. que jusqu'au commencement du XIIIe sicle les Clercs n'aient ŽtŽ obligŽs ˆ la stabilitŽ dans leur profession sainte 2. Que les dŽserteurs de la ClŽricature n'aient ŽtŽ soumis aux mmes peines que les Moines apostats 3. Que les Clercs ne passassent pour apostats ds qu'ils quittaient ou la Tonsure ou l'habit clŽrical 4. Que ceux mmes qui avaient ŽtŽ dŽposŽs pour leurs crimes n'Žtaient pas pour cela affranchis de la profession clŽricale 5. Que cette Discipline mme serait encore en usage si les DŽcrŽtales qui font le corps du Droit Canon nouveau Žtaient encore observŽes...Guillaume Žvque de Paris (1re moitiŽ XIIIe) tŽmoigne qu'en son temps c'Žtait encore une apostasie d'abandonner la clŽricature aprs s'y tre engagŽ.
[11] L'Histoire des faicts, gestes et conquestes des roys, princes, seigneurs et peuple de France, en dix livres, par Paul Emyle mise en franois par Jean Regnar, ch. Morel, 1598, Livre VII. Brant™me reprend l'argument en passant (p 334, Ïuvres compltes de Pierre Bourdeille, abbŽ sŽculier de Brant™me, Tome 2, Ed Buchon 1848, Dames galantes, 4me discours : comparaison de l'amour de la fille, de la femme mariŽe et de la veuve, art II, de l'amour des filles).
[12] Duvivier Charles Albert, 1894, La querelle des d'Avesnes & des Dampierre jusqu'a la mort de Jean d'Avesnes 1257, Bruxelles : Libraire EuropŽenne C. Muquardt.
[13] Conseiller & Chambellan du Roi....Il avoit ŽpousŽ Catherine l'Orfvre, fille de Pierre, Chancelier du Duc d'OrlŽans de laquelle il eut JEAN & CATHERINE, mariŽe ˆ Jean de Courtenay, 1. du nom, Seigneur de Bleneau (De la Chesnaye, T 8, p 95).
[14] Guerchy, 1923, "Histoire de BlŽneau", Bulletin de la societe des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, AnnŽe 1922, 76e Volume (6e de la 5e serie), p. 15.
[15] RETRAIT lignager est un droit en vertu duquel un parent du c™tŽ et ligne dont est venu au vendeur un hŽritage vendu peut le retirer des mains de l'acquŽreur en intentant l'action en retrait dans le temps prescrit, ˆ l'effet de le conserver dans la famille (Claude-Joseph de Ferriere, 1749, Dictionnaire de droit et de pratique, Volume 2, ch. Brunet)
[16] Jean de Courtenay, seigneur de BlŽneau, intervint prs des officiers du roi pour exercer le retrait lignager de la seigneurie de Champignelles vendue par son neveu ˆ Jacques CÏur. Le prix de la rŽtrocession fut dŽbattu et fixŽ, mais le traitŽ qui intervint ˆ ce sujet ne fut pas sans doute ratifiŽ par le roi car il ne reut aucune exŽcution (Bulletin de la SociŽtŽ des sciences historiques et naturelles de lÕYonne, 1848, "Notice historique sur Champignelles").
De mme, Thaumassire (1679, Les anciennes et nouvelles coutumes de Berry et celles de Lorris, p 683) : cette terre (Champignelles) Žtait patrimoniale ˆ la maison de Courtenay o elle est demeurŽe jusqu'ˆ ce que Jean de BlŽneau IV du nom la vendit ˆ Jacques CÏur au mois de mars 1451 &, ayant ŽtŽ sur lui (CÏur) confisquŽe, elle fut acquise par Jacques (Antoine) de Chabannes duquel est sortie Antoinette (Franoise) de Chabanne mariŽe ˆ Philippe de Boulainvillier, sr de Vernueil (prŽsente propriŽtaire).
[17] Chabannes, soudard des guerres franco-anglaises, combat au sige d'OrlŽans puis dirige une bande de mercenaires Žcorcheurs ("routiers"). Devenu comte de Dammartin par son mariage, il se rallie ˆ Charles VII (1439) et le sert. En particulier, il dŽnonce ou dŽcouvre la conspiration du dauphin (futur Louis XI), ce dont le Roi le rŽcompensa.
[18] Buchon Jean-Alexandre, 1838, Žd., Choix de chroniques et mŽmoires du XVme sicle, In collection le panthŽon franais.
[19] L'histoire de la tentative lignagre de Jean de BlŽneau s'arrte lˆ, celle de la terre de Champignelles continue. Elle est animŽe ! A la mort de Charles VII, son challenger, Louis XI, disgracie Chabannes et l'emprisonne. Le Roi demande au Parlement de rŽhabiliter CÏur. Il refuse au nom de l'autoritŽ de la chose jugŽe. NŽanmoins, Louis XI en fait l'Žloge et redistribue ˆ ses enfants une partie des biens confisquŽs : Geoffroy CÏur, dont il a fait son valet de chambre, obtient la restitution de la Puisaye (dont Champignelles). Mais voilˆ que, en mars 1468, Chabannes s'Žvade de la Bastille, rejoint les princes rŽvoltŽs de la ligue du bien public), s'empare manu militari de la Puisaye (et de la personne de Geoffroy !). A la fin, le roi, obligŽ de transiger, rend ˆ Chabannes ses biens (dont Champignelles), ses honneurs et dignitŽs. Ensuite, Avoye, la deuxime fille de Jean de Chabannes ( 1504), en reoit le comtŽ de Dammartin et Courtenay, la baronnie de Toussy et Champignelles puis, n'ayant pas d'enfant, donne son patrimoine ˆ sa nice Franoise d'Anjou, de qui, en 1615, Champignelles arrive par mariage ˆ Louise d'OrlŽans de Rre, veuve...de notre Gaspard i de BlŽneau dont elle fut la second Žpouse. Ironie.