Esambe Josilonus | Les Courtenay royaux: reconnus en tant que mŽconnus |
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Nouvelle version (2025/2)
Des Courtenay du XVIe sicle affirmrent descendre directement par m‰les du plus jeune fils de Louis VI le gros ( 1137), et ceux du XVIIe requirent des Bourbon la reconnaissance de leur sang royal et l'octroi des prŽrogatives associŽes. Henri IV, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV les laissrent sans rŽponse. La question enterrŽe avec le dernier m‰le (1730), le Parlement de Paris en Žcrivit l'Žpitaphe (1737).
L'affaire, rencontrŽe par accident, m'intrigua : cette seconde Maison de Courtenay supplante la premire au milieu du XIIe sicle. Lorsque, des sicles plus tard, de lointains rejetons, astiquant leur lustre terni, excipent de leur descente de Louis VI le Gros pour prŽtendre au label "prince du sang", on ne nie pas leurs droits, on ne les accorde pas. Ils ne sortent pas de cette impasse.
A peu prs absents de l'Histoire, ils n'ont gure laissŽ de traces. Aprs les premires gŽnŽrations, ils n'impressionnent plus la pellicule. Leur historiographe privŽ, du Bouchet (1661), euphŽmise : les chroniqueurs ont oubliŽ de mentionner leurs hauts faits. On ignore presque tout des hauts et bas de leurs ressources : des ventes ou engagements de terres sont parfois mentionnŽs, on suppose que des mariages les enrichissent, on ne sait rien de prŽcis.
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Je fus d'abord amusŽ par cette variante de la Grenouille et du BÏuf, ces simples gentilshommes qui s'enflent et se travaillent pour Žgaler les Princes du sang. D'o le centrage des premires versions de ce texte (2015 et 2020) sur cette ambition fantomatique dont je cherchais les circonstances. Mais des recherches ultŽrieures m'ont convaincu que le cas dŽpasse les personnes : l'Žvolution de la monarchie importe plus que les faiblesses ou les malchances de nos sieurs. En admettant leur issuance de Louis le gros, une telle origine ne suffisait plus au moment o ses bŽnŽficiaires faisaient valoir leur conception na•ve du droit du sang. De mme qu'est gentilhomme celui qui vit noblement depuis des gŽnŽrations, de mme un Prince doit vivre en Prince. Cette caractŽristique suppose un consensus "social", des moyens et un statut.
Au XIIe sicle, le premier de ces Courtenay, Pierre, frre de Louis VII, n'Žtait rien et n'avait rien. Au XVIIe, il aurait ŽtŽ comblŽ d'honneurs, de privilges et de ressources. Mais ils n'Žchoient pas ˆ ses descendants car, tandis que la Monarchie s'instituait, les hasards dynastiques ont magnifiŽ les fils de S.Louis, d'abord capŽtiens, puis Valois, Valois-OrlŽans, Valois-Angoulme et enfin Bourbon-Vend™me. Nos Courtenay sortaient d'une lignŽe obsolte. La monarchie Bourbon pouvait les saluer, pas les admettre.
Telle est ma perspective en 2025. L'esprit et le plan ont changŽ et l'exposŽ incorpore des ŽlŽments pris dans les appendices. Ce qui concerne la premire Maison de Courtenay fait l'objet d'un article spŽcifique. Cette nouvelle version (2025/2) enrichit la prŽcŽdente sans modifier la perspective.
Il est, hŽlas, impossible d'Žviter le mŽlange des genres. Le texte commence comme un narratif et finit en dissertation. La matire en est l'excuse : elle oblige ˆ une approche chronologique qui mle le factuel et l'analytique, l'historique et le juridique, malgrŽ le renvoi en appendice des dŽveloppements dŽtaillŽs.
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Le Prologue prŽsente les premires gŽnŽrations, issues de Louis le gros, celles qui marquent. La branche a”nŽe s'Žteint ; la branche pu”nŽe s'endort ; les autres ne comptent pas.
Comment expliquer que des cadets de cadets se rŽveillent au XVIe ? que leurs fils formalisent leurs prŽtentions au sang royal sous Henri IV et le coincent dans un dilemme ? (Chp. 1).
Avec l'accident de 1610, la sollicitation tourne au contentieux, le contentieux ˆ l'action politique et, CondŽ dŽfait, nos sieurs perdent leurs anctres (Chp. 2).
NŽanmoins ils rebondissent. Le roi ne dŽcidant rien, ni pour eux ni contre eux, ils exploitent l'ambigu•tŽ et en sortent une princerie sans consŽquence qui se termine lorsque, en 1730, meurt le dernier m‰le (Chp. 3).
La pice est finie. La fille restante essayant de jouer les prolongations, le Parlement baisse le rideau (Chp. 4).
La conclusion tire les leons. Le sang est une notion complexe comme d'ailleurs la biologie le montre : il a besoin du cÏur, des poumons, de l'estomac etc. L'ŽlŽment appartient ˆ un systme. Aussi, le sang de nos Courtenay suffit ˆ leur donner une couleur de royalitŽ, il n'en fait pas des royaux.
¦ Pour rendre le texte plus lisible, je m'interdis les notes. On se reportera aux Appendices 1, 2 et 4 dans lesquels on trouvera des prŽcisions ainsi que les rŽfŽrences bibliographiques particulires.
RŽservons ˆ l'histoire de la premire Maison les interrogations sur la "disparition" de Renaud de Courtenay au dŽbut des annŽes 1150. Il laisse deux filles que le roi prend en garde. Louis VII case la cadette en la mariant ˆ Avelon, sire de Suilly (en Donziais), et donne l'a”nŽe ˆ son petit frre, Pierre. Par Isabeau (Elisabeth), l'hŽritire, il devient Courtenay. Elle est une lointaine cousine par sa grand-mre paternelle, Ermengarde de Nevers, issue de Hadwige (Alix, Avoye), fille du roi Robert, lui-mme fils de Hugues Capet.
Le roi Louis VI le gros a eu pour fils : Philippe qui meurt ˆ peine couronnŽ, Louis qui le remplacera, Henri futur archevque de Reims, Robert futur comte de Dreux, Philippe futur archidiacre de Paris, et le dernier, notre Pierre, qui na”t vers 1125.
A moins de trente ans, il Žpouse donc Courtenay, Montargis, Ch‰teau-Renard, Champignelles, Tanlay, Charny, Chante-Coq et plusieurs autres terres, une collection de droits localisŽs dans les dŽpartements actuels du Loiret et de l'Yonne, entre la Bourgogne et le petit cÏur capŽtien, ˆ la jointure des deux grandes "autoroutes" du temps que sont la Seine et la Loire. Il restera ˆ la marge de l'action royale. On sait seulement qu'il accompagne Louis VII ˆ sa malheureuse croisade (1147), qu'il est l'un des trois barons la•cs envoyŽs pour traiter d'une paix avec Henri II d'Angleterre en 1178, qu'il repart outremer (Acre) en 1179 avec Henri le libŽral Comte de Champagne, et qu'il ne vivait plus en 1183.
Il n'eut point de terre comme apanage et ce qu'on lui donna ne fut dŽcorŽ d'aucun titre. C'est ˆ la gŽnŽration suivante, avec l'Žmergence royale philippaugustienne, que leur origine profitera aux fils a”nŽs de Pierre : Pierre et Robert.
La dame de Courtenay, Elisabeth/Isabeau, survit vingt ans ˆ son mari, jusqu'en 1205. Elle a produit un grand nombre d'enfants : cinq garons et six filles atteignent l'‰ge actif, capital humain exceptionnel en ces temps de surmortalitŽ infantile et maternelle. Les fils hŽritent de leur mre, le pre ne possŽdant rien. Selon l'usage, l'a”nŽ, Pierre, second du nom, reoit la plus grande part, dont Courtenay et Ch‰teau-Renard ; Robert devient sire de Champignelles, Guillaume et Jean hŽritent de seigneuries mineures, respectivement Tanlay et Yerre. Quant aux filles, elles sont toutes mariŽes noblement. Exploit rare, tout le monde est casŽ, jusqu'ˆ la moindre cadette, sans user du joker religieux :
Avant d'examiner la vie des deux a”nŽs, disons un mot des autres. Si les plus jeunes fils de Pierre et Isabeau (Guillaume et Jean) n'ont rien de remarquable, les filles (Alix, Constance, Eustachie, ClŽmence) constituent un prŽcieux capital relationnel qui n'est pas gaspillŽ mais investi, d'abord aux alentours puis, aprs annulation ou dŽcs de leur mari, au delˆ de la petite "France" royale. Leurs premiers mariages se font avec des sires voisins de Courtenay et leurs remariages nettement au-dessus et plus loin, sans doute ˆ la faveur de la fortune de leurs frres a”nŽs. Eustachie Žpouse d'abord un petit sire de Pacy-sur-Armanon, puis Guillaume, Comte de Sancerre ; ClŽmence, Guy VI vicomte de Thiern (Thiers) ; Constance, un sire de Chateaufort puis Guillaume, sire de la FertŽ Arnaud.
Alix ( 1218) mŽrite une mention spŽciale. D'abord unie ˆ un sire de Joigny, elle Žpouse en second Aymar Taillefer, puissant Comte d'Angoulme. Ils engendrent cette fameuse Isabelle (1188-1246) que Jean sans terre, pour prŽvenir l'union des comtŽs d'Angoulme et de la Marche, arrachera en 1200 ˆ son fiancŽ, Hugues de Lusignan, prŽcipitant les deux comtes dans l'alliance franaise. Cette erreur politique est aussi matrimoniale. Les mŽfaits et dŽbordements d'Isabelle lui vaudront d'tre appelŽe Jezabel en Angleterre. La reine ultŽrieurement remariŽe (1220) ˆ son premier fiancŽ, Lusignan, Comte de La Marche, leurs comtŽs joueront un grand r™le dans les guerres "franco-anglaises".
Pierre, ii du nom, prend un beau dŽpart. Il reoit l'essentiel du patrimoine maternel. Il dŽveloppe Montargis (fortifications et franchises) dont, en 1184, il cde les droits au roi (Philippe Auguste) en contrepartie d'une bonne hŽritire : une jeune Agns, mise en rŽserve ˆ la Cour aprs qu'elle ežt reu de son pre Guy le comtŽ de Nevers et, de son oncle Renaud, ceux d'Auxerre et de Tonnerre (Du Chesne, 1619). Cette union reste presque stŽrile : Mathilde, seule et unique fille, qui, ˆ la mort d'Agns (1192), reoit les trois comtŽs dont Pierre exerce la garde noble.
Dans les terres qu'il gouverne au nom de la petite Mathilde, Pierre agit comme les autres comtes. A l'extŽrieur, il bataille avec ses puissants voisins (Champagne et Bourgogne). A l'intŽrieur, il abuse des abbayes (qui se dŽfendent bien), s'oppose aux Žvques dominateurs et endosse les vieilles querelles. C'est ainsi qu'il perd la petite Mathilde, prŽcocement fiancŽe au comte de Namur, frre de la deuxime femme de son pre, gr‰ce ˆ quoi le Roi et lui cherchaient ˆ joindre possessions flamandes et bourguignonnes.
Mathilde, fut (littŽralement) conquise par HervŽ de Donzy qui, par le dŽcs de ses frres, avait rassemblŽ les terres de sa Maison, ˆ proximitŽ de la Loire. De longtemps, les barons de Donzy et les comtes de Nevers se disputaient la terre de Gien. Au cours d'une bataille, HervŽ vainc Pierre et le capture (1199). Le roi Philippe Auguste pacifie les adversaires et, en rŽcompense, se fait donner par HervŽ la terre de Gien, objet de la dispute. Ce n'est pas cher puisque, en Žchange de la libŽration de Pierre, HervŽ reoit la petite Mathilde avec le comtŽ de Nevers (Auxerre et Tonnerre restant au pre ˆ titre viager). En 1199 la fille a onze ans. Comme sa mre, elle ne produira pas d'hŽritier : une unique fille (1205-1225), nommŽe Agns (Anne) qui, ironiquement, sera la tige maternelle des Bourbon royaux. En effet, le roi interdit ˆ HervŽ de la marier au petit Henry, fils a”nŽ de Jean roi d'Angleterre (futur Henry III), et l'accorde ˆ l'a”nŽ de son fils a”nŽ, Philippe, roi de France en puissance, qui meurt ˆ 9 ans sans qu'on active la clause de substitution qui la passait au suivant, Louis, futur IX et saint, alors ‰gŽ de quelques mois. Aprs qu'Agns ežt ainsi fr™lŽ deux couronnes et trois maris royaux, le roi l'unit ˆ l'un de ses grands fŽaux, Gui de Chatillon. Leur unique fille, Yolande, sera mariŽe au riche et puissant Archambauld IX, sire de Bourbon ; leurs filles Žpouseront en mme temps (1248) deux fils de Hugues IV duc de Bourgogne : la premire, Eudes, l'a”nŽ ; la seconde (Agns), le pu”nŽ (Jean). Ces derniers engendreront un seul enfant, derechef une fille, BŽatrice, hŽritire de Bourbon, attribuŽe (1272) ˆ Robert de Clermont, fils cadet de S.Louis. Telle est l'origine des Bourbon-Clermont dont l'un, bien des gŽnŽrations plus tard, deviendra Henri IV auquel les Courtenay demanderont de les reconna”tre !
Revenons ˆ Pierre II du nom. S'il avait eu d'Agns de Nevers un fils au lieu d'une fille, les comtŽs bourguignons seraient restŽs rassemblŽs et, pour peu que la biologie et la guerre favorisent les gŽnŽrations suivantes, une lignŽe de grands Courtenay aurait pu se consolider, toute royale.
La premire Žpouse de Pierre dŽcŽdŽe, Philippe Auguste, toujours soucieux de dŽtacher les Flandres de l'Angleterre, l'a rechargŽ en hŽritire en la personne de Yolande du Hainaut, fille de Baudouin, comte de Flandre et du Hainaut, et sÏur de la dŽfunte reine, Isabelle de Hainaut. Tout en restant actif ˆ Auxerre, directement et par procuration, Pierre entame une deuxime vie. Avec Yolande, il retrouve la prolificitŽ paternelle : leur mariage engendre dix enfants vivants. Outre les garons que dŽvorera Constantinople, six filles dont trois contribueront ˆ la brve diplomatie impŽriale de Yolande. Parmi les autres, l'une se fera nonne ; une autre, Isabelle, Žpousera Gautier, seigneur de Bar, puis Eude seigneur de Montaigu ; une autre, Marguerite, Raoul d'Issoudun puis Henri comte de Vianden Ñ cette comtesse de Vianden ne sera pas la moins active.
Yolande donne ˆ Pierre non seulement des hŽritiers mais un hŽritage car, en 1212, la mort de son frre Philippe lui apporte le comtŽ (marquisat d'empire) de Namur. Son frre a”nŽ, Baudoin, devient comte de Flandre et du Hainaut puis, en 1204, premier empereur latin de Constantinople.
On sait que, ˆ la suite des ambitions des Normands de Sicile, des expŽditions outremer, et des antagonismes qu'excitent les trahisons rŽciproques, la quatrime croisade se laisse dŽvier par les VŽnitiens, intermŽdiaires obligŽs entre l'Orient et l'Occident. Le dŽtour par Constantinople pour rendre leur couronne ˆ Alexis et Isaac Ange qui, une fois rŽtablis, paieraient la dette des Francs ˆ Venise, aboutit ˆ l'invasion de la ville, incendie, massacres et pillage ŽhontŽ. Les Francs Žlisent pour "empereur" le frre de Yolande, Beaudoin, inoffensif comte de Flandre et du Hainaut. Venise est seigneur de un quart et demi de l'empire, l'empereur de un quart et les barons (Montferrat en premier) du reste. Mais le quart de l'empereur est largement en Asie que les Grecs de NicŽe dŽfendent bien, sa suzerainetŽ sur les barons est toute thŽorique et Venise fait ce qu'elle veut.
CoupŽ de l'arrire-pays agraire dont le drainage conditionnait la puissance et mme la survie d'une ville gŽante, l'empereur doit se dŽfendre contre les Grecs (NicŽe, Epire), les Bulgares, les "Turcs", sans oublier les "Tartares" Žpisodiques et les aventuriers de tous poils. Sans ressources, attaquŽe de toutes parts, du dedans comme du dehors, dŽchirŽe de rivalitŽs, Constantinople, pendant un demi-sicle, deviendra un trou noir, engloutissant l'argent et les hommes, annihilant l'Žnergie et la sagesse des meilleurs.
En un an, l'empereur Baudoin ne parvient qu'ˆ exciter encore plus les Grecs contre les Francs et ˆ se faire btement battre par les Bulgares ˆ Andrinople (1205). Il meurt en captivitŽ. Son frre Henri le remplace (1206), rŽtablit la situation militaire, noue des alliances et se concilie une partie de l'aristocratie grecque. Quand il dŽcde sans descendance (1216), les barons choisissent sa sÏur, Yolande, et son mari, Pierre de Courtenay, en qui ils voient un proche parent du roi de France et un grand personnage (Auxerre etc.). Pierre cde ˆ la sŽduction d'une couronne impŽriale. Si ce titre lui assure une (petite) place dans les livres d'Histoire, il le tue avant d'atteindre Constantinople ! Ayant mis ses terres en gage pour lever des fonds, Pierre part avec de nombreux vassaux et hommes d'armes. Pour payer leur passage aux VŽnitiens, ils assigent pour eux Duras (Durazzo, aujourd'hui Durr‘s) sur la c™te albanaise. Ils Žchouent. L‰chŽs par leurs transporteurs, ils tentent de passer par les montagnes o ils sont assaillis et vaincus par les Grecs d'Epire : Pierre et beaucoup d'autres disparaissent. Fin de l'empereur !
Reste l'empŽrire, Yolande. Venue par mer, elle accouche ˆ Constantinople d'un Baudouin, le premier et seul franc jamais nŽ dans la pourpre. De concert avec les barons, elle gouverne Constantinople et poursuit la sage stratŽgie d'Henri en mariant judicieusement ses filles. Mais Yolande meurt trop vite (1219).
Les barons, fidles au droit hŽrŽditaire, envoient une dŽputation au fils a”nŽ de Pierre et Yolande, Philippe, comte/marquis de Namur. Ce dernier, tentŽ ou non, trop occupŽ ˆ se dŽfendre contre ses voisins, renvoie les barons ˆ son frre cadet, Robert, que, avec l'assentiment du roi Louis VIII, ils conduisent ˆ Constantinople pour le couronner. Ce Robert, de 1220 ˆ 1228, ne montre que la faiblesse de son esprit et la bassesse de son courage. Il finit par s'enfuir et meurt.
Le dernier fils de Pierre, le porphyrogŽnte Baudoin (1217-1273), Žtant encore trop jeune, Jean de Brienne, "roi de JŽrusalem", est Žlu empereur ad intŽrim et, coup double puisqu'il a dŽjˆ mariŽ sa fille Isabelle ˆ FrŽdŽric II, l'empereur germanique, fiance l'empereur latin ˆ la cadette, Marie, alors ‰gŽe de 4 ans (le mariage aura lieu en 1234). Brienne dort pendant deux ans, puis fait mal et, comme les autres, appelle le pape et les rois ˆ son secours en expŽdiant en Europe le jeune Baudoin qui, pendant son sŽjour (1237-39), se met en possession de Courtenay et revendique le comtŽ de Namur usurpŽ par sa sÏur Marguerite de Vianden. Il la chasse au terme d'une guerre sanglante. Voulant en tirer hommes et argent pour se soutenir ˆ Constantinople, il gage le comtŽ au Roi de France (1238).
Brienne dŽcŽdŽ en 1237, Baudoin est couronnŽ empereur ˆ son retour ˆ Constantinople. Sa situation est si prŽcaire que seul le refus de Louis IX l'empche de cŽder Courtenay, terre de consŽquence dont sa famille portoit le nom. En 1243-46, il repart en Europe. Ensuite, Namur perdu, il envoie son Žpouse Marie le reprendre avec l'aide du roi de France (1253). Le comte de Luxembourg, en 1256, appelŽ par le peuple rŽvoltŽ, chasse Marie. Baudoin reconna”t son Žchec et vend ses droits sur Namur (1263).
MalgrŽ tous ces efforts, les Francs, coincŽs dans Constantinople, manquent tellement d'argent que l'empereur, aprs avoir dŽvorŽ ses terres, fondu le plomb des toits pour frapper de la monnaie, vendu la couronne d'Žpines du Christ et autres reliques, met au clou son fils Philippe chez des prteurs vŽnitiens o il restera plusieurs annŽes. A la fin, surdŽterminŽe par la guerre des VŽnitiens et des GŽnois qui s'allient avec l'un ou l'autre des empires grecs ennemis des latins, par les autres rivalitŽs europŽennes (France-Angleterre-Empire germanique) et par les alliances antagoniques rŽgionales, la situation devient absolument sans issue : l'Empire, toujours insoutenable, en raison de son vice organique et des erreurs commises, est repris en 1261 par les "Grecs" (Michel PalŽologue).
Baudoin de Courtenay fuit jusqu'ˆ Naples auprs du roi Charles d'Anjou, fils de Philippe Auguste. Ils s'allient pour reprendre Constantinople et cimentent leur accord en mariant leurs enfants : Philippe, tout juste dŽgagŽ des VŽnitiens, Žpouse BŽatrice, issue du premier mariage de Charles d'Anjou. Les "empereurs", Baudoin et Marie, continuent ˆ courir l'Europe pour lever des fonds et chercher des soutiens. La reconqute subit Žchec sur Žchec... Enfin, en 1282, Charles d'Anjou a nouŽ des alliances, reconstruit une immense flotte, rassemblŽ des soldats. Le succs ne fait plus aucun doute... lorsque les Siciliens se rŽvoltent (Pierre d'Aragon).
Baudoin meurt (1273). Hommes et argent fuient son fils Philippe (1243-1283) : la rŽaliste Venise, constatant son impuissance, l'abandonne pour s'allier aux Grecs. Le pape ne lance pas d'appel ˆ la croisade (aurait-ce servi ˆ quelque chose ?) car les Grecs engagent, fort ˆ propos, des nŽgociations religieuses qui font espŽrer la fin du schisme. Philippe Žchoue mme ˆ faire un fils ! Il n'a qu'une fille.
Cette empŽrire Catherine devient en 1301 la seconde Žpouse de Charles, comte de Valois, ˆ la fois frre du roi rŽgnant, Philippe le bel, et pre du futur Valois royal (Philippe VI). Encore une seule fille, Catherine II du nom ! Encore un perdant magnifique ! Ce Charles visa toutes les couronnes et n'en obtint aucune.
Lorsque Catherine dŽcde (1307), ses funŽrailles sont grandioses. Mais les honneurs rendus ˆ sa dŽpouille s'adressent ˆ son mari et ˆ son titre d'empŽrire, non ˆ son ascendance royale. Reste sa fille dont Charles, remariŽ une troisime fois (1308), las du fant™me d'empire, se dŽbarrasse en la mettant en position d'y prŽtendre par elle-mme. Pour cela, il dŽnoue le mariage antŽrieurement conclu avec le petit duc de Bourgogne, moyennant l'abandon de ce qui reste de l'hŽritage de Catherine, dont la terre de Courtenay : baillŽe en apanage ou en cadeau ˆ diffŽrents princes qui la donnent ou la vendent ˆ leur tour, Chabannes s'en emparera vers 1450 (dŽpouilles de Jacques CÏur). Par lui, elle arrivera aux Boulainvilliers au profit desquels, en 1563, Charles IX Žrigera la seigneurie de Courtenay en comtŽ.
Pour sa part, la trs jeune empŽrire Žpouse gaillardement en 1313 Philippe d'Anjou, hŽritier des Anjou-Sicile : Prince de Tarente, largement possessionnŽ en Grce propre, il semblait un bon tremplin pour sauter sur Constantinople. Espoir vain ! Tout ce qu'aura Catherine, c'est la stŽrile rŽgence de l'Acha•e pour le compte de son fils a”nŽ Robert. Son insuccs la ramnent ˆ Naples o, aprs le meurtre opportun du premier mari de la reine (AndrŽ de Hongrie), elle lui marie son autre fils, Louis de Tarente ( 1362), qui doit affronter l'invasion des Anjou hongrois.
Les descendants se pareront d'un titre impŽrial de plus en plus irrŽel, tout en s'agitant dans leurs possessions en Grce propre (MorŽe) qu'ils finiront par perdre.
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Cette histoire appelle deux remarques.
1) Quoique vain en pratique, le titre d'empereur latin fait du Courtenay l'hŽritier des CŽsars romains (en concurrence avec l'empereur germanique), un Souverain, aux c™tŽs, voire au-dessus, des rois d'Europe. Sa dŽpossession ne change pas sa nature ni ses droits. Mme les filles ultimes appartiennent ˆ cet univers, dans lequel elles se marient et intriguent. Lors des tournŽes europŽennes d'un Baudoin aux abois, il est splendidement reu par Louis IX, par le pape, le roi d'Angleterre, le roi d'Espagne qui lui accordent ou promettent des secours et le traitent selon son rang Žminent. Ils sont en dette ˆ l'Žgard de ce dŽfenseur de la chrŽtientŽ romaine. A la sŽance d'ouverture du concile ÏcumŽnique de Lyon (1245), il sige ˆ la droite du pape : avec le comte de Toulouse et les reprŽsentants des rois de France et d'Angleterre, il tente d'empcher la condamnation et la dŽposition de FrŽdŽric II. La reconqute des Grecs (1261) et sa fuite ne changent pas son statut. C'est en empereur que le roi de Sicile l'accueille, scellant leur alliance par le mariage de leurs enfants.
2) Cet Žclat impŽrial rejette dans l'ombre les branches cadettes. Que Pierre II du nom soit le petit-fils de Louis le gros facilite son dŽcollage (Philippe Auguste), mais c'est par la Flandre et le Hainaut (Baudouin) qu'il devient empereur. Son ascendance royale n'est que la moindre de ses grandeurs. La dignitŽ impŽriale, obtenue via Yolande, se transmet ds lors verticalement de pre en fils. En quelque sorte, la ligne a”nŽe se sŽpare des autres. Le ms du Lignage de Coucy de Dreux, de Bourbon et de Courtenay, Žcrit en 1303 d'aprs la Chronique de Baudoin d'Avesnes, ne conna”t de Courtenay que Pierre, mentionnant seulement que son fils Baudoin a perdu l'empire, que le fils de celui-ci a laissŽ une fille qui a ŽpousŽ le frre du roi. Point final. Pas d'autre lignage qu'impŽrial. Dans la semi-officielle GŽnŽalogie de la Maison de France (1re moitiŽ du XVIIe), les frres Sainte-Marthe, historiographes du roy, feront co•ncider la fin des branches cadettes avec celle de la branche impŽriale : il n'y a plus rien aprs.
En effet, si Robert de Champignelles, le frre pu”nŽ de Pierre, ne fut pas un mince personnage, il n'appartient pas ˆ l'univers des souverains et sa lignŽe se confondra avec la gentilhommerie, ne gardant de son origine qu'un toponyme transformŽ en patronyme et le vague souvenir d'avoir ŽtŽ quelque chose.
Robert participe activement aux guerres contre Jean sans terre (1204-1206) qui aboutissent ˆ la rŽcupŽration de la Normandie et ˆ la conqute temporaire de l'Anjou et du Poitou. En rŽcompense, Philippe Auguste, son cousin germain, l'enfieffe des seigneuries de Conches et Nonancourt (en dŽfinissant minutieusement ses devoirs), qui s'ajoutent ˆ ses possessions propres (Champignelles etc.). NŽanmoins, s'il soutient le roi, ce n'est pas sans ambigu•tŽ. Philippe II affirme l'autoritŽ royale, extensivement (domaine) et intensivement ("administration"). Son long rgne opre la transition du petit roi fŽodal au "proto-monarque". Les Grands du Royaume n'apprŽcient pas et, avant leurs grandes rŽvoltes de la minoritŽ de Louis IX, exploitent les terrains encore ouverts : le roi restant ˆ l'Žcart des expŽditions languedocienne et anglaise, Robert, comme bien d'autres, avec ses chevaliers et leurs hommes, se joint ˆ la "croisade" des barons contre les Albigeois (sige de Lavaur, 1211) et, plus tard, ˆ la tentative du prince Louis de l'autre c™tŽ du Canal.
C'est surtout dans le conflit entre rois de France et d'Angleterre que, comme ses pairs, il joue une partie compliquŽe. En effet, sur le continent, les droits de ces rois, aussi enchevtrŽs qu'indŽfinis, s'affirment ou s'infirment au grŽ des combats ; dans cette vaste zone de dispute et ses alentours mouvants, la flexibilitŽ s'imposait. A l'instar de la plupart des puissants, la fidŽlitŽ de Robert est floue.
La bataille de Bouvines (1214) Žclaire, ˆ la fois, les faits et les rumeurs. La vassalitŽ est une relation plus opportuniste que le proclame son idŽaltype et, ˆ Bouvines, les "tra”tres" ne manquaient pas. Pierre, le futur empereur, avait un pied de chaque c™tŽ, l'un ˆ Nevers avec le Roi, le second avec l'Empereur en tant que comte de Namur par sa femme Yolande. Robert a flottŽ (ou en est souponnŽ) puisqu'on le trouve, aprs la bataille, inclus dans la liste des punis. Comme bien d'autres, il doit donner des rŽpondants pour cautionner qu'il servirait fidlement le seigneur roi, au mŽpris de tous biens terrestres : une trentaine de Grands s'engagent ˆ payer au total quelque 6000 marcs au cas o Robert ne tiendrait pas sa promesse. Si la victoire fut difficile ˆ obtenir ˆ Bouvines, sa liquidation le fut encore plus car elle devait apurer maints calculs lŽgitimes, dictŽs par des soucis offensifs ou dŽfensifs. Chacun savait que les intŽrts comptaient plus que les suzerainetŽs, et chacun balana entre l'Empereur Othon, le roi Jean, le comte de Flandres et le roi Philippe. Ils avaient raison avant, ils ont tort aprs, du fait de cette bataille fortuite, gagnŽe gr‰ce au recul de Jean sans terre ˆ la Roche aux Moines, ˆ 600 kms de lˆ.
Il y en avait tant, et si puissants, que Philippe, mme aprs sa victoire et l'emprisonnement de Ferrand ˆ Paris, dut les mŽnager. Le chapelain du roi, Guillaume le Breton Žcrit : ... quoiqu'il ežt pu les condamner comme coupables de lse-majestŽ, le roi ne leur infligea aucune punition, si ce n'est qu'il exigea d'eux le serment d'observer au moins ˆ l'avenir fidŽlitŽ envers lui (Le Breton, aprs la liste des prisonniers de Bouvines). Dans le nouveau rapport de forces, ce serment insincre, permet ˆ Philippe de reprendre la main.
Cela explique-t-il que Robert prŽfre l'hŽritier prŽsomptif, Louis le lion (futur VIII) dont Philippe se sert et se dŽfie ˆ la fois ? Les barons anglais rŽvoltŽs l'Žlisent Roi ˆ la place de Jean sans terre et Robert participe ˆ sa conqute de l'Angleterre (1216-1217). Il commande la dernire flotte de secours, dŽfaite ˆ la bataille des cinq ”les. NŽanmoins, les envahisseurs, s'ils perdent l'Angleterre, gagnent en rŽputation et Philippe craint que le dŽsir de rŽgner ne pousse son fils Louis ˆ entreprendre quelque chose contre lui, avec le concours de ceux qui l'ont accompagnŽ et qui regrettent de n'avoir pas ŽtŽ soutenus. Le roi exige donc encore de Robert un serment de fidŽlitŽ de le servir contre tous et sans exception (nov. 1217). Et, en 1222, Robert doit se porter garant que sa nice Mahaut, veuve et trois fois comtesse (Nevers, Auxerre, Tonnerre), obŽira ˆ Philippe et ne se remariera pas sans sa permission et contre sa volontŽ.
Louis, enfin roi (1223), le garde ˆ ses c™tŽs et le promeut bouteiller, l'un des grands offices de la Couronne, rŽmunŽrateur et prestigieux. Robert l'accompagne ˆ son expŽdition languedocienne (1226) o le sige d'Avignon se termine par le dŽpart du Comte de Champagne et la mort du roi. Toujours bouteiller sous son successeur Louis IX, Robert faisait-il partie des Grands auxquels la "rŽgence" de la reine-mre, Blanche de Castille, donne une chance de reprendre le terrain perdu ? Peut-on croire le contestŽ Varillas (1687, MinoritŽ de S. Louis, p.39) qui l'inclut dans la ligue de 1227 ? Le dernier Prince du Sang qu'attira le Comte de Boulogne, ce fut Robert de Courtenai. Il l'y trouva disposŽ par le dŽpit de ce que la branche de Dreux avoit ŽtŽ prefŽrŽe ˆ la sienne, par le mariage de l'hŽritiere de Bretagne: & l'on acheva de le gagner par les sommes de deniers Roiaux, dont on lui permit de se saisir. Une chose est sžre : Robert appartient, avec les Comtes de Boulogne, de Dreux, de Macon et le Duc de Bourgogne, ˆ la coalition de barons qui, selon l'expression de Tillemont (Vie de saint Louis), dŽclarent la guerre au comte de Champagne pour la faire au roy, attaquent et dŽvastent ˆ plusieurs reprises son comtŽ, car l'ambigu Thibaut, en trahissant ses alliŽs, a sauvŽ le gouvernement de la "rŽgente".
Indice de son implication dans les troubles, la dernire action de Robert consiste ˆ se joindre ˆ la dŽsastreuse croisade des barons que dirige ce mme Thibaut de Champagne, dŽsormais roi de Navarre, qui, ayant fait vÏu de croisade en 1238, a dž s'exŽcuter en 1239 aprs l'Žchec de sa dernire entreprise contre Louis IX. Robert y trouve la mort, avec beaucoup d'autres.
Vers 1198, il a ŽpousŽ Mahaut, Dame de Mehun, en Berry. Ils ont huit enfants vivants, dont deux filles. L'a”nŽe Žpouse le Comte de Sancerre ; la seconde, d'abord un Montfaucon, puis le Comte de Bourgogne et de Chalon. Parmi les garons, le quatrime et le cinquime seront clercs : l'un, Žvque d'OrlŽans (1258), survit ˆ la dernire croisade de S.Louis ; l'autre, Žlu archevque de Reims (1264), contestŽ mais confirmŽ par le pape ClŽment IV (1266), meurt ˆ la mme croisade (1270). Outre les avantages matŽriels et cŽrŽmoniels attachŽs au sige de Reims, son titulaire sacre les Rois. Le neveu du prŽcŽdent, archevque de 1300 ˆ 1323, aura le rare privilge de voir dŽfiler tous les fils de Philippe le Bel (Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel).
Quant aux quatre garons restant, l'a”nŽ hŽrite de Conches, le pu”nŽ de Champignelles, le suivant part ˆ la conqute du royaume de Naples avec Charles d'Anjou, et, ˆ la fin, leur dŽcs sans postŽritŽ assure Champignelles et les terres associŽes au petit dernier, Guillaume, qui n'avait rien et Žtait, comme les quatrime et cinquime fils, destinŽ ˆ l'Žglise. C'est par ce cadet que se poursuivra la lignŽe. Guillaume ( autour de1280), sera de la dernire croisade de S.Louis et participera ˆ celle (avortŽe) de son successeur (1276).
Son premier fils renonce ˆ son privilge d'a”nesse pour entrer dans l'Eglise. C'est lui qui, trente ans aprs son oncle, sera archevque de Reims (1300-1324). Le second fils, Jean, hŽrite de Champignelles et son mariage y ajoute Saint-Brion (Saint-Brisson-sur-Loire, prs de Gien). Il participe aux guerres de Philippe le bel et, par son frre, devient gouverneur du temporel de Reims. Les filles sont mariŽes trs honorablement.
A la gŽnŽration suivante, le successeur augmente son hŽritage de BlŽneau qui vient de son Žpouse. Ses trois frres sont chanoines de Reims dont l'un d'eux deviendra archevque mais dŽcŽdera la mme annŽe (1352).
La branche a”nŽe est Žteinte, et les Champignelles s'obscurcissent. DŽjˆ, quand les CapŽtiens directs disparaissent, on ne se soucie pas d'eux. La liste des vingt (princes) en ‰ge de se faire craindre dont, en 1328, Philippe de Valois devait obtenir le ralliement pour se faire roi, cite 5¡. Les Branches de Dreux & de Courtenay, dont il n'y avoit que les Ducs de Bretagne (issus des Dreux) qui tinssent rang de Princes. Voilˆ leur Žpitaphe. Et, nous le verrons, malgrŽ leurs efforts, ils ne ressusciteront pas car ils n'appartiennent plus ˆ la lignŽe qui porte la couronne.
Gibbon
Žcrit un peu trop malicieusement (il sera abondamment citŽ) : Aprs la mort de Robert, grand-bouteiller de France, ils descendirent du rang de princes ˆ celui de barons ; les gŽnŽrations suivantes se confondirent avec les simples gentilshommes, et dans les seigneurs campagnards de Tanlai et de Champignelles on ne reconnaissait plus les descendants de Hugues Capet. Les plus aventureux embrassrent sans dŽshonneur la profession de soldat ; les autres, moins riches et moins actifs, descendirent, comme leurs cousins de la branche de Dreux, dans lÕhumble classe des paysans. Durant une pŽriode obscure de quatre cents ans, leur origine royale devint chaque jour plus douteuse, et leur gŽnŽalogie, au lieu dÕtre enregistrŽe dans les annales du royaume, ne peut tre vŽrifiŽe que par les recherches pŽnibles des gŽnŽalogistes (1788, ˆ la fin du Chap. LXI de DŽclin et chute, Digression sur la famille de Courtenay).
De lÕhumble classe des paysans, on ne s'adresse pas au roi pour tre reconnu (1603) ! Si les Courtenay tombent dans la gentilhommerie et si leur origine s'obscurcit, quelque chose les pousse ˆ essayer de remonter. Il est remarquable que ces seigneurs campagnards conservent le nom de Courtenay dans leurs chartes et leurs contrats. A l'instar des Courtney anglais rŽsiduels, dŽplorant la chute de leur maison, les Courtenay franais auraient pu adopter la "devise plaintive" (plaintive motto) : Ubi
lapsus ? Quid feci ? O me suis-je trompŽ ? qu'ai-je fait (de mal) ?
En effet, les sires de Champignelles, descendants directs de Robert, ne disparaissent pas. Il
leur arrive encore de faire des mariages intŽressants et, bons barons, lorsqu'on les semond, ils rejoignent l'ost royal avec quelques chevaliers et Žcuyers. On en voit ˆ Mons-en-PŽvle (1304), Poitiers (1356), Sainte SŽvre (1371), Rosebecque, (1382) etc.
Le
dernier d'entre eux, Jean IV de Champignelles ( 1472), se distingue aux batailles de reconqute de Charles VII (Pontoise,
1441 ; Normandie, 1449)
au point de figurer dans l'Armorial de Bouvier (hŽraut et roi d'armes de Charles VII), avec, outre son Žcu (f¡24, V¡), son effigie en baron de Courtenay, monseigneur de S.Brion (f¡38, R¡). Pour financer ses entreprises militaires, il vend ses terres, l'une aprs l'autre, mme Champignelles (ˆ Jacques CÏur). Il a ŽpousŽ une fille de l'Amiral de France (Jacques, Sr de Dampierre), puis en 1444 Marguerite de Droizy, la veuve d'Etienne de Vignolles (la Hire). Il meurt en 1472 sans postŽritŽ et sans biens (mais non sans avoir dotŽ son b‰tard).
Aprs
l'extinction de la branche a”nŽe qui emporte la visibilitŽ de la maison Courtenay (1283), aprs celles de Tanlay en 1383 et d'Yerre en 1384, aprs la perte de la terre de Champignelles, est-ce le tour de la branche de Robert ?
Non, car le pre de Jean sans terre avait un frre cadet, mariŽ (1424) ˆ la riche Catherine, fille de Franois de L'H™pital, seigneur de Soisy-aux-Loges (Choisy), Conseiller & Chambellan du Roi. Lors du partage successoral (1415), ce frre a reu BlŽneau, la FertŽ-Loupire, Chevillon et autres terres. Le sans terre mort (1472), la branche BlŽneau succde ˆ celle de Champignelles. Du Tillet Žcrit : Par le decez dudit Iehan de Courtenay, pour tout heritage les pleines armes de la maison de Courtenay vindrent ˆ son oncle (1580, p. 90).
Pleines armes car, dorŽnavant, BlŽneau est la branche a”nŽe, quoique du Tillet se trompe. En rŽalitŽ, la substitution s'opre en reprŽsentation car l'oncle du sans terre Žtait mort avant lui (1460). Aprs 1472, les armes pleines passent fictivement ˆ l'oncle pour arriver ˆ son fils, cousin germain du dŽfunt. L'oncle s'Žtait employŽ ˆ reconstituer le patrimoine en rachetant la FertŽ-Loupire et en tentant de retraire Champignelles vendu par Jean IV ˆ CÏur. Les biens de ce dernier ayant ŽtŽ saisis, la procŽdure de BlŽneau l'oppose dŽsormais au Procureur du roi. La Chambre du TrŽsor rend un arrt favorable ˆ BlŽneau (11 oct. 1454) dont le Procureur appelle au Parlement : au lieu d'un jugement, nous trouvons un accord (16 aožt 1455) par lequel icelui seigneur de Bleneau eust renoncŽ ˆ ladicte sentence par lui obtenue de nosdits conseillers du trŽsor et ˆ tout procs, et aussi au retraict lignaigier par lui prŽtendu (citŽ par Buchon, 1838, Chroniques et mŽmoires du XVme sicle).
Comme
le problme qui nous occupe dŽpasse la gŽnŽalogie (cf. Annexe 2), ne discutons pas le schŽma qui justifie les Courtenay tardifs : Louis VI, Pierre (branche impŽriale), puis Champignelles, puis BlŽneau. Le premier fils de l'oncle BlŽneau poursuit cette sous-branche, le second engendre une branchette Chevillon qui survivra ˆ la prŽcŽdente et se fera prince (sans consŽquence).
En 1603, les descendants de Jean de BlŽneau supplient Henri IV de les admettre ˆ prouver la qualitŽ royale que leur obscuritŽ a fait oublier. Voilˆ, nous nous sommes absentŽs quelques sicles ! nous sommes de retour ! c'est nous ! HŽ, cousins ! faites-nous un peu de place sous les lys ! Nous aussi, nous sommes des CapŽtiens, des Robertides ! les tout derniers cadets de Louis le gros, maintenant que ce qui restait de Robert de Dreux a disparu avec la mort de Jean de Morainville en 1590 !
Le petit-fils de Jean de BlŽneau participe ˆ la "guerre folle" du c™tŽ du roi, ce qui ne l'empche pas de cultiver les Valois-OrlŽans dont le chef, Louis, devient roi par l'accident de Charles VIII (1498). BlŽneau nomme Franois son premier fils, le seul en dix gŽnŽrations de Courtenay, nŽ (1495) un an aprs celui d'Angoulme, alors que rien ne permettait de prŽvoir que les circonstances donneraient la couronne ˆ celui-ci (1515). Le jeune BlŽneau, enfant d'honneur (apprenti page) de Louis XII, fut ŽlevŽ ˆ la Cour avec son frre Esme (Edme). Lorsque Franois Ier part ˆ la conqute du Milanais, il lui donne de quoi faire son Žquipage et l'arme chevalier ˆ Marignan, sur le champ de bataille. En 1527, notre Franois Žpouse Marguerite de la Barre le plus riche parti de son temps. L'annŽe suivante le roi le fait bailli, capitaine et gouverneur dÕAuxerre, contre, dit-on, une
grande somme de deniers. Lorsque le roi se remarie (ƒlŽonore de Habsbourg, 1531), Franois est panetier de la reine. RestŽ en faveur sous Henri II, il meurt trois ans avant lui, en 1556, laissant de son second mariage (1547), un fils, Gaspar, que son bas-‰ge, la mŽdiocritŽ de ses biens et les troubles dans le royaume empchent de tirer parti de la position de son pre. C'est ce Gaspar qui, cinquante ans plus tard, prŽsidera ˆ la premire requte (1603), en tant que chef de la Maison.
Entre temps, trois choses se sont produites qui, lorsque l'occasion poussera les Courtenay ˆ revendiquer, leur fourniront tout ˆ la fois le moyen, la raison, et l'exemple.
Le moyen : la gŽnŽalogie des Courtenay tardifs a ŽtŽ validŽe (i) ; la raison : le rang suprme des Princes du sang a ŽtŽ fixŽ (ii) ; l'exemple : l'avnement de Henri IV semble attester que le sang se rit des sicles (iii).
Si les lys sont connus comme fleurs sans Žpines, ceux des Courtenay en ont, comme le note Gibbon : leur gŽnŽalogie, au lieu dÕtre enregistrŽe dans les annales du royaume, ne peut tre vŽrifiŽe que par les recherches pŽnibles des gŽnŽalogistes. Comme,
de plus, la longueur de la pŽriode multiplie les incertitudes, leur issuance restera toujours contestable. Au contraire, les Bourbon, au cours des sicles, sont restŽs grands et actifs, avec des biens considŽrables et des alliances prestigieuses au point que, mme si Henri III ne dŽclarait pas Navarre premier prince du sang, la lŽgitimitŽ de sa position successorale resterait indubitable. C'est la personne de Henri qui est rŽcusŽe, pas le droit des Bourbon, comme l'attestent les Liguards eux-mmes en prenant pour roi le cardinal Charles I, un autre Bourbon, oncle de Henri (Charles "X"), ainsi que les manÏuvres du cardinal Charles II, cousin de Henri. Quoique leur habiletŽ ˆ la Couronne remonte loin en arrire, elle est publique et notoire. Les difficultŽs sont politico-religieuses, pas dynastiques.
Au
contraire nos Courtenay n'ont pour eux qu'une tradition familiale. Les zigzags de leur descente psent moins que son obscuritŽ. Leur gŽnŽalogie Ñau demeurant difficile ˆ ŽtablirÑ est d'ordre privŽ. Il faut aller fouiller les TrŽsors des chartes des ch‰teaux familiaux pour retrouver des actes (convocations ˆ l'ost ou Žtats de paiement, partages, contrats de mariage, cautions etc.) et, gr‰ce ˆ eux, reconstituer les liens et leur succession (cf. Annexe 2).
C'est
la chance de nos sires que le quasi officiel Recueil des Rois de du Tillet les authentifie.
Les Commissaires dŽsignŽs par Franois Ier (1539) pour inventorier et mettre ˆ jour le TrŽsor des chartes du royaume ayant ŽchouŽ, le roi (1541) confie le travail ˆ Du Tillet, greffier en chef du Parlement de Paris, alors soutenu par le chancelier Poyet. Le greffier du Parlement devient celui de la RoyautŽ. En 1548, il est reconduit par Henri II dans sa fonction d' "antiquaire royal", pour fournir au roi les informations et les preuves dont il a besoin. En particulier, Henri II le charge de rassembler plusieurs choses mŽmorables pour l'intelligence de l'estat des affaires de France, savoir la gŽnŽalogie des Rois et l'Ordre du Royaume. JustifiŽ par les Registres que l'auteur a consultŽs dans le TrŽsor des Chartes, le sŽminal Recueil des Rois (1555) sera copiŽ et recopiŽ par les historiens et gŽnŽalogistes ultŽrieurs. Il ne s'agit pas d'une liste des rois comme il y en a eu depuis le XIIIe sicle (Lamarrigue, 1999) mais d'un catalogue de la famille royale.
Le chapitre dŽdiŽ ˆ Louis le gros inclut un paragraphe sur les comtes de Dreux, un sur les Dreux de Bretagne et un sur la branche de Courtenay. Lˆ, quelques pages trs denses, voire confuses, balaient la descente de Pierre, fils de Louis le gros, et, notamment, la branche de Robert de Champignelles qui dure encore en la personne du contemporain Franois de BlŽneau (dŽjˆ rencontrŽ) et de ses fils, encores mineurs d'ans, les futurs solliciteurs, Gaspard de BlŽneau et Jean des Salles (Žd. 1580, p. 90). Voilˆ leur origine certifiŽe !
En effet, l'autoritŽ de du Tillet est absolue jusqu'ˆ l'Histoire gŽnŽalogique de la maison de France des frres Sainte-Marthe (1619). Il
rŽcuse les fables et n'admet en foy d'histoire que les chartres, tiltres & autres lieux autenticques marquŽs & dattŽs... auxquels lui seul a accs.
Cependant,
nous, nous ne saurions nous contenter de cette proclamation. Nous ne pouvons exclure ni la complaisance, ni l'erreur ou l'Žtourderie car, loin de "laisser les textes Žcrire l'Histoire", du Tillet jongle avec les archives (lesquelles, au demeurant, Žtaient dans un Žtat matŽriel lamentable). Par exemple, il arrime les Saint-Simon aux comtes de Vermandois carolingiens en modifiant un document postŽrieur d'un bon sicle ˆ la dŽpossession de Eudes l'insensŽ (Boislisle, 1879, p. 385). A partir de lˆ, les gŽnŽalogistes aux gages travailleront si bien que le petit Claude de Rasse fera reconna”tre par le Roi, dans les lettres d'Žrection du duchŽ-pairie de Saint-Simon (1635), qu'il est issu en ligne directe des comtes de Vermandois. Un exemple ˆ suivre !
Le Recueil des Rois, quoique non imprimŽ, est largement connu : du Tillet en a solennellement offert le manuscrit ˆ Henri II, puis ˆ Charles IX en 1566, ce qui en a diffusŽ le contenu ˆ la Cour, et des copies ont circulŽ. Aprs sa mort (1570) le Recueil conna”t deux Žditions subreptices en 1578 (trois, en incluant la traduction latine imprimŽe en Allemagne), puis, par permission de Henri III, une premire Ždition licite en 1580. De plus, en 1579, para”t la compilation de Belleforest (Les Grandes Annales et histoire gŽnŽrale de France) qui emprunte ses Courtenay ˆ du Tillet (Livre 3, Chap. XLV).
Pour la premire fois, le chemin est tracŽ et balisŽ, de Louis le gros aux BlŽneau contemporains. Les voilˆ fleurdelisŽs. Juste au bon moment.
La royautŽ consolidŽe par Philippe Auguste, ses premiers successeurs (Louis VIII et IX), commencent ˆ distinguer leurs fils en les Žlevant au-dessus des grands seigneurs.
Une gŽnŽration aprs Philippe IV le bel, l'absence d'hŽritier m‰le Žteint les CapŽtiens directs et une ligne collatŽrale accde au tr™ne (Valois, 1328) et le conserve, non sans difficultŽs ("guerre de cent ans"). Maintenant, les cousins comptent : seigneurs du sang, ils sont successibles et, de ce fait, participent de la Couronne.
Au XVIe, le proto-absolutisme magnifie le sang royal que la disparition de la plupart des branches issues de S. Louis rend plus rare. La grandeur des Guise excite la revendication identitaire des Princes dont le rang est la manifestation et le symbole. Les rois hŽsitent ˆ trancher les multiples conflits qui, ˆ l'occasion des sacres ou du Parlement, opposent un Bourbon-Montpensier qui est du sang ˆ Guise, Nevers et Nemours, simples Ducs & Pairs.
Par le fameux Ždit de dŽcembre 1576 le cŽrŽmonieux Henri III, ˆ peine roi, rgle enfin l'ordre au sein des Pairs. Traditionnellement, le rang suivait l'anciennetŽ de la pairie, mais les Princes excipent du lien insŽparable qui les unit au Roi, n'Žtant ensemble qu'un corps et un sang. L'Edit leur accorde la prŽsŽance et les hiŽrarchise selon leur proximitŽ ˆ la Couronne. Loyseau le formulera ainsi en 1610 : les princes du sang constituent sans doute un corps ˆ part et un ordre de dignitŽ suprme, & surpassent de beaucoup toutes les autres dignitŽs de France (p. 84).
Le texte de l'Edit est le suivant : Savoir faisons que pour mettre fin aux procs et diffŽrends ci-devant avenus entre aucuns princes de notre sang pairs de France, et autres princes aussi pairs de France, sur la prŽsŽance ˆ cause de leursd. pairies, et voulant obvier ˆ ce que telles controverses et difficultŽs n'adviennent ci-aprs. [...] Avons dit, statuŽ et ordonnŽ, statuons et ordonnons que les Princes de notre Sang, Pairs de France, prŽcŽderont & tiendront Rang, selon leur degrŽ de ConsanguinitŽ, devant les autres Princes & Seigneurs, Pairs de France, de quelque qualitŽ qu'ils puissent estre, tant Žs Sacres & Couronnement des Roys que Žs Seances des Cours de Parlement, & autres...
La suprmitŽ du groupe royal suscite l'envie de s'y agrŽger. La dernire Courtenay Žcrira dans son MŽmoire au roi de 1737 (cf. infra) : Jusques-lˆ, la Maison de Courtenay n'a eu aucune dŽmarche ˆ faire, parce que jusques-lˆ elle n'a eu aucun Rang ˆ prŽtendre... L'Edit d'Henry III n'eut pas plut™t paru, que la Maison de Courtenay se crut en droit de participer aux honneurs et aux prŽrogatives attachŽs aux Princes du Sang...
Si Gaspar, le fils de Franois de BlŽneau, se trouva trop dŽmuni pour affirmer son droit au milieu des troubles du royaume, quand des Guisards "carolingiens" traitaient les CapŽtiens d'usurpateurs, tandis que des RŽformŽs contestaient la monarchie dans son principe (monarchomaques), comment, ˆ prŽsent, nos sires, authentifiŽs par du Tillet, ne se sentiraient-ils pas inclus dans cette "figure collective" de la RoyautŽ ?
Pierre, le fils cadet de Louis VI ne fut rien car, sauf l'a”nŽ-successeur, les fils de roi n'avaient aucune qualitŽ propre. Maintenant que les Princes de la couronne sont constituŽs et instituŽs, que leur dignitŽ supŽrieure resplendit, assortie d'immenses privilges, Pierre est aspirŽ rŽtroactivement, transformant ses descendants vivants en Princes potentiels. Il suffit de mettre le b‰ton carrŽ dans le trou rond pour inscrire les Courtenay prŽsents dans l'ordre royal. Le moment viendra de le tenter quand ils croiront voir dans le couronnement de Henri IV un reditus aux CapŽtiens directs, aprs la longue parenthse Valois.
MalgrŽ l'incise de du Tillet (qui dure encore), la crise de succession ouverte par l'extinction des Valois, aprs la mort d'Alenon (1584) et l'assassinat de Henri III (1589), ignore Žvidemment Gaspar, tandis que s'affrontent le jeune duc de Guise, les deux cardinaux de Bourbon, le roi de Navarre, les fils de Louis de CondŽ (le Cardinal de Vend™me et le comte de Soissons), et que les Espagnols, trs actifs dans la lutte des factions, revendiquent la couronne pour l'infante Isabelle, petite-fille de Henri II (Mousset, 1914).
Gaspar ! De quoi aurait-il l'air dans ce chaos que les plus habiles et les plus forts Žchouent ˆ ordonner depuis des annŽes ? un cavalier dans une bataille de chars ! un parapluie dans un tremblement de terre ! une bouŽe non gonflŽe dans une Žruption volcanique ! RŽdhibitoire. Gaspar qui ? Gaspar combien ? En tant que personnes, les BlŽneau sont peu connus. En tant que maison royale, ignorŽs. En tant qu'acteurs politiques et militaires, inexistants. D'ailleurs, loin de manquer de prŽtendants, il n'y en a que trop !
Mais, aprs le couronnement de Henri IV et la pacification du royaume, les BlŽneau-Chevillon se comparent au Bourbon dŽsormais rŽgnant. A l'origine des premiers Bourbon (resp. premiers Courtenay), un Aymard du Xe sicle (resp. Athon). Ces Maisons finissent en quenouille : BŽatrice de Bourbon (resp. Isabeau de Courtenay). La grenouille se transforme en princesse par le baiser d'un mari royal : Robert de Clermont, fils cadet du Roi Louis IX (Pierre, fils cadet de Louis VI), Žpouse BŽatrice (Isabeau) et, par substitution, devient Bourbon (Courtenay).
Aymard... BŽatrice × Robert, fils de Louis IX = Bourbon royaux
Athon... Isabeau × Pierre, fils de Louis VI = Courtenay royaux
Si, en 1598, la lŽgitimitŽ du successeur remonte aussi loin que le XIIIe sicle et aussi haut en amont de la gŽnŽalogie royale, pourquoi exclure le XIIe ?
En effet, tant l'Edit de Henri III que l'avnement de Henri IV illustrent la transcendance du sang royal. Le Bourbon, aussi distant soit-il du dernier roi, partage le mme sang, d'une telle excellence qu'il absorbe et dissout tous les sangs collatŽraux qui s'y sont mlŽs au cours du temps. Puisque ce sang sacrŽ est perpŽtuel, le droit de nos sires doit tre reconnu. En un sens, ils ont raison. Loyseau dira, aprs Balde : hŽrite de la Couronne le dernier parent le plus proche, fžt-ce au millime degrŽ ! Les Courtenay rŽsiduels, sŽduits par cette illusion, se seraient peut-tre contentŽs de la caresser et de s'en flatter si, en 1602, le zle d'un Commissaire dŽputŽ pour la recherche de la noblesse de l'Election de Melun n'avait pas manquŽ de respect ˆ [leur] naissance.
En effet, au dŽbut de son rgne (1598), Henri IV ayant appris que durant les troubles il s'Žtait fait quantitŽ de faux Nobles qui s'exemptaient de la taille, il ordonna qu'il en serait fait recherche (PŽrŽfixe, 1662). Un Commissaire assigne donc Esme (Edme), le fils a”nŽ de Gaspar, ˆ communiquer ses titres de noblesse. Edme rŽpond qu'il n'a rien ˆ justifier, puisque d'extraction royale. IncrŽdule ou obstinŽ, le Commissaire le poursuit devant la Cour des Aides qui l'oblige ˆ satisfaire ˆ la preuve comme les autres gentilshommes. Gaspar se plaint au Chancelier qui rŽprimande la Cour et annule la procŽdure. Mais, craignant l'insolence des magistrats, nos sires cherchent ˆ s'en protŽger pour l'avenir en obtenant une attestation publique de leur Žtat royal. C'est la demande solennelle au roi de les reconna”tre pour Princes de la Maison de France (15 janvier 1603). Le moment para”t propice car, jusqu'ˆ 1601 (naissance du premier hŽritier), le roi se trouvait fragilisŽ ; il devait maintenir ˆ lÕŽcart les princes du sang qui risquaient de servir de caution aux mŽcontents et de leur para”tre des successeurs Žventuels. Dans ces conditions, lÕappartenance ˆ la famille royale pouvait sembler un handicap (Jouanna, 2022).
Libellus Supplex Regi oblatus ˆ Dominis de Courtenay, 15. Ianuarij 1603, sic signatum: Gaspardus, Jacobus, Ioannes, Renatus, Ioannes. La requte est assumŽe, dans l'ordre, par 1) l'a”nŽ de la maison a”nŽe, Gaspard (Gaspardus) de BlŽneau ; 2) celui de la maison cadette, Jacques (Jacobus) de Chevillon ; 3) le frre de Gaspard, Jean des Salles (le premier Ioannes) ; 4 & 5) ceux de Jacques, RenŽ (Renatus), abbŽ des Eschalis, et Jean de Frauville (le second Ioannes) que la mort de Jacques en 1617 fera Chevillon.
Dernier de la liste, ce Jean est le moteur de l'entreprise : il servit le roi Henri IV dans ses guerres, depuis le commencement de son rgne jusqu'ˆ la paix de Vervins : ce fut celui de toute sa famille qui agit avec plus de vigueur durant plusieurs annŽes pour obtenir le rang dž ˆ leur naissance (Moreri, 1718, T2, p 589). C'est lui, plus tard, qui passera en Angleterre avec son cousin Jean des Salles, croyant obtenir par CondŽ ce que le roi refuse.
Le texte de 1603 affirme
leur appartenance ˆ la Maison de France, honneur que la nature leur a donnŽ par le droit de naissance, garanti par la Loi de ce royaume et l'ordre perpŽtuel de cet Etat. Ils supplient le roi d'avoir pour agrŽable qu'ils lui puissent reprŽsenter leur naissance et l'Žtat de leur fortune indignement abaissŽe et comme ŽtouffŽe.
Reconnaissant que V.M. sait beaucoup mieux qu'eux-mmes ce qui est convenable ˆ la dignitŽ de la maison de France de laquelle ils ont l'honneur d'tre, ils demandent la permission de reprŽsenter leur naissance mais, dans le mme temps, l'ŽnoncŽ est performatif puisqu'il proclame leur royalitŽ : ils ne sollicitent pas une faveur, ils requirent de la bontŽ droiturire de Sa MajestŽ la rŽparation d'une injustice.
Ils placent le roi devant une alternative indŽcidable : ou bien, nous considŽrer comme imposteurs et nous punir, ou bien nous reconna”tre. La hache ou les lys ! Tout le monde alors se souvient de Franois de La RamŽe, exŽcutŽ (1596) pour s'tre prŽtendu fils de Charles IX. L'exemple (quoique trs particulier) sera abondamment utilisŽ dans l'argumentation ultŽrieure.
Le chancelier leur dit qu'ils ne devoient point presser le roi sur cette affaire ; que leur qualitŽ Žtait assez connue, & que leurs pres s'Žtant contentŽs de la situation o ils se trouvoient eux-mmes, ils ne devoient point aspirer ˆ de plus grandes prŽrogatives. Cette rŽponse ne les satisfit pas; ils rŽpondirent que si leurs pres n'avoient rien demandŽ, c'est que personne ne s'Žtoit avisŽ de contester leur Žtat... (Recueil de pices sur la maison de Courtenai, imprimŽ ˆ Paris en 1613).
Voilˆ nos Courtenay passŽs ˆ l'action. Nous verrons leur ambition soutenue (stimulŽe ?) par de grands personnages qui, par eux, donneraient une couleur capŽtienne ˆ leur ascendance : Sully et Richelieu, appuyŽs sur les "preuves" et panŽgyriques dont fait commerce l'historiographe Du Chesne, aussi accommodant qu'inŽpuisable. Ces patronages ne suffiront pas mais leur donneront une posture de "mŽconnus" dont ils sauront tirer profit.
La requte de janvier 1603, interceptŽe, ŽgarŽe ou ignorŽe, est rŽitŽrŽe un mois plus tard, puis ˆ nouveau en dŽcembre, et encore aprs, ˆ l'initiative de Jacques de Chevillon, poussŽ par son frre Jean. Jacques avait participŽ aux guerres catholiques (sige d'Issoire en 1577, sige de la Fre en 1580) et, gentilhomme de la chambre du Roi Henri III, il aurait dŽjˆ essayŽ de le convaincre. Son pre, Guillaume, ( 1592) a ŽtŽ le premier ˆ mler sur son tombeau dans l'Žglise de Chevillon les armes de France et de Courtenay, avec l'inscription ci-g”t illustre seigneur de sang royal.
Le Conseil du Roi examine la requte le 6 fŽvrier 1604 et ne dŽcide rien. Nouveau mŽmoire, nouvelle remontrance au Roi (7 janvier 1605). Nos sires obtiennent et rassemblent les avis des jurisconsultes de toute l'Europe (1607, De Stirpe) et, sur cette base, prŽsentent une nouvelle requte le 22 janvier 1608. Le chancelier (Silleri) l'adresse au Procureur gŽnŽral pour avis des avocats gŽnŽraux au Parlement. Aprs le rapport du Chancelier au Roi, les Courtenay sont avisŽs de laisser lˆ leur affaire. La porte leur claque au nez.
Nos sieurs, ulcŽrŽs, menacent de se retirer hors du royaume. Le Chancelier comprend qu'ils rejoindraient une Cour Žtrangre o, protestant de leur dignitŽ mŽprisŽe et de l'injustice subie, ils recevraient le soutien de tel ou tel compŽtiteur externe ou interne (comme il adviendra en 1614) ; au lieu d'Žtouffer l'affaire, l'exil l'aggraverait. Aussi le Chancelier se calme et les calme. Il promet de prŽsenter ˆ nouveau leurs observations au Roi : nouveau mŽmoire, nouvelle remontrance (14 juin 1608). Le Roi s'abrite derrire l'importance du cas pour le renvoyer ˆ un Grand Conseil solennel o opineraient les Princes, les PrŽsidents du Parlement et plusieurs personnes notables, Grand Conseil qui ne se rŽunira jamais. Que ceux de Courtenay, [disent les malveillants] soient du sang royal, qu'ils soient de la maison de France tant qu'ils voudront, mais qu'ils ne soient point reconnus.
Regardons de plus prs ce De stirpe qui constitue leur artillerie lourde.
Pour combattre les hŽsitations du Roi et les manigances de leurs ennemis, nos sieurs, ds le dŽbut, se sont attachŽs un des fils de du Tillet, Elie (Discours sur la gŽnŽalogie et maison de Courtenay: issue de Louys le Gros, sixiesme du nom, Roy de France, Paris 1603 ; ReprŽsentation du mŽrite de l'instance faicte par Messieurs de Courtenay pour la conservation de la dignitŽ de leur maison, 1603).
Dans le recueil de 1607 dont l'Žditeur est Castrain (L'Estoile, Žd. 1881, T.9, p 67), un homme de lettres ˆ tout faire, nos sieurs prennent l'Europe entire ˆ tŽmoin en s'adressant ˆ elle dans sa langue commune, le latin. Non sans efforts ni dŽpenses, ils se font approuver par vingt professeurs et jurisconsultes Žtrangers, de Bologne ˆ Heidelberg, en passant par le Danemark, qui, la plupart docteurs in utroque jure, rŽdigent (ou signent) une sŽrie d'arguments bibliques et romains. Ce spicilge de plus de mille pages, imprimŽ in-8o ˆ Paris, empile les justificatifs : De stirpe et origine domus de Courtenay quae coepita Ludouico Crasso huius nominis sexto Francorum Rege Sermocinatio - Addita sunt responsa celeberrimorum Europae Iurisconsultorum (Discours sur les racines et origines de la maison de Courtenay qui commena ˆ Louis le Gros, sixime roi des Francs - avec les rŽponses des plus cŽlbres jurisconsultes d'Europe), redoublŽ d'un "mŽmo" d'Elie du Tillet pour le Grand Conseil : ReprŽsentation du procŽdŽ tenu en l'instance faicte devant le roy par Messieurs de Courtenay pour la conservation de l'honneur de leur maison & droit de leur naissance. Ensemble les noms des docteurs & iurisconsultes qui ont estŽ consultez sur ce subiect auec un resultat abregŽ des advis qu'ils en ont donnŽ, Paris, 1608.
Le De stirpe se compose d'un discours introductif d'environ 200 pages, suivi des consultations, chacune foliotŽe ˆ part. Les 19 premires, entre 10 et 30 pages, proviennent principalement d'Italie, sans que nous sachions quelle est l'autoritŽ et la notoriŽtŽ de leurs auteurs. La vingtime compte 298 pages ! Allant dans tous les recoins de la discussion, ce vŽritable traitŽ a (aurait ?) pour auteur Dionysius Gothofredus, primaris juris professor Heidelbergae. C'est Denys I Godefroy (1549-1622) : docteur en droit de l'UniversitŽ d'OrlŽans et converti ˆ la RŽforme, il Žmigre ˆ Genve en 1579 o il ouvre un cours de droit. Il est cŽlbre pour son Ždition commentŽe de la codification de Justinien (Corpus juris civilis). En 1600, alors que Henri IV en fait l'un des six conseillers protestants au Parlement de Paris, il prŽfre se laisser attirer ˆ Heidelberg par l'Žlecteur palatin. S'y dŽplaisant, il rejoint l'universitŽ de Strasbourg, alors foyer de lumires et de vertus. En 1604, Henri IV lui propose vainement la chaire de droit romain vacante ˆ Bourges depuis la mort du grand Cujas. Il choisit de retourner ˆ Heidelberg. Ce spŽcialiste reconnu, ami et cousin du PrŽsident De Thou, jouit de l'estime du roi. Son nom a du poids.
Voyons rapidement les trois parties de ce de stirpe : l'introduction, les 19 consultations et celle de Godefroy.
* Le rŽdacteur (Castrain) lance un dŽfi (p. 111) : Si falso, puniendum; si vere, non negandum (si c'est faux qu'on nous punisse, si c'est vrai, qu'on cesse de nier). Le Roi ne peut ni l'un ni l'autre. Et, bient™t, les Courtenay apprendront ˆ tirer parti de ce dilemme.
L'introduction reprend les suppliques prŽcŽdemment adressŽes au Roi et rŽcapitule les dŽmarches effectuŽes. La partie dŽmonstrative, basŽe sur le Recueil de du Tillet pour la gŽnŽalogie, reprend les principaux arguments en faveur des Courtenay. Le fructueux parallle avec la maison de Dreux est dŽveloppŽ en dŽtails, et leur changement de nom discutŽ ˆ l'infini : Pierre et Robert, les deux fils cadets de Louis le Gros, sont tout aussi royaux que l'anctre des Bourbon, le sixime et dernier fils de St Louis, Robert de Clermont ; seulement, ce dernier, quoique devenu Bourbon par son mariage avec l'hŽritire de cette Maison en 1272, a maintenu sa "royalitŽ" en gardant les fleurs de lis dans ses armes. RŽsultat : aujourd'hui ses descendants rgnent, tandis que, faute de cette prŽcaution, la royalitŽ des Dreux et des Courtenay s'est dissoute. Pourtant, leur changement de nom et d'armes ne devrait pas compter : lorsque quelqu'un acquiert une terre (achat, hŽritage, mariage, don), il la prend en surnom. D'innombrables exemples l'attestent. Le "surnom" initial finit par servir de nom aux descendants (mme si, comme nos Courtenay, la terre toponymique leur Žchappe). Ces surnoms ne signifient rien, seules les qualitŽs importent (fils a”nŽ de..., fils de..., frre de..., unique hŽritier de..., hŽritier de..., seigneur ou dame de...) et elles ne se perdent pas quand le nom change. Il s'ensuit que la transformation de Pierre, fils de Louis VI, en sire de Courtenay ou de Robert en comte de Dreux n'a pas affectŽ leur essence. On peut donc les nommer rŽtrospectivement Pierre ou Robert de France.
Plus subtilement, la rŽfŽrence ˆ Dreux rehausse Courtenay par ricochet. Puisque les Maisons de Dreux et Courtenay ont le mme sort, la premire parle de la seconde. Or, avant que, ˆ la fin du XIVe sicle, la Couronne rachte leur comtŽ, les Dreux ont appartenu au Conseil des Pairs, jouŽ un grand r™le, rŽgnŽ sur la Bretagne, et les chroniques mentionnent leurs hauts faits (et mŽfaits). Les Courtenay ressemblent aux Dreux, la chance en moins !
Voyons maintenant les consultations des docteurs.
* Quoique diverses, toutes postulent l'origine royale des Courtenay, prouvŽe par les historiens (du Tillet), l'opinion commune (fama), et les monuments (tombeaux etc.). La discussion porte sur les droits qu'elle confre. Le thme principal des auteurs est que le sang ne se perd pas. Il se conserve in perpetuum, in infinitum : ˆ travers les gŽnŽrations, le sang royal coule toujours et continuellement de l'une ˆ l'autre (Nam jus sanguinis & consanguinitatis Regiae, de quo agitur, semper & continuo fluxit ab uno in alium, avis N¡7, p 5). Que le sang vienne de loin, voire de trs loin, il n'en est pas moins royal (ut si remotus, imo remotissimus, tamen Regius est, avis N¡20, p 253). Qu'il n'ait pas ŽtŽ revendiquŽ avant ne compte pas, le silence (taciturnitas) ne disqualifie pas, parce que le sang et la nature sont perpŽtuels (propter sanguinis perpetuitatem & naturae, avis N¡15, p. 11 sq.) : que pendant longtemps on ne pche pas dans une mer, n'empche pas de lancer son filet un jour (etc.). Quiconque possde un droit peut le rŽclamer.
* Le long factum de Godefroy se divise en trois parties :
I. Le sang est-il prouvŽ? (32 pages) : oui.
II. Qu'apporte-t-il ? (50 pages) : tout.
III. RŽponses aux objections (207 pages) : en vrac, il y en a vingt (dont plusieurs redondantes) qui reoivent une attention variable, la plus farfelue (la 4e) Žtant longuement traitŽe :
1. ils n'ont pas portŽ de noms ni d'insignes royaux (nomen non ferre), 2 pages
2. ils n'ont rien dit jusqu'ˆ prŽsent (silentium), 10 pages
3. ils s'appuient sur de faux titres (falsos titulos), 3 pages
4. exhŽrŽdation par S.Louis pour refus de la rŽversion des apanages, 34 pages
5. praescriptionem & non usum, 38 pages
6. comme leurs anciens, ils doivent s'en tenir ˆ une vie privŽe et s'abstenir de revendiquer, 14 pages
7. principis nomen, gradum & titulum jamais usŽs jusqu'ˆ maintenant, 13 pages
8. leurs anctres n'Žtaient pas tenus pour princes, 14 pages
9. on ne peut leur attribuer la qualitŽ royale car le sang royal est natif, pas datif (Fieri regis agnati non possunt: debent enim nasci, non fieri), 2 pages
10. la Couronne n'a pas besoin des Courtenay, 5 pages
11. il n'est pas opportun de reconna”tre de nouveaux princes (novos enim principes agnosci, non expedire), 5 pages
12. la simple noblesse leur suffit (maneant itaque nobiles tantum, nec principis titulum illustrem affectent), 12 pages
13. paupertas, 14 pages
14. leur origine est trop ancienne (vetustior), 3 pages
15. leur sang est trop lointain, 7 pages
16. on ne manque pas de princes et cela cožterait trop cher d'en ajouter, 16 pages
17. leur reconnaissance serait dommageable pour la chose publique, 3 pages
18. l'intŽrt de l'Etat prime celui d'une famille (utilitatis publicae potius habenda est ratio, quam unius duntaxat familiae), 12 pages
19. en Angleterre et en Castille, on reconna”t la naissance royale sans attribuer de ressources, 4 pages
20. les Courtenay n'ont pas ŽtŽ capables de protŽger leurs possessions, 1 page.
Sans qu'on sache quel intŽrt Godefroy prend au cas, la dernire phrase de la conclusion est celle qu'on attend (p. 298) : Tout cela ainsi posŽ, dŽduit et prouvŽ, il faut conclure selon le jugement des experts : Que les seigneurs de Courtenay, ayant prouvŽ leur origine royale par des moyens lŽgaux, doivent tre dŽclarŽs et reconnus comme princes du sang royal, afin qu'ils puissent jouir des titres, rangs et honneurs de la reconnaissance royale malgrŽ les allŽgations de leurs adversaires.
His omnibus ita positis, deductis, et probatis (saluo tamen quod dici solet, peritiorum judicio) videtur concludendum; Dominos de Courtenay agnationem suam regiam modis legitimis comprobasse, regis sanguinis principes dŽclarandos et agnoscendos esse, ut titulis, gradibus, et honoribus agnationis regiae fruantur: non obstantibus adversariorum allegationibus in hac controversa deductis.
Le Roi ne se laisse pas impressionner par Godefroy. Il n'accepte ni ne refuse une requte dont il regrette l'existence et qu'il voudrait oublier. S'il n'est pas sourd au cri du sang, la na•vetŽ de celui-ci heurte l'Žvolution institutionnelle et "iconique" de la royalitŽ. Le sang royal de nos sieurs est appauvri : ils ne sont pas Bourbon, leur anctre ne naquit pas Prince puisque la position n'existait pas, ils n'ont rien exŽcutŽ depuis qui aurait manifestŽ la vertu de leur sang. Ils ressemblent ˆ une vieille pice romaine en cuivre : on s'incline devant sa raretŽ, elle n'a pas cours et ne vaut rien en tant que monnaie. En outre, promouvoir une Maison pauvre serait cožteux : pour ne pas dŽshonorer la Couronne, il faudrait les mettre en capacitŽ de tenir leur rang, donner pensions, provinces, charges etc., suscitant ainsi des jalousies, le tout inutilement puisque la Couronne ne manque, alors, ni de fils ni de princes du sang.
On comprend aisŽment que le Roi n'accepte pas cette requte venue du fond des temps, on s'Žtonne qu'il ne la rejette pas. Certes, Henri IV prŽfre promettre et ne pas tenir plut™t que refuser, sachant que les cadeaux espŽrŽs rendent plus fidles que les cadeaux reus. Et quant au fond, le Roi ne peut ni dŽnier son sang ni avouer le leur : ces gens ne comptent pas, ne reprŽsentent rien, ne psent rien en termes de pouvoir, de biens, d'influence, de places fortes, de commandements, de rŽseaux et d'alliances Žtrangres. MoitiŽ par force, moitiŽ par rhŽtorique, ils l'avouent ds la premire requte : les armŽes, les forteresses, les partisans qui accompagnent cette juste requte sont la juste confiance qu'ils ont de votre bontŽ & justice, l'humble submission... & les trs humbles supplications que la Loi perpetuelle de votre royaume vous prŽsente pour eux...
Et, surtout, pense et dit le Roi, cette petite affaire est de grande consŽquence.
D'abord, voilˆ une noveletŽ. Jamais un tel "procs en paternitŽ" n'a ŽtŽ ouvert (et jamais il ne le sera). Ces sieurs sortis de l'ombre demandent ˆ tre reconnus pour se faire conna”tre ! Et derrire eux, combien de rejetons oubliŽs de branches Žteintes vŽgtent-ils dans les marges des arbres gŽnŽalogiques ? et, parmi ceux-ci, combien d'inavouables ? combien de redoutables ?
Le sang ! Quel sang ? Le sang royal est Bourbon (et le sera de plus en plus). Et le sang ne fait pas tout. La nature ne suffit pas. L'infertile Henri III n'a pas osŽ transmettre la couronne ˆ son favori, fils b‰tard de son frre Charles IX, Charles d'Auvergne, qui, plus tard paiera cher sa participation au complot d'Entragues (1604) visant ˆ promouvoir la royalitŽ du fils de Henri IV et Catherine, le petit Henri Bourbon-Verneuil. Si Henri IV lŽgitime ses b‰tards et leur accorde honneurs et prŽŽminences, ils sont fils du roi, non pas fils de Roi. Le mieux nanti, CŽsar Monsieur, duc de Vend™me, se verra accorder (15 avril 1610) un rang intermŽdiaire, au-dessous des princes du sang, au-dessus des ducs-pairs et princes Žtrangers.
Nos sieurs ont quelque chose de suspect. Quand bien mme on admet leur descente, les malheurs et la longueur des temps ont ab‰tardi leur sang. Ils ne peuvent tre relevŽs que par une espce de lŽgitimation. On ne peut se contenter de les appeler "cousins" et de leur donner quelques cadeaux car les droits privŽs ne se dissocient pas des droits publics : tout vrai cousin royal relve de la Couronne. Or la gestion des Princes du Sang constitue une gageure, on ne cesse, on ne cessera de le constater. Il en faut pour alimenter le rŽservoir de successeurs qui garantit la continuitŽ de l'Etat. Mais ce rŽservoir bouillonne et dŽborde trop souvent. Leurs droits constitutionnels Žchauffent les successibles et transforment les frres du Roi, le dauphin, les cousins, en compŽtiteurs. S'ils n'y pensent pas d'eux-mmes, des malcontents brandissent leur drapeau contre le Roi rŽgnant. Toute l'histoire de France montre et montrera que ce mal nŽcessaire reste un mal. Alors l'empirer ? en rajouter ? Le premier effet sera de mŽcontenter les autres.
Et de quelle autoritŽ en rajouter ? Lorsque, en 1571, Charles IX a "reconnu" le Duc de Longueville, ce descendant du grand Dunois, ce fut en tant que Prince du Sang de la Maison d'OrlŽans, prenant rang aprs les Princes du Sang de sadite MajestŽ. Le Roi dŽclare que, l'ayant trouvŽ au rang des Princes, il ne pouvoit lui ™ter cet honneur. Inversement, il n'aurait pas pu le lui donner. Aprs l'assassinat de Henri III, on a vu les Guise, presque rois, dŽboutŽs par les droits des Princes du Sang qu'ils ne pouvaient pas devenir car cet Žtat n'est pas "datif". Les souvenirs de la Ligue sont encore vifs, les Guise toujours lˆ, toujours puissants, la Lorraine "carolingienne" toujours entre France, Empire et Espagnols.
L'Estoile attribue ˆ ces dangers la prudence de Henri IV : ils [les Courtenay] ont jˆ fait par plusieurs instances et requestes. Lesquelles, combien que Sa MajestŽ ait acceptŽes et trouvŽes raisonnables, si n'en a-il encores rien dŽclarŽ ni prononcŽ, les prŽtentions de ceux de la maison de Lorraine, qui ont tant suscitŽ de remuemens et brouillis en son Roiaume, le retenans de faire justice ˆ ces seigneurs (MŽmoires-journaux, Žd. 1881, T9, p 67 ˆ propos du De stirpe).
Contre Guise, mais ˆ la suite d'une longue cristallisation, s'est imposŽ le "mythe historique" des descendants de St Louis (dont les Bourbon sont les derniers). Le sang lignager vient de Hugues "Capet", le sang divin de St Louis (cf. conclusion). Reconna”tre les Courtenay ferait sauter ce verrou.
Capet demeure le gnant anctre, l'aventurier que tout le travail d'image de la royautŽ depuis Philippe le Bel a consistŽ ˆ estomper. Et voilˆ que, comme des chiens fous, nos sieurs dŽboulent dans ce jeu de quilles enfin rangŽes, criant "et nous ?", "et le Gros !" et "Capet !". Ne voient-ils pas que Jean-Baptiste n'est pas JŽsus ? qu'il ne faut pas confondre le prophte et le messie ? les prŽcurseurs et les descendants ? Nos sieurs viennent comme le souvenir douloureux d'une jambe amputŽe. Ils portent avec eux l'usurpateur capŽtien qu'on cherche ˆ oublier. On comprend que l'affaire de nos sieurs apparaisse de grande consŽquence. N'ouvrons pas cette bo”te, nul ne sait ce qui en sortirait, aujourd'hui et plus tard.
Ces raisons de fond sont amplifiŽes par une circonstance : Sully soutient la prŽtention des Courtenay dans l'espoir de se rehausser lui-mme. Or, si le roi a besoin de lui et l'appelle parfois mon ami, il ne souhaite pas transformer en cousin ce ministre dont les ambitions dŽmesurŽes l'inquitent.
Quel rapport entre Sully et Courtenay ? En 1583, Maximilien, alors pauvre guerrier huguenot vivotant avec ses frres de la maigre terre de Rosny, commence sa fortune en Žpousant Anne de Courtenay, dame de Bontin, elle-mme huguenote, qui sera la mre de son premier fils (Maximilien II). Dans ses MŽmoires, Rosny, devenu duc et pair etc., publiera que, amoureux d'une autre, il suivit le conseil de raison de son homme de confiance qui le pousse vers Anne en lui disant : Monsieur tournez votre cÏur ˆ droit: car lˆ, vous trouverez des biens, une extraction Royalle et bien autant de beautŽ lorsqu'elle sera en ‰ge de perfection (Îconomies, 1638, Žd. 1664, T1, p 57).
Pour la suite, lisons Le Laboureur (Additions aux mŽmoires de Castelneau, Paris, 1659, T2, p 688) : Sully, restaurateur de sa maison et quasi homme nouveau, fut longtemps ˆ fixer son extraction... Ange Capel, sieur du Luat, plus cŽlbre pour sa tŽmŽritŽ que pour sa doctrine, luy mit cette impression en la tte au sujet des Princes de Courtenay, dont ce Duc favorisoit les droits ˆ cause d'Anne de Courtenay sa premire femme, & fit une Genealogie pour le faire descendre de l'AinŽ de la Maison de Courtenay, qui nuisit dautant plus ˆ la cause qu'il protŽgeait, que le Roy Henry IV. qui commenoit ˆ se laisser persuader par la quantitŽ des Titres de la Maison de Courtenay, s'offensa de sa prŽtention & n'en voulut plus oŸir parler: & ainsi pour avoir voulu mler la Fable avec la VeritŽ par l'indiscrŽtion de cet Auteur, il rendit vain ce grand amas de pices justificatives dont les Princes de Courtenay espŽraient leur rŽtablissement.
Gaspard de BlŽneau meurt le 5 janvier 1609. Il a prŽparŽ son apothŽose en donnant pour instruction ˆ sa seconde Žpouse d'Žriger dans l'Žglise de BlŽneau, pour lui et la premire ( 1604), un monumental tombeau, avec leurs effigies ˆ genoux, vtues d'un grand manteau bordŽ de fleurs de lys et doublŽ d'hermines, les armes de Courtenay ŽcartelŽes ˆ celles de France et surmontŽes d'une couronne relevŽe de fleurons et de fleurs de lys L'inscription de Madame porte: ci g”t Mme EmŽe du Chesnay, en son vivant femme et Žpouse du Trs Haut & Trs Illustre Seigneur du Sang Royal de France, monsieur Gaspard de Courtenay. La sienne, plus circonspecte, se limite ˆ : ci g”t Trs Haut & Trs Illustre Prince Monseigneur Gaspard de Courtenay, seigneur de BlŽneau etc. Ce dŽfi posthume affiche les armes princires, combinant Courtenay et France, avec trois fleurs de lys en 1 et 4, et les trois tourteaux en 2 et 3.
Le fils de Gaspard, Edme, lui succde comme chef de la Maison. LassŽ des longueurs & du silence de la Cour, il se resolut de donner quelque relache ˆ ses poursuites, puis qu'elles Žtoient rendues inutiles auprs du Roy, par ses ennemis & les envieux de la grandeur de sa Maison, et avant que de les cesser, il presenta encore ˆ sa MajestŽ avec son Oncle & ses Cousins de Chevillon & de Frauville, une Requte en forme de Remontrances [9 mars 1609], qu'ils luy donnerent en main propre...
Sans renoncer, ils suspendent leur action, attendant des circonstances plus favorables. Le Conseil n'ayant jamais ŽtŽ assemblŽ, MM de Courtenay, las de solliciter inutilement, se dŽsistrent de leur poursuite sans cesser de soutenir qu'elle Žtait juste et lŽgitime. Peut-tre la mort de Gaspard cl™t-elle ce chapitre. Peut-tre comprennent-ils (ou les force-t-on ˆ admettre) qu'ils n'arriveront ˆ rien.
Depuis maintenant plusieurs annŽes, nos sieurs, ˆ Paris, sollicitent, s'agitent et dŽpensent beaucoup d'argent et d'efforts. Ils concluent ainsi cette Remonstrance de Messieurs de Courtenay, avec protestation de leur droit & origine par eux mise entre les mains du Roi :
Sire, vos trs-humbles et trs obŽissants sujets et serviteurs ceux de la Maison de Courtenay, supplient trs-humblement V.M.... ils lui reprŽsentent avec toute humilitŽ l'Žtat de leur condition: combien de devoirs ils ont rendu depuis six ans pour requŽrir sa protection et sa justice, et la nŽcessitŽ ˆ laquelle ils sont aujourd'hui portŽs pour n'en avoir pu seulement l'obtenir l'ouverture. Dieu leur a fait cette gr‰ce [...] de les avoir fait na”tre du Sang Royal de France...
Ils ont requis votre justice et votre protection pour le droit de leur Sang et de leur Origine, et pour tre maintenant en ce qui lŽgitimement leur appartient. Ils ont pour cet effet prŽsentŽ six Requtes ˆ V.M., qu'ils ont plusieurs fois suppliŽe d'avoir Žgard ˆ leur longue poursuite en laquelle ils ont continuŽ six ans...
Et voyant que leurs malveillants continuaient toujours de tenir votre justice en suspens pour nouveaux divertissements... ils ont reprŽsentŽ ˆ V.M. [...] que si l'on prŽtendait quelque intŽrt ˆ leur demande, ou que l'on pensait avoir quelques raisons ou moyens lŽgitimes selon le droit et les lois de votre royaume pour empcher la reconnaissance qu'ils requirent, il lui plžt de commander que sa justice fžt indiffŽremment ouverte...
Tout cela ne leur ayant rapportŽ, au lieu d'une protection assurŽe et de la justice dont ils avaient eu confiance, qu'une perte de temps et d'y avoir consommŽ inutilement ce qu'il leur restait de biens, ils supplient V.M. qu'il lui plaise de leur pardonner si [...] ils protestent aujourd'hui de leur droit, et que vŽritablement ils ont cet honneur d'tre lŽgitimement issus en ligne masculine continuŽe de pre en fils du roi Louis le Gros et, en consŽquence de ce, naturellement Princes de votre Sang. Que cet honneur leur est naturel, acquis et fait propre de naissance ˆ un chacun d'eux par le droit du Sang ; et que pour ce avec la mme humilitŽ et rŽvŽrence, ils protestent de jamais ne s'en dŽpartir...
Lˆ-dessus, ils se retirent dans leurs terres.
Et tout rebondit quelques mois plus tard en raison de l'accident arrivŽ en la personne de Monsieur de Courtenay BlŽneau sur le fait de la mort du Baron de la Rivire.
En 1600, Edme de Courtenay fut mariŽ ˆ Catherine du Sart, veuve de Claude de Saint-Phalle ŽpousŽ en 1586 (dont 3 enfants). Edme Žtait de dix ans plus jeune. Leur mariage produit Isabelle (1601) et Gaspard (1602). En 1609 Madame a dŽpassŽ la quarantaine. On ne sait rien de sa sagesse, ni des circonstances qui l'abandonnrent au jeune Franois de la Rivire-ChamplŽmy, ni du hasard qui permit ˆ Edme d'intervenir si vite.
Les Courtenay restant discrets sur l'accident survenu ˆ M. de BlŽneau, empruntons le rŽcit aux lettres que Malherbe Žcrit ˆ son vieil ami Peiresc (Lettres de Malherbe, Žd. 1822, p 84-85) :
ce lundi 17 d'aožt 1609. Il y a un nommŽ Courtenay-Blesneau qui a vengŽ le cocuage cruellement. C'est un de ces Courtenay que vous savez qui prŽtendent d'tre dŽclarŽs princes du sang...
ce 23 d'aožt 1609. Je vous avois Žcrit dernirement que le sieur de Courtenay-Blesneau avoit tuŽ un monde de gens en sa maison; mais enfin il s'est trouvŽ qu'il n'a tuŽ que ce La Rivire, qu'il souponnoit d'adultre avec sa femme, et un portier qui fut un peu long ˆ lui ouvrir la porte, et lui donna la peine de la rompre. Tandis que l'on employa le temps ˆ cela, la dame descendit par une fentre, et au travers des fossŽs du ch‰teau se sauva au village chez un greffier. Le galant en pensa faire de mme, mais il fut tuŽ ˆ coups d'arquebuse dans le fossŽ [...] Les parents du mort, qui sont grands et en grand nombre, en veulent avoir raison...
Le pre est Franois de La Rivire 1543-1610 (ou 1620 ?) seigneur de ChamplŽmy, Lieutenant gŽnŽral pour le roi du Nivernais, capitaine de 50 hommes d'armes, chevalier de l'ordre du roi, gentilhomme de sa Maison. Il a pour frre le capitaine et bailli de Sens.
Le prŽv™t des marŽchaux d'Auxerre enqute et Franois de la Rivire rŽclame justice. Le cas pourtant simple (le dŽshonneur excusait l'homicide) devient une affaire car BlŽneau se prŽvaut des privilges des Princes du sang pour demander s-qualitŽs une lettre de pardon du roi ou, ˆ dŽfaut, d'tre jugŽ par la grand'chambre du Parlement, le roi sŽant, assistŽ de ses princes et pairs, alors que ChamplŽmy a saisi la Tournelle (chambre criminelle) selon la procŽdure ordinaire. Dans un tŽnŽbreux arrire-plan dont nous ne savons rien, amis et ennemis des Courtenay s'agitent.
S'ensuivent trois mois de procŽdure accŽlŽrŽe : BlŽneau, soutenu par les quatre autres Courtenay, exige (du roi, du chancelier, du Parlement) des formes de justice conformes ˆ sa qualitŽ. Il obtient un dŽbut de satisfaction : sur ordre du roi (22 oct.), la procŽdure prŽv™tale est transmise au Chancelier qui la renvoie ˆ la Cour de Parlement.
C'est donc la qualitŽ et non l'homicide qu'on juge. Nous n'entrons pas dans les complications judiciaires : le 30 janvier 1610 la Cour (grand'chambre, Tournelle et chambre de l'Edit rŽunies) arrte que l'information et le jugement se feront ˆ la grand'chambre. MalgrŽ cette concession, BlŽneau proteste, ˆ cause de l'oubli de sa qualitŽ et en raison du consentement donnŽ par la partie adverse : puisque ce droit dŽcoule de sa qualitŽ, il faut expliciter celle-ci, et sa partie doit obŽir, non consentir.
Sa nouvelle requte excite encore les malveillants, et les gens du roi concluent brutalement que dŽfenses soient faites audit sr de Bleneau de dire son origine et de s'en plus attribuer sur peine de la vie et de crime de lse-majestŽ l'honneur et la qualitŽ. L'arrt du 12 fŽvrier 1610 reprend celui du 30 janvier (grand'chambre) en l'aggravant puisqu'il ajoute : les grand chambre, Tournelle et Edit assemblŽes pour juger requte en annulation fondŽe sur ce que ledit suppliant a l'honneur d'tre du sang royal de France..., que ledit suppliant soutient qu'aucun dŽcret ne peut tre jugŽ ni ordonnŽ qu'en la prŽsence du roi sŽant ˆ la cour assistŽ de ses princes et pairs... Ladite cour sans avoir Žgard ˆ ladite requte et prŽtendue qualitŽ mentionnŽe en icelle ordonne qu'il sera procŽdŽ ˆ l'instruction et jugement.
DŽgožtŽ, en mars 1610, BlŽneau rentre ˆ la maison o le 14 avril un huissier de la Cour le relance. Il fuit : le 8 mai, dŽjˆ rŽfugiŽ en Flandre espagnole, ˆ Thionville, il Žcrit au roi sur le sujet de sa retraite hors du royaume... pour n'tre forcŽ de renoncer au droit et ˆ l'honneur de mon origine en m'oubliant moi-mme et ce que je dois ˆ la dignitŽ de la maison de France.
On s'interroge sur l'obstination de BlŽneau dont le roi aurait dit qu'on lui voulait faire toute gr‰ce et faveur et qu'il semblait que lui-mme la refus‰t. Est-ce pure prŽsomption ? Espre-t-il obtenir contentieusement du Parlement la reconnaissance de qualitŽ que la prudence du roi diffre ? Les malveillants l'accusent d'assassinat prŽmŽditŽ et couleur recherchŽe de lui pour sur cette occasion se prŽvaloir de sa qualitŽ et se faire dŽclarer prince du sang. Lui, retourne l'argument et dŽnonce l'animositŽ avec laquelle il Žtait poursuivi non pour ce qui Žtait du crime prŽtendu [mais] pour sous couleur d'icelui [...] le faire renoncer au droit de son origine. De fait, ˆ part le pre de la victime, nul ne soucie du crime.
Le roi assassinŽ le 14 mai, l'instabilitŽ politique subsŽquente ouvre de nouvelles opportunitŽs. La retraite d'Edme ne dure que deux mois. Il rentre en France le 12 juillet avec le premier prince du sang et challenger de la RŽgente, Henri II de Bourbon-CondŽ, l'exilŽ volontaire, qui, pour revenir de Milan passe par Bruxelles (19 juin l610) remercier l'archiduc de son assistance. CondŽ rencontrant Edme reconnut publiquement ses droits et s'Žtablit son protecteur. Une fois ˆ Paris, CondŽ saisit le Chancelier qui ayant montrŽ au commencement quelque disposition favorable... du depuis se trouva tout ouvertement ŽloignŽ et, pour sortir d'affaire, propose d'expŽdier une gr‰ce ˆ BlŽneau. Ce dernier s'insurge car ce n'est pas ainsi qu'on procde avec les Princes du Sang qui, le plus souvent, reoivent de simples lettres de pardon : l'on se servait de cette couleur seulement pour le forcer ˆ prendre une gr‰ce qui dŽroge‰t ˆ sa qualitŽ.
Edme, alors, joue un coup difficile ˆ comprendre. Le 4 septembre 1610, pour se mettre ˆ couvert de la poursuite criminelle qui se continuait contre lui au Parlement il fut obligŽ de se rendre volontairement prisonnier dans la conciergerie du Palais pour se faire interroger. Curieusement, on ignore les suites judiciaires, vraisemblablement bŽnignes car ˆ peine en cas semblable y eut-il eu ˆ l'encontre du moindre particulier sujet ni d'accusation publique ni de peine ou amende quelconque criminelle. Mais l'essentiel reste en suspens : on ne pouvait prononcer sur sa qualitŽ sans l'avoir examinŽe, ni l'en dŽbouter dans les formes sans le dŽclarer criminel de lse-majestŽ comme imposteur, puisque ceux qui se disent Princes du Sang et ne le sont pas, mŽritent d'tre punis du dernier supplice.
En effet, nos Courtenay ont obtenu un rŽsultat, mme nŽgatif. S'ils ne sont pas reconnus, on ne leur interdit pas de prŽtendre. En sept ans, ils ont transformŽ une lŽgende familiale en cas public, mme europŽen via les ambassadeurs. A Paris, tous ceux qui comptent le connaissent et beaucoup s'en sont mlŽs, pour ou contre. En outre, nos sieurs croient pouvoir compter sur CondŽ, pour transformer l'essai.
La plupart des citations prŽcŽdentes proviennent d'un recueil sur la Retraite de MM de Courtenay hors du royaume en 1614. Ce manuscrit conservŽ ˆ la BNF (MS Courtenay. Franais 2759) combine documents (lettres officielles, requtes, arrts) et commentaires qui, soigneusement titrŽs et sous-titrŽs, dŽveloppent l'argumentation des Courtenay. MalgrŽ quelques personnalitŽs, leur dŽfense se veut de principe. Elle repose sur ce syllogisme : "les historiens" attestent que nous sommes du sang royal ; or les Princes de la Couronne jouissent de privilges qu'on nous a dŽniŽs ; donc, en nous, ils ont ŽtŽ attaquŽs, avilis, et l'Etat affaibli.
Donnons un Žchantillon :
* Apostrophe aux rois dŽfunts sur cette indignitŽ faite ˆ leur postŽritŽ : eussiez-vous pensŽ que votre sang fžt venu ˆ ce mŽpris ?... l'injure faite ˆ la Maison de Courtenay redonde en la personne du roi, des princes, des Žtrangers... ne disons point que [...] ce qui s'est pratiquŽ contre eux ne peut porter prŽjudice ˆ ceux qui sont reconnus [puisque nous avons les mmes a•eux]...
* Avis ˆ MM les princes du sang de prendre en ce fait de l'intŽrt: qu'on vous rŽduit en nous au commun. [Voilˆ] que ce n'est plus la naissance seulement qui fasse les princes du sang mais que ces choses dŽpendent de la discrŽtion de ceux qui auront plus de pouvoir, de faveur et d'autoritŽ.
* Les Pairs aussi sont concernŽs : vous avez ce privilge de ne pouvoir tre jugŽs pour ce qui touche votre honneur ou l'Žtat de vos personnes que par le roi sŽant en sa cour des pairs. Si telles procŽdures [que la n™tre] sont approuvŽs, il dŽpendra ˆ l'avenir de la discrŽtion simplement d'un chancelier [...], il suffira d'ordonner entrer en connaissance de cause et sans vous ou•r comme l'on a fait...
* NŽcessitŽ de conserver les princes du sang, capables de la Couronne : Comme tels ils ne sont pas seulement ˆ eux mais la propriŽtŽ de leur personne appartient ˆ tout l'Žtat public... il n'y a [donc] pas apparence de les vouloir comme personnes communes [...] si ce n'est qu'ils aient attentŽ ou contre l'Žtat public ou contre le souverain administrateur d'icelui... La qualitŽ de prince du sang est considŽrable [i.e., ˆ considŽrer] en fait d'action intentŽe contre lui, la qualitŽ d'un prince du sang Žtant jointe ˆ l'intŽrt qu'a le public en la conservation d'iceux.
* Et tous ces attentats portent atteinte ˆ Dieu qui les a fait na”tre de la Maison de France.
Cadet d'une branche cadette, Jean, sieur de Frauville, est depuis le dŽbut le moteur de l'action. Il avait de qui tenir : on se souvient du tombeau de son pre, Guillaume ( 1592), ˆ l'Žglise de Chevillon, semŽ des armes de France et de Courtenay, et chargŽ de l'inscription ci-g”t illustre seigneur de sang royal... Frauville a combattu les Espagnols avec Henri IV et, aprs la paix de Vervins (1598), ŽpousŽ une jeune veuve Magdelaine de Marle dont le pre JŽr™me ( 1590) Žtait officier des cŽrŽmonies de France et le frre mariŽ ˆ la fille de ce Elie du Tillet qui a contribuŽ ˆ "documenter" la campagne des Courtenay. Aprs une fille en 1606, il leur vient enfin un fils, nŽ en 1610. Frauville l'ambitieux lui donne un nom-programme, Louis. A l'extinction des BlŽneau, ce Louis, devenu chef de la Maison, s'il n'atteint pas l'objectif, en saisira l'ombre et s'affichera prince.
Fin 1613, l'honneur des Courtenay restant bafouŽ, Frauville quitte le royaume pour l'Angleterre. Comme il a besoin d'un BlŽneau pour reprŽsenter le chef de Maison, l'oncle d'Edme se joint ˆ lui (Jean des Salles). Leur retraite durera jusqu'en 1617.
La prŽsence de Jean des Salles aux c™tŽs de Frauville traduit-elle une division du travail ? Frauville travaillera pour CondŽ en Angleterre, BlŽneau en France. CondŽ, premier prince du sang, dŽfend les Courtenay, les reconna”t comme cousins et leur promet de s'employer pour eux. Malheureusement, les circonstances troubles de la RŽgence italienne et du Remuement des Princes ne les servent pas. CondŽ se rŽvle un protecteur dangereux qui promet tout ˆ tous et se comporte de manire aussi indŽcise que brouillonne. Se voulant la tte de l'opposition des Princes ˆ la Reine-mre et ˆ ses favoris, il va jusqu'aux prises d'armes et ˆ l'affrontement. Si la paix de Loudun (3 mai 1616) est son triomphe, il prŽcde de peu sa chute (1er septembre 1616) et son emprisonnement de trois ans.
En janvier 1613, Frauville et des Salles Žcrivent ˆ la reine rŽgente, contraints de l'oppression que nous ressentons avoir ŽtŽ faite ˆ l'honneur de notre maison en la procŽdure criminelle que l'on a tenue ˆ l'encontre de Mr de Courtenay-BlŽneau de demander congŽ de se retirer hors du royaume. A ce stade, il s'agit d'une bravade : si on ne nous fait pas droit, nous en appellerons aux princes souverains d'Europe, pour faire voir ˆ un chacun quel est le droit de notre origine, qui nous sommes.
Aprs le dŽcs du deuxime fils de Henri IV (1611) et du comte de Soissons (1612), Conti Žtant moribond et les Guise trop puissants, le moment semble opportun pour tenter la RŽgente, comme l'explique Zeller (1897, pp. 110-2) ˆ partir des lettres des ambassadeurs italiens :
C'est ce moment qui parut favorable ˆ la production de certains titres dont la reconnaissance ežt imposŽ une limite aux prŽtentions trs grandes de la maison de Guise... s'il [Conti] venait ˆ manquer, comme on pouvait le craindre, la maison de Bourbon et toute la gŽnŽalogie royale se trouvaient rŽduites ˆ quatre ttes seulement, dont trois Žtaient de petits enfants [le roi, 12 ans ; son frre, 2 ans ; le fils Soissons, 8 ans], et le prince de CondŽ, qui ne paraissait pas avoir grande espŽrance de postŽritŽ. Cette situation donnait beaucoup ˆ rŽflŽchir, ˆ cause des consŽquences trs grandes qui pouvaient en dŽriver, et poussa les seigneurs de la maison de Courtenai, qui prŽtendait descendre, comme la maison de Bourbon, de Louis VI, ˆ mettre en avant ses droits ˆ la couronne [...] Ils rŽsolurent, pour accomplir un acte qui remit en vigueur leurs droits presque annihilŽs et rŽduits ˆ nŽant par suite de la longueur du temps ŽcoulŽ depuis qu'on les avait laissŽs dans l'ombre, de sortir du royaume avec l'agrŽment de Sa MajestŽ. Ils donneraient comme prŽtexte qu'ils ne pouvaient y demeurer pendant la prŽsente minoritŽ, sans un prŽjudice formel pour leurs prŽtentions, ˆ cause de la trop grande puissance de ceux qui, pour leurs propres fins et desseins, leur faisaient opposition. Tels sont les termes mmes d'une supplique remise par eux ˆ la reine. Ils attaquaient ainsi indirectement la maison de Guise, dont, pour tous les ŽvŽnements qui pouvaient se produire, ce n'Žtait assurŽment pas le compte que le succs des revendications de la maison de Courtenai. Car, aprs la maison de Bourbon, celle de Guise Žtait plus grande et plus forte que toutes les autres.
La reine fit venir les principaux conseillers du Parlement et d'autres pour les consulter sur la rŽponse ˆ faire ˆ la supplique. A vrai dire, la tentative des Courtenai n'Žtait pas pour lui dŽplaire. Car l'espoir de la succession se partageant entre beaucoup de prŽtendants, si la maison de Bourbon venait ˆ manquer, la reine se trouverait mieux ˆ l'abri contre les piges qui pourraient lui tre tendus. L'opinion gŽnŽrale Žtait qu'en vŽritŽ la prŽtention des Courtenai Žtait juste et bien fondŽe; et ils montraient en effet beaucoup de titres. Mais le fait qu'elle avait ŽtŽ pendant un si long temps nŽgligŽe par leurs anctres, qui, ˆ cause de leur pauvretŽ, n'avaient pu soutenir le rang de princes; la nŽcessitŽ o Žtait le roi de leur donner le moyen de se maintenir; et l'intŽrt d'autres devaient leur tre toujours un grand obstacle.
Quoi qu'il en soit, ils firent une tournŽe de visites dans laquelle ils informrent plusieurs personnages de la rŽsolution qu'ils avaient prise de partir avec l'agrŽment de la reine, pour revenir ensuite lorsque le roi serait devenu majeur. Ils firent cette dŽmarche auprs des ambassadeurs, et notamment de l'ambassadeur de Venise, afin de se mŽnager les bonnes gr‰ces de la rŽpublique, dans le cas o, au cours des divers voyages qu'ils avaient l'intention de faire, ils se rendraient dans ses ƒtats. La question restait ouverte.
Des Salles et Frauville attendent toute l'annŽe une rŽponse qui ne vient pas et mettent leurs affaires en ordre. Au lieu d'entreprendre une longue et dispendieuse tournŽe europŽenne, ils choisissent l'Angleterre de James I dont leur protecteur CondŽ espre alliance et soutien. D'Abbeville, ils demandent asile (12 dŽc. 1613) et, par la chance d'une bonne mer, reoivent l'acceptation prŽvue le 21 dŽcembre. Au moment d'embarquer, de Calais, le 29 dŽcembre, ils Žcrivent au Parlement les motifs de leur exil.
En Angleterre, James les reoit solennellement, la cour assemblŽe, et, reprenant leurs mots, dŽclare : je sais que c'est un devoir envers votre honneur et non une l‰chetŽ qui vous a fait sortir sortir de votre pays. Je reconnais l'honneur que vous avez d'appartenir ˆ la couronne de France.
De lˆ, ils multiplient lettres et explications, protestent de leur bonne foi et des nŽcessitŽs de leur honneur. James qui aime ˆ se mler de tout les recommande au roi et ˆ sa mre (9 juillet 1614) : ayant toujours affectionnŽ la Maison de France de laquelle les histoires font foi qu'ils sont issus par m‰les lŽgitimement... recommandation de notre part pour vous prier de mettre la justice leur cause en considŽration... ne doutons pas que vous ne jugiez toujours plus convenable d'apporter quelque modŽration ˆ ce qui leur a donnŽ sujet de leur Žloignement, que de les voir errans dans les Cours des autres Princes faire leurs plaintes. Il donne des instructions dans ce sens ˆ son ambassadeur, lequel, trs actif dans la politique franaise, combat le projet espagnol de la RŽgente (le double mariage par Žchange des Princesses) que CondŽ, et plus encore ses alliŽs huguenots refusent aussi.
Jean de Frauville est l'agent de CondŽ auprs de James : jugeant que son Party avoit besoin d'tre appuyŽ d'une puissance Royale pour le rendre considerable, [CondŽ] se servit de l'estime que le Prince IEAN DE COVRTENAY Seigneur de Frauville, s'Žtoit acquise aupres du Roy d'Angleterre pour obtenir son assistance (du Bouchet, p. 288). Leur correspondance en tŽmoigne.
CondŽ cherche l'alliance des RŽformŽs, ˆ l'extŽrieur (Angleterre, Provinces-Unies) comme ˆ l'intŽrieur.
En 1615, BlŽneau est son Žmissaire ˆ Saumur auprs de Duplessy-Mornay, chef respectŽ du parti, auquel il tente de "vendre" la rŽvolte. Mais aprs avoir lu le manifeste, il [Duplessy] demanda froidement ˆ Courtenai, si M. le Prince avoit une bonne armŽe pour le faire valoir [...] Le Prince, rŽpondit Courtenai, est assurŽ de quinze mille hommes de guerre, Sa MajestŽ Britannique en donne six qui sont embarquŽs ; le Prince Maurice [de Nassau] en fournit quatre, & le reste viendra d'Allemagne. Monsieur, reprit du Plessis en riant, ce n'est pas ˆ moi qu'il faut dire ces choses... (Levassor, p. 438).
On ignore la part que prend Edme aux escarmouches militaires mais on le voit omniprŽsent ˆ la confŽrence de paix de Loudun, ds les prŽliminaires, comme le montre le compte-rendu trs factuel de l'un des trois dŽputŽs du roi, Pontchartrain, corroborŽ par les documents dŽcouverts et publiŽs par BouchittŽ (1862). Avec le Duc de Bouillon, le Duc de Sully, de Thianges (et Desbordes pour la RPR), M. de Courtenay fait partie des commissaires que les Princes et CondŽ dŽsignent pour porter leur parole. Quoique moins actif que de Thianges, il accompagne frŽquemment les grands personnages (Comtesse de Soissons, Sully, CondŽ lui-mme) et il lui arrive de reprŽsenter Monsieur le Prince auprs des dŽputŽs du roi et mme, une fois, de la RŽgente et du Roi.
Quoique les Grands, eux-mmes divisŽs, admettent mal la prŽpondŽrance de CondŽ et apprŽcient peu ses commissaires, BlŽneau est rŽcompensŽ par l'inclusion des droits de sa Maison dans les conditions de paix (art. 9). Levassor (pp. 504-5) : Les Seigneurs de Courtenai ayant embrassŽ de bonne gr‰ce le parti de CondŽ, il crut devoir leur tŽmoigner sa reconnaissance, en demandant "quÕon leur fit droit..." sur les requtes quÕils avoient prŽsentŽes plusieurs fois pour la conservation de lÕhonneur de leur Maison. LÕaffaire Žtoit assez dŽlicate : car enfin ces Messieurs veulent tre Princes du Sang. Ils ont fait imprimer un volume considŽrable pour montrer quÕils descendent du dernier fils de Louis VI. surnommŽ le Gros. Mais tout le monde nÕen convient pas...
Dans les 31 demandes des Princes cet article 9 est inclus dans les points fondamentaux parce qu'un Prince du sang, personne publique, intŽresse la survie de l'Etat. Il vient aprs les 1. & 2. recherches sur la mort du roi, le 3. 1er article du Tiers, le 4. annulation des sursŽances des arrts du Parlement de Paris relatifs au parricide, le 5. autoritŽ de l'Eglise gallicane, le 6. concile de Trente, le 7. droits de la RPR, le 8. maintien des offices, Žtats, charges etc., et avant le 10. maintenir et conserver les cours souveraines...
Par ailleurs, dans les Articles secrets sur lesquels les dŽputŽs ont ˆ savoir la volontŽ du Roi, BlŽneau est inscrit avec les seigneurs copartageants pour une demande de gratification, encore honorablement placŽe, entre Rosny et Luxembourg : Pour M de Courtenay: un brevet de conseiller d'Etat; augmentation de six mil livres de pension. Mais il n'aura rien.
De mme l'art. 9 est refusŽ ou ŽludŽ. Les Princes n'insistent pas et les discussions ultŽrieures portent sur l'art.1 du Tiers, la question d'Amiens (Concini vs Longueville) et les RŽformŽs, ainsi que la suspension d'armes et ses violations.
Lisons cet article 9, au demeurant prudemment rŽdigŽ : Que droit soit faict ˆ MM de Courtenay, suivant l'ordre et les loix du royaume, suivant les requestes par eux plusieurs fois prŽsentŽes pour la conservation de l'honneur de leur maison, tant du vivant du dŽfunt Roy que depuis; et pour le regard de certaines procŽdures criminelles faictes ˆ l'encontre du sieur de Courtenay-Bleneau, que ce qui pourroit avoir estŽ faict contre les formes et la justice soit rŽparŽ.
Les trois dŽputŽs de la Cour (Villeroy, Pontchartrain, de Thou) rŽpondent en marge : au 9¡. Ce fait n'est du pouvoir des depputez et renvoient au Roi. Selon une autre version du document des dŽputŽs (ms de la bibliothque Mazarine) le ¤9 serait d'emblŽe rejetŽ : Il est vray que les sieurs de Courtenay ont prŽsentŽ ˆ ceste fin plusieurs requestes au feu Roy, pre de S.M. ; mais il les a toujours rejettŽes aprs meure dŽlibŽration, comme les jugeant prŽjudiciables au bien de sa couronne et ˆ la dignitŽ de sa maison.
De Thou assure ˆ son ami ˆ Jean de Thumery quelques jours aprs les nŽgociations (lettre du 6 mai 1616) que l'article a ŽtŽ ignorŽ d'un commun accord : Quant aux demandes des Sieurs de Courtenay, qui Žtoient contenu‘s dans le huitiŽme [neuvime] article, & qui ont ŽtŽ si souvent agitŽes dans le Conseil de Henri le Grand, & au Parlement, on n'y fit aucune rŽponse. Ceux qui les avoient proposŽes par considŽration pour un Seigneur de cette maison qui s'Žtoit attachŽ au Prince de CondŽ [BlŽneau], Žtoient eux-mmes fort ŽloignŽs d'appuyer ces prŽtentions; car ˆ l'exception du Prince de CondŽ, il n'y avoit personne qui ne souhait‰t que le nombre de Princes du sang diminu‰t, plut™t que de le voir augmentŽ (p 604 du tome X de l'Ždition Scheurleer de l'Histoire universelle, 1740).
NŽanmoins, si l'art. 9 est renvoyŽ au roi, la question reste ouverte et CondŽ, ˆ prŽsent chef du Conseil, promet une suite favorable. HŽlas, opposant maladroit ˆ Concini et ˆ la RŽgente, ses erreurs, excs et prŽtentions, conduisent quelques mois plus tard au coup de majestŽ de son arrestation. Il reste enfermŽ trois ans, ˆ La Bastille puis ˆ Vincennes.
On suppose qu'Edme retourne dans ses terres, cherchant ˆ se faire oublier. Quant ˆ Frauville et des Salles, les exilŽs volontaires, ils n'ont plus rien ˆ espŽrer.
Sa prison [de CondŽ] & les desordres dont elle fut suivie, rompirent toutes les mesures que le Prince Jean [Frauville] avoit prises pour finir les disgraces de sa Maison, & la faire jou•r des avantages qui sont dus au Sang Royal dont elle tiroit son origine. De sorte, que se trouvant dŽchu de ses esperances [...] Il se rŽsolut de retourner en France (du Bouchet, p. 291), retour d'autant plus opportun que, par la mort de son frre a”nŽ Jacques au dŽbut de l'annŽe 1617, il est dŽsormais sieur de Chevillon, chef de sa maison.
Surpassant son pre, Jean fait, de son vivant, Žriger un mausolŽe fleurdelisŽ sur le modle du double tombeau de Gaspard, destinŽ ˆ lui et son frre, non plus dans l'Žglise de Chevillon mais dans l'abbaye ancestrale des Courtenay (Fontainejean), avec l'inscription : ci-g”t trs illustre et trs vertueux prince du sang royal de France...
Les deux Courtenay rentrent donc en France. L'exŽcution de Concini (24 avril 1617) redistribue les cartes sans profit pour eux. Non seulement leur cas irrite, mais comment leur pardonner CondŽ et les Anglais ?
En 1618 para”t pour la dernire fois, chez Mettayer imprimeur et libraire ordinaire du Roi, le Recueil de du Tillet. Le texte n'a pas changŽ depuis 1555 : nos Courtenay tardifs sont ˆ leur place, arrimŽs ˆ Louis le Gros (pp. 91-2).
Un an aprs, ils ont disparu : dans la nouvelle mouture de la gŽnŽalogie royale, l'Histoire de la maison de France des frres Louis et ScŽvole de Sainte-Marthe, historiographes du Roi, nos sieurs n'existent plus.
Du Tillet poussait jusqu'aux BlŽneau et Chevillon de son temps la postŽritŽ de Guillaume, fils de Robert le Bouteiller (lui-mme second fils de Pierre) dont se rŽclament nos sieurs. Les frres Sainte-Marthe, eux, ˆ la rubrique des enfants de Robert, indiquent seulement Guillaume de Courtenay, seigneur de Champignelles (Tome 2, p 1375), sans aucune mention de postŽritŽ. De mme, dans l'Ždition suivante (1627, Tome 2, p 545). L'Ždition 1647 qualifie Guillaume de sr de Champignelles, Baillet, Cloye, FertŽ-Loupire, identifie son Žpouse, liste enfin leurs enfants, y compris Jean (Jean I), sr Champignelles et FertŽ-Loupire, mais ignore sa descendance.
La raison est simple : les Sainte-Marthe dont le travail est Žnorme (prs de 2000 pages) ne s'intŽressent pas aux dŽtails. RŽorganisant, corrigeant et rationalisant la lourde et confuse prŽsentation de du Tillet, ils Žlaguent les branches mortes ou insignifiantes.
Du Bouchet, l'historiographe des Courtenay, en fera un roman, celui de la persŽcution du Procureur (du Bouchet, 1661, p 191-2) qui, aprs avoir maltraitŽ Edme, supprimerait son ascendance en interdisant aux Sainte-Marthe de la mentionner.
Il Žcrit : Si ce Prince [Jean II Champignelles] n'a point paru dans les trois diverses Editions de l'Histoire Genealogique de la Maison de France des Illustres Gemeaux de Sainte-Marthe, ce n'est pas que sa Personne leur ayt ŽtŽ inconnu‘, & qu'ils ayent manquŽ de Preuves pour luy donner rang & ˆ sa PostŽritŽ parmy les Princes de la Maison Royale aussi bien qu'ˆ son Pre [Jean I] Mais c'est qu'on les a obligez au silence, dans la pensŽe qu'on a eu, que la descente du Prince GVILLAVME DE COVRTENAY Seigneur de Champignelles, petit fils de ROBERT DE FRANCE, se trouvant destituŽe de leur temoignage, pourrait devenir douteuse.
En effet, nous l'avons notŽ ˆ la suite de Gibbon, la faiblesse gŽnŽalogique des Courtenay, au-delˆ des dŽtours de leur descente, rŽside dans son obscuritŽ. La liste des rois et de leurs lignŽes successives s'apprend ˆ l'Žcole. Les Princes du Sang sont notoires. Un CondŽ, par exemple, est publiquement le fils d'un CondŽ : on ne le reconna”t pas, on le conna”t, on l'honore et on le traite comme tel. Au contraire, la filiation de nos sieurs est d'ordre privŽ, essentiellement inconnue, et donc improbable. Quand ils disent les historiens font foi..., si on leur demandait qui ?, ils ne pourraient citer qu'un fragment de du Tillet (repris par Belleforest et d'autres). Et voilˆ qu'ils ne figurent pas dans le nouvel annuaire, celui des Sainte-Marthe, celui qui a cours ˆ prŽsent ! Les historiens font foi ne vaut plus rien. Tous ceux qui s'intŽressent ont du Tillet dans leur bibliothque o on lit qui dure encore. Mais du Tillet est dŽclassŽ par les Sainte-Marthe et, destituŽe de leur temoignage, la prŽtention des Courtenay perd sa base.
Du Bouchet qui, nous le verrons, consacre de grands efforts ˆ la rŽtablir, cite une dŽclaration des Sainte-Marthe, Žcrite de leur main en 1620, attestant que lorsque, en mai 1619, ils soumirent leur lettre de privilge au Parlement pour enregistrement... le Procureur General remarqua en la page 1375 de la feuille cottŽe MMMMmmmm qu'en parlant de Guillaume de Courtenay Seigneur de Champignelles, ces termes estoient portez "fut destinŽ ˆ l'Eglise & ne voulut suivre cette profession selon du Tillet, qui fait descendre de luy les Seigneurs de CHAMPIGNELLES & DE BLENEAU": et lors mondit sieur le Procureur General nous auroit [avait] dit; Que pour quelques considerations, il n'estoit ˆ propos d'insŽrer les dits termes..., lesquels Žtaient pourtant prudents (selon du Tillet, qui fait descendre de luy les Srs de Champignelles & de Bleneau).
Certes, les Sainte-Marthe ne rŽsisteraient pas ˆ un tel conseil du procureur gŽnŽral du Parlement. Toutefois, on s'Žtonne. Par quel hasard un Procureur gŽnŽral surchargŽ d'affaires tombe-t-il sur la p 1375, feuille MMMMmmmm, ˆ l'occasion d'une lettre de privilge dŽjˆ accordŽe par "le roi" dont le censeur n'a pas tiquŽ, et juge-t-il l'affaire assez importante pour la transmettre au parquet ? Mme si Mathieu MolŽ (s'il s'agit de lui car du Bouchet ne nomme pas) est attentif ˆ son devoir de police, il faut qu'il ait ŽtŽ ˆ l'affžt ou que quelque malveillant l'alerte.
Certes, trois ans aprs Loudun, alors que CondŽ n'est pas encore rŽhabilitŽ, on se souvient des Courtenay et beaucoup restent irritŽs de leur prŽtention. Mais le selon du Tillet Žtait dŽjˆ assez vexant pour nos sieurs pour ne pas nŽcessiter ce coup de pied de l'‰ne. Et les Courtenay ne sont pas dangereux au point que les Sainte-Marthe veuillent se protŽger de leur courroux en s'abritant derrire le procureur. Comment et o du Bouchet dŽniche-t-il cette lettre bizarre que personne d'autre que lui n'a vue ni ne cite ?
Du Bouchet a ŽtŽ en affaires avec les Sainte-Marthe, lorsque, ˆ la fin des annŽes 1640, ils ont ensemble inventŽ les origines carolingiennes des CapŽtiens, via un Childebrand, frre cadet de Charles Martel ! La troisime Ždition de Sainte-Marthe (1647), bouleversŽe par cette rŽvolution, renvoie abondamment ˆ du Bouchet (1646), pour dŽduire de ce Childebrand les Robertiens, anctres des rois rŽgnant. Du Bouchet ne profite pas de cette connivence pour rŽclamer aux Sainte-Marthe de donner une ascendance aux Courtenay rŽsiduels car, ˆ cette date, ils ne l'intŽressent pas. Il n'a pas encore ŽtŽ recrutŽ par le Prince Louis pour le cŽlŽbrer. Quand c'est le cas, les Sainte-Marthe sont morts. Mais, du coup, ils ne peuvent pas contester une lettre attestant l'ordre d'un procureur de censurer les Courtenay, lettre plusieurs fois Žtrange : par son existence, son contenu, sa conservation pendant 40 ans, sa transmission miraculeuse. Cui prodest ? ˆ qui profite le coup ? Du Bouchet surmonte ainsi le f‰cheux silence des Sainte-Marthe et rŽŽcrit l'histoire des Žchecs des Courtenay.
A-t-il fabriquŽ la lettre ? Ni lui, ni ses confrres, ne craignent les arrangements. Du Bouchet, sans tre un faussaire insigne comme son secrŽtaire de Barres (de Bar), ne manque pas de "crŽativitŽ". Infligez-vous la lecture de La vŽritable origine de la seconde et troisime lignŽe de la Maison Royale de France justifiŽe par plusieurs chroniques et histoires anciennes (1646), et vous verrez. Quand on conna”t ses accointances avec Duchesne et le trop fertile Combault, on ne se laisse pas impressionner par les preuves.
Le silence trois fois rŽpŽtŽ des respectŽs Sainte Marthe choque car ils font autoritŽ. Ainsi, dans ses populaires Tableaux gŽnŽalogiques de la Maison royale (1652, p. 190), le RP Labbe se rŽfre ˆ eux pour ne pas filer la descente des Champignelles (le greffier du Tillet et quelques autres ont passŽ plus avant, je me contenterai de suivre l'exemple de MM les frres jumeaux de S.Marthe qui n'ont point poursuivi cette descente si avant), ignorant donc les Courtenay contemporains.
Le "procureur" permet ˆ du Bouchet de blanchir ses clients et de les montrer victimes d'une longue persŽcution. La malchance s'appelle procureur ! Ce mŽchant, Žternel et anonyme, bloque les requtes au Roi en 1603/1609, maltraite Edme en 1610, censure Sainte-Marthe en 1619, ˆ nouveau en 1627, et encore en 1647 ! L'histoire alors se raconte comme un complot : on nous aurait rendu justice depuis longtemps sans l'intervention permanente d'un esprit malin...
L'idŽe a pu tre inspirŽe par la mŽsaventure des mmes Sainte Marthe en 1656, quand leur Gallia Christiana, soutenue et financŽe par l'AssemblŽe du clergŽ, a rencontrŽ une difficultŽ de ce type. L'AssemblŽe, examinant les volumes dŽjˆ imprimŽs ˆ grand cožt, est saisie d'une plainte de la Duchesse d'Aiguillon, l'ex nice chŽrie de Richelieu, choquŽe par les louanges de Saint-Cyran qui attentent ˆ la mŽmoire du Cardinal persŽcuteur. L'AssemblŽe ordonne la suppression de la notice ou au moins qu'elle soit recouverte d'un placard, et obtient la sanction de sa dŽcision par lettres du roi et de la Reine-Mre (Poncet, 2009).
Jean de Frauville, rentrŽ d'Angleterre en 1617, sieur de Chevillon par la mort de son frre a”nŽ, attend dix ans pour recommencer ses poursuites pour la gloire de sa maison. Le 16 mars 1626, une requte au Roi sollicite la cassation de tout ce qui a ŽtŽ fait contre eux au prŽjudice de leur qualitŽ. Vainement. La voie directe n'apporte rien. DŽsormais, nos sieurs, dans l'ombre de Richelieu, suivront une stratŽgie oblique, exploitant l'alternative posŽe dans le De stirpe : si c'est faux, qu'on nous punisse (si falso, puniendum) ; si c'est vrai, qu'on ne le nie pas (si vere, non negandum). L'absence de ch‰timent vaut reconnaissance de fait.
IrrŽsistiblement, Edme de BlŽneau ( 1633) et son fils Gaspard II, passent au service du cousin Richelieu. Quel r™le jouent-ils auprs du Cardinal qui, au moins une fois, selon Le Laboureur, qualifie le Courtenay de prince du sang ? quelle assurance en reoit-il ? dans quelle intention ? Le cousinage d'Edme et de Richelieu est la seule chose certaine, via leurs grand-mres, les sÏurs Claude et Franoise de Rochechouart...
Mutatis mutandis, Richelieu, comme jadis Sully, voit dans les Courtenay un petit fer parmi tous ceux qu'il a au feu pour assurer sa fortune et sa gloire. Mathieu de Morgues qui, aprs avoir quittŽ son service, retourne sa plume contre lui, l'accuse d'un projet tordu (Lettre de Mr le cardinal de Lyon ˆ Mr le Cardinal de Richelieu son frre, l'an 1631) : se donner une origine royale gr‰ce ˆ sa parentŽ avec les Courtenay ! Mr de Lyon est supposŽ reprocher ˆ son frre l'effronterie avec laquelle vous vous faites descendre de Louys le Gros & tomber dans la branche de ceux de Courtenay, lesquels vous avez resolu de faire dŽclarer Princes du sang afin de vous faciliter l'exŽcution de vos desseins... (p. 35) ˆ quoi Richelieu aurait rŽtorquŽ : notre gŽnŽalogie... me fournira, aprs que j'auray esteint toute la race Royale, renversŽ la Loy Salique, & chassŽ ces morfondus de Courtenay, ˆ conquerir le Royaume... (p. 38). Richelieu se servirait des morfondus pour ajouter leur descente m‰le de Louis le gros ˆ celle qu'il s'attribue. Plus que la perversitŽ du Cardinal, ce texte montre que, ds 1630, ceux de Courtenay ont accŽdŽ ˆ la notoriŽtŽ.
Richelieu avait-il besoin d'eux pour, comme tant d'autres, mettre le passŽ ˆ la hauteur de son prŽsent en ajustant sa mŽdiocre ascendance ˆ sa neuve magnificence ? Il se fait inscrire par les Sainte-Marthe dans la descente de Louis VI (Maison de France, 1627, T. 2, p 1016). Il charge le complaisant Duchne de dŽvelopper le thme (1631) : le Cardinal sort de Louis le Gros, par femmes, via son arrire-grand-mre, la bien nommŽe Anne Le Roy. Cette quenouille n'empche pas Duchne d'accorder ˆ Richelieu une royalitŽ entire en raison de la grandeur du Sang des descendantes d'un Roi, grandeur qui ne se divise pas, ne se dilue pas et confre tant d'excellence & de Splendeur ˆ tous ceux qui ont mŽritŽ l'honneur de descendre d'elles. La plus minime fraction de royalitŽ, mme fŽminine, suffit pour tre tout royal !
Ne craignant plus le Cardinal ( 1642), Le Laboureur Žcrit malicieusement en 1659 qu'il empila les gŽnŽalogies afin qu'il parut comme par l'effet de Cylindre, qu'il estoit l'extrait d'un nombre presqu'infiny des Rois, d'Empereurs & de grands Princes, dont chacun avoit fourny sa portion de son estre. Les ascendances se cumulent et l'effet de cylindre traduit l'additivitŽ de la Splendeur ! Dans ce temps, le discours gŽnŽalogique est une forme de la rhŽtorique de l'Žloge, comme en tŽmoigne la cŽlŽbration emphatique du Cardinal par Duchne : ... la splendeur de cette extraction avec laquelle il est venu dans le monde est la moindre partie des Grandeurs qui Žgalent maintenant la gloire de son Nom ˆ l'Žtendue de l'Univers...
Laissons la grandeur prŽtendue du Cardinal et celle qu'aurait ajouter un Courtenay Prince du sang. Prenons la chose sous l'angle politique : le Roi malade et sans fils (jusqu'en 1638), l'Žternel brouillon qu'est le frre du Roi, Gaston, trop longtemps hŽritier naturel, et les non moins agitŽs CondŽ convoitent la Couronne. Richelieu est-il tentŽ de leur opposer un Courtenay dont il tirerait les ficelles ? ou d'utiliser cette ŽventualitŽ comme moyen de pression ou de nŽgociation ?
Mme si nos Courtenay s'exagrent le soutien de Richelieu, ils ont espŽrŽ en tirer quelque chose. Richelieu meurt trop t™t. C'est le refrain qui enterre tout ceux qui leur auraient voulu du bien.
Plus tard, Louis de Chevillon comptera-t-il sur Mazarin pour assurer ˆ son fils Louis-Charles un double triomphe ? Le Cardinal, cherchant des nids dans les cieux pour caser ses nices chŽries, aurait songŽ ˆ en faire un prince du sang et ˆ lui en donner une, Hortense, la plus belle de ses nices, ˆ qui il donnait tant de millions. Peut-on croire l'abbŽ de Choisy ? Il Žcrit bien plus tard : Il [Mazarin] avoit balancŽ quelque temps entre le grand-ma”tre [de l'artillerie, La Meilleraye] et le prince de Courtenay, qu'il ežt fait reconno”tre prince du sang, s'il avoit ŽtŽ capable de soutenir une si grande naissance (MŽmoires p. servir ˆ l'Hist. de Louis XIV, 1727, T1, 98-99), repris par Saint-Simon (XIII, 9). La chose n'est pas avŽrŽe et, d'aprs les MŽmoires d'Hortense (1675), elle n'Žtait pas en cause car Mazarin voulait marier La Meilleraye, non ˆ elle mais ˆ sa sÏur Marie : [Meilleraye] refusa ma sÏur, et conut une inclination si violente pour moi, quÕil dit une fois ˆ Mme dÕAiguillon que pourvu quÕil mÕŽpous‰t, il ne se soucioit pas de mourir trois mois aprs. Aux premires nouvelles que M. le cardinal apprit de cette passion, il parut si ŽloignŽ de lÕapprouver, et si outrŽ du refus [...] de ma sÏur, quÕil dit plusieurs fois quÕil me donnerait plut™t ˆ un valet. Louis-Charles est-il ce valet ? ou bien Mazarin pensait-il vraiment ˆ lui pour Hortense puisque Meilleraye Žtait pour Marie ?
Revenons ˆ Louis de Chevillon.
En 1653, Gaspard de BlŽneau, chef d'une Maison Courtenay que sa mort sans postŽritŽ va Žteindre (1655), la confie ˆ son arrire petit-cousin, le fils de Jean de Frauville, notre Louis de Chevillon (leur a•eul commun est Jean de BlŽneau, 1460), ˆ la charge de la transmettre ˆ Louis-Charles, son fils, et de la conserver ˆ ceux de son nom et armes et de payer ses dettes jusqu'ˆ concurrence de 80000 livres. La Maison passe alors au Chevillon, ce Louis qui a trouvŽ sa feuille de route dans son berceau.
Edme de BlŽneau avait appelŽ son hŽritier Gaspar, comme son pre. Jean de Frauville ( 1639), l'ambitieux cadet de la branche cadette, a colorŽ son premier fils de royalitŽ en le nommant Louis comme Clovis et les autres : outrecuidance ? bluff ? espoir ? sentiment que le temps est venu ? Pour la premire fois en cinq sicles, un descendant de Pierre reoit ce nom sacrŽ. Dans une famille qui prŽtend aux lys, Louis fait drapeau et trompette. Depuis le dŽbut, les a”nŽs accumulrent les Pierre, les Champignelles les Robert, les BlŽneau les Jean... Louis est restŽ tabou, ou du moins absent de la liste o l'on puise. Ce nom pse lourd, il signifie le Roi. Beaucoup l'ont portŽ, celui qui rgne est le quatorzime en comptant ˆ partir d'Hlodowig (Clovis). DorŽnavant, il dŽcore l'un de ces Chevillon qui descend, en zigzag, de Louis le gros : Louis VI => Pierre => Champignelles => BlŽneau => FertŽ-Loupire => Chevillon.
Le pari de Jean rŽussira : Louis, ˆ prŽsent chef de la Maison, s'intitulera prince du sang royal et dŽfendra son droit ˆ la Couronne contre les nouveaux "fils de France" lorrains. Aprs lui, son fils Louis-Charles, de grande mine et parfaitement bien fait, exploitera au mieux la position. Demi-succs fragile ! Le dernier Courtenay se dŽtruira en 1730, et les prŽtentions de la fille rŽsiduelle seront renvoyŽes au nŽant.
Regardons comment Louis s'y prend pour Žmerger. Aprs avoir servi (aux barricades de Suse en 1629 et, en 1635, vraisemblablement en Valteline), Louis Žpouse Lucrce (1638) : son pre, Philippe, cadet de la puissante famille de Harlay, trente ans ambassadeur du roi auprs du Grand Turc ; sa mre, Marie de BŽthune, cousine des Sully. Lucrce a ŽtŽ ŽlevŽe par les parents piŽmontais de sa mre. A moins que ceux-ci ne l'aient dotŽe, ce mariage n'apporte gure d'argent car l'ambassade et les nŽgligences de Philippe de Harlay le ruinent. Mais cette alliance achve le "dŽcrassage" parisien du Courtenay et, pour prix de ses longs et pŽnibles services, Harlay obtient l'Žrection en comtŽ de sa terre de CŽsy dont, finalement, Lucrce hŽritera de ses frres. La Grande Mademoiselle la compte parmi ses connaissances et se rŽjouit de la trouver, en voisine, lors de son exil ˆ S.Fargeau : elle a tout ˆ fait l'air de celle d'une femme de grande qualitŽ et qui a ŽtŽ nourrie ˆ la cour (MŽmoires, Žd. ChŽruel, T2, 1858, p. 475, ˆ l'annŽe 1656). Mademoiselle la prend avec elle lors de son glorieux voyage en Dombes et lui fait donner des harangues et des prŽsents (id., T3, pp. 339 sq., ˆ l'annŽe 1658).
Louis qui Žtait dans la clientle (et probablement au service) de Richelieu, passe ˆ Mazarin, ce qui ne l'empche pas de flirter brivement avec CondŽ pendant la Fronde, tandis que son frre, abbŽ des Echalis, rejoint le cardinal de Retz en exil ˆ Rome (il le paiera d'un mois ˆ la Bastille, selon Patin : lettres ˆ Charles Spon, 9 avril et 7 mai 1658).
Louis, son ascendance ˆ prŽsent universellement admise, s'intitule Prince. Cela brille mais ne pse gure. Le coup d'Žclat, c'est que, ˆ cette occasion, il prend les armes de France, les trois lys royaux ŽcartelŽs de Courtenay, avec la couronne. Jusque lˆ, ce n'Žtait que dans la pŽnombre d'Žglises de campagne, sur des tombeaux, ou dans des contrats privŽs que quelques uns avaient osŽ cette annexion. Louis l'affiche ostensiblement.
Si fils de France (famille du roi) ou prince du sang (hŽritier de secours) relvent de catŽgories dŽfinies dont les membres sont rŽpertoriŽs, hiŽrarchisŽs, et les privilges codifiŽs ; si, depuis que le Roi a renversŽ la "pyramide fŽodale" en se faisant la source de la noblesse, il la multiplie et la nomenclature en forme (lettres-patentes, brevets etc.) ; si les princes Žtrangers ont une dŽfinition et un rang ; si, enfin, certains seigneurs particuliers, sans tre princes pour autant, sont dŽsignŽs ainsi (sans consŽquence) ˆ cause de certaines de leurs Terres que le droit ou la coutume qualifient de PrincipautŽs ; pour tous les autres, prince n'est qu'un qualificatif indŽterminŽ, souvent employŽ pour dŽsigner les cadets de grande maison, comme on appelle baron le fils d'un simple gentilhomme. Ce prince, Žtiquette sans labellisation, sonne comme le registre soutenu d'un monsieur qui a perdu sa fonction de marqueur de noblesse.
L'annuaire de la Cour, le semi-officiel Etat de la France, aprs avoir listŽ les enfants de France et princes du sang, ajoute un codicille : Quelques autres Princes ou Princesses issus de la Maison de France ont besoin de Lettres de lŽgitimation, ou d'un acte public, par lequel ils soient reconnus tels. L'Ždition de 1672, reprise par celle de 1687, inclut (nŽgativement) nos Courtenay dans cette catŽgorie b‰tarde. En effet, ˆ la fin du chapitre, on lit : Nous avons nommŽ cy-devant ceux qui sont Princes en France, sans en avoir obligation qu'ˆ leur naissance. Parmy lesquels prŽtendent tre compris Messieurs les Princes de Courtenay, qui en firent de grandes instances sous le rgne de Henry le Grand [...] Mais jusques icy ils n'ont pas encore ŽtŽ reconnus (1687, p 759). Plus tard (Žd. 1712, T. 2, p. 209), eux dont le nom et la terre appartiennent aux Boulainvilliers, comtes de Courtenay, tomberont dans les princes de courtoisie (ou de fantaisie) et seront placŽs entre les princes imaginaires de Tarente en Italie et Soyon en Vivarais.
Saint-Simon, imbu des rangs, ne chicane pas un Louis-Charles qui n'en a pas et qui, sagement, se tient ˆ sa petite place. Les "princes" Courtenay ne donnent pas matire ˆ jalousie, ils n'ont (et n'auront) jamais ni gr‰ces, ni titres, ni dignitŽs, ni honneurs. A un moment o de simples gentilshommes (et d'autres qui ne le sont pas) s'intitulent marquis, o le roi prodigue les titres ˆ brevet purement honorifiques, beaucoup se disent : qu'est-il besoin de tels brevets pour porter ces titres ? Louis a profitŽ et participŽ de cette inflation gŽnŽralisŽe. Sa princerie (portŽe par la lŽgende Louis le gros) ne choque pas.
Du Bouchet traduit cette acceptation en Žcrivant (dans ses Preuves) : Louis de Courtenay premier du nom, surnommŽ communŽment par un concert universel, le Prince de Courtenay. A dŽfaut d'un acte public, il est "titrŽ" par l'opinion publique.
Mais, si Prince ne tire pas ˆ consŽquence, adjoindre ostensiblement les lys aux tourteaux des Courtenay est un coup de partie. Louis imite ce Jean de Perusse dÕEscars (1500-1595) qui, lointain descendant de Saint-Louis par sa mre, osa Žcarteler ses armes de fleurs de lys et se fit prince de Carency. Henri III ferma les yeux et, une gŽnŽration plus tard, l'usurpation oubliŽe, les lys et le prince Žtaient avalisŽs par l'habitude.
Comme les rangs, les honneurs et les distinctions sont peu ˆ peu tombŽs en pillage en France, aussy ont fait les noms, les armes, les Maisons ; s'ente qui veut et qui peut, Žcrit Saint-Simon, sans penser ˆ son propre pre, Claude de Rasse, qui s'enta de la sorte aux Vermandois carolingiens.
L'innovation de Louis, prŽparŽe depuis cinquante ans, ne suscite pas d'Žtonnement. Prince de Courtenay s'emploie couramment, a n'engage ˆ rien. Aucune exclamation ou rŽprobation ne salue l'apparition d'une minuscule Žtoile ˆ l'extrme pŽriphŽrie du ciel royal. Lorsqu'on en parle, c'est comme si elle Žtait lˆ depuis toujours. Et, rŽtrospectivement, on qualifie de prince ou princesse le moindre Courtenay depuis Pierre "de France", le fils du Gros.
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C'est probablement de 1655 que date cette autopromotion, quand le dŽcs de Gaspard de BlŽneau met en scne la recomposition des biens et honneurs familiaux au profit de Louis de Chevillon. Il se fleurdelise et, pour consolider cette avancŽe, recourt ˆ du Bouchet, gŽnŽalogiste professionnel alors non dŽpourvu de rŽputation. Le De stirpe du temps de Henri IV, cette lourde plaidoirie en latin, avait ratŽ son but, ne dŽmontrait rien et Žtait absolument dŽmodŽe. L'Histoire gŽnŽalogique de la Maison royale de Courtenay para”t en 1661, l'annŽe mme de la mort de Mazarin et du dŽbut du rgne personnel de Louis XIV auquel elle est dŽdiŽe.
Quelques annŽes suffisent ˆ du Bouchet, entrepreneur expŽrimentŽ dont l'atelier fonctionne depuis longtemps et les armoires dŽbordent de justificatifs, originaux, copiŽs ou forgŽs, pour assembler et mettre en forme cette Histoire gŽnŽalogique, malgrŽ le nombre des ramifications, la taille de l'ouvrage et l'abondance des preuves qui proviennent en partie du travail d'archive initiŽ par les Courtenay sous Henri IV. Du Bouchet ne livre pas un factum juridique comme le De stirpe, mais un catalogue historiographique, avec un imprimeur (Preuveray), un libraire (du Puis) et un privilge royal (du 7 fŽvrier 1661).
L'Adresse au Roi commence ainsi : Voicy des Princes issus d'un de vos Augustes Ayeux, & que la RenommŽe & le bruit de Vos incomparables Actions & de vos vertus hero•ques, obligent de quitter leurs Tombeaux pour revivre sous votre Empire.
Ainsi ŽveillŽs, comme malgrŽ eux, par la gloire du Roi, ils esprent la glorieuse Protection de votre MajestŽ, & que vous leur accorderez en faveur de ceux qui restent encore de leur PosteritŽ, les marques d'Honneur, qui doivent tre inseparables de leur Extraction Royale. C'est un Droit, SIRE, qu'ils tiennent en partage de la Nature ; qui ne se peut prescrire par le Temps ; & que vous ne leur sauriez refuser sans affoiblir l'Appuy de Votre Couronne, puisqu'il n'y a que les Princes du sang qui soient nez pour la soutenir, & qui ayent la facultŽ de produire les Roys... Il est de votre gloire aussi bien que de la grandeur de l'Etat que ceux qui ont l'honneur d'avoir une mme origine de V.M.... ne demeurent pas parmi le vulgaire, sans Žclat et sans rang.
Une prŽface de treize pages s'emploie ˆ convaincre le lecteur que les Courtenay ne souffrent pas d'un vice gŽnique mais d'un accident de l'Histoire : ils ne sont pas titulŽs princes du sang parce que cette distinction n'existait pas du temps de leur anctre royal. Ce n'a pas ŽtŽ une naissance douteuse ou incertaine qui les a retenus dans la condition o ils sont ˆ prŽsent, mais seulement l'ancien usage de l'Etat... Que si la Fortune a eu assez d'injustice jusqu'ˆ cette heure pour refuser l'entrŽe du Louvre ˆ leur Carrosse, la Nature & la Loi fondamentale de l'Etat leur ont donnŽ l'avantage de mŽriter cet honneur et d'tre les seuls qui peuvent succŽder ˆ la Couronne aprs la Maison de Bourbon [qui est a”nŽe].
Le droit de nature est une fausse Žvidence : c'est l'Histoire, la construction de l'institution royale, qui au cours des sicles a dŽlimitŽ et thŽorisŽ le statut de successeur. La nature, c'est le cuivre de la monnaie des pauvres : mme astiquŽ, il ne vaut pas de l'or ! Aprs le dŽcs de Louis XIV, ses b‰tards se rŽclameront de la nature pour s'Žgaler aux princes lŽgitimes. A leur suite, HŽlne, l'ultime Courtenay, en abusera.
Plus astucieusement, Du Bouchet attribue la primautŽ de la Maison de Bourbon sur celle de Courtenay ˆ leur origine : les premiers descendent du fils a”nŽ de Louis VI le gros, et les seconds d'un cadet (Pierre). Nous examinerons dans la conclusion cette tentative d'ancrer la Monarchie au Gros, translation qui, en plaant au XIIe sicle l'anctre commun (gŽnarque), mettrait Bourbon et Courtenay sur le mme plan, quoiqu'ˆ des hauteurs diffŽrentes.
Le contenu de l'Histoire de du Bouchet rŽvle les difficultŽs auxquelles il se heurte. Ses 400 pages de texte (plus 262 pages des Preuves, foliotŽes sŽparŽment) ne nous apprennent pas grand chose, les chroniqueurs du passŽ ayant oubliŽ les Courtenay. Ceux-ci apparaissent surtout dans les partages successoraux qui fournissent dates, noms, parentŽs et rŽpartitions de terre. Je n'ai pas eu le courage de procŽder ˆ un comptage prŽcis : approximativement, les Courtenay n'occupent qu'une centaine de pages de leur Histoire. Le reste est rempli par les gŽnŽalogies des conjointes, supposŽes illustrer la grandeur des alliances. Certes, plus il y a de beaux noms, plus a brille, mais aussi ces digressions qui embrouillent le lecteur permettent ˆ du Bouchet de pallier Žconomiquement le manque de donnŽes en rŽemployant le contenu des cartons dans lesquels il collectionne les Maisons.
Quoiqu'apparemment trs dŽtaillŽ, l'ouvrage a dž sembler frustrant au "Prince" Louis, s'il l'a lu (il lui suffisait qu'il exist‰t). On le rencontre, comme dissimulŽ, entre FertŽ-Loupire et Bontin. En effet, du Bouchet n'ose pas produire un schŽma synthŽtique le dŽduisant de Pierre "de France" et se limite ˆ des tableaux partiels, branche par branche. La dŽmonstration reste donc implicite et opre par embo”tement. L'auteur suit les branches directement issues de Pierre (l'impŽriale, puis celle de Champignelles) et, aprs, celles issues des issus (Bleneau, puis FertŽ-Loupire, Chevillon, Bontin). Si l'on trouve un index des maisons alliŽes, on cherche vainement une table des matires. J'ai dž en reconstituer les mŽandres. Les dates (que l'auteur ne justifie pas) correspondent habituellement, pour la premire ˆ celle du partage successoral qui a dotŽ le "fondateur", et pour la dernire ˆ la mort du dernier hŽritier, d'o le flambeau passe ˆ une branche cadette. Le livre V accueille ceux dont on ne sait pas quoi faire.
Livre 1, Partie 1 branche a”nŽe (empereurs) 1160-1307 : Chp.1 Louis VI ; Chp.2 Pierre, fils du prŽcŽdent ; Chp.3 Pierre II, fils du prŽcŽdent ; Chp.4 Robert, fils du prŽcŽdent ; Chp.5 Baudoin, frre du prŽcŽdent ; Chp.6 Philippe, fils du prŽcŽdent ; Chp.7 Catherine, fille du prŽcŽdent.//
Livre 1, Partie 2 branche Champignelles 1197-1271 : Chp.1 Robert, petit-fils de Louis VI ; Chp.2 Pierre, 1er fils du prŽcŽdent ; Chp.3 Raoul, 2nd fils ; (Guillaume, 6me fils et successeur reportŽ au Livre 2, Chp.1).
Livre 2 Champignelles et S.Brion 1246-1472 : Chp.1 Guillaume ; Chp.2 Jean I fils du prŽcŽdent (x S.Brion) ; Chp.3 Jean II, fils du prŽcŽdent (x S.Verain-BlŽneau) ; Chp.4 Jean III, fils du prŽcŽdent ; Chp.5 Pierre II son frre ; Chp.6 Pierre III, fils du prŽcŽdent (son frre Jean "II" de BlŽneau poursuivi au Livre 3) ; Chp.7 Jean IV sans terre, fils du prŽcŽdent.//
Livre 3 BlŽneau 1415-1655 : Chp.1 Jean "II", frre de Pierre III ; Chp.2 Jean "III", fils du prŽcŽdent ; Chp.3 Jean "IV", fils du prŽcŽdent ; Chp.4 Franois, fils du prŽcŽdent ; Chp.5 Gaspard, fils du prŽcŽdent ; Chp.6 Edme, fils du prŽcŽdent ; Chp.7 Gaspard II, fils du prŽcŽdent.//
Livre 4 FertŽ-Loupire, Chevillon, Bontin, de 1461 jq ˆ prŽsent :
Chp.1 Pierre FertŽ-Loupire et Chevillon, 3e fils de Jean "II" (dont le 4e fils est en Chp.7) ; Chp.2 Pierre, 1er fils du prŽcŽdent (dont RenŽ, dont filles par lesquelles se perd la FertŽ-Loupire) ; Chp.3 Jean Chevillon, 2e fils ; Chp.4 Guillaume, fils du prŽcŽdent ; Chp.5 Jean Frauville, 4e fils et successeur ; Chp.6 "Prince" Louis, fils du prŽcŽdent.
Chp.7 Sgrs de Bontin: Louis (4e fils de Pierre FertŽ-Loupire et Chevillon du Chp.1 de ce L4) ; Chp.8 Franois (RPR), fils du prŽcŽdent ; Chp.9 sa fille Anne x Sully.
Livre 5 Sgrs d'Arrablay, anciens FertŽ-Loupire, Tanlay
Pour simplifier la transmission, ™tons la branche a”nŽe (impŽriale) dont nos sieurs ne descendent pas et Žcartons les scories du Livre V. La continuitŽ rŽsulte de la substitution d'une branche cadette ˆ une branche a”nŽe lorsque celle-ci finit. Le plan de l'exposŽ est supposŽ convaincre :
Du Bouchet imprgne le lecteur de la royalitŽ des Courtenay, par l'appellation de prince et princesse qu'il distribue abondamment en tous temps aux diffŽrents sires, ˆ leur Žpouse et ˆ leurs enfants.
Les preuves incontestables n'existent pas, les contre-preuves non plus. La mission de du Bouchet consiste ˆ rŽtablir la descente bloquŽe par les Sainte-Marthe : il rend sa postŽritŽ ˆ Guillaume (6e fils de Robert de Champignelles) et la pousse jusqu'ˆ prŽsent. La reconstruction et le renforcement de la passerelle lancŽe par du Tillet, prend la forme d'une succession de ponts. Du Bouchet offre ˆ Louis le monument de sa grandeur et fournit des matŽriaux aux gŽnŽalogistes futurs. Une entreprise de communication rŽussie !
En effet, l'ouvrage impressionnera et alimentera les auteurs de gŽnŽalogies royales qui, autrement, se seraient contentŽs des Sainte-Marthe, excluant par lˆ les Courtenay. De mme que la valeur d'une lettre de change augmente avec le nombre des signatures qui la garantissent, de mme chaque reprise de du Bouchet accro”t sa crŽdibilitŽ et celle des Courtenay ! Cela se voit vite, ds l'Histoire gŽnŽalogique et chronologique de la maison royale de France du Pre Anselme (1674), maintes fois rŽŽditŽe et complŽtŽe. Au sicle suivant, c'est le tour de La Chenaye-Desbois (Dictionnaire de la Noblesse 1757-1765). Tous les compilateurs de catalogues de la maison royale ou de dictionnaires de la noblesse auront leur chapitre "Courtenay" basŽ sur du Bouchet. Ainsi, capturant les gŽnŽrations futures, Louis surmonte le "Gibbon's problem" et rŽussit a posteriori ˆ inscrire son origine dans les annales du royaume.
Le "prince" sent-il qu'en passant de la statique (ni reconnus, ni dŽniŽs) ˆ la dynamique (j'avance, me ferez-vous reculer ?), il exploite l'indŽcidabilitŽ, en assimilant l'absence de rŽaction ˆ une approbation ? On le pense lorsqu'on lit le prŽambule de sa Requte solennelle de 1666 : Avant que de presser V.M. par leurs plaintes ; ils ont creu, SIRE, estre obligez d'exposer ˆ l'examen de toute l'Europe, les Preuves invincibles de leur Extraction Royalle: L'histoire GŽnŽalogique, qui contient leur filiation & ses Preuves authentiques, est imprimŽe depuis cinq ans avec la permission de V.M. Et cette vŽritŽ est confirmŽe par le tesmoignage de tous les Historiens.
Les Courtenay tardifs s'affirment aussi CapŽtiens que le roi, tout en restant prudents. Dans ses additions aux MŽmoires de Dangeau, Saint-Simon dŽvoile leur ruse : Ces messieurs-lˆ... ont ŽvitŽ de rien faire volontairement qu'on pžt opposer ˆ leur droit (Dangeau, Žd. 1855, T.4, p. 18, ˆ la date 3 fŽv. 1692). Louis n'enfonce pas les grilles du Louvre avec son carrosse. Il joue ses rares cartes avec habiletŽ, et non ˆ quitte ou double comme un Pranzac dont le Parlement condamna la prŽtention ˆ la royalitŽ (Guillard, 1689, T.4). Pour bien montrer la diffŽrence, Du Bouchet lance en 1667 une Responce ˆ la requeste que M. de Pranzac, prince du sang imaginaire, s'est persuadŽ avoir prŽsentŽe au Roy.
Louis a l'impertinence cauteleuse. Sully, Richelieu, Mazarin, ont encouragŽ ou excitŽ les prŽtentions des Courtenay. N'en doutons pas, Louis, avant de se fleurdeliser, savait qu'on le laisserait faire. Mme si les faux princes prolifrent et si la "sociŽtŽ" du temps est beaucoup plus fluide que l'Etiquette de Versailles et les querelles de rang le suggrent, prendre les armes royales, c'est tenter la hache.
Quand, en 1661, Louis XIV commence son rgne personnel, il trouve notre Louis "royalisŽ" et affecte de l'ignorer. Ma”tre des distinctions et des rangs, le roi qui accorde ou refuse un tabouret de gr‰ce ˆ celles qui ne l'ont pas de droit, abandonne ˆ Louis son fauteuil virtuel, ˆ condition qu'il ne s'assoie pas, et sans accompagner cet honneur d'honneurs ni d'aucun avantage pratique. En un mot, il le reconna”t comme mŽconnu !
Guy Patin Žcrit (ˆ Falconet, le 28 fŽvrier 1662) : La reine est grosse et sur cette nouvelle, le roi a dit : Nous ne manquerons pas de petits Courtenay, cÕest-ˆ-dire de pauvres princes, et incommodŽs. Tout est lˆ et rien de plus : sans prŽjudice ni implication, le roi cousine ˆ la mode de Bretagne avec ce lointain parent que tout le monde considre comme tel. Saint-Simon le note : les Courtenay portaient de France... sans qu'on les en ait empchŽs, et ont toujours drapŽ avec le roi, ce qui jusqu'ˆ sa mort n'a ŽtŽ souffert qu'aux gens qui en avoient le droit (Saint-Simon, add. Dangeau dŽjˆ citŽe). Draper sa maison de noir pour marquer la mort d'une personne royale, s'associer ainsi au deuil du roi, cela signe l'appartenance ˆ la famille.
L'indiffŽrence est peu probable, de la part d'un roi si soucieux de l'Žtiquette. Ces fantomatiques cousins respectueux semblent lui inspirer une ombre d'indulgence. Il est vrai qu'ˆ ses yeux, son sang personnel a une telle prŽŽminence sur le sang royal en gŽnŽral que ce dernier ne compte plus gure.
Une illustration : ds le dŽbut de son gouvernement, en 1662, le jeune roi laisse agrŽger ˆ sa famille royale les Princes Lorrains qui n'en sont pas, niant la biologie du sang. Ce faisant, il transgresse les "lois fondamentales", pour lesquelles, si le Roi fait la Loi, si le Roi est la Loi, il ne dispose pas de la Couronne ; Dieu seul y pourvoit par les voies naturelles du mariage lŽgitime ; agir autrement revient ˆ se substituer ˆ la Providence, et remplacer les voies de droit par des dŽcisions arbitraires ! Du Tillet l'avait dit : les Rois ne peuvent engendrer des Princes du Sang & des successeurs ˆ la Couronne par Lettres patentes.
Mais la politique ne se soucie pas de la Constitution du royaume. De Lionne, exploitant la situation dŽsespŽrŽe du duc de Lorraine, Charles IV, le cauchemar de Richelieu, l'oblige ˆ lŽguer la Lorraine ˆ Louis XIV pour dŽguiser en fusion l'annexion dŽjˆ rŽalisŽe (cf. Spangler, 2003) : les princes du sang de Lorraine, dŽsormais rŽputŽs princes du sang de France, en auraient les privilges et donc accŽderaient ˆ la Couronne au cas (improbable) o les Bourbon s'Žteindraient jusqu'au dernier. Charles en rit, disant que plus habile qu'aucun Roi qui ežt jamais ŽtŽ, il avait fait vingt-quatre Princes du Sang dans un jour.
Ce TraitŽ de Montmartre, signŽ le 6 fŽvrier 1662, les Princes et les ducs-pairs de France n'en veulent pas plus que le Parlement de Paris dont le Roi force l'enregistrement (27 fŽvrier). Le traitŽ est invalidŽ d'avance puisqu'il ne peut espŽrer la ratification de tous les Princes lorrains. NŽanmoins, il blesse ceux dont la promotion putative des Lorrains affecte l'honneur, car il dispose que les Princes lorrains, s'ils marchent derrire les Princes du sang de France, passent devant tous les autres Princes issus de Maisons Souveraines Žtrangres, ou enfans naturels des Rois & leurs descendans, & jouissent des privilges & prŽrogatives des Princes de son sang. Vend™me, b‰tard lŽgitimŽ de Henri IV, qui jouit d'un rang intermŽdiaire entre les Princes et les ducs-pairs, rŽtrograderait d'une case, comme ces derniers. Quant ˆ nos Courtenay, ils seraient remplacŽs par les Lorrains comme roue de secours de la Monarchie.
Le Duc de Vend™me prŽsenta une Requte, par laquelle il supplioit de considŽrer, qu'Henri quatre avoit rŽglŽ qu'il auroit le pas immŽdiatement aprs les Princes du sang, & que Sa MajestŽ elle-mme le lui avoit conservŽ ; aprs-quoi il forma son opposition. Le Prince de Courtenai en fit autant. II fžt suivi des Duc & Pairs, qui remontrrent, que la gr‰ce accordŽe aux Princes Lorrains blessoit leur dignitŽ...
Vend™me et les ducs & pairs remontrent contre l'augmentation du nombre de ceux qui les prŽcdent. Le Prince Louis, ds le 12 fŽvrier, Žcrit au Roi pour la prŽservation des droits de sa Maison.
Le MŽmoire prŽsentŽ au Roy par Monsieur le Prince de Courtenay en suite de sa protestation, le 13 FŽvrier 1662 ne conteste pas, il se dŽsole que ce traitŽ rouvre une vieille plaie jamais guŽrie. Lorsque, au sicle prŽcŽdent, les Guise "carolingiens", cadets de Lorraine, voulaient tout avaler, on les a contenus en bloquant ˆ St Louis la "proximitŽ ˆ la Couronne", ce qui, par ricochet, annihila les Courtenay. Et voilˆ que, d'un coup, les Lorrains sautent par dessus St Louis et entrent dans le Sang dont les Courtenay restent exclus ! Voilˆ un dernier outrage et une dernire injustice. Le Prince Louis s'attriste : des CapŽtiens, il ne reste plus aujourd'hui que la famille du Bourbon rŽgnant... et les Courtenay oubliŽs. C'est ˆ eux que la Couronne devrait revenir, si les Bourbon venaient ˆ manquer, non aux Lorrains, Žtrangers au Sang et au royaume :... ne restant plus de la Maison Royale, que celle de BOURBON, qui Rgne heureusement en la Personne de Vostre MajestŽ, & celle de COURTENAY, ˆ laquelle on veut faire le dernier outrage & la dernire injustice. Car SIRE, quoy qu'elle soit seule capable de succŽder ˆ la Couronne aprs la Maison de BOURBON, On a stipulŽ au prŽjudice du droit de sa Naissance, dans le TraittŽ que V. M. vient de faire avec Monsieur de Lorraine, Que la Maison de BOURBON venant ˆ dŽfaillir, celle de Lorraine succderait ˆ la Couronne...
Cette "protestation" reste sans rŽponse. L'Žtonnant, c'est que Louis ose Žcrire cela, le signer du titre de Prince, le prŽsenter au Roi, imprimer la lettre et la diffuser en toute impunitŽ. En ce sens, cette "protestation" marque ˆ la fois l'apogŽe et le pŽrigŽe du satellite Courtenay qui, repoussŽ encore plus loin par les Lorrains, arrive au point le plus avancŽ d'une offensive centenaire : ˆ cinquante-deux ans, le "Prince" Louis a publiŽ ne restant plus de la Maison Royale, que celle de BOURBON... & celle de COURTENAY et on ne l'a pas sanctionnŽ parce qu'il sait jusqu'o aller trop loin et prend garde de ne marcher sur les pieds de personne au-dessus de lui.
Avant de mourir dix ans plus tard (1672) il a le temps, en 1669, de marier son successeur, Louis-Charles, l'a”nŽ de ses sept enfants vivants, alors ‰gŽ de vingt-neuf ans.
Louis-Charles, nŽ en 1640 avec un prŽnom doublement royal, continuera son pre et bŽnŽficiera d'une exceptionnelle longŽvitŽ ( 1723). Lui aussi sait se tenir, ne dispute le pas ˆ personne et ne prŽtend pas entrer chez le Roi en carrosse. Il hante la cour, comme une ombre, sans autre qualitŽ que le vague cousinage admis par Louis XIV qui, ˆ l'occasion de la mort au combat de son fils, l'alla voir, ce qui fut extrmement remarquŽ, parce qu'il [le Roi] ne faisait plus depuis longtemps cet honneur ˆ personne et que M. de Courtenay n'avait ni distinction ni familiaritŽ auprs de lui. Quand Louis-Charles essaie de marquer de nouveaux points, on l'Žcarte sans mŽchancetŽ : en 1695, tout incommodŽ qu'il Žtoit, il chercha ˆ payer les 2000 francs de capitation tarifŽs aux Princes du sang : On ne les voulut pas recevoir. Il soutint qu'il les payeroit en entier, ou rien du tout, et oncques depuis il ne l'a payŽe, mme depuis qu'elle fut rŽpartie autrement (Saint-Simon, ibid.). Bref, il peut dire, non faire ; affirmer, non confirmer. Quoiqu'il soit aussi (ou plus) habile que son pre et enragŽ procŽdurier, il n'obtient pas davantage. Dans le contexte de la querelle des lŽgitimŽs, la protestation qu'il adresse au RŽgent (1715) est un geste aussi nŽcessaire que vain.
Retraons rapidement la vie de Louis-Charles. J'ai dŽjˆ mentionnŽ Hortense Mancini et ses millions. Louis-Charles participe aux premires guerres de Louis XIV : on le voit ˆ la dŽsastreuse campagne d'AlgŽrie (Jijel, 1664), en Flandres en 1667 ; blessŽ au sige de Douai, il se signale encore ˆ celui de Lille & ˆ la guerre de Hollande en 1672.
En 1669, son pre le marie ˆ Marie de Bussy (Bucy), d'une branche cadette des Lamet (Lameth), ancestrale noblesse d'ŽpŽe picarde. Avec sa sÏur Catherine, elle a hŽritŽ des biens et terres paternels par le dŽcs de leur frre et de leur mre en 1666. Marie ( 1676) donne deux fils ˆ Louis-Charles, Louis-Gaston (1669) et Charles-Roger (1671) : l'avenir de la princerie semble assurŽ.
Louis-Charles reste veuf douze ans et, le 14 Juillet 1688, se remarie dans la robe. Il Žpouse la riche HŽlne (1649-1713), veuve d'un prŽsident au grand conseil, Jean Le Brun ( 1676), une femme assez bien faite, mais qui n'est pas trop jeune dont Lauzun faisait l'amoureux. On dit qu'elle se moquait fort de lui (MŽmoires de Mademoiselle). Elle est fille de Bernard du Plessis-Besanon (1600-70), grand serviteur de Marie de MŽdicis, puis de Richelieu et de Mazarin. Sa famille est des plus nobles & plus anciennes & mieux alliŽes de Paris, & qui a eu l'honneur d'avoir produit sept Conseillers du Parlement de pere en fils, depuis Hugues de Besanon qui l'estoit en 1314 (Blanchard, 1647, Catalogue des conseillers). HŽlne, Žpouse d'un Louis-Charles qui Žtait fort inquiet de ses affaires et en tourmentait les autres, engendre, malgrŽ son ‰ge, une fille nommŽe HŽlne comme elle (1689-1768).
L'espoir de Louis-Charles, son fils a”nŽ, Louis-Gaston, fut tuŽ mousquetaire au sige de Mons en 1691, sans postŽritŽ. Avec lui dispara”t l'avenir de la Maison. La porte se ferme, que les gŽnŽrations prŽcŽdentes avaient peinŽ ˆ entreb‰iller. C'est peut-tre le vrai sens de la visite de condolŽance du Roi : finis. En ce qui concerne le garon, il n'y avait pas grand chose ˆ en dire, comme l'expriment joliment les MŽmoires apocryphes du cardinal Dubois : C'Žtait un beau jeune homme de vingt et un ansÑ Je viens de faire en neuf mots toute son oraison funbre.
Familier mineur de la Cour, Louis-Charles voit ses moyens financiers rŽduits par le dŽcs de son Žpouse en 1713 : Madame de Courtenay mourut ˆ Paris aprs une longue maladie ; elle ne paraissait point en ce pays-ci [la Cour]. Elle avait un bien considŽrable qui faisait subsister M. de Courtenay qui va tre prŽsentement fort mal dans ses affaires car le bien de sa femme revient aux enfants qu'elle avait de son premier mariage avec le prŽsident le Brun (Dangeau, T.15, ˆ la date du 29 novembre).
Il fut sauvŽ de son affreuse pauvretŽ par les libŽralitŽs de la RŽgence. Dangeau (ˆ la date 6. fŽv. 1720, T.16, p. 229) : Le roi a donnŽ 200,000 francs ˆ M. de Courtenay le pre; on lui a donnŽ le choix de cette somme ou de 20,000 francs de pension; il a mieux aimŽ prendre les 200,000 francs. "Le roi", i.e. le RŽgent, i.e. Dubois qui, commente Saint-Simon, quand il n'Žtait encore qu'un petit abbŽ, avoit ŽtŽ reu familirement chez lui ; il s'en souvint, et lui procura cette gr‰ce sans qu'il ežt songŽ ˆ en demander aucune. A peu prs en mme temps, le dernier fils, Charles-Roger reut aussi une gratification de Dubois qui se piqua de lui donner une part de ses gains dans la spŽculation du Mississipi : 200 000 francs d'actions. Ces cadeaux inattendus rŽpondent-ils ˆ la Protestation de 1715 ou cachent-ils quelque chose (cf. infra) ?
M. Charles-LoŸis, Prince de Courtenay, est mort ˆ Paris le 28. Avril dernier... Il Žtait fils de Louis Prince de Courtenay... Žcrit Le Mercure de Mai 1723 (p 1005-6) qui termine sa notice nŽcrologique par : Les GŽnŽalogistes font descendre la Maison de Courtenay de Pierre de France, premier du nom, septiŽme & dernier fils du Roy Louis le Gros. DŽcevante Žpitaphe !
A quatre-vingt trois ans, Louis-Charles expire avec la RŽgence, en 1723, la mme annŽe qu'OrlŽans et Dubois, des suites d'une chute qu'il avait faite dans l'escalier du prŽsident Nicolay. Reste Charles-Roger, le fils cadet dŽpourvu du Louis magique, mariŽ en 1704 ˆ Marie Claire Genevive, fille de Claude "de Bretagne", Marquis d'Avaugour, Comte de Vertus et Go‘llo. Quand Louis-Charles dispara”t, le couple n'a pas d'enfant. Il n'en aura pas. Charles-Roger ne reprend pas le flambeau : il servit peu et fut un trs pauvre homme et fort obscur quoique riche (Saint-Simon). Ce pauvre riche se suicide sans raison apparente en 1730 et, pour l'honneur, l'on affecte de croire ˆ un accident. Ainsi fine la seconde Maison Courtenay, alors que, en Angleterre, la premire Maison, oubliŽe depuis deux sicles, va bient™t rŽŽmerger.
Charles-Roger, l'ultime Courtenay, appara”t comme l'homme de l'Žchec et du renoncement. C'est peut-tre pour corriger cette image et conserver ses droits que sa demi-sÏur HŽlne aurait prŽtendu qu'il adhŽrait fidlement aux revendications familiales. Elle-mme, magnifiŽe par son mariage avec Bauffremont, les affirmera hautement.
Le bavard Danjan, garde des archives du duc d'OrlŽans, tiendrait d'HŽlne l'histoire suivante : le grand ‰ge de Louis-Charles rapprochant le moment qui ferait de Charles-Roger l'hŽritier du nom et des droits, on (Dubois ?) proposa ˆ ce dernier de renoncer, pour lui et ses descendants, ˆ ce fant™me de gloire. En compensation, il recevrait une pluie de bienfaits (dont les 200000 francs d'actions seraient les premires gouttes). Charles-Roger refusa avec indignation de sacrifier l'honneur de sa Maison. L'anecdote est publiŽe par La Place ˆ qui Danjan l'aurait racontŽe (1786, Pices intŽressantes et peu connues, pour servir ˆ l'histoire, T. 2, p 182 sq.). Le rŽcit, avec quelque fantaisie, montre un Louis-Charles, inquiet, rassurŽ firement par son fils.
Les faux Souvenirs de la marquise de CrŽquy (Courchamps, 1834-1835) en rajoutent sur le rŽcit de la Place, brossant du vieux "prince" un tableau gothique aussi spectaculaire que farfelu : dans un ch‰teau mŽdiŽval, sous une tente impŽriale entourŽe de symboles byzantins (auxquels il n'a jamais prŽtendu !), Louis-Charles met ˆ l'Žpreuve la fermetŽ de son fils. Tout est fictif, mais le rŽcit trop amusant pour ne pas le citer :
Le vieux Prince de Courtenay vivait encore... il entendit raconter au fond de son Auxerrois que... le Prince Charles-Roger s'Žtait engagŽ par Žcrit ˆ retrancher de ses armoiries l'Žcu de France... Le pre en tomba malade de chagrin ; il se coucha sous la tente de l'Empereur Baudouin de Courtenay, qu'ils faisaient toujours dŽployer pour achever les Žpousailles et pour se faire administrer l'extrme-onction. On Žcrivit au fils de la part du malade, et le voilˆ parti pour CŽzy. Il entra sous la tente impŽriale de ses grands-pres, qui se trouvait tendue dans le milieu d'une salle immense dont toutes les ouvertures Žtaient fermŽes ˆ la lumire du jour. On entrevoyait un vieux Labarum, ou je ne sais quelle bannire de Byzance, au chevet de la couchŽe. Le vieux prince Žtait couvert d'un grand linceul ; il avait l'air et la voix d'un mourant, et la scne Žtait ŽclairŽe seulement par quelques cierges qui Žtaient placŽs sur une sorte d'autel avec des reliquaires...
Le vieux Prince se mit ˆ le sermonner sur la nŽcessitŽ de ne plus se raidir contre les Bourbons, qui ne consentiraient jamais ˆ lui former un apanage, ˆ moins qu'il n'ežt rŽduit ses armoiries ˆ l'Žcusson de Courtenay proprement dit...
Ñ N'achevez pas, Monseigneur ! n'achevez pas ! ...
Ñ Mais s'il en est ainsi, reprit le vieillard, vous ne consentirez donc point ˆ diffamer nos armes...
Ñ Jamais ! jamais !
Ñ Monsieur, rŽpliqua vigoureusement son pre en se mettant sur son sŽant, c'est une rŽsolution qui vous fait honneur, et, du reste, elle est heureuse pour vous ; car, ajouta-t-il en tirant un pistolet de dessous son linceul, si je vous avais vu faiblir, j'allais vous faire sauter la cervelle...
Charles-Roger, le dernier Courtenay m‰le, se la fit sauter lui-mme en 1730, sept ans aprs la mort de son pre. Il Žtait riche, se portait bien, et sa tte et son maintien faisaient plus craindre l'imbŽcillitŽ [la sottise] que la folie. Cependant un matin Žtant ˆ Paris, et sa femme ˆ la messe aux Petits-Jacobins, sur les neuf heures du matin, ses gens accoururent dans sa chambre au bruit de deux coups de pistolet tirŽs sans intervalle qu'il se tira dans son lit, et l'y trouvrent mort, ayant ŽtŽ encore la veille fort gai, tout le jour et tout le soir, et sans qu'il ežt aucune cause de chagrin. On Žtouffa ce malheur qui Žteignit enfin la malheureuse branche lŽgitime de Courtenay (Saint-Simon, XIII, 9) car ce qui reste ne compte pas : le vieil abbŽ des Echarlis ( 1733) et HŽlne, Žblouie de sa fausse qualitŽ de princesse.
M. de Baufremont, avec bien de l'esprit et beaucoup de bien et de dŽsordre, Žtait un fou sŽrieux, trs sottement glorieux, qui se piquait de tout dire et de tout faire, et qui avait ŽpousŽ une Courtenay plus folle que lui encore en ce genre (Saint-Simon, XIV, 13).
HŽlne de Courtenay, futurement hŽritire de son nom par la mort du prince Charles-Roger de Courtenay, son frre, na”t du second mariage de Louis-Charles. Elle a 23 ans quand son pre la marie en 1712 ˆ Louis-BŽnigne (1684-1755), chevalier de l'ordre espagnol de la Toison d'or, grand bailli d'Aval, marquis de Bauffremont, prince de Listenois, seigneur du duchŽ de Pont-de-Vaux, vicomte de Salins et de Marigny, etc.
DŽjˆ bien pourvu de titres et de biens en Franche-ComtŽ, il a hŽritŽ de son frre a”nŽ, Jacques-Antoine ( 1710), et s'est enrichi de la succession Gorrevod, complexe affaire de double substitution disputŽe par les Bauffremont depuis 1681 et enfin tranchŽe par le Parlement de Paris en 1712. Il trouve dans le paquet maintes possessions, ainsi que la dignitŽ de Prince d'Empire de Gorrevod, aussi creuse que magnificente. On suppose que le prince Louis-Charles et HŽlne de Besanon, sŽduits par tant d'Žclat, ont vidŽ leurs caisses pour doter HŽlne. D'aprs les registres de baptme, ce mariage produira, de 1712 ˆ 1720, sept enfants vivants, dont quatre garons.
Le premier, nŽ en novembre 1712, nommŽ Louis, a pour parrain son grand-pre, le prince Louis-Charles qui, n'espŽrant rien de son fils Charles-Roger, oint de royalitŽ la richesse, l'illustration et l'orgueil des Bauffremont.
Ecartons-nous un instant de notre sujet pour examiner ces derniers.
Le pre, aussi haut que puissant seigneur en Bourgogne comtale espagnole, s'est ralliŽ ˆ la France quand elle annexa le pays. Le rŽgiment Bauffremont-Dragons fait partie des armŽes du Roi.
Son fils a”nŽ, Jacques-Antoine, prince de Listenay, Žpouse en 1706 Louise-Franoise, la seconde fille du comte de Mailly-RubemprŽ. Aussi relevŽ qu'ait ŽtŽ le dŽfunt Mailly (menin du dauphin, mestre de camp gŽnŽral des dragons de France), c'est la mre qui compte, Sainte-Hermine, proche parente et protŽgŽe de la toute-puissante Maintenon. Veuve depuis 1699, la comtesse de Mailly, sans biens et chargŽe d'une troupe d'enfants (Saint-Simon, II, 24), trouve ˆ ses filles de riches Žpoux gr‰ce ˆ la marquise. Louise-Franoise, Jacques-Antoine la prend sans dot. Il se rattrape l'annŽe suivante en escroquant sa belle-mre sous prŽtexte de se racheter d'une captivitŽ imaginaire. Deux ans aprs, il en obtient la Toison d'or : Mme de Mailly, qui n'avait pas donnŽ grand'chose ˆ Mme de Listenais [Žpouse de Jacques-Antoine] en mariage, fit en sorte, par Mme de Maintenon et Mme la duchesse de Bourgogne, de faire donner la Toison ˆ Listenais son gendre, malgrŽ la belle ŽquipŽe dont j'ai parlŽ et dont elle avait ŽtŽ la dupe... Cette Toison parut assez sauvage, non pour la naissance, mais par toutes autres raisons (Saint-Simon, VII, 20, annŽe 1709). Jacques-Antoine est tuŽ en dŽfendant Aire.
Son frre, le mari d'HŽlne, Louis-BŽnigne, militairement actif depuis 1701, lui succde ˆ la tte du rŽgiment familial et dans ses honneurs. En 1711, il se rend en Espagne restituer la Toison vacante par la mort de son frre et se la faire attribuer. Aprs les siges de Douai et du Quesnoy (sept., oct. 1712), Louis-BŽnigne ne participe plus aux opŽrations de la guerre de succession d'Espagne.
La mort du roi en 1715 entra”ne un grand remue-mŽnage. La RŽgence et la mauvaise santŽ du petit roi Louis XV rendent aigu‘ la question successorale. Les Princes du sang rŽclament contre les lŽgitimŽs. Ceux-ci dŽnient la compŽtence du Parlement. Les Ducs-Pairs prŽtendent gouverner. Les simples ducs se soulvent contre eux. Dans cette confusion, la "noblesse" s'agite contre les Ducs, s'assemble et demande les Žtats-gŽnŽraux. Bauffremont se prŽcipite dans cette petite Fronde dont le RŽgent refuse de recevoir le manifeste contre les ducs et princes. OrlŽans rappelle sŽvrement ˆ cette noblesse qu'il est son chef au nom du roi et qu'elle n'a pas le droit de s'assembler d'elle-mme. Si d'aucuns sont impressionnŽs et abandonnent, nombre d'irrŽductibles (excitŽs en sous-main par la duchesse du Maine) envoient au Parlement de Paris le 17 juin 1717 un acte signŽ de 39 gentilshommes, par lequel ils protestent de nullitŽ de tout ce qui s'est fait dans l'affaire des Princes au conseil de RŽgence et de tout ce qui sera fait sans l'assemblŽe des Žtats gŽnŽraux, attendu qu'il s'agit de la succession ˆ la couronne et que le droit d'y nommer appartient ˆ la noblesse (Mathieu Marais, Žd. 1863, T.1, p 206-7). Les six meneurs emprisonnŽs (dont notre Bauffremont), qui ˆ la Bastille, qui ˆ Vincennes, sont libŽrŽs rapidement le 16 juillet, aprs l'Edit dŽgradant les lŽgitimŽs. Pendant ce mois, la plupart des femmes de MM. les gentilshommes prisonniers ont permission de les voir; mais on l'a refusŽ schement ˆ madame de Bauffremont qu'on accuse d'avoir tenu des discours trs-forts (Dangeau, T 17, p 116-7, ˆ la date du 25 juin).
Saint-Simon s'emporte contre Bauffremont et ses amis qui prŽtendent reprŽsenter la Noblesse que, pour lui, seuls les Ducs-Pairs incarnent. Il s'exclame : avec de l'esprit et de la valeur et un des premiers noms de Bourgogne, il serait difficile d'tre plus hardi, plus entreprenant, plus hasardeux, plus audacieux, plus fou, qu'il l'a ŽtŽ toute sa vie.
En effet, Bauffremont accumule les provocations : il mortifie les marŽchaux de France, puis agite la Bourgogne contre son gouverneur, le Prince de CondŽ.
Quoique le nom de Louis-BŽnigne ne soit pas citŽ, comment ne serait-il pas mlŽ aux intrigues embrouillŽes de la duchesse du Maine ? La conspiration de Cellamare qui Žclate en dŽcembre 1718, vient ˆ point pour justifier la guerre contre l'Espagne (janvier 1719). Bauffremont, arguant de sa Toison, en fait dispenser son rŽgiment par le RŽgent (L'obŽissance et la reconnaissance prŽtendent avoir mme empire sur moi). Exclus par consŽquent de la promotion d'officiers gŽnŽraux du 1er fŽvrier destinŽe ˆ remplir les cadres, il sera promu le 16 juillet et, ˆ l'automne 1719, rejoindra Berwick en Catalogne. Ensuite, la longue parenthse pacifique Dubois-Fleury met les guerriers en vacance. Bauffremont cde son rŽgiment ˆ son fils en 1730 et prend part ˆ la guerre de succession de Pologne qui commence en 1733. En 1734, il est nommŽ MarŽchal de Camp, puis en 1738 lieutenant-gŽnŽral des armŽes du roi, sans servir en cette qualitŽ. Il mourra en 1755.
Nous nous sommes un peu ŽloignŽ d'HŽlne pour caractŽriser son entourage et donner le contexte de l'incident de 1737 qui, fortuitement, condamne la revendication courtenaise.
Dans les annŽes 1730, en Franche-ComtŽ, Louis-BŽnigne est assignŽ ˆ justifier la qualitŽ de Haut et Puissant Seigneur qu'il a prise dans un acte nommant le juge d'une de ses baronnies, acte soumis pour validation ˆ la chambre de Vesoul dont le procureur objecte : les Edits de nos anciens souverains [espagnols] portent qu'il ne sera loisible ˆ qui que ce soit de se qualifier noble, s'il ne l'est d'anciennetŽ ou par patentes du Prince ; que nul ne pourra se qualifier de "haut et puissant Seigneur" s'il n'est issu de Maison tenue de toute antiquitŽ pour illustre et principale.
Il semblerait pourtant que la hauteur de Bauffremont soit si notoire dans la comtŽ qu'elle n'ait pas ˆ produire ses preuves ˆ chaque procŽdure, mme si l'on doute que la Maison de Bauffremont tire son origine de Baufremontius Roi des Bourguignons vers l'an 417. Y-a-t-il de la malice dans l'exigence du procureur ou simple routine de procŽdure ? Chaque Maison tient prt son dossier de pices justificatives. Vingt ans plus tard, Louis, le fils, aura la mme affaire avec, cette fois, la chambre des comptes de D™le. On l'enjoindra le 22 mars 1753 ; ds le 26, il fournira ses pices et le 30 la chambre rendra un arrt qui le maintient dans sa qualitŽ : une semaine. Mais son pre, le glorieux Louis-BŽnigne, s'irrite, peut-tre ˆ cause de contingences locales dont nous ignorons tout. Son dŽfenseur, Pouhat de Tallans, avocat au Parlement de Besanon, rŽpond longuement, de manire circonstanciŽe, en rŽcusant le droit du procureur ˆ contester sa qualitŽ (MŽmoire pour messire Louis-BŽnigne, marquis de Bauffremont... contre le sieur Jean Champion, procureur du roy au bailliage et prŽsidial de Vesoul).
Jusque lˆ, rien qui nous concerne. Mais le mŽmoire de Pouhat de Tallans fuite et se publie ˆ Paris, comme portant sur un dŽtail curieux qui intŽressera les lecteurs. De larges extraits de ce monument ˆ la grandeur du Bauffremont paraissent dans les Observations sur les Žcrits modernes (1736, Lettre 99) dont le directeur, Desfontaines, est friand de polŽmiques. Entre autres illustrations de l'excellence de son client, l'avocat mentionnait que, pour l'admission de ses fils au sein des chevaliers de Malte, les preuves de noblesse furent remplacŽes, du c™tŽ paternel par la liste des alliances pures et distinguŽes de sa famille et pour ce qui est du c™tŽ maternel, ils n'ont eu qu'ˆ vŽrifier que Madame leur mre est HŽlne de Courtenay, Princesse du Sang Royal de France. Au moyen de cette filiation et par le respect qu'on porte partout ˆ ce Sang auguste, il a ŽtŽ dŽcidŽ dans un Chapitre GŽnŽral... qu'ils Žtaient dispensŽs de toute autre preuve.
Rappelons le secret du vieux Louis, ne rien faire volontairement qu'on pžt opposer ˆ leur droit. HŽlne a dŽjˆ pris la qualitŽ de princesse du sang royal dans des actes privŽs, son contrat de mariage, certains actes baptistaires de ses enfants. Ici, le zle de l'avocat la lui donne dans une pice judiciaire que la presse diffuse. Si les mots problŽmatiques Žtaient restŽs enfouis dans les armoires du greffe de Vesoul, au fond d'une Province, ˆ l'extrŽmitŽ du Royaume, nul ne s'en serait souciŽ. Mais les voilˆ exposŽs au grand jour, les salons bavardent et nul doute que HŽlne et Louis-BŽnigne ne s'en vantent.
Princesse de sang royal passerait ˆ la rigueur : c'est ainsi que sera qualifiŽ le duc de Penthivre, dernier
reprŽsentant m‰le des LŽgitimŽs dŽboutŽs. Mais du sang royal est rŽservŽ aux Princes capables de la couronne, ˆ leurs enfants lŽgitimes et, par extension mŽtaphorique, ˆ leur Žpouse. HŽlne n'est rien de tout a. S'agit-il d'une provocation ou d'une bŽvue de Pouhat de Tallans ?
Le premier avocat-gŽnŽral du roi au Parlement de Paris s'offusque : Gilbert de Voisins (1684-1769), en poste depuis vingt ans (1718), prŽcŽdemment membre du Conseil des Finances du RŽgent, et plus tard conseiller dÕEtat (1740), 1er PrŽsident du Grand-Conseil (1744), conseiller dÕEtat ordinaire (1747), membre du Conseil des DŽpches (1757). Un personnage important et expŽrimentŽ, rŽputŽ pour sa rectitude, son dŽvouement au roi et sa connaissance de la procŽdure. Il a vŽcu l'affaire des LŽgitimŽs et subi les arguties sur le sang et les droits de nature dont elle a ŽtŽ l'occasion.
Il saisit le Parlement et requiert que les mots Heleine de Courtenay, Princesse du Sang Royal de France soient biffŽs du mŽmoire, interdits d'emploi ˆ Bauffremont et ˆ tous autres, et que la lettre 99 des Observations soit supprimŽe. Gilbert de Voisins, en homme sŽrieux, reprend toute l'affaire depuis Henri IV. S'agissant d'un cas qui intŽresse le Roy, l'Etat, & la Cour, il porte lui-mme la parole des gens du roi. Des choses qui, hasardŽes au loin resteraient indiffŽrentes, ont ŽtŽ mises sous nos yeux ; nous ne pouvons pas garder le silence. Voisins argumente sur la forme (usage illicite d'une qualitŽ non reconnue), sans Žluder le fond de la question : il rappelle (et tous les mots font mouche) les tentatives de quelques personnes de la maison de Courtenay pour s'arroger, s'il ežt ŽtŽ possible, quelque commencement de possession d'une pareille qualitŽ ; il souligne l'enjeu : que le caractre auguste qui distingue en France les Princes du Sang Royal ne puisse au grŽ de l'opinion et des conjectures, devenir l'objet d'ambitieuses prŽtentions... et le danger d'un tel prŽcŽdent : l'exemple demeurerait toujours capable de tirer ˆ consŽquence pour d'autres Maisons.
Lisons en entier l'Extrait des Registres du Parlement que publie le Journal Historique sur les Matires du temps, 1737, T.41, p 180 :
CE JOUR [7 fŽvrier 1737], les Gens du Roy sont entrez, & Ma”tre Pierre Gilbert de Voisins, Avocat dudit Seigneur Roy, portant la parole, ont dit :
Qu'il ne leur est pas permis de se taire sur un MŽmoire imprimŽ du sieur Marquis de Bauffremont, qui d'ailleurs leur seroit Žtranger par son objet dont la connoissance est soumise ˆ un autre Tribunal : mais dans lequel ils trouvent ce qui intŽresse le plus nŽcessairement leur ministere, & ce qui appartient le plus immŽdiatement ˆ l'autoritŽ de la Cour.
Qu'on y lit ˆ la page 7. que la Dame Marquise de Bauffremont est effectivement Heleine de Courtenay, Princesse du Sang Royal de France : & que comme si ce n'Žtoit pas assez qu'un tel MŽmoire ežt ŽtŽ hasardŽ au fond d'une Province, ˆ l'extrŽmitŽ du Royaume ; un Ecrivain qui met au jour des feuilles successives, sous le titre d'Observations sur les Ecrits modernes, vient de lui donner un nouveau degrŽ de publicitŽ ˆ Paris, jusques sous nos yeux, par l'extrait qu'il en a fait dans ses feuilles du 12 Janvier, dans lequel il a transcrit les propres termes de l'endroit o est employŽe cette qualitŽ,
Qu'ils [les gens du roi] ne s'Žtendront point sur ce qui se passa en la Cour au commencement du dernier siŽcle, aux premiŽres tentatives de quelques personnes de la maison de Courtenay, pour s'arroger, s'il ežt ŽtŽ possible, quelque commencement de possession d'une pareille qualitŽ. Que les monumens qui reposent dans le Greffe de la Cour en font foi : & que ce qu'on y voit ˆ ce sujet sera ˆ jamais une preuve mŽmorable du zle de ceux qui exeroient alors le MinistŽre, dont ils ont l'honneur d'tre revtus.
Mais que ni la mŽmoire des choses passŽes, ni l'exemple de leurs PrŽdŽcesseurs, ne sont nŽcessaires pour autoriser une dŽmarche qu'ils ne pourroient omettre, sans manquer au plus sacrŽ de leurs devoirs, & sans tre responsables de leur silence au Roy, ˆ l'Etat, & ˆ la Cour.
Qu'on ne peut trop sentir de quelle extrme consŽquence il est, que le caractŽre auguste qui distingue en France les Princes du Sang Royal, ne puisse au grŽ de l'opinion & des conjectures, devenir l'objet d'ambitieuses prŽtentions. Qu'autrement, plus une Maison seroit illustre, plus les traces de son ancienne origine se perdroient dans la nuit des tems reculez, & plus il lui seroit facile de se laisser Žblouir aux idŽes flateuses dont la tŽmŽritŽ ou l'artifice chercheroient ˆ repa”tre son ambition : & que lors mme qu'elle viendroit ˆ s'Žteindre, son exemple demeureroit toujours capable de tirer ˆ consŽquence pour d'autres Maisons.
Que ce sont ces considŽrations, dont la Cour saura mieux peser encore toute l'importance, qui leur ont dictŽ les Conclusions qu'ils ont l'honneur de lui remettre, avec le MŽmoire, & les Feuilles imprimŽes, qui en sont l'occasion, & le sujet.
La Cour dŽlibre et rend un arrt conforme aux conclusions, interdisant d'employer lesdits Titres & QualitŽ pour ladite Heleine de Courtenay, & notamment ˆ tous Libraires & Imprimeurs, & tous autres, de les employer dans aucuns livres ou Imprimez &c., et condamnant ˆ les biffer dans le MŽmoire et dans les Observations. C'est tout : aucune punition, juste un rappel ˆ la Loi pour Baufremont et tous autres.
Depuis Henri IV, les Courtenay tardifs rŽclamaient un jugement dont le Chancelier avait dit, menaant : l'on vous fera justice mais non pas telle que vous la demandez. Si, depuis, les Courtenay se sont fait conna”tre comme mŽconnus, la mort du dernier m‰le cl™t le dossier : impensable de s'arroger quelque commencement de possession d'une pareille qualitŽ.
HŽlne prend feu. Elle attend Louis XV au bas du petit escalier par o il rentre quand il revient de la chasse (Luynes), dŽmarche incongrue qu'aurait autorisŽe le Cardinal Fleury. Elle lui tend la Requte de HŽlne de Courtenay contre un arrt du Parlement de Paris, du 7 fŽvrier 1737, qui lui a rayŽ la qualitŽ de princesse du sang royal de France. Le roi ne la lit pas mais, ˆ travers le Roi, c'est au public qu'elle s'adresse, excitant l'intŽrt par son geste "hŽro•que". Les gazettes hollandaises diffusent ˆ Paris ce qu'il serait imprudent de publier en France : la Lettre historique & politique concernant l'Žtat prŽsent de l'Europe d'avril 1737 (T. 102, pp. 454-472, Amsterdam), donne le texte intŽgral de cette Requte (repris en 1739 par le SupplŽment au corps universel diplomatique du droit des gens, T.2, pp. 589-592, La Haye-Amsterdam). Admirons la vitesse des rŽactions : les extraits du MŽmoire Bauffremont sont publiŽs ˆ Paris en janvier, l'arrt du Parlement date du 7 fŽvrier, HŽlne porte sa requte au roi le 22 fŽvrier, le texte est diffusŽ en avril ! On en parle beaucoup, comme en tŽmoigne le duc de Luynes (MŽmoires, T.1, p. 198-9) : La requte de Mme de Bauffremont fait ici beaucoup de bruit. Elle est de la maison de Courtenay et prŽtend par cette raison tre princesse du sang de France, et ce n'est pas, ˆ ce qu'il paroit, sans beaucoup de fondement... elle paroit soutenir sa prŽtention avec beaucoup de vivacitŽ.
J'allongerais trop mon propos en dŽtaillant cette plaidoirie habile et bien composŽe, si proprement Žcrite que, mme quand HŽlne, enragŽe, aurait imitŽ la duchesse du Maine en couvrant son lit d'in-folios et en passant les nuits ˆ rŽdiger, trois semaines n'y suffiraient pas. Les Bauffremont et les Voisins habitent ˆ c™tŽ, les premiers rue Taranne, les seconds rue de Seine. Ils se rencontrent chez des tiers. Voisins les a-t-il informŽs par avance ? A moins que, en publiant le mŽmoire de l'avocat, Louis-BŽnigne et/ou HŽlne aient anticipŽ la suite et prŽparŽ leur riposte avec Pouhat de Tallans ; ou bien enfin que, depuis la mort de son frre (1730), HŽlne, prŽvoyant un clash, inŽvitable ˆ prŽsent qu'aucun m‰le n'assume plus la posture, travaille sa dŽfense au lieu de s'occuper de broderie.
HŽlne assimile subrepticement de sang royal et du sang royal. Elle Žcrit de, au dŽbut, et une seule fois : [Le roi] n'a jamais dŽfendu aux Princes de Courtenay de se qualifier de Princes de Sang Royal de France, qualifications qui dŽsignent des Princes descendus d'une autre branche de la Maison de France que la Branche rŽgnante (p. 457). Soit. Mais ensuite, elle substitue constamment le du au de en nommant les Courtenay princes du sang royal, expression qu'elle croit justifier en la distinguant de princes du sang tout court (branche rŽgnante). Ce glissement trahit le caractre douteux de la formule qu'elle adopte et revendique.
Elle emploie l'Žternelle astuce en deux temps : 1) le roi ne nous l'interdit pas, c'est donc qu'il le permet ; 2) s'il le permet, c'est donc qu'il le veut ! Les trois rois Bourbon, en nous refusant les honneurs, ont cependant "voulu" nous laisser la qualitŽ : si lÕon pouvoit supposer dans ce grand Monarque une autre VolontŽ, il leur auroit dŽfendu de prendre ces Qualitez.
Renonant aux honneurs inaccessibles, elle veut seulement ce que les rois ont "voulu", ce que le droit de nature les oblige ˆ vouloir :
...La Suppliante convient (quelque triste & douloureux que soit cet aveu pour elle) que ses Ayeuls n'ont pž parvenir ˆ se faire accorder le Rang & les Honneurs attachez depuis Henri III. au Titre de Prince du Sang: Quoique, ni sous ce Regne, ni sous aucun autre, on ne leur ait jamais contestŽ dÕtre descendus en Ligne directe de Pierre de France, dernier Fils de Lou•s VI... elle soutient, que jamais V.M. ni les Rois ses PrŽdŽcesseurs (seuls en droit de juger ce Point important) nÕont decidŽ qu'ils ne fussent pas Prince du Sang Royal de France. Si votre Auguste Bis-Ayeul [Louis XIV], ˆ qui ils en demandrent les PrŽrogatives, en lui prŽsentant leur GŽnŽalogie, les leur refusa, il leur en laissa du moins le Titre ; persuadŽ, que rien ne pouvait leur ravir ce quÕils ne tenoient que de la Nature.
Notez les deux points essentiels :
1) la Nature lui a donnŽ sa qualitŽ : le sang royal est natif. HŽlne prend cette condition nŽcessaire pour suffisante. Un pamphlet cŽlbre de 1717 en faveur des LŽgitimŽs (Memoire instructif...) s'exclamait de mme : QuÕest-ce quÕun Prince du Sang, selon la nature ? CÕest un homme issu du sang dÕun Roi (p. 11). HŽlne : il [le feu roi] savait, on le rŽpte ici, que la Nature les leur ayant donnŽes [ces qualitŽs indicatives de leur Maison], la Nature seule pouvait les leur ™ter... Le Parlement n'a donc pu ™ter ˆ la Suppliante un droit qu'elle ne tient que de la Nature... parce qu'il n'est point d'AutoritŽ supŽrieure ˆ celle de la Nature ou [se reprend-elle], s'il y en avait, ce serait ˆ la seule personne de V.M. qu'elle se trouvait dŽvolue ;
2) la filiation est une chose qui vient de la nature, les honneurs associŽs une autre. Le roi n'a pas interdit aux Courtenay le titre de Prince du sang royal lorsqu'il leur en a refusŽ les prŽrogatives : Le feu Roi... Ma”tre des rangs dans son Royaume, nÕa voulu en accorder quÕaux Princes de sa Branche : Princes, par cette Raison, qualifiez seulement de Pr’nces du Sang. Ce grand Roi, persuadŽ que les Droits de la Nature sont inviolables, persuadŽ que lÕon ne peut descendre en Ligne directe & lŽgitime dÕun Roi de France, sans tre Prince
du Sang Royal de France, nÕa jamais dŽfendu aux Princes de Courtenay de prendre ce Titre. Ils lÕont pris devant sa propre Personne... SÕil leur a donc refusŽ les Honneurs accordez aux Princes de sa Branche, il a en mme tems voulu que les Princes de Courteney demeurassent en possession de prendre les Qualitez indicatives de leur Maison. Si lÕon pouvoit supposer dans ce grand Monarque une autre VolontŽ, il leur auroit dŽfendu de prendre ces Qualitez: mais il savoit, on le repete ici, que la Nature les leur ayant donnŽes, la Nature seule pouvoit les leur ™ter.
Extrapolation audacieuse !
Avec une feinte na•vetŽ, la suppliante demande "seulement" ˆ conserver la qualitŽ indicative de sa naissance, une identitŽ, non un Žtat : la Suppliante est en Droit de se qualifier Princesse du Sang Royal de France. Cette Qualification forme la seule & simple Indication du Sang dont elle sort: elle nÕen reoit, ni Rang, ni PrŽrogatives : elle ne prend point la QualitŽ de Pr’ncesse du Sang ˆ laquelle ces Honneurs ont ŽtŽ accordez & qui nÕa ŽtŽ communiquŽe quÕaux seules Princesses de la Branche Regnante...
Nul doute que HŽlne, au moins en privŽ, continue ˆ se dire princesse du sang royal de France, qualitŽ illusoire qu'elle ne peut transmettre ˆ ses enfants, la descente "directe" par m‰les Žtant interrompue.
D'ailleurs, les Bauffremont eux-mmes fr™lent l'extinction. Louis, le fils a”nŽ d'HŽlne et de Louis-BŽnigne, brillant soldat couvert de titres militaires, n'a qu'une fille. Son frre, Charles-Roger, le prince incomparable de Mmes du Deffand et de Boufflers, s'amuse ˆ la cour de Stanislas ; quoique toutes les mres le poursuivent, il ne se mariera pas. Le plus jeune, Franois-Auguste, dispara”t t™t ou se rŽvle incapable. Seul le second frre, Joseph-Franois, pourrait engendrer le fils nŽcessaire mais, ˆ quarante-huit ans, chef d'escadre des armŽes navales, il n'est pas mariŽ.
Louis-BŽnigne mort (1755), Louis, le nouveau chef de la Maison, ne dispose pour la conserver que de mauvais moyens : une fille et un frre cŽlibataire. Il rŽsout le problme en les mariant ! En 1762, il unit la gamine de douze ans ˆ Joseph-Franois, son vieil oncle, combinaison qui, alors, ne choque pas. Leur premier enfant na”tra en 1770 : une fille. Le garon (Alexandre) viendra en 1773. Il assumera la succession, et mourra en 1833, prince de Bauffremont et du Saint-Empire, marquis de Bauffremont et de Listenois, comte de l'Empire (1810), pair de France (1815), premier duc de Bauffremont (1817), chevalier de lÕordre royal et militaire de Saint-Louis. Par ses fils, la lignŽe des Princes de Bauffremont-Courtenay se continuera jusqu'ˆ aujourd'hui.
Mais, irrŽmŽdiablement, le suicide de Charles-Roger (1730) et son absence de postŽritŽ, ont mis fin ˆ la descente directe par m‰le de Louis VI par laquelle HŽlne se prŽtendait "par le droit de la nature" princesse du sang royal de France.
Saint-Simon : L'injustice constante faite ˆ cette branche de la maison royale lŽgitimement issue du roi Louis le Gros est une chose qui a dž surprendre tous les temps qu'elle a durŽ, [...] d'autant plus que nos rois ni personne n'a jamais doutŽ de la vŽritŽ de sa royale et lŽgitime extraction (MŽmoires, Žd. ChŽruel, 1874, XII, 13, p. 265).
La monarchie aujourd'hui dŽsacralisŽe, il est facile d'apporter une solution ˆ cette Žnigme : la royale et lŽgitime extraction, quoique nŽcessaire, ne suffit pas.
En droit, oui, nos sieurs appartiendraient au sang royal de France (¤1). Mais, en fait, non. ætre exige de para”tre : or, sans Žtat et sans consistance, ces Courtenay ne sont pas hommes
ˆ exister, et par consŽquent, ˆ compter. En outre, la rŽduction du pŽrimtre de la dynastie est fatale ˆ ces fossiles indistincts, incrustŽs dans une couche sŽdimentaire primitive (¤2).
Justifier cette inclusion oblige ˆ examiner rapidement la dŽvolution de la couronne. Pour le lecteur qui, rebutŽ par l'ariditŽ du sujet, passerait directement au paragraphe suivant, je rŽsume sommairement : la Couronne, grandeur par excellence, n'est jamais vacante : le mort saisit le vif et s'empare instantanŽment du m‰le le plus proche, fallžt-il, pour le trouver, remonter ˆ Louis VI. CQFD.
La lŽgitimitŽ incertaine des premiers CapŽtiens les poussa ˆ idŽaliser le sacre dont la mystique unit le roi ˆ Dieu, aux Grands et au peuple. En usant des moyens dont ils disposent de leur vivant, ils font sacrer par avance leur fils a”nŽ, ainsi dŽsignŽ et acceptŽ comme successeur (rex designatus). De Capet ˆ Philippe Auguste, ils travaillent ˆ imposer aux Grands l'hŽrŽditŽ de la Couronne, parfois disputŽe ˆ l'a”nŽ par un cadet rebelle. Jusqu'ˆ Philippe le bel, ces rois engendrent, parfois laborieusement, au moins un fils lŽgitime survivant qui lui-mme obtient une progŽniture m‰le. Divorces et remariages contribuent au "miracle capŽtien".
Il en va ainsi jusqu'ˆ l'hŽritier de Philippe le bel, Louis X le hutin, roi de 1314 ˆ 1316. Ce Louis ežt-il durŽ plus longtemps, ežt-il eu un fils vivant, sa fille ežt-elle pu s'imposer, la succession serait restŽe verticale. A dŽfaut, elle passe ˆ l'horizontale, le frre pu”nŽ du Hutin s'empare de la couronne : Philippe V rgne de 1316 ˆ 1322, laissant seulement des filles que son frre, ˆ son exemple, ignore. Charles IV, ˆ son tour, meurt sans fils (1328).
Drame : voilˆ la Couronne suspendue en l'air. Les rgles en vigueur ne savent pas traiter ce problme sans prŽcŽdent, choisir entre filles, fils de fille et cousin. Philippe V et Charles IV s'Žtaient couronnŽs sans dŽbat, par la force et la nŽgociation. Ils Žtaient fils de roi et n'ont pas posŽ la question juridique de l'habiletŽ des filles ˆ la couronne que d'autres royaumes (Castille et Navarre) admettent et que, plus tard, en Angleterre, quand le jeune Edward VI mourra (1553), la conjoncture politique imposera (Maria, rex).
Le cousin Valois s'assure le soutien des Grands et devient Philippe VI. Son accession provoque une longue et profonde crise qui conduira ˆ affirmer la perpŽtuitŽ du sang royal m‰le, ˆ distinguer la Couronne de son porteur, et ˆ reconna”tre la transcendance de la premire.
Avant d'examiner l'argumentation "constitutionnelle", visualisons la transmission de la Couronne, du dŽbut des CapŽtiens ˆ la fin Žventuelle des Bourbons (¯?) : je marque en gras les rois, en traits pleins les successions de pre en fils, en pointillŽs les transitions entre lignŽes et, avec des tirets, l'hypothse Courtenay.
La question des filles nous intŽresse ici parce que leur Žviction Žloigne encore le droit de la Couronne de celui des fiefs. De plus en plus, le fief est chose privŽe et la Couronne chose publique.
Si les Libri feodorum lombards (c. 1125) n'ont pas ŽtŽ reus en France, leur inscription dans le jus civilis au cours de la pŽriode XIIIe-XVe et leurs cŽlbres commentaires (Balde en particulier) en font une rŽfŽrence. La patrimonialisation des fiefs conduit leurs titulaires ˆ les lŽguer ˆ leurs descendants (s'ils en ont) au lieu de les laisser retourner aux seigneurs primitifs. Pour reculer cette ŽchŽance, les familles Žtendent la successibilitŽ aux collatŽraux, d'abord proches, puis lointains, jusqu'au septime degrŽ. En 1393, Balde, dans un passage qui deviendra cŽlbre (Arabeyre, 2003), donne en exemple le changement de lignŽe royale advenu en France en 1328 (Valois) mais va plus loin. En raison de la spŽcificitŽ de la Couronne qui ne peut pas tomber en dŽshŽrence, il pousse la successibilitŽ ˆ sa limite asymptotique : si toute la maison royale [Valois] mourait et qu'un homme du sang ancien se levait : supposons la maison de Bourbon, et qu'il n'y en ait pas d'autre plus proche, fžt-ce au millime degrŽ, et pourtant il succŽderait dans le royaume des Francs par droit de sang et coutume perpŽtuelle...(esto quod esset millesimo gradu, tamen jure sanguinis & perpetu¾ consuetudinis succederet in regno francorum). Le "millime degrŽ" (des centaines de sicles) renvoie ˆ des temps immŽmoriaux, c'est-ˆ-dire au nŽant historique. Cette exagŽration rhŽtorique signifie la perpŽtuitŽ du sang royal, et de lui seul.
Cardin Lebret exprimera ainsi la diffŽrence (1632) : bien que rŽgulirement la consanguinitŽ finisse au dixime ou au septime degrŽ [...] d'autant que aprs une suite de tant de gŽnŽrations, la nature ne connait plus de parents, nŽanmoins cela ne s'est jamais gardŽ en la succession de royaume (I, 4:12).
S'il y a plusieurs successeurs possibles, les degrŽs se mesurent par rapport, non pas au prŽdŽcesseur immŽdiat mais au premier dŽtenteur de la dignitŽ (gŽnarque) auquel chacun, l'un aprs l'autre, a dž la sienne : Y et Z se disputant la succession de X, on ne doit pas comparer le nombre de degrŽs (montants et descendants) entre chacun d'eux et le dŽfunt X, mais compter ceux qui les sŽparent de l'anctre commun. Ainsi, mme en supposant Isabelle capable de communiquer ˆ son fils le droit qu'elle n'a pas, Philippe de Valois, plus distant de Charles IV qu'Edward mais petit-fils de Philippe III, l'emporterait encore sur lui qui en est arrire-petit-fils.
Giesey, dans son article fondateur (1961), souligne que, pour Balde, chaque investiture rŽaffirme la premire : le fils reprŽsente l'anctre, comme le fit le pre. Fin XVe, dŽbut XVIe, cette conception se renforce de la distinction romaine entre hŽritier dÕhŽritage (hereditas), qualitŽ qui s'attribue ou non, s'accepte ou non ; et hŽritier du sang (suitas) : ce dernier est nŽcessaire, il ne peut, ni tre ŽcartŽ, ni refuser. Quel que soit le nombre de degrŽs, la substitution s'opre. Si le dŽfunt ne laisse pas de postŽritŽ, l'hŽritier, aussi lointainement collatŽral qu'il soit, prend la place du fils manquant. Plus encore, il se substitue ˆ lui. Une espce d'adoption posthume.
Une fille peut-elle tre ce fils ?
La biologie aristotŽlicienne qui domine alors privilŽgie le sperme, supposŽ dŽriver du sang : Le
m‰le fournit la forme et le principe du mouvement, la femelle le corps et la matire. Droit du sang signifie "droit du sperme" (Miramon, 2019) car, si les filles sont aussi du sang, il finit en elles. Le fils d'une fille (Edward), "programmŽ" par son pre (Plantagent), ne conserve pas le sang de sa mre et ne le transmet pas. Au contraire, les garons, par leur sperme, projettent la force sacrŽe reue de Dieu sur leurs fils, lŽgitimes ou mme b‰tards, forgeant un nouvel anneau de la cha”ne dynastique.
Au demeurant, c'est la force qui tranche, pas la controverse dans laquelle il est difficile de voir clair car nos historiens du Droit se rŽfrent ˆ des auteurs mŽdiŽvaux, pour la plupart peu connus en leur temps et d'influence incertaine (tel Terrevermeille), qui n'Žmergeront qu'au XVIe sicle, quand l'imprimerie diffusera leurs Ïuvres et que les problmes auxquels ils rŽpondaient auront trouvŽ leur solution au cours d'Žtapes cruciales. Les rgles de succession se sont fixŽes historiquement et pratiquement : continuitŽ m‰le dans la lignŽe et, en cas d'extinction, transmission ˆ l'a”nŽ de la lignŽe la plus proche. Quand viennent les "publicistes" du XVIe et les grands thŽoriciens de l' "absolutisme" du XVIIe, ils vulgarisent, formalisent et systŽmatisent ce qui est dŽjˆ une Žvidence coutumire : la transcendance de la Couronne qui, d'un c™tŽ rend absolue l'autoritŽ de son agent, et de l'autre le limite.
En effet, le roi, tout puissant vivant, ne compte plus mort. De quelque faon qu'il ait cru disposer de la Couronne et du Royaume, sa volontŽ personnelle ne lui survit pas, comme en tŽmoignent la dŽnaturation immŽdiate des testaments de Charles V, de Louis XIII, de Louis XIV, ainsi que l'Žchec de l'exhŽrŽdation du dauphin par Charles VI, et de Navarre par Henri III. Si le roi se croit propriŽtaire de la Couronne, les actes qu'il s'autorise sont nuls et disparaissent avec lui.
Seule importe la carte du sang qui identifie, positionne et hiŽrarchise tous les m‰les capables de la couronne du fait de leur ascendance : les fils du roi dans l'ordre de leur naissance, ses frres, ses oncles, et ses cousins, des proches aux plus lointains, sans que jamais la consanguinitŽ ne cesse. Au-delˆ de l'ultime degrŽ canonique, civil, et mme mŽmoriel, la perpŽtuitŽ de la Couronne (dignitas numquam moritur) entra”ne celle du sang.
Telle est la justification de nos Courtenay : en l'absence d'hŽritier mieux placŽ, la Couronne tomberait sur leur a”nŽ.
HŽlas pour eux, leur droit est purement thŽorique.
Deux raisons se renforcent l'une l'autre : ils sont sans Žtat (i) et sans attache (ii). Or le lien au "gŽnarque" doit tre apparent, constituŽ, rŽputŽ et acceptŽ ; et ce gŽnarque lui-mme, qui est-ce ? Balde ne s'en soucie pas, restant dans l'abstraction (millime degrŽ). Dans la sŽrie des anctres royaux, auquel s'arrter ? Priam ? Pharamond ? Non : Les mŽdiŽvaux construisent le sang ˆ partir dÕun point de dŽpart, pre, grand-pre ou personnage Žminent dÕune dynastie constituant un point de fixation mŽmorielle. Cette origine nÕest donc pas un anctre mythique ou lointain et le sang nÕest pas quelque chose de diffus dans une vaste population. Les membres du sang sont choisis parmi les descendants m‰les du point de dŽpart. En un mot, il sÕagit le plus souvent de frres, cousins germains, ou dÕoncles et de neveux paternels. NŽanmoins, les rgles gŽnŽalogiques ne sont pas dÕairain ; un parent mme lointain peut tre associŽ au sang sÕil est un fidle particulirement apprŽciŽ (Miramont, 2008, p. 40). Ajoutons que ce consensus mŽmoriel Žvolue, dŽplaant l'origine. Ces translations n'annulent pas les "gŽnarques" antŽrieurs, elles les dŽvalorisent.
i) sans Žtat
Si les Courtenay a”nŽs avaient ce qu'il fallait pour para”tre, leur disparition n'en transmet rien aux cadets survivants dont ils ont divergŽ. Pierre II, richement mariŽ ˆ des hŽritires qui le font comte, ses descendants se glorifient du titre ronflant d'empereur d'Orient qui, tout illusoire qu'il soit, les met de pair avec les souverains europŽens. Aprs la mort du dernier m‰le (1283), Charles de Valois Žpouse sa fille. Ils donnent deux demi-sÏurs au futur roi Philippe VI : l'une se perdra dans les intrigues de la cour de Naples et l'autre dans les dŽboires de son mari, le fameux Robert d'Artois, tra”tre et fŽlon.
Reste la ligne cadette. Son fondateur, frre de Pierre II, Robert de Champignelles, a jouŽ un r™le important, guerroyŽ aux c™tŽs de Louis VIII et reu de lui l'un des principaux offices royaux. Mais son improbable successeur, Guillaume, n'en profite gure et les gŽnŽrations suivantes se rŽduisent ˆ leurs terres comme tant de familles qui furent un jour grandes. La rŽapparition de tel ou tel dans l'entourage royal est personnelle et ne doit rien ˆ son origine. Lorsque, ˆ partir de Henri IV, BlŽneau et Chevillon rŽclament une place au soleil, il leur faut s'identifier pŽniblement car ils n'ont pas de figure.
D'innombrables Maisons se sont ainsi Žvanouies dans leur obscuritŽ. Les termites du temps rongent les arbres gŽnŽalogiques qui s'effritent et se dŽcomposent. Parfois, un baliveau voisin aura l'air d'un surgeon qui revivifie le vieil arbre, comme le petit Rasse avec Saint-Simon et Vermandois. Nos cadets Courtenay, eux, n'ont pas eu la chance de fournir ˆ un roi quelque favori, ma”tresse ou hŽros, qui les aurait relancŽ et re-liŽ ˆ leur origine.
Rares sont les Maisons qui, comme les Bourbon, rŽsistent ˆ l'usure des sicles. En 1272, Robert, fils cadet de S.Louis qui l'a apanagŽ du comtŽ de Clermont en Beauvaisis, Žpouse BŽatrice et l'hŽritage de Bourbon. Leur union forme la Maison de Bourbon-Clermont : ducs et pairs dans la branche a”nŽe, comtes dans les branches cadettes, ils participent aux ŽvŽnements, nouent de grands mariages, accumulent charges, fiefs, clients et richesses. Si Franois Ier dŽpouille et honnit le trop riche et puissant ConnŽtable, aprs la mort du Duc d'Alenon (1525), il dŽclare Charles IV de Bourbon-Vend™me seconde personne du royaume (a•eul commun : S. Louis). Le nom de Bourbon, rendu cŽlbre par toute la terre (Du Tillet), ils sont, sinon prŽdestinŽs comme on l'Žcrira sous Louis XIV, du moins marquŽs aux yeux de tous de l'estampille royale. PŽrŽfixe, thurifŽraire de Henri IV, admire ...la vertu qui a toujours donnŽ de l'Žclat ˆ leurs actions [des Bourbon] ; le bon mŽnage & l'Ïconomie qu'ils ont apportŽe ˆ conserver leurs biens & les augmenter ; les grandes alliances dont ils ont estŽ fort soigneux... de sorte que les peuples les voyant toujours riches, puissans, sages, en un mot dignes de commander, s'Žtoient imprimez dans l'esprit une certaine persuasion comme Prophetique, que cette Maison viendrait un jour ˆ la Couronne (Perefixe, 1662, Histoire d'Henri le Grand, Paris, ch. Jolly).
On est loin de nos Courtenay auxquels, en 1632, Cardin-Lebret, dans la mme phrase, ouvrait et fermait la porte. Il cite Balde (cette loi salique appelle les m‰les indŽfiniment ˆ la succession du Royaume) mais ajoute cette redoutable restriction : pourvu qu'ils aient joui des droits, des rangs, des privilges et des autres prŽrogatives qui leur sont attribuŽes (Îuvres, Žd. 1643, p. 12).
Il faut avoir ŽtŽ pour tre !
En effet, contrairement aux illusions simplettes qu'inspire la pseudo-biologie du "sang" et de la "race", le sang reu de la nature par les voies lŽgitimes se conserve, se reconna”t et s'enrichit par les Ïuvres. Il faut tenir son rang, ˆ peine de le perdre. Ne pas soutenir sa qualitŽ la dŽgrade jusqu'ˆ tomber dans un profond prŽcipice (de la Roque, 1678, prŽface). Plus le sang est noble, plus il a besoin d'tre nourri : dignitŽs, conqutes, victoires, reconnaissance publique, fortune, alliances, clientle etc. Sinon, il s'anŽmie. Or le cercle des dignitŽs doit se fermer, la dignitŽ de la personne Žgaler celle de l'office qu'elle est susceptible d'assumer : une position honorable exige un homme honorable. Pour occuper une dignitŽ supŽrieure, il faut tre ˆ la fois le plus digne et reconnu comme tel, Žcrit Rossi, 2018 (only someone worthy of honour [in moral, social and legal terms] should occupy a honourable position.... the holder of a superior dignitas should not only be worthier [dignior], but also appear such). C'est encore plus vrai pour la dignitŽ suprme.
Un roi ne tombe pas du ciel, tel le soliveau de la fable au milieu des grenouilles. Outre la lŽgitimitŽ, il a besoin d'avantages matŽriels et immatŽriels : des rŽseaux, des amis, des obligŽs et, pour les entretenir, des ressources ; et surtout, rŽputation et grandeur, une grandeur admise par ses pairs et admirŽe par ses infŽrieurs. Autrement, il ne s'imposera pas aux Grands dont les ambitions provoqueront dissensions, troubles, voire guerre civile.
La royautŽ y a pourvu : en mme temps qu'elle s'institutionnalisait, elle a appris ˆ chŽrir, ˆ magnifier et ˆ hiŽrarchiser ses fils, puis ses cousins, capables de la couronne. On ne les laisse plus errer tout nus ˆ la recherche d'une hŽritire. On les habille, on les catalogue, on les dote, on les pensionne. La royautŽ devient une "figure collective", et les Princes des reprŽsentations du Roi.
Le Roi est le soleil, ses Princes les Žtoiles qui brillent d'un monde d'Avantages &. de prŽrogatives, comme l'Žcrit le flatteur du Chesne (1609, p. 650) sur le mode lyrique : Le train des Princes de France est admirable & tout Royal, aussi est-il que leur Žquipage monstre la grandeur des maistres qu'ils servent, qui sont les premiers & plus grans Monarques de la ChrŽtientŽ. Le Ciel a son Soleil, & il a ses estoilles : aussi la France a son Roy, & si elle a ses Princes... en quelque part que se soient parquez ces Princes, ils ont estŽ veuz & recognus brillans & eclatans d'un monde d'Avantages &. de prŽrogatives, qui les ont tousiours accompagnez, & qui les ont fait admirer de toutes les nations de la terre, & sur tous les princes des Couronnes estrangeres...
Dire ce qu'est un Bourbon, ce qu'est un Prince, montre tout ce qui manque ˆ nos Courtenay.
ii) sans attache
Le petit "bang" de leur origine n'a pas la force de les propulser pour les mettre en orbite, en raison de la prŽcaritŽ d'une position royale alors inachevŽe, encore insŽrŽe dans la compŽtition des Grands. Si Philippe Auguste met le pied de Pierre II ˆ l'Žtrier, la branche a”nŽe court sa chance par elle-mme jusqu'ˆ Žpuisement, laissant la branche cadette ˆ sa mauvaise fortune (gentrification et incertitude gŽnŽalogique).
La voie du sang se termine en cul de sac. Apparus trop t™t, nos Courtenay ne pouvaient pas prendre un train qui n'Žtait pas sur les rails. Quand ils demanderont un ticket, ils n'auront pas les moyens de le payer : on les crŽditera d'une prime d'anciennetŽ qui compense en partie leur dŽbit (mŽdiocritŽ et obscuritŽ), sans rendre leur compte positif. Leur chque sans provision est rejetŽ. Au bŽnŽfice du doute cependant, on ne les condamne pas. Possibles, ils restent non plausibles.
On leur reproche ˆ tort d'avoir reniŽ leur origine, de s'tre fondus dans la baronnie par avarice (Belleforest), en prenant le nom et les armes de leurs femmes dont ils faisaient plus d'estat que de celles de la Maison de France qui leur appartenaient par extraction (Loyseau). C'est une illusion d'optique : au temps de leur origine, celle-ci ne valait pas grand chose, la royautŽ Žtant trop faible. Quatre sicles aprs, l'improbable a eu lieu : la branlante maison royale s'est consolidŽe, organisŽe et ŽpurŽe. Cela impacte la vision du passŽ qui appara”t dans une lumire dorŽe dont les Courtenay rŽsiduels cherchent ˆ capter quelques rayons. Cette fois, il est trop tard car les premiers CapŽtiens sont dŽsormais noyŽs dans les fondations de l'Ždifice saint-louisien, dominŽ par le clocher bourbonien sur lequel Louis XIV plantera sa flche.
Jadis, les rois s'ancrrent ˆ Charlemagne par des mariages et par des lŽgendes. Louis IX encore, transformant Saint-Denis en symbole, rŽinstalle les tombeaux : dans la croisŽe du transept, huit carolingiens au sud, huit capŽtiens au nord, et, au milieu Louis VIII, son pre, issu de l'union des sangs. Les deux "races" se joignent visuellement (Lewis)... pour en produire une nouvelle qui les dŽclasse. En effet, la vie et la mort Ždifiantes de Louis IX, sa saintetŽ, dŽplacent le point d'origine. La succession historique des CapŽtiens devient une "autogense", mettant leur principe en eux-mmes. Philippe le bel y contribue activement pour sa propre gloire. Ensuite, le collatŽral Philippe VI (Valois), poursuit la construction du mythe qui le lŽgitime : fils de comte, certes, mais arrire-petit-fils du Saint !
Le reditus est pŽrimŽ. Foin de Charlemagne ! Le n™tre s'appelle S.Louis. La direction du temps s'inverse miraculeusement : d'hŽritiers des discutables guerriers Robertiens, les premiers CapŽtiens se mŽtamorphosent en prŽcurseurs (proportionnellement ˆ leurs mŽrites). Quant aux fils de St Louis, ils forment une race surŽminente, surmaturŽe, qui, fin XVIe, triomphera des derniers "carolingiens" (Guise).
Sont Princes tous ceux, et uniquement ceux, qui descendent de S.Louis dont l'iconisation est ˆ la fois la cause et l'effet de sa fonction sŽminale. Tous adoptent les symboles royaux, dont les lys qui, au dŽbut XIIIe, deviennent l'emblme, non seulement du roi mais de ses fils, une constellation de cadets qui sont ˆ la fois des princes territoriaux et des personnages de qualitŽ royale (Lewis, p. 203). Ces RŽaux (regales) constituent encore un groupe familial dans lequel le rang rŽsulte de l'‰ge. Plus tard, il s'Žlargira et s'organisera selon la distance ˆ la couronne jusqu'ˆ la nomenclature louis-quatorzienne (le dauphin, les autres fils de France, les petits-fils de France, le premier prince du sang, les autres princes, eux-mmes hiŽrarchisŽs).
Nos Courtenay, s'ils appartiennent bien ˆ l'arbre commun, touchent aux racines, pas aux branches supŽrieures que caresse le soleil. Ils n'ont pas rechargŽ leur royalitŽ par des alliances. Ils la perdent quand elle s'ancre ˆ Saint-Louis. De Thou, Žcrivant au tout dŽbut des tentatives Courtenay, affirme qu'on n'avoit jamais donnŽ en France le nom de Prince, qu'ˆ ceux qui Žtoient issus de nos Rois de m‰le en m‰le ; qu'on ne mettoit de ce nombre aujourd'hui que les descendans de S. Louis ; & que les seigneurs de Courtenai & de Dreux n'Žtoient pas mme regardez comme Princes, quoiqu'ils eussent pour tige Louis le Gros (Livre XXV de l'Histoire universelle, T. 3 de l'Žd. Londres, 1734, ˆ l'annŽe 1560, p 515). Ces derniers ont ŽtŽ frappŽs d'obsolescence.
Par malheur, elle s'aggrave au moment o les Courtenay revendiquent, car le processus de concentration continue ! Issu de Saint-Louis, Henri IV, devenu post mortem le bon roi Henri, rŽinitialise l'origine. L'hŽritier est promu gŽnarque. Les primo-capŽtiens ont ŽtŽ remplacŽs par les saint-louisiens dont sortirent les Valois, et enfin les Bourbon auxquels, jusqu'ˆ sa fin, s'identifiera la monarchie. Le sang royal est ˆ prŽsent Bourbon.
Ultime rŽtrŽcissement, le sang royal sera louis-quatorzien : Louis force la royalitŽ de ses b‰tards et, en mariant ses fils et filles illŽgitimes aux princesses et princes lŽgitimes, il les fusionne en un seul corps de famille. Il se veut, lui et lui seul, la fontaine du sang royal dont il ouvre le robinet (b‰tards) ou le ferme (Anjou espagnols).
On le voit, des descendants de Louis VI le gros, fussent-ils prouvŽs, ne comptent pas. Ils n'ont pas su ni pu accompagner les transformations de la monarchie. Elle les a laissŽs en route : ils n'Žmargent pas aux lys. Leur origine fait d'eux des hŽritiers sans hŽritage. La cause a ŽtŽ entendue et jugŽe, le sang a coulŽ, la bo”te est refermŽe. Des mutations gŽnŽtiques adaptatives ont rendu infranchissable l'Žcart avec les vieux anctres.
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