01/03/2024
Esambe Josilonus
Esambe Josilonus
©2015, ©2024

 I. Succession vs hŽritage



Josilonus, 2024, nouvelle version entirement refondue pdf   epub    

 

La preuve de leur origine est Žvidemment la condition sine qua non des prŽtentions de nos Courtenay. Reportons au chapitre suivant cette discussion gŽnŽalogique (Annexe II), et admettons ici avec eux qu'ils descendent de Louis le Gros en ligne directe par m‰les. Cela suffirait-il ˆ leur attribuer, au XVIIe sicle, une quelconque sorte de "royalitŽ" ?

Oui et non.

D'un c™tŽ, la Couronne, grandeur par excellence, transcende les rgles d'hŽritage : le mort saisit le vif et s'empare instantanŽment du m‰le le plus proche, aussi loin qu'il faille le chercher. Aussi, la maison de Bourbon venant ˆ s'Žteindre, l'absence d'autres collatŽraux promouvrait l'a”nŽ des Courtenay vivants.

D'autre part, historiquement, les Courtenay sont des fossiles difficilement identifiables, incrustŽs dans une couche sŽdimentaire primitive. La rŽduction du pŽrimtre de la dynastie les en exclut. Ils sont sans Žtat, sans existence et sans consistance. Le tr™ne vaquant, ce serait ˆ la nation de choisir son roi, ainsi que l'Žnoncera l'Edit de 1717 [1].

Dans la prŽsente note, les Courtenay ne seront mentionnŽs qu'ˆ l'occasion. Nous survolerons la problŽmatique de la succession royale pour prŽciser quelle est, au XVIIe, la position par rapport ˆ la Couronne d'un quelconque descendant d'un roi du XIIe : inclus en droit (¤1), exclus en fait (¤2), il est obsolte.

1) Inclus en droit

La lŽgitimitŽ prŽcaire des premiers CapŽtiens les poussa ˆ s'appuyer sur le sacre dont la mystique unit le roi ˆ Dieu, aux Grands et au peuple. Pour garantir la couronne ˆ leur fils, ils durent, de leur vivant, parvenir ˆ le faire sacrer par avance (rex designatus). La dynastie consolidŽe, Philippe Auguste et ses successeurs s'en dispensent : l'hŽrŽditŽ remplace l'Žlection.

Pendant onze gŽnŽrations (Philippe le bel inclus), les rois engendrent, parfois laborieusement, au moins un fils lŽgitime survivant qui lui-mme obtient une progŽniture m‰le. De temps ˆ autres, divorces et remariages aident le "miracle capŽtien".

Dans ces conditions, l'honneur Žchoit automatiquement au fils a”nŽ : aussi, ˆ la mort de Philippe le bel (1314), Louis X le hutin lui succde. Mais sa rapide disparition (1316) sans successeur naturel, pose un problme qui rŽvle l'incapacitŽ des rgles en vigueur ˆ le rŽsoudre et, dans une certaine mesure, rend la main aux Grands. Cet ŽvŽnement, l'un des plus importants de notre Histoire, est l'un de ceux qui a ŽtŽ le moins Žclairci (Boulainvilliers, 1737, p 94). Douze ans plus tard, l'extinction des CapŽtiens directs avec Charles IV ( 1328) provoque une longue et profonde crise qui conduira ˆ affirmer la perpŽtuitŽ du sang royal (Balde : ipse sanguis qui perpetuus est), ˆ distinguer la Couronne de son porteur, et ˆ reconna”tre la transcendance de la premire.

Avant d'examiner les problmes historiques (a) et "constitutionnels" (b) posŽs par la dŽshŽrence de la couronne, visualisons sa transmission, du dŽbut des CapŽtiens ˆ la fin Žventuelle des Bourbons (je marque en pointillŽs l'hypothse Courtenay) :

zigzags de la Couronne

a) la couronne en dŽshŽrence

Louis X meurt (1316), laissant une fille issue de son premier mariage (Jeanne) et une incertitude, puisque sa seconde femme est enceinte. Dans l'attente du nouveau roi, Philippe de Poitiers, premier frre de Louis, assure l'intŽrim. Mais, cinq mois plus tard, l'hŽritier posthume na”t et meurt aussit™t, crŽant une situation inŽdite : la tradition dynastique considŽrera qu'il a rŽgnŽ in utero (Jean I le posthume) car le dŽcs du roi-pre, non le sacre du fils, est constitutif ; les contemporains, eux, n'en sont pas sžrs et s'intŽressent ˆ la succession du pre davantage qu'ˆ celle de l'enfant.

Transmission latŽrale m‰le

Sa fille accŽdera-t-elle ˆ la couronne ? la petite Jeanne cumule les handicaps [2] : trop jeune pour ne pas provoquer une longue rŽgence ; fille, alors que, depuis toujours, les rois de France sont m‰les ; et, enfin, d'une lŽgitimitŽ discutŽe ˆ cause de l'inconduite de sa mre, Marguerite de Bourgogne.

Faut-il alors considŽrer que Philippe IV n'a plus de successeur et passer ˆ celui qu'on appellera plus tard Monsieur, son frre, Charles de Valois ? Mais, dans cette hypothse de glissement latŽral, pourquoi pas les frres du roi dŽfunt, qui auraient rŽgnŽ ˆ sa place s'il avait prŽdŽcŽdŽ son pre ?

La thŽorie se dŽveloppera plus tard. Pour l'heure, le problme se rgle comme une succession fŽodale, par la pratique, en combinant coutumes, rapports de force, nŽgociations et compensations : le frre du Hutin, Philippe, dŽjˆ aux commandes, s'impose en se faisant sacrer ˆ Reims (Philippe V le long), les portes de la ville fermŽes, et sous la protection d'une grosse troupe de guerre. La duchesse douairire de Bourgogne et le duc (Eudes), intŽressŽs ˆ soutenir les droits de la petite Jeanne, rŽclament pour elle, non la couronne, mais les comtŽs de Champagne et de Brie qui sont de son hŽritage. Par la suite, Philippe s'accorde avec ses opposants, notamment par des unions croisŽs avec Bourgogne. Il rgne six ans et meurt (1322). Son fils n'ayant pas survŽcu ( 1317), reste une sŽrie de filles qui, elles aussi, sont ou seront mariŽes dans la Maison de Bourgogne.

Leur droit ˆ la couronne n'est pas mme ŽvoquŽ. Imitant Philippe, son frre cadet les ignore, devient Charles IV le bel et dŽcde six ans plus tard (1328). La disparition du dernier m‰le issu de Philippe le bel rend la couronne vacante, sauf si la reine (Jeanne d'ƒvreux), enceinte, accouche d'un fils vivant et viable. En attendant, Charles a nommŽ rŽgent son parent le plus proche, Philippe de Valois, et confiŽ la dŽcision ultime aux Pairs et grands barons du royaume (NB : plus tard, on se plaira ˆ imaginer que c'Žtait aux Žtats gŽnŽraux).

Las, l'enfant posthume est encore une fille (Blanche). Aura-t-elle la couronne ? ou celles qui furent exclues des successions prŽcŽdentes ?, la fille de Louis Hutin (Comtesse d'Evreux), la Duchesse de Bourgogne, la Comtesse de Flandres, la Dauphine du Viennois fille de Philippe le Long et, enfin, la fille ainŽe de Charles. On n'y songe pas. Par contre il faut bien rŽpondre ˆ la rŽclamation d'Isabelle, sÏur des Rois dŽfunts et donc ˆ ŽgalitŽ de degrŽ avec eux. ƒpouse rebelle d'Edouard II d'Angleterre, elle est active en France et dŽfend les droits de son fils.

En fŽvrier 1328, les barons assemblŽs ˆ Paris consultent les docteurs en droit canon et en droit civil et, aprs discussion, dŽcident que li royaume de France est bien si nobles qu'il ne doit mies aler ne descendre a fumelle ne a filz de fumelle. Car le filz de fumelle ne poet avoir droit de succession de par sa mre, venant la ou sa mre n'a point droit (Froissart, Livre I, CH3).

Les dŽcisions antŽrieures, comme la spŽcificitŽ de la couronne (qui est bien si nobles), invalident le droit fŽodal qui, souvent, n'efface la fille qu'en prŽsence d'un garon de mme rang successoral, ou lui accorde l'hŽritage, ˆ charge pour elle de se marier ˆ un homme apte ˆ porter la dignitŽ adjointe. Dans ce cadre, Jeanne, fille du Hutin, aurait ŽtŽ roi et, si sa naissance suspecte lui prŽfŽrait ses oncles, leur mort devrait profiter ˆ Isabelle en personne. Il est frappant que presque personne, pas mme Isabelle, ne raisonne ainsi alors que tous sont familiers du droit fŽodal.

Transmission collatŽrale

La descendance m‰le de Philippe le bel Žtant ŽpuisŽe, il ne reste qu'ˆ attribuer la royautŽ ˆ son premier frre consanguin, Charles ( 1325), reprŽsentŽ par son fils ainŽ, dŽjˆ rŽgent, Philippe de Valois, au dŽtriment du jeune Philippe, comte d'Evreux dont le pre n'Žtait que le dernier fils de Philippe III [3]. Charles de Valois, fils de roi, frre de roi et jamais roi (malgrŽ ses efforts), triomphe ˆ titre posthume, ˆ travers son fils qui rgnera sous le nom de Philippe VI. Fils de comte, et non fils de roi, il devra, plus que d'autres, gouverner par conseil et composer avec les Grands. Il consacrera beaucoup d'efforts ˆ assurer la transmission de sa couronne ˆ son fils, Jean (II), crŽant ainsi la "sub-dynastie" Valois (Cf. Cazelles, 1958 [4]).

La dŽqualification des filles a pour effet paradoxal de renforcer la position du jeune Edward III d'Angleterre : il est, par sa mre, le m‰le le plus proche de Charles IV, dernier Roi dŽfunt, alors que le Valois collatŽral s'en trouve ˆ quatre degrŽs. Edward prte avec rŽticence l'hommage qu'il doit au roi pour la Guyenne et autres terres. Plus tard, quand il aura pris la direction des affaires (Mortimer  1330) et dŽveloppŽ son ambition, il utilisera son droit ˆ la couronne comme bouclier dans le vieux combat des rois de France et d'Angleterre, en Guyenne et en Ecosse, comme en Flandres. Il cherchera d'abord ˆ Žchanger sa renonciation ˆ la couronne contre l'affranchissement de la Guyenne : plus d'hommage, plus de juridiction du parlement de Paris, plus d'empitements des officiers royaux, souverainetŽ pleine et entire. Pour prendre gage, il se proclame roi de France (1337).

Invoquant le droit fŽodal, il soutient (justement) que l'exclusion des filles  ne prive pas de ses droits leur hŽritier m‰le car en l'a•eul est la source du droit de l'hŽritier. La mre ne compte pas : vecteur passif, elle transmet les droits qui viennent de l'a•eul. La coutume de Paris dit qu'elle fait pont et planche [5]. Isabelle ne peut pas rŽgner en France, son fils le devrait.

Ironiquement, c'est tout autrement que, au sicle suivant, l'arrire-petit-fils d'Edward, Henry V, obtiendra la couronne de France (TraitŽ de Troyes, 1420). Henry devient hŽritier de la Couronne par une dŽcision royale (forcŽe par Bourgogne), et non en vertu du droit du sang de son a•eule Isabelle qui, alors, annulant les rois Valois, de Philippe VI ˆ Charles VI, rendrait sans objet le traitŽ de Troyes ! Non, Charles VI, de sa certaine science, pleine puissance et autoritŽ, dŽcide de dŽmettre son successeur naturel (le dauphin) [6] au profit de Henry auquel il a mariŽ sa fille (Catherine). Charles VI reste roi en titre et le rŽgent Henry agit en son nom en attendant sa mort. Certes, il arrive souvent que les gendres hŽritent [7], mais le filz en loy ne se substitue pas au fils en chair, il pallie son absence. D'ailleurs, dans ce cas, Henry serait prŽcŽdŽ par les maris des sÏurs ainŽes de Catherine, Jean, Duc de Bretagne, et Philippe de Bourgogne que, dans le TraitŽ, Charles VI appelle notre fils.

Dans une conjoncture politico-militaire dŽsespŽrŽe, aussi "lŽgumisŽ" que soit Charles VI le fol ˆ la fin de sa vie, sa soumission honteuse est en mme temps un acte d'autoritŽ absolue qui pose l'intŽressante question de la capacitŽ du roi ˆ disposer du royaume comme d'une chose privŽe et de le "lŽguer" arbitrairement ˆ qui il veut. Les juristes du dauphin (et leurs continuateurs) rŽpondront que le roi appartient ˆ la Couronne, et non la Couronne au roi. Et, comme un jugement de Dieu, les victoires militaires du dauphin feront jurisprudence [8].

Au XIVe, l'exclusion des filles qu'on justifiera rŽtrospectivement par la loi salique ignore totalement celle-ci. Les dŽveloppements de la guerre et de la propagande la feront "dŽcouvrir" ˆ la fin du sicle et surtout au XVe, aprs son Žlaboration juridique (J. de Montreuil, J.J. des Ursins, N. Fribois...) [9]. Cette "loi salique" lŽgitime en bloc la faon dont a ŽtŽ rŽglŽe la succession de Philippe le bel. Par rapport aux argumentations thŽoriques, savamment construites et trop subtiles, elle bŽnŽficie de sa (fausse) antiquitŽ, de sa simplicitŽ (slogan value) et du prŽjugŽ en faveur des m‰les [10]. C'est assez pour qu'elle devienne loi fondamentale du Royaume.

Loi salique et reditus

On l'a vu, cet argument de circonstance dŽtache le droit de la Couronne du droit des fiefs, ce qui, par contrecoup, rend problŽmatique le passŽ de la dynastie. Dans la lŽgende du Reditus ad Stirpem Karoli, la "carolingianitŽ" des CapŽtiens passait deux fois par les femmes : pour des raisons politiques bien Žtrangres au reditus, Louis VII Žpousa Adle de Champagne, une descendante de Charlemagne, et son fils, Philippe Auguste, Isabelle de Hainaut, issue de Charles de Lorraine, fils du dernier roi carolingien (Louis d'Outremer) ; ainsi, ˆ la huitime gŽnŽration, Louis VIII, gr‰ce ˆ ces deux accroches, Žchappait ˆ la prophŽtie de Saint ValŽry qui aurait annoncŽ ˆ Capet dans son sommeil : ta gŽnŽration rŽgnera jusqu'ˆ sept gŽnŽrations, donc pas davantage. Ce n'Žtait pas une menace mais une promesse ! Et en celuy roy Loys retourna la lignŽe du grant Charlemagne qui Žtait faillie par sept gŽnŽrations s'exclament gaillardement les Grandes Chroniques au XIIIe sicle (Paulin Paris Žd., T. IV, p 212).

La loi salique nouvellement constituŽe contredit cet ancien Reditus : ou bien elle s'applique et l'annule, ou bien le reditus prouve la capacitŽ des femmes ˆ transmettre. Examinant en 1895 l'exclusion des femmes de la couronne, Viollet s'exclame :  Qu'est-ce donc, en effet, que ce dŽsir qu'ont ŽprouvŽ les CapŽtiens de se rattacher par les femmes ˆ la race de Charlemagne, sinon un hommage rendu ˆ une certaine transmissibilitŽ de droits ou de quasi-droits aux m‰les par l'intermŽdiaire de femmes incapables elles-mmes ? (p 153). Plus tard, certains juristes auront conscience de cette incohŽrence (cf. GuŽnŽe, 1978 ; Barnavi, 1984) et minoreront la loi salique, remplacŽe par la constante coutume du Royaume ou mieux encore l'Žlection divine.

Loi salique dans l'ordre juridique et Reditus dans le symbolique, participent du mme mouvement d'exhaussement de la dignitas royale au-dessus des honores fŽodaux. CrŽations empiriques plut™t qu'objets doctrinaux, ils s'adaptent aux circonstances. Le reditus sera abandonnŽ quand la dynastie se recentrera sur elle-mme et, fin XVIe, la loi salique, devenue drapeau, fera Žchec au reditus guisard [11].

A ce moment, les Valois finissent dans une impasse qui ressemble Žtrangement ˆ celle du XIVe. Trois frres, Franois II, Charles IX, Henri III  se succdent jusqu'ˆ ce que, faute de fils, leur ligne s'Žteigne ; la Couronne qui ne saurait rester suspendue en l'air trouve, loin en amont, de nouveaux porteurs : c'est l'accession des Bourbon, dans un contexte de protestation nobiliaire, d'agitation populaire, de prŽtentions Žtrangres et de tensions religieuses et militaires.

Mais cette similitude fait bon marchŽ des dŽveloppements doctrinaux, pratiques, et institutionnels qui se sont produits.

Les fils de Philippe le bel, puis Charles VIII et Louis XII, ont montrŽ la possibilitŽ de ratŽes dans une succession royale dont l'Žlimination des filles diminue le rŽservoir. "Dieu" ne donne pas, ˆ tous coups, un hŽritier m‰le qui survive et grandisse. Dans un contexte de forte mortalitŽ (par les armes pour les hommes, par les couches pour les femmes, par les maladies pour tous), le rŽtrŽcissement horizontal aux seuls fils du roi est compensŽ par une extension verticale ˆ ceux des prŽdŽcesseurs : en mobilisant la gŽnŽalogie, on active les collatŽraux.

C'est ce qui produit sans difficultŽs ˆ la mort du roi Charles VIII (1498). Bien que son successeur soit nettement plus ŽloignŽ de lui que Philippe de Valois ne l'Žtait de Charles IV, il bŽnŽficie de la nouvelle tradition et de l'absence de compŽtiteur : a”nŽ des arrire-petits-fils de Charles V, Louis d'OrlŽans reoit la couronne, celui lˆ-mme que Louis XI voulut neutraliser en le forant ˆ Žpouser sa fille Jeanne (pour ce que les enfants qu'ils auront ensemble ne leur cožteront point cher ˆ nourrir). OrlŽans, devenu Louis XII, se dŽmarie et Žpouse la veuve du roi dŽfunt, Anne de Bretagne ( 1514). Leurs fils ne vivront pas et le remariage du roi avec la jeune Marie Tudor n'en donne pas. Quand Louis XII dŽcde (1515), c'est donc le tour de Franois, qui ajoute une gŽnŽration d'Žcart puisque son pre, Charles d'Angoulme, Žtait distant de Charles V au mme degrŽ que Louis XII. La "loi salique" leur permet d'accŽder au tr™ne, au dŽtriment des descendantes plus proches du roi dŽfunt (Anne de Beaujeu pour Louis XII, Claude pour Franois).

Pour ordonner la masse des capables de la couronne, les derniers Valois dŽsignent officiellement le plus proche et le labellisent seconde personne du Royaume, hŽritier prŽsomptif en l'absence de frre et de dauphin (on le nommera plus tard premier prince du sang) : sous Franois Ier, c'est d'abord, le duc d'Alenon (avec, pour a•eul commun, Philippe III, huit gŽnŽrations plus t™t) ; ˆ la mort d'Alenon (1525), le rang recule d'une gŽnŽration et passe ˆ l'a”nŽ de la maison de Bourbon, Antoine, roi de Navarre, (a•eul commun, Louis IX) ; lui succde (1562) son fils ainŽ Henri de Navarre qui, en tant qu'hŽritier probable, est ŽlevŽ ˆ la cour de France et Žpouse la sÏur du roi. Les Valois peuvent s'Žteindre, tout est rŽglŽ d'avance : la succession reviendra ˆ Henri de Navarre, ainŽ d'une branche royale illustre par ses alliances, ses emplois et ses richesses.

On le sait, les choses seront plus compliquŽes : la guerre religieuse, les rivalitŽs des Grands et la pression des Guise repousseront de la Couronne Henri l'excommuniŽ. Mais, malgrŽ les protestations carolingiennes d'une partie des liguards, la lŽgitimitŽ de la position successorale des Bourbon ne fait pas dŽbat, quoique vingt degrŽs les sŽparent du roi rŽgnant. C'est la personne de Henri qui est rŽcusŽe, pas le droit des Bourbon, comme l'attestent les Liguards eux-mmes en prenant pour roi un autre Bourbon, l'oncle de Henri (Charles "X") [12].

Pour les personnes ou les actes communs, la consanguinitŽ cesse aprs un certain nombre de degrŽs. S'agissant de la Couronne, tous les m‰les lŽgitimement issus des rois prŽcŽdents ont vocation ˆ tre l'hŽritier nŽcessaire. En cela, les droits de nos Courtenay sont Žtablis, au cas o il faudrait remonter l'anctre commun jusqu'ˆ Louis VI le gros.

L'intŽrt de cet Žpisode de la fin des Valois ne rŽside pas dans la ressemblance avec la crise des XIVe/XVe, mais, au contraire, dans leur diffŽrence fondamentale : deux sicles de t‰tonnements et improvisations ont engendrŽ une doctrine.

b) la perpŽtuitŽ du "sang"

En magnifiant le sacre, la premire sŽrie de CapŽtiens (de Hugues ˆ Philippe Auguste) a imposŽ, non sans mal, l'hŽrŽditŽ et l'indivisibilitŽ, quoique ces principes restent prŽcaires : le roi doit compter avec les Grands, et les frres cadets tentent de patrimonialiser leurs avantages (apanages).

Le fils a”nŽ du roi lui succde (primogŽniture) et, s'il prŽdŽcde, le suivant le remplace. La rŽpŽtition a engendrŽ la coutume et les fils n'ont pas manquŽ, la chance Žtant parfois sollicitŽe. Louis X ežt-il eu un fils, la succession serait restŽe toute empirique [13]. Jusqu'alors, on ne s'est pas demandŽ comment pallier l'absence d'hŽritier naturel. On a usŽ des filles comme instrument diplomatique et patrimonial (mariages) sans s'interroger sur leur habiletŽ ˆ la couronne que d'autres royaumes (dont Espagne et Navarre) admettent et que, plus tard, quand le trop jeune Edward VI mourra (1553), la conjoncture politique anglaise imposera (Maria, rex).

La question des filles nous intŽresse ici parce que leur exclusion s'Žcarte du droit des fiefs dont, rendant cruciale la qute du m‰le, elle Žloigne encore le droit de la Couronne. De plus en plus, le fief est chose privŽe et la Couronne chose publique : elle n'est pas la propriŽtŽ du roi ; il ne choisit pas son hŽritier, il reoit son successeur de la nature et de Dieu ; il ne dispose pas du royaume dont il ne peut aliŽner aucune part.

Si les Libri feodorum lombards n'ont pas ŽtŽ reus en France, leur inscription dans le jus civilis au cours de la pŽriode XIIIe-XVe et leurs innombrables commentaires (Balde en particulier) en font une rŽfŽrence. Initialement l'attribution d'un fief rŽsulte d'une relation personnelle (hommage) entre un vassal et un suzerain, annulŽe par la mort de l'un ou l'autre : le fief doit tre ˆ nouveau ensaisinŽ. La patrimonialisation des fiefs pousse ˆ les lŽguer ˆ ses descendants. S'il n'y en a plus, le fief retourne ˆ son seigneur primitif qui en retrouve la libre disposition. Pour reculer l'ŽchŽance de cette rŽinitialisation, les familles imposent peu ˆ peu le droit des collatŽraux, d'abord proches, puis lointains.

Les libri feodorum (c. 1125) commencent par un rŽsumŽ de cette Žvolution : la loi ancienne limitait la transmission au fils ou au frre ; mais "de nos jours" (moderno tempore), elle a ŽtŽ Žtendue jusqu'aux collatŽraux au septime degrŽ, autant dire in infinitum [14].

Dans son commentaire (1393), Balde, notant le changement de lignŽe royale advenu en France (Valois), l'interprte comme une gŽnŽralisation exceptionnelle de ce principe, dans un passage qui deviendra [15] cŽlbre : si toute la maison royale mourait et qu'un homme du sang ancien se levait : supposons la maison de Bourbon [dix degrŽs plus loin, Balde pourrait supposer Courtenay, s'il en connaissait l'existence], et qu'il n'y en ait pas d'autre plus proche, fžt-ce au millime degrŽ, et pourtant il succŽderait dans le royaume des Francs par droit de sang et coutume perpŽtuelle... [16]. Le "millime degrŽ" renvoie ˆ des temps immŽmoriaux, c'est-ˆ-dire au nŽant historique. Cette exagŽration rhŽtorique sert ˆ mettre le royaume ˆ part. Giesey souligne the unique aspect of millesimal degree of extension because it is perpetual. Ordinary fiefs can revert to the fisc [not the crown!]. Mme les plus anciens fiefs impŽriaux au-delˆ du centime degrŽ d'agnation, feraient retour au fisc. Le royaume Žtant lui-mme le fisc, celui-ci ne peut pas succŽder mais le sang lui-mme qui est perpŽtuel : in regno non potest succedere fiscus, sed ipse sanguis qui perpetuus est.

L'idŽe sous-jacente est qu'on n'hŽrite pas de son prŽdŽcesseur immŽdiat : chacun suit, l'un aprs l'autre, l'anctre commun (gŽnarque), le premier dŽtenteur de la dignitŽ. Aussi est-il normal, dans le passage de N ˆ Y contestŽ par Z, de ne pas comparer les degrŽs (montants et descendants) entre N et Y d'une part, N et Z d'autre part, mais de compter seulement les degrŽs descendants qui sŽparent Y et Z de l'anctre. Giesey, dans son article fondateur de 1961 rappelle que, pour Balde, la possession du fief ne provient pas d'investitures successives mais de la rŽaffirmation rŽpŽtŽe de la premire investiture : le fils est le pre. Fin XVe, dŽbut XVIe, cette conception est renforcŽe par la distinction entre hŽritier dÕhŽritage (hereditas), qualitŽ qui s'attribue ou non, s'accepte ou non, et hŽritier du sang (suitas) : ce dernier est nŽcessaire, il ne peut, ni tre exclu ni refuser, il est saisi, quel que soit son degrŽ de parentŽ. A la limite, quicumque heres est filius [17]. Selon l'expression de Gerson, le sacre n'est plus que solum solemnitatis, et non potestatis (cit. in Krynen, 1984).

Cependant, la notion de sang reste floue car la biologie aristotŽlicienne privilŽgie le sperme (Miramon, 2019). Droit du sang signifie "droit du sperme" car si les filles sont du sang, le sperme royal imprime la force mystique reue de Dieu aux seuls garons qui la transmettront eux-mmes ˆ leurs fils, lŽgitimes ou mme b‰tards [18].

Les historiens de la pensŽe et les juristes font grand cas d'auteurs, en leur temps peu connus et d'influence incertaine, qui n'Žmergeront en fait qu'au XVIe quand l'imprimerie diffusera leurs Ïuvres et que les problmes auxquels ils rŽpondent auront trouvŽ leur solution : les rgles de succession se dŽfinissent historiquement au cours d'Žtapes cruciales (continuitŽ dans la lignŽe et, en cas d'extinction, remontŽe ˆ une lignŽe antŽrieure), et les "publicistes" du XVIe, comme les grands thŽoriciens de l' "absolutisme" au XVIIe vulgarisent, formalisent et systŽmatisent ce qui est devenu une Žvidence, la transcendance de la Couronne qui, d'un c™tŽ rend sans limite l'autoritŽ de son agent (proto-absolutisme), et de l'autre le contraint.

Le roi, tout puissant vivant, ne compte plus mort. De quelque faon qu'il dispose de la Couronne, sa volontŽ personnelle ne lui survit pas, comme en tŽmoignent la dŽnaturation immŽdiate des testaments de Charles V, de Louis XIII, de Louis XIV, ainsi que l'Žchec de l'exhŽrŽdation du dauphin par Charles VI et de Henri de Navarre par Henri III. Le roi peut abuser de l'autoritŽ que lui confre la Couronne, Louis XIV ne s'en privera pas, de la royalisation de ses b‰tards ˆ l'exsanguination de la branche d'Anjou, prŽsente et future (succession d'Espagne) : ces actes sont nuls.

Seule importe la carte du sang qui identifie, positionne et hiŽrarchise tous les m‰les qui, du fait de leur premier anctre, sont capables de la couronne : les fils du roi dans l'ordre de leur naissance, ses frres et oncles, et ses cousins, des proches aux plus lointains, sans que jamais la consanguinitŽ ne cesse. Cardin Lebret (1632) : cette loi salique [...] appelle les m‰les indŽfiniment ˆ la succession du Royaume [...], bien que rŽgulirement la consanguinitŽ finisse au dixime ou au septime degrŽ [...] d'autant que aprs une suite de tant de gŽnŽrations, la nature ne connait plus de parents, nŽanmoins cela ne s'est jamais gardŽ en la succession de royaume (I, 4:12). Au-delˆ de l'ultime degrŽ canonique, civil, et mme mŽmoriel, la perpŽtuitŽ de la Couronne (dignitas numquam moritur) entra”ne celle du sang.

Sous Henri IV, Charles Loyseau, dans son TraitŽ des ordres et des simples dignitŽs (CH7, Des princes, ¤68 sq.), distingue soigneusement : Mais quant au Royaume il n'est pas dŽfŽrŽ selon l'ordre des successions ordinaires, & selon les degrez de parentŽ, mais selon l'Ordre & prŽrogative des branches & familles derivŽes de la maison de France : & encore en chacune d'icelles selon la prŽrogative des personnes, en prŽfŽrant toujours les aisnez, comme chefs de la branche ou famille comme Dieu mme les qualifie au 6. de l'Exode.

Nos Courtenay, ˆ condition bien sžr de prouver leur descente, seraient donc susceptibles de la Couronne, si le dŽfaut d'hŽritiers obligeait ˆ remonter ˆ Louis VI.

En thŽorie. Mais en pratique ? Pour tre reconnu, il faut d'abord faire figure. On ne se classe pas dans une liste de succession, sans d'abord y tre inscrit. Dans les faits, nous allons le voir, nos Courtenay ne sont pas en position d'exercer le droit qu'ils ont (ou auraient).

2) Exclus en fait

Cette incapacitŽ rŽsulte de deux raisons qui se renforcent l'une l'autre : le lien au "gŽnarque" doit tre constituŽ, rŽputŽ, visible et acceptŽ (a) ; et ce gŽnarque lui-mme avoir cours dans le royaume. Dans la cha”ne infinie des anctres, lequel fixe un consensus qui varie avec les Žpoques ? d'abord Charlemagne, maintenant St Louis, plus tard Henri IV, jamais Louis VI le gros. Ces translations n'annulent pas les prŽdŽcesseurs et leurs descendants, elles les renvoient dans l'ombre (b).

a) faire figure

Si le sang et ses degrŽs se mesurent, le sang royal est une proximitŽ biologique mais aussi une fidŽlitŽ ˆ la personne du roi (Miramon, 2008), et le rang se reoit, se conquiert et se consolide de gŽnŽration en gŽnŽration.

 Pierre, le dernier fils de Louis VI, Courtenay par son mariage, n'a gure brillŽ sous Louis VII mais Philippe Auguste a mobilisŽ et glorifiŽ ses fils.

La ligne ainŽe, issue de Pierre "II", richement mariŽ ˆ des hŽritires, a, pour son malheur, ŽtŽ magnifiŽe par le titre ronflant d'empereur d'Orient qui, tout illusoire qu'il fut, la mettait en bonne place sur le marchŽ du mariage des souverains europŽens. Eteinte avec son dernier m‰le, Philippe ( 1283), les filles ne parviennent pas ˆ la ranimer. Les funŽrailles royales (1307) de Catherine, seconde Žpouse de Charles de Valois, s'adressent ˆ son mari et ˆ son (vain) titre d'empŽrire, non ˆ son ascendance royale. Quant ˆ ses filles, demi-sÏurs de Philippe VI, l'a”nŽe se perdra dans les rivalitŽs de la cour de Naples et l'autre dans les malheurs de son mari, Robert d'Artois.

Le frre cadet de Pierre "II", Robert de Champignelles, bien pourvu par Philippe Auguste, exerce de grands emplois, guerroie avec Louis VIII  et en reoit l'un des grands offices royaux. Cette rŽussite personnelle ne profite gure ˆ ses descendants qui s'engloutissent peu ˆ peu dans leurs terres, comme tant de familles qui furent un jour grandioses. Dans la liste des vingt (princes) en ‰ge de se faire craindre dont, en 1328, Philippe de Valois devait obtenir le ralliement pour se faire roi, on cite 5¡. Les Branches de Dreux & de Courtenay, dont il n'y avoit que les Ducs de Bretagne (issus des Dreux) qui tinssent rang de Princes. Voilˆ l'Žpitaphe des Courtenay. Au XVIIe, lorsqu'ils tentent de sortir du brouillard, nul ne les reconna”t car ils n'ont plus de figure.

D'innombrables Maisons se sont ainsi Žvanouies dans leur obscuritŽ. Les termites du temps rongent les arbres gŽnŽalogiques qui s'effritent et se dŽcomposent. Parfois, un baliveau voisin aura l'air d'un surgeon qui revivifie le vieil arbre. Donnons l'exemple de ce seigneur de Rasse, d'une famille active ˆ la guerre et ˆ la cour, mais mineure : ruinŽ, il met ses fils pages de la petite Žcurie. L'un d'entre eux, Claude, habile ˆ servir Louis XIII ˆ la chasse, s'en fait remarquer. Il devient son favori. En 1635, apothŽose : le roi le promeut chevalier du Saint Esprit et duc & pair. Le petit Rasse cultive ses racines : il rachte la terre de Saint Simon, il s'empare du nom de Rouvroy et, sans craindre les zigzags gŽnŽalogiques, s'ente aux comtes carolingiens de Vermandois dont il obtient de mler les armes aux siennes. Son fils, Louis, capitalisera (et immortalisera) ces avantages qui disparaitront avec lui (1755).  Nos Courtenay, eux, n'ont pas eu l'occasion de fournir ˆ un roi quelque favori ou maitresse qui les aurait relancŽs et liŽs rŽtrospectivement ˆ leurs origines.

Rares sont les Maisons qui, comme les Bourbons, aprs avoir dŽcollŽ par le mariage d'un cadet royal avec une riche hŽritire (qui, ironiquement, Žtait une fille Courtenay), se maintiennent ˆ travers les sicles : ducs et pairs, dans leur branche a”nŽe, comtes dans les branches cadettes, ils participent aux Žvnements, nouent de grands mariages, accumulent fiefs, clients et richesses. Ds Franois I, leur a”nŽ est officiellement la seconde personne du royaume. Ils sont, sinon prŽdestinŽs comme on l'Žcrira sous Louis XIV, du moins marquŽs aux yeux de tous de l'estampille royale. Perefixe, thurifŽraire officiel de Henri IV, admire ...la vertu qui a toujours donnŽ de l'Žclat ˆ leurs actions [des Bourbon] ; le bon mŽnage & l'oeconomie qu'ils ont apportŽe ˆ conserver leurs biens & les augmenter ; les grandes alliances dont ils ont estŽ fort soigneux... de sorte que les peuples les voyant toujours riches, puissans, sages, en un mot dignes de commander, s'Žtoient imprimez dans l'esprit une certaine persuasion comme Prophetique, que cette Maison viendrait un jour ˆ la Couronne (Perefixe, 1662, Histoire d'Henri le Grand, Paris, ch. Jolly).

Plus gŽnŽralement, Cardin Le Bret, 1632, Žcrit : [D]e tout temps l'on a toujours portŽ ce respect au sang illustre des Roys, de prŽfŽrer ˆ tous autres en la succession du Royaume ceux qui ont l'honneur d'en descendre, mais il ajoute : pourvu qu'ils aient joui des droits, des rangs, des privilges et des autres prŽrogatives qui leur sont attribuŽes (p. 12). Rossi, 2018, souligne la circularitŽ de la dignitŽ de la personne et de celle de l'office qu'elle est susceptible d'assumer : only someone worthy of honour [in moral, social and legal terms] should occupy a honourable position... [19].

Un roi ne peut pas tomber du ciel comme le soliveau de la fable au milieu des grenouilles. Outre la lŽgitimitŽ divine, il lui faut des avantages quantitatifs et qualitatifs : des rŽseaux, des amis, des obligŽs et, pour les entretenir, des ressources ; et aussi de la grandeur, une grandeur reconnue par ses pairs et admirŽe par ses infŽrieurs.

En s'institutionnalisant, la royautŽ apprend ˆ chŽrir et ˆ hiŽrarchiser ses fils et ses cousins proches, capables de la couronne. On ne les laisse plus errer tout nus ˆ la recherche d'une hŽritire. On les habille, on les catalogue, on les dote, on les pensionne. A la fin de cette Žvolution, le Roi ne procŽdera plus de l'accord des Grands mais de Dieu via le Sang. Aussi les Princes prendront-ils le pas sur les Grands.

Quand la royautŽ devient une "figure collective", Žmerge cette notion de prince du sang qui, aprs cent cinquante ans de contestation par les Grands, trouve sa consŽcration dans le fameux Ždit de dŽcembre 1576 par lequel le cŽrŽmonieux Henri III tranche un dŽbat de prŽsŽance qui, apparemment futile, est fondamental : au sein des Pairs, un comte passe devant un duc s'il est plus ancien pair ; mais quid des Princes ? Viennent-ils dans l'ordre normal des pairs ou prŽcdent-ils tous les autres en raison de leur capacitŽ ˆ la couronne ? L'article unique de l'Ždit dŽclare la prŽsŽance des Princes de notre Sang (Cosandey, 2008). Les voilˆ exhaussŽs au-dessus de la noblesse et mme des plus grands. L'hŽrŽditŽ a dŽfinitivement enterrŽ l'Žlection.

 Il aurait ŽtŽ difficile ˆ nos Courtenay de bŽnŽficier pendant vingt gŽnŽrations de chance et d'habiletŽ. Mais surtout ils viennent de trop loin. Leurs malheurs (la gentrification et les doutes gŽnŽalogiques) ne leur appartiennent pas en propre. Ils relvent des ‰ges lointains et obscurs de leur origine : alors, le flou et l'incertitude des rangs traduisait la prŽcaritŽ de la position royale, encore insŽrŽe dans la compŽtition des Grands. L'absence formelle de la catŽgorie seigneur du sang reflte les hiŽrarchies : lorsque les chartistes notent qu'un petit-fils de Louis VI le gros, passe en telle occasion solennelle aprs une multitude de barons, cet ordre est de fait.

La voie du sang fait cul de sac. Apparus trop t™t, dans la pŽriode d'inachvement royal, nos Courtenay ont ratŽ le train. On les crŽditera d'une prime d'obscuritŽ qui compense ˆ peu prs leur dŽbit (mŽdiocritŽ et flou gŽnŽalogique), sans rendre leur compte positif. Ils en ont fait assez pour obtenir le bŽnŽfice du doute et ne pas tre expulsŽs du jeu (comme leurs prŽtentions inou•es le mŽriteraient). Possibles, ils restent non plausibles. De Jure Sanguinis & Suitatis ! Leur sang biologique ne remplace pas le droit qu'ils n'ont pas reu ˆ l'origine, ni conquis par la suite.

NŽs en un temps o l'institution royale Žtait prŽcaire, ils se fondent dans la baronnie par avarice (Belleforest), en prenant le nom et les armes de leurs femmes dont ils faisaient plus d'estat que de celles de la Maison de France qui leur appartenaient par extraction (Loyseau). Cela se tenait ˆ l'Žpoque, mais quatre sicles aprs, l'improbable a eu lieu : la branlante maison royale s'est consolidŽe, organisŽe et ŽpurŽe ; les aventuriers Robertiens sont ˆ prŽsent noyŽs dans les fondations de l'Ždifice saint-louisien, dominŽ par le clocher bourbonien sur lequel Louis XIV tentera de planter sa flche.

b) cristallisation dynastique

Les usurpateurs capŽtiens s'ancrent ˆ Charlemagne par des mariages avec ses lointaines descendantes et par des lŽgendes [20]. Dans le mme temps, la Couronne cesse d'tre un hŽritage pour devenir un don divin et une mission. Le mythe carolingien et le droit de la couronne existent dans des ordres de rŽalitŽ diffŽrents. Ce hiatus est un point aveugle, non un secret, tout au contraire : on l'avoue, on le revendique, on le rŽcite, comme une rhŽtorique du mystre royal. Louis IX achve matŽriellement la transformation de Saint-Denis en symbole et, ne conservant que les tombeaux des rois, en dŽplace seize pour mettre en scne la continuitŽ des deuxime et troisime races : dans la croisŽe du transept, huit carolingiens au sud, huit capŽtiens au nord, et, au milieu Louis VIII, son pre, issu du mŽlange des sangs : ainsi, les deux "races" se joignent visuellement.

Lewis, 1986, note le tabou qui frappait les noms trop puissants de Charles et Louis. Les CapŽtiens attendirent cinq gŽnŽrations pour oser un Louis, notre Gros, premier Louis, aprs cinq carolingiens (qui, eux-mmes usurpateurs, avaient cherchŽ ainsi ˆ se rattacher au Clovis-Hlodowig de la 1re "race"). Et Charles se cachera parmi les cadets royaux jusqu'ˆ ce que, par accident, l'un d'entre eux accde au tr™ne au XIVe et devienne, aprs les trois carolingiens du IXe sicle, le premier Charles capŽtien (Charles IV le bel). Ce trop grand nom, ˆ prŽsent disponible, sera utilisŽ avec modestie : six Charles (de IV ˆ IX) pour onze Louis (de VI ˆ XVI).

Aprs les coups de force initiaux et les sicles difficiles o le Roi pesait moins que ses barons, Philippe Auguste a fait Žmerger l'institution royale et initiŽ son hybridation carolingienne.

Cette stratŽgie arrive ˆ son terme avec Louis IX. Volontairement, il l'achve (St Denys). Involontairement, sa vie et sa mort Ždifiantes, sa saintetŽ, refondent les CapŽtiens et dŽplacent le point d'origine. Leur succession historique est remplacŽe par une "autogense" qui place en eux-mmes leur principe. A l'instar des stratŽgies princires de concurrence symbolique qui jouent de l'appropriation des saints et de leurs lieux, Philippe le bel fabrique un Saint Louis 100% capŽtien, ˆ eux, chez eux. La flche du temps s'inverse miraculeusement : les souffrances glorieuses de Saint Louis et sa rŽsurrection au ciel (canonisation de facto puis de jure en 1297) rachtent les CapŽtiens antŽrieurs de leur pchŽ originel d'usurpation. En poursuivant la promotion de St Louis, Philippe de Valois, cherchera ˆ renforcer sa propre lŽgitimitŽ : quoique fils de comte, il est arrire-petit-fils de Saint.

Le reditus est obsolte. Foin de Charlemagne ! nous avons le n™tre, capŽtien, et canoniquement sanctifiŽ. D'hŽritiers des douteux guerriers Robertiens, les premiers CapŽtiens se mŽtamorphosent en prŽcurseurs de St Louis (proportionnellement ˆ leurs mŽrites). Saint Louis sublime Hugues Capet : les nŽocapŽtiens, "fils de St Louis", appartiennent ˆ une race anoblie, "surmaturŽe", qui blanchit les premiers capŽtiens, et qui, fin XVIe, l'emportera sur les derniers "carolingiens" (Guise !).

A partir de St Louis commence la sacralisation de toute la dynastie. C'est alors Ñet alors seulementÑ que les enfants du Roi deviennent des "royaux" (rŽaux) : sont Princes tous ceux, et uniquement ceux, qui descendent de St Louis dont l'iconisation est ˆ la fois la cause et l'effet de sa fonction sŽminale. Philippe Hurepel d'abord, puis tous les Princes sous Philippe le Bel adoptent les symboles royaux, dont les lys. Lewis note que le lys, emblme personnel de Louis VIII, devient celui de tout Roi rŽgnant puis, au dŽbut XIIIe, de toute la famille royale: on trouve une constellation de cadets qui sont ˆ la fois des princes territoriaux et des personnages de qualitŽ royale (p 203). Ces RŽaux (regales) constituent encore un groupe familial dans lequel le rang rŽsulte de l'‰ge. Plus tard, il s'organisera selon la proximitŽ ˆ la couronne jusqu'ˆ la complexe nomenclature louis-quatorzienne (le dauphin, les autres fils de France, les petits-fils de France, le premier prince du sang, les autres princes, eux-mmes hiŽrarchisŽs).

C'est la proximitŽ au roi rŽgnant ou ˆ ses prŽdŽcesseurs immŽdiats qui dŽfinit la famille royale, qu'elle soit directe ou par alliance car on ne fait gure de diffŽrence entre les parents par hommes et par femmes : les "filles de France", quoique (ou parce que) inaptes ˆ la Couronne, jouissent de sa splendeur et jouent un r™le politique actif [21].

Nos Courtenay, s'ils appartiennent au tronc commun, sont de la premire strate : leurs branches cadettes, trop loin de la cour, n'ont pas rechargŽ leur royalitŽ en s'alliant aux saint-louisiens, puis ˆ des CondŽs pour devenir Bourbon. Une premire fois dŽgradŽs par le reditus ad stirpem Karoli, ils perdent leur droit ˆ la "princerie" quand celle-ci s'origine ˆ Saint-Louis. De Thou Žcrira qu'on n'avoit jamais donnŽ en France le nom de Prince, qu'ˆ ceux qui Žtoient issus de nos Rois de m‰le en m‰le ; qu'on ne mettoit de ce nombre aujourd'hui que les descendans de S. Louis ; & que les seigneurs de Courtenai & de Dreux n'Žtoient pas mme regardez comme Princes, quoiqu'ils eussent pour tige Louis le Gros [22].

Et a continue ! Issu de Saint-Louis, le bon roi Henri devient une nouvelle origine. Le "subgŽnarque" est promu "gŽnarque". Comme dans une poupŽe russe, la troisime race contient celle des hybrides capŽtiens-carolingiens, qui contient celle des saint-louisiens (incluant les Valois), qui contient les Bourbon (incluant leurs diverses branches) auxquels, pendant ses deux derniers sicles, s'identifiera la dynastie.

L'ultime rŽtrŽcissement Žchoue, c'est celui que tente la mŽgalomanie de Louis XIV, identifiant le mystique sang royal ˆ son propre sperme : Henri III avait donnŽ la prŽsŽance aux princes du sang royal sur les Grands, Louis force la royalitŽ de ses b‰tards. Il est, lui et lui seul, la fontaine du sang royal dont il ouvre le robinet (b‰tards) ou le ferme (Anjou espagnols) [23]. Cette prŽtention exorbitante Žchouera et la poupŽe Bourbon restera close.

On le voit, des descendants de Louis VI le gros, mme lŽgitimes, viennent de trop loin. Ils n'ont ni su ni pu accompagner les transformations de la monarchie. Elle les a laissŽs en route et ils ont perdu toute royalitŽ : ni carolingiens, ni saint-louisiens, ni Bourbon, ils n'Žmargent pas aux lys. Leur origine fait d'eux des hŽritiers sans hŽritage. Il est trop tard, beaucoup trop tard. La cause a ŽtŽ entendue et jugŽe, le sang a coulŽ, la boite est refermŽe.  


 

 

 

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Notes de fin



[1] Cet Arrt en forme d'Edit est un compromis pour contourner la querelle entre les lŽgitimŽs, et de l'autre c™tŽ les Princes du sang et les Ducs. Le RŽgent, en conservant leurs avantages aux b‰tards, leur ™te la scandaleuse capacitŽ ˆ la Couronne que Louis XIV leur avait confŽrŽe. Quoique circonstanciel, le passage relatif ˆ l'Žventuelle extinction de la Maison de France mŽrite d'tre citŽ.

 ƒdit de Fontainebleau de juillet 1717 enregistrŽ au Parlement de Paris le 8 juillet du mme mois in Isambert, Recueil gŽnŽral des anciennes lois franaises, t. XXI, pp. 144-148 :

...Nous espŽrons que Dieu, qui conserve la maison de France depuis tant de sicles, et qui lui a donnŽ dans tous les temps des marques si Žclatantes de sa protection, ne lui sera pas moins favorable ˆ lÕavenir, et que la faisant durer autant que la monarchie, il dŽtournera par sa bontŽ le malheur qui avoit ŽtŽ lÕobjet de la prŽvoyance du feu roi. Mais si la nation franaise Žprouvoit jamais ce malheur, ce seroit ˆ la nation mme quÕil appartiendroit de le rŽparer par la sagesse de son choix, et puisque les lois fondamentales de notre royaume nous mettent dans une heureuse impuissance dÕaliŽner le domaine de notre couronne, nous faisons gloire de reconno”tre quÕil nous est encore moins libre de disposer de notre couronne mme ; nous savons quÕelle nÕest ˆ nous que pour le bien et le salut de lÕƒtat, et que par consŽquent lÕƒtat seul auroit droit dÕen disposer dans un triste ŽvŽnement que nos peuples ne prŽvoient quÕavec peine, et dont nous sentons que la seule idŽe les afflige ; nous croyons donc devoir ˆ une nation si fidlement et si inviolablement attachŽe ˆ la maison de ses rois, la justice de ne pas prŽvenir le choix quÕelle auroit ˆ faire si ce malheur arrivoit...

[2] Pourtant, a posteriori, on doit regretter que le droit du sang n'ait pas ŽtŽ respectŽ. Que Jeanne ait seulement quatre ans au dŽcs de son pre est un cas qui s'est dŽjˆ rencontrŽ. Il s'ensuit une rŽgence, toujours problŽmatique. MalgrŽ cette difficultŽ, l'accession de cette hŽritire naturelle de la couronne aurait ™tŽ toute lŽgitimitŽ aux prŽtendants, et en particulier ˆ Edouard III d'Angleterre qui, privŽ de son atout ma”tre, se retrouvait dans la situation banale du vassal rŽticent. D'autre part, l'habiletŽ politique et manÏuvrire dont fera preuve ultŽrieurement la reine de Navarre montre qu'elle aurait ŽtŽ un bon "roi" de France, peut-tre apte ˆ se dŽptrer des contentieux franco-anglais (Guyenne, Ecosse).

[3] Le prŽtendant anglais, qui reprŽsentait la ligne fŽminine, ŽcartŽ, restaient deux prŽtendants du c™tŽ de la ligne masculine : Philippe de Valois et Philippe d'ƒvreux, tous deux petits-fils, par leur pre, de Philippe le Hardi. Mais, tandis que Charles de Valois, pre de Philippe de Valois, Žtait le troisime fils de Philippe le Hardi et d'Isabelle d'Aragon, sa premire femme, Louis, comte d'ƒvreux, pre de Philippe d'Evreux, Žtait le fils de Marie de Brabant, la seconde femme de Philippe III. Et, sans Žvoquer la question de la diffŽrence d'‰ge qui existait entre les deux concurrents [Philippe de Valois avait 35 ans et Philippe d'ƒvreux seulement 23], question sans doute bien secondaire en cette circonstance, il est plus probable que celle du droit d'a”nesse et le souvenir du r™le jouŽ par Charles de Valois pendant les derniers rgnes pesrent d'un grand poids sur la dŽcision prise par l'assemblŽe de 1328. Philippe d'ƒvreux fut donc ŽcartŽ, et l'administration du royaume remise entre les mains de Philippe de Valois. (Viard, 1934, p. 262).

Roi de France et de Navarre, Philippe de Valois se heurte aux protestations des Navarrais qui rŽclament leur vrai roi, Jeanne, petite-fille de Jeanne de Navarre (femme de Philippe le bel). Philippe arbitre en sa faveur (moyennant une sŽrie de compensations) et fait dŽcider, au prŽjudice de leurs compŽtiteurs, que Philippe, comte d'ƒvreux, soit reconnu roi de Navarre, ˆ cause de sa femme. Leur fils, Charles le mauvais, usera de ses droits ˆ la couronne de France contre les successeurs de Philippe VI.

[4] p 193 Philippe de Valois, ds les premires annŽes de son rgne, est hantŽ par la crainte que son fils, unique jusqu'ˆ la naissance de Philippe [d'OrlŽans] en 1336, ne puisse lui succŽder... en oct. 1332 Philippe demande aux barons de jurer de tout faire pour reconnaitre roi son fils Jean si lui-mme vient ˆ mourir. Philippe prend aussi les moyens de faire de son fils un puissant personnage et le dote considŽrablement de faon ˆ ce qu'il acquire une autoritŽ de plus en plus incontestable...

p 196 Depuis 1344, il [Jean] est aussi l'hŽritier du DauphinŽ o il a su se substituer ˆ son frre... p 228 aprs le dŽcs d'Eudes et de la reine Jeanne, le roi donne ˆ son fils la garde de la Bourgogne et en 1350 il se marie avec l'hŽritire, Jeanne de Boulogne...

p 229 En 3 annŽes il a rŽussi ˆ prendre une immense autoritŽ appuyŽe sur ses apanages et des gouvernements considŽrables. Il s'est fait un alliŽ du Duc de Bourbon, le plus puissant prince du sang... p 231 La mort de Philippe [1350] ne marque pas un changement brutal car l'autoritŽ du futur Jean le bon n'a pas attendu la mort de son pre pour s'imposer. Son rgne effectif semble avoir commencŽ un ou deux ans avant le dŽcs.

[5] Selon Edouard, sans doute les traditions du royaume excluent les femmes de la succession au tr™ne... Mais ces traditions excluent la personne d'une femme, non celle d'un m‰le descendant de cette femme ; car autrement il y aurait extension de droits haineux et une pareille extension est toujours odieuse. Il y aurait extension de droits haineux d'une personne ˆ une autre personne, extension d'un sexe ˆ un autre sexe, extension d'une cause ˆ une autre cause. Le droit de l'hŽritier du tr™ne ne procde pas de la mre qui l'a mis au monde : il procde de l'a•eul ; en l'a•eul est la source du droit de l'hŽritier (Viollet, 1895).

[6] L'exhŽrŽdation n'est pas nominative. Elle rŽsulte, en droit, de la condamnation des meurtriers de Jean sans peur en 1419 (lettres patentes du 23 dŽcembre 1420) et, en fait, du TraitŽ de Troyes. Par les premires (Isambert, T. 8), le roi dŽclare tous les coupables dudit dampnable crime fait et perpŽtrŽ en la personne de notredit cousin de Bourgogne, et chacun d'eux, d'avoir commis crime de lese-majestŽ, et consequemment avoir forfait contre nous, corps et biens, et estre inhabiles et indignes de toute succession directe et collatŽrale, et de toutes dignitŽs, honneurs et prerogatives quelconques... Quant au TraitŽ de Troyes, il se borne ˆ ignorer les droits du dauphin et ˆ dresser une barrire contre toute pacification avec lui (art. 29), considŽrŽ les orribles et Žnormes crimes et deliz perpetrez oudit royaume de France par Charles, soy  disant Daulphin de Viennois.

La condamnation personnelle du dauphin par le Parlement est une invention (cf. Boissy d'Anglas, 1818).

[7] Pour Favier (La Guerre de Cent Ans, 1980), le TraitŽ n'introduisait pas, en faisant du gendre un hŽritier, une pratique absolument Žtrangre ˆ la mentalitŽ d'hommes habituŽs aux rŽalitŽs fŽodales. Un comte d'Anjou [Foulque] Žtait devenu roi de JŽrusalem pour avoir ŽpousŽ l'hŽritire. Un prince de Portugal ÑFerrandÑ avait ŽtŽ comte de Flandre dans les mmes conditions. Charles de Valois s'Žtait vu empereur d'Orient parce qu'il Žpousait une Courtenay. Le duc de Bourgogne n'Žtait comte de Flandre que par le mariage de Ph. le Hardi et de Marguerite, fille de Louis de Male... (p 453).

[8] Viollet (1895) qui examine tout cela en dŽtails conclut: Ici encore c'est la guerre qui fit le droit. La guerre est l'un des procŽdŽs par o trop souvent s'Žlabore le droit public. L'intŽrt, parfois l'intŽrt d'un moment, le dessine. La guerre le fixe. Cette loi salique rŽtrospective sera remise en question dans le dŽbat politico-religieux des troubles de la fin du XVIe. La loi "salique" triomphera de la loi "catholique". Encore une fois, la guerre fixe le droit.

[9] Ces auteurs travestissent le texte franc en mulier vero in regno nullam habeat portionem, l'interprtent, justifient acrobatiquement leur glose en l'appuyant sur le droit romain et sur un passage rŽŽcrit de St Augustin (In regnis quoe habent reges, mulieres non haereditant eorum unicae filiae vel unigenitae. Ratio est quia regnum non est haereditas, sed dignitas pertinens ad totam rempublicam).

Giesey, Dali, 1993 : C'est au XVe sicle qu'Žmerge et se dŽveloppe pleinement le mythe de la loi salique, mythe fabriquŽ, ˆ en juger par les tŽmoignages qui nous restent, par quatre auteurs [Jean de Montreuil, Jean-JuvŽnal des Ursins, l'Auteur du Grand traitŽ de la loy salique et No‘l de Fribois]...  ˆ notre connaissance, Fribois [notaire de Charles VII] Žtait le premier auteur franais ˆ invoquer Baldo ˆ propos de la succession royale [AbrŽgŽ des Chroniques, 1459]...  En gros, la loi salique est utilisŽe pour faire contrepoids ˆ Nombres 27 *, et les adages de Baldo sont invoquŽs pour contourner le droit successoral ordinaire... il y a dans le droit romain plusieurs cas o une mre a la capacitŽ de transmettre ˆ son fils un droit qu'elle-mme ne saurait exercer. Il fallait, pour exclure Edouard en mme temps que sa mre, des arguments juridiques crŽdibles, que Fribois trouve dans les oeuvres du Ç trs notable docteur en droit canon et civil È, Baldo... [pour lequel] Ç  en la chose causŽe ne peut estre plus de vertu que en celle qui procde de la chose influant, ou donnant la chose causŽe È [quia in causato non potest esse plus virtutis quam procedat ab influente]...

 

* Nombres 27-08 : Et tu parleras aux fils dÕIsra‘l. Tu diras : Si un homme meurt sans avoir de fils, vous transmettrez son hŽritage ˆ sa fille. Steinberg, 2012, remarque (Note 80) que ce passage fut interprŽtŽ par les dŽfenseurs de la loi salique comme une preuve quÕil ne sÕappliquait quÕaux successions ordinaires ou bien, totalement ˆ contresens, comme une preuve que Dieu avait approuvŽ le fait que les filles ne succdent pas.

[10] Giesey, 1961 : ... The Salic Law had many advantages over Terre Rouge's thesis. For one thing, the anonymous tract of 1464 was printed twice before Terre Rouge's treatise reached print for the first time... It also had the advantages or brevity and simplicity,... The Salic Law did nor require one to be learned in scholastic philosophy or the intricacies of the Two Laws in order to understand how the French happened to accept father-to-son succession: it was a rule from the beginning of the French nation!... And the mere slogan value of the Salic Law should not be underestimated (p. 21, col. D).

[11] La "carolingianitŽ" des Lorrains est "justifiŽe" par Champier, 1537, Genealogia Lotharingorum Principum...(Lugduni), puis par de Rosire, 1580, Stemmatum Lotharingiaeac Bari Ducum (Parisiis). De Rosire, ligueur fanatique et homme de plume des Guise, est condamnŽ par le roi Henri III puis pardonnŽ gr‰ce ˆ la Reine-mre (cf. de Thou, 1583, T. VI p 296, Ed. Scheurleer, 1740).

Elle est dŽnoncŽe (pas plus innocemment) par Plessis-Mornay, Discours sur le droit prŽtendu par ceux de Guise sur la Couronne de France, 1583. Et critiquŽe en dŽtails par Chantereau-Lefvre (1642, ConsidŽrations historiques sur la gŽnŽalogie de la maison de Lorraine) pour dŽmontrer que la Lorraine appartient ˆ la France.

Mais la fable lorraine et les "preuves" de Rosire ont la vie dure, quoique (Zurlauben, 1766, "Observations critiques...", AIBL, 1770, Vol. XXXIV, pp. 171 sq) la plupart de ses pices diplomatiques soient, ou d'une origine douteuse, ou falsifiŽes : Pequigny, range de Rosire "parmi les faussaires les plus fameux" (Diplomata...et alia documenta, ad res Francicas spectantia, Tome 1, Prolegomena, p cclxxxij, Paris 1791).

L'ascendance carolingienne restera chre aux Lorrains : Lors de l'invasion franaise sous Louis XIII, Les Franais, ma”tres de la Lorraine, ne pouvaient entrer dans une maison sans y trouver un grand placard de quatre pieds de long, portant, gravŽe, la gŽnŽalogie des ducs de Lorraine, commenant ˆ Charlemagne. Pour l'annihiler, ils s'emparrent des archives (Noel, 1838, Histoire des archives de Lorraine). Le duc de Lorraine Charles IV  Žtait le troisime mais il comptait ˆ partir du Charles "I" ŽvincŽ par Hugues Capet !

[12] Pour justifier que la Couronne prŽfre Henri ˆ Charles, on dit : qu'Antoine soit plus proche d'Henri III d'un degrŽ, ne compte pas car Henri de Navarre l'emporte sur lui, en tant qu'a”nŽ de la branche a”nŽe des Bourbon. Ainsi, Henri IV dŽsignera comme premier prince du sang le Prince de CondŽ : Monsieur le Prince de CondŽ. qui a ŽtŽ dŽclarŽ premier Prince du sang, comme Žtant chef de la branche de Bourbon, bien quÕil ne soit qu'arrire-cousin de sa MajestŽ & quÕil ait des oncles qui sont cousins germains d'icelle & partant plus proches d'un degrŽ s'il fallait compter selon les degrez de parentŽ comme Žs herŽditez ordinaires (Loyseau).

Pour dŽfendre en droit leur Charles "X" contre Henri de Navarre, les ligueurs objectaient que l'a”nesse ne se transfre pas : transmissions collatŽrale et directe diffrent. L'a”nŽ d'une branche cadette comme celle des Bourbon reste cadet et ne peut pas devenir l'a”nŽ de la maison de France. Qu'il soit au sommet de sa propre Žchelle, ne le met pas en haut de la grande Žchelle parallle. Donc, dans les successions collatŽrales, l'a”nesse n'a pas cours, il faut considŽrer seulement la proximitŽ au dŽfunt. Conclusion : Charles l'emporte sur Henri (Raisons qui ont meu les franois catholiques ..., 1589).

A posteriori, Loyseau, rationalisant l'ordre royal, rejette l'acception vulgaire (biologique) :  degrŽ signifie l'ordre et le rang : les Princes du sang marchent selon leur degrŽ de consanguinitŽ c'est-ˆ-dire selon le rang & avantage de leur sang : jure sanguinis & suitatis. Henri, reprŽsentant son pre qui est l'a”nŽ de l'oncle Charles, l'emporte donc sur ce dernier.

[13] Arabeyre (2003) conclut son Žtude du "statut royal" par : [encore ˆ la fin du XVe] tout se passe comme si les fondements juridiques du droit ˆ la succession au tr™ne de France demeuraient, aux yeux dÕun juriste de profession, mal assurŽs au regard du droit savant. Ë dire les choses en bref, sa profonde ŽtrangetŽ nÕest garantie que par lÕassentiment de Balde, lÕinvention de Terrevermeille et la force de lÕhistoire.

[14] Le texte dŽbute ainsi (¤3, p 58-9 de l'Žd. Stella, 2023) : Hoc quoque sciendum est, quod beneficium ad venientes ex latere ultra fratres patrueles non progreditur successione secundum usum ab antiquis sapientibus constitutum, licet moderno tempore usque ad septimum gradum sit usurpatum, quod in masculis descendentibus novo iure usque in infinitum extenditur...

(It must in addition be observed that a benefice does not descend to collaterals, other than the sons or a father's brother, in the usage established by the lawyers  of antiquity ; but in the modern epoch the succession has been extended even to the seventh degree. So that in contemporary law a benefice passes to the male descendants in infinitum)

[15] Arabeyre, 2003 : [Guillaume Beno”t 1455-1516] reprend presque mot pour mot lÕŽtonnante dŽmonstration de Balde, qui reconnaissait un caractre incomparable ˆ la succession franaiseÉ Pour autant, le commentaire de Balde ne devint que trs lentement un Ç lieu commun È pour les juristes franais : Terrevermeille, qui connaissait bien, et le juriste italien et la matire dont il traitait, semble lÕignorer. Au XVe sicle en revanche, Cosme Guymier (  1503), dans sa glose sur la Pragmatique Sanction (1486), note que Ç le sang de France est perpŽtuel au millime degrŽ È. Aprs Beno”t, le fameux argument se rŽpand chez les MŽridionaux : Guillaume de Monserrat et, plus tard, Charles de Grassaille rapporteront scrupuleusement la citation Ç ŽmerveillŽe È de Balde.

[16] Le texte est (Baldo, 1393, In usus feudorum commentaria, Lugduni 1550, fo31, V¡, De feud. marchi¾ ducatus & comitatus. Rubr) :

... possibile est quotidiem accidere in successinibus illustrium comitum & baronum, qui ab imperatoribus habuerunt feudum iam sunt quingenti anni, quod mortuo ultimo comite sine herede, succedunt quicunque agnat etiam si centesimo sint gradu quia feudum est paternum... Et idem in regno seu regum successione dicendum est, quia si moreretur tota domus regia, & extarer unus de sanguine antiquo: putˆ de domo Borbon¾ & non esset alius proximior, esto quod esset millesimo gradu, tamen jure sanguinis & perpetu¾ consuetudinis succederet in regno francorum... in regno non potest succedere fiscus, sed ipse sanguis qui perpetuus est.

(Il est commun de trouver d'illustres comtŽs et baronnies attribuŽs par les empereurs il y a cinq cents ans o, le dernier comte ou hŽritier Žtant mort, les agnats succdent mme s'ils sont au centime degrŽ, parce que le fief est paternel... Et la mme chose doit tre dite dans le royaume [de France] ou dans la succession des rois, car si toute la maison royale mourait et qu'un homme du sang ancien se levait : supposons la maison de Bourbon, et qu'il n'y en ait pas d'autre plus proche, fžt-ce au millime degrŽ, et pourtant il succŽderait dans le royaume des Francs par droit de sang et coutume perpŽtuelle... [Alors que les fiefs, au-delˆ du 10me degrŽ d'agnation, font retour au fisc, dans le cas du royaume, celui-ci] ne peut pas succŽder mais le sang lui-mme qui est perpŽtuel).

[17] Giesey, 1961 : Balde...argued that the heir acquires the fief not from his immediate predecessor but from the first progenitor. The possession of the fief thereby comes less from a series of separate investitures than from a continual reaffirmation of the original investiture. The first possessor held the fief in his mort main, as it were, while his descendants exercised perpetual administration. In this light should be interpreted such arguments as 'the father does not die, but lives on in the son', which are drawn mostly from civil law (p 38, col. D).

Id, p 24 (col. D) : Suitas leveled all heirs: if you possessed the ius suitatis, you succeeded to the inheritance as surely if you were a twenty-first cousin as if you were the son of the deceased. In effect, every heir seems like a son, and if the speculation on suitas had gone far enough, it might have developed a maxim such as quicumque heres est filius...p 25 (col. D) the advantage of suitas is evident: suitas was a state of heir-worthiness which the successor held in his own right, and it was constant in its potency- there was no such thing as a weaker or stronger ius suitatis. Henry of Navarre iure suitate was as fully legitimate successor as a son of Henry III would have beenÉ

[18] Miramon, 2019 : Ces recherches [rŽcentes] ont amplifiŽ et confirmŽ la Ç b‰tardocratie È de la fin du Moyen åge, cÕest-ˆ-dire lÕapparition dans de nombreuses familles nobiliaires et princires de b‰tards, souvent masculins, qui occupent une place subordonnŽe mais pas forcŽment subalterne dans les politiques familiales. Louis XIV, avec ses lŽgitimŽs, leurs emplois, titres, rangs, et privilges, poussera (temporairement) cette b‰tardocratie aux extrmes.

[19] The higher the dignitas of the office, the higher the personal dignitas that is required to hold it... Since the higher rank is worthier, its incumbent should possess a higher dignitas in moral, social and legal terms Ð for each of them both requires and explains the others. Their inner connection is made visible by the fact that the holder of a superior dignitas should not only be worthier (dignior), but also appear such [mon soulignement] (p 62).

[20] Lorsque, au XVIIe, le reditus repara”t en marge de l'institution royale qui n'en a plus besoin, les thurifŽraires (Combault, Blondel, du Bouchet...), pour obvier ˆ la loi salique, prendront soin de le faire passer par les m‰les ! Ils adopteront pour anctre de Robert le fort (et donc de Hugues Capet et tous les autres) un Childebrand qui serait un frre cadet de Charles Martel, l'anctre de Charlemagne. Et nous voilˆ carolingiens par m‰les !

[21] Cazelles (P2, I, C2, famille royale) : p 283 L'importance politique des membres de la famille royale ne se mesure pas ˆ l'anciennetŽ de leur rattachement au tronc commun mais ˆ la proximitŽ de leur parentŽ avec le roi rŽgnant ou ses prŽdŽcesseurs immŽdiats. Les Ducs de Bourgogne doivent leur puissance ˆ leurs fiefs et ˆ leurs alliances avec la famille royale, bien plus qu'ˆ leur qualitŽ de descendants du roi Robert. Les Courtenay ne font plus parler d'eux. La branche ainŽe de Dreux est appauvrie et divisŽe alors que la cadette doit toute son illustration au duchŽ de Bretagne. Les seuls cousinages profitables sont ceux qui ne remontent pas au delˆ de Saint Louis, l'anctre vŽnŽrŽ, le modle auquel ses descendants se rŽfrent continuellement. C'est l'une des raisons de la puissance du Duc de Bourgogne, petit-fils de Louis IX et de l'Žchec de Robert d'Artois pour lequel sa situation de beau frre du roi ne peut compenser le fait que dans son sang ne coule que quelques gouttes de celui du grand roi. C'est aussi la raison pour laquelle Charles le bel, Philippe et Jean II accordent leur protection ˆ Alphonse, Louis et Charles d'Espagne qui descendent d'une fille du saint.

p 284 Le Duc de Bourgogne, le Duc de Bourbon et le Comte de Flandres mariŽs ˆ des filles de France jouent un r™le plus actif que le Comte d'Alenon ou le Comte d'Etampes qui sont des princes des fleurs de lys... Robert d'Artois est condamnŽ mais Jean comble de faveurs les enfants que l'exilŽ a eus de Jeanne de Valois. Bien qu'ŽcartŽs du tr™ne...les femmes de la maison royale sont extrmement actives et respectŽes.

[22] La citation appartient au discours que Louis RŽgnier, sieur de La Planche, aurait tenu ˆ la Reine-mre (et au Cardinal de Guise cachŽ derrire un rideau) aprs le tumulte d'Amboise ce coup d'Žtat manquŽ (1560). De Thou le transcrit comme si lui aussi Žtait derrire le rideau (Livre XXV de la traduction franaise de l'Histoire universelle, tome 3 de l'Ždition de Londres de 1734, p 515). Si le propos attribuŽ ˆ Laplanche vise les Guise qui, carolingiens ou non, ne descendent pas de St Louis, il liquide nos Courtenay.

Cette Žviction des Courtenay par St Louis est contestŽe par Gibbon (Chp LXI, Digression on the Family of Courtenay) pour lequel the parliament, without denying their proofs, eluded a dangerous precedent by an arbitrary distinction and established St. Louis as the first father of the royal line. Pour lui, la citation de De Thou dont les hautes fonctions, la respectabilitŽ, la modŽration religieuse et la presque premire prŽsidence du Parlement font une rŽfŽrence, exprime ainsi lÕopinion des parlements qu'il qualifie (note 97) de distinction of expediency rather than justice. The sanctity of Louis IX. could not invest him with any special prerogative, and all the descendants of Hugh Capet must be included in his original compact with the French nation (Cette distinction est plus dÕexpŽdient que de justice. La saintetŽ de Louis IX ne pouvait lui donner aucune prŽrogative particulire, et tous les descendants de Hugues Capet doivent se trouver compris dans son pacte primitif avec la nation franaise).

[23] Louis XIV se veut ma”tre du sang. Sans parler de l'espce de farce du TraitŽ de Montmartre de 1662 par lequel il accorde ˆ tous les princes lorrains les privilges & prŽrogatives des Princes de son sang, l'Žgalisation progressive de ses b‰tards lŽgitimŽs aux princes du sang aboutit ˆ lÕŽdit de Marly (juillet 1714), renforcŽ par la dŽclaration du 23 mai 1715, qui confre au duc de Maine et au comte de Toulouse, le titre et les privilges de Prince du sang, aptes ˆ la Couronne, eux et leurs descendants, sÕil arriv‰t quÕil ne rest‰t pas un seul Prince lŽgitime du sang de la maison de Bourbon.

Dans l'autre sens, pour mettre fin ˆ la guerre de succession d'Espagne, Louis XIV oblige le duc d'Anjou (Philippe V d'Espagne), petit-fils de France, ˆ renoncer ˆ son droit ˆ la couronne de France, droit qui, pourtant, lui fut explicitement conservŽ lorsqu'il devint roi d'Espagne (lettres patentes de dŽcembre 1700, maintenant ˆ Philippe V et ˆ ses descendants tous leurs droits de naissance). S'il ne s'agissait que de Philippe, ce serait une affaire personnelle. Mais quid aprs lui ? Pour rassurer l'Europe, Louis XIV doit, sans en avoir le pouvoir, dŽpossŽder aussi les successeurs et hŽritiers de Philippe. Ce deni du principe naturel de succession ˆ la Couronne, non seulement en change l'ordre (Berry avance d'un cran), mais surtout, dŽnature le sang d'une branche entire de la famille royale, pour le prŽsent et l'avenir. En tŽmoignent les mots de Philippe V aux CortŽs : ... je renonce par le prŽsent acte pour toujours et ˆ jamais, pour moi-mme, et pour mes hŽritiers et successeurs, ˆ toutes prŽtentions, droits et titres que moi ou quelqu'autre de mes descendans que ce soit, aie ds-ˆprŽsent, ou puisse avoir en quelque tems que ce puisse tre ˆ l'avenir, ˆ la succession de la Couronne de France, je les abandonne et m'en desiste pour moi et pour eux... de mme que si moi et mes descendans n'eussions pas ŽtŽ nez, ni ne fussions pas au monde, parce que nous devons tre tenus et rŽputez pour tels... [asi como si yo, y mis descendientes, no huvieramos nacido, ni fuessemos en el mundo, porque por tales hemos de ser tenidos, y reputados] (Madrid, 5 novembre 1712. Acte solennel de renonciation du roi d'Espagne aux droits que lui confre sa naissance, pour lui et ses enfants, sur la succession Žventuelle ˆ la couronne de France, afin d'obtenir la paix, malgrŽ la lŽsion Žvidente, Žnorme et trs Žnorme qui en rŽsulte pour lui et pour eux).