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Un grand merci
à la Bibliothèque
numérique romande d'avoir accepté mon projet de suite ferraraise.
Le Morgant de Pulci est le dernier mot (burlesque) de la tradition "carolingienne" que Boiardo révolutionne : Amour est celui seul qui peut acquérir renommée et honneur perpétuel aux hommes... Dans la cour chrétienne de Charlemagne que n'agitent que des rivalités d'ambition, Boiardo lance et fait exploser la bombe sexuelle qu'est la trop désirable Angélique. Une génération plus tard, l'Arioste exploite le filon. Une génération après, le Tasse tente une contre-révolution. Fortiguerri conclut par une plaisante parodie. |
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Luigi
Pulci, Morgant le géant (1478
et 1483), trad. Anonyme parisien 1517, adaptation 2019 prospectus
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Matteo
Boiardo, Roland amoureux
(1483 et 1495), trad. (imitation) Lesage 1717 prospectus histoire du texte INÉDIT depuis 1614: Roland amoureux, trad. intégrale Vincent, 1549 & 1550 ![]() |
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Ludovico
Ariosto, Roland furieux (1516
et 1532), trad. Reynard 1880 prospectus |
Torquato Tasso, la Jérusalem délivrée (1581), trad. La Madelaine 1841 prospectus | |
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Niccolo
Fortiguerri, Richardet (1738),
trad. en vers Mancini-Nivernois 1796 prospectus |
Pulci, Morgant le
géant
Le florentin Luigi Pulci (1432-1484) fut de ces hommes facétieux et mordants qui amusaient Laurent de
Médicis (Lorenzo il Magnifico) et dont Savonarole fit brûler les œuvres. Notre tome 2 contient la suite (chapitres 44 à 134). . Ce nouveau cycle d'aventures et de trahisons se
termine par l'apocalypse de Roncevaux. Roland, prisonnier de l'Emir de
Perse, est secouru par Renaud et les autres barons. Trahis par le
Soudan, le Grand Seigneur de l'Orient, ils prennent Babylone et les
péripéties se multiplient. Outre les habituels tyrans, lions, dragons,
géants démesurés, et belles princesses (Rosemonde,
Lucienne, Anthée), il y a un centaure, une baleine
enragée, une sorcière d'Enfer, des amazones... Et l'immense Morgant est
tué par une petite bête. |
Boiardo, Roland amoureux (trad.
Lesage 1717)
Histoire
du texte : rejeté en
Italie, le poème est annulé en
France par sa traduction en prose qui en fait un roman
d'aventures concurrent d'Amadis.
Pourquoi lire ce Roland Amoureux écrit en 1483 ? parce que c'est plaisant ! Les amateurs de romans à rebondissement ou d' heroic fantasy l'apprécieront. Et même peut-être les "mangavores" s'ils supportent l'absence d'images. On ne peut pas raconter cette suite échevelée d'épisodes qui, de la Chine à l'Afrique, opposent héroïnes et héros les uns aux autres, à des géants, à des dragons, à des enchanteurs et des enchanteuses sans autre logique que la tentation de l'aventure et sans autre règle que l'honneur.. Du point de vue littéraire, on trouvera ici la base du Roland furieux et la matrice de la Jérusalem délivrée: Chrétiens et Sarrasins à la mode de la Table Ronde. L'œuvre de Matteo Maria Boiardo (1441/1494), comme plus tard celle de L'Arioste et du Tasse, est le produit de la splendeur de Ferrare. Ecrit dans une Italie du Nord imprégnée des chansons de geste et romans chevaleresques "français", le poème de Boiardo situe l'action à la cour de Charlemagne. Ses héros sont des enragés (Renaud, Roland, Roger, Rodomont, Ferragus...) fiers de leur force et de leur loyauté, quoique la magie dont ils bénéficient (invulnérabilité, armes enchantées, sortilèges) ne soit pas très "fair play". Les guerrières (Bradamante, Marphise) leur sont identiques, sauf lorsqu'elles quittent leur casque et révèlent une beauté ravageuse. D'autres héroïnes (Angélique, Fleur-de-Lys...) vont et viennent au gré des combats et des poursuites. L'amour et la haine, tantôt naturels, tantôt surnaturels (fontaines fatales), est le moteur de péripéties que traversent les enchantements (Falerine, Morgane, Maugis...). La
dernière version française du Roland amoureux est
celle de Lesage (1717) que nous reprenons ici. L'auteur de Gil
Blas, sur la base de la traduction de Rosset (1618), procède à des
aménagements qui lui valent d'être traité d'adaptateur. Nous ne nous en
plaindrons pas : il met un peu d'ordre dans la narration et de
vraisemblance dans la géographie (cf. sa préface). Son style plaira à
ceux qui préfèrent lire les Mille et une nuits dans la
traduction de Galland plutôt que dans celle de Mardrus.
Comme le fit en 1717 l'éditeur de Lesage, nous la divisons en deux tomes. Le second volume s'ouvre sur la grande entreprise d'Agramant qui, avec tous les rois d'Afrique, décide d'asservir les Chrétiens. Pour réussir, il leur faut le concours du super-héros Roger (nourri à la moelle de lion quand bébé) qu'ils vont chercher dans le palais enchanté où Atlant le confine pour le protéger. Roger le sarrasin et Bradamante la chrétienne se rencontreront au combat et admireront leur valeur. Ces héros parfaits s'éprendront l'un de l'autre : Hé quoi ! s'écria le prince fort surpris, vous êtes fille... Oui, repartit Bradamante...En disant cela, elle délaça son casque ; et, en l'ôtant, ses beaux cheveux blonds tombèrent le long de ses épaules...Les grâces paraissaient faire leur séjour sur ses lèvres et sur ses joues...A la vue de tant de beautés, le jeune Africain...en fut atteint jusqu'au cœur...Ainsi commencent les chassés-croisés au terme desquels ils engendreront la dynastie des Este, ducs de Ferrare (dont Lesage a la bonté de nous épargner les louanges). Le tome et l'ouvrage se terminent par un retournement stratégique : pendant des centaines de pages, la belle Angélique a bouilli d'amour pour l'indifférent Renaud. Soudain, ce dernier boit à la fatale fontaine : la passion s'empare de lui au moment où, de son côté, dans la même forêt des Ardennes, Angélique boit à l'autre fontaine, celle du désamour ! Et tout repart en sens inverse ! Entre temps, Roland aura dissipé l'enchantement des jardins de Falerine, obligé la fée Morgane à libérer ses prisonniers et l'aura convaincue que Ziliant l'aimera mieux s'il est libre... Et de nombreuses histoires incidentes nous auront été contées.
Lecteur
pressé
? Lisez l'Abrégé par Tressan
(1780): |
L'Arioste, Roland furieux
Nous
reprenons ici la traduction en prose de Francisque Reynard (1880). Elle
respecte la structure en huitains du poème (ottava rima),
ce qui, sans gêner la lecture, donne une idée du rythme. Notre premier
tome rassemble les volumes 1 et 2, le second les 3 et 4.
Une génération après le Roland amoureux de Boiardo, dans la même tradition de mixage de Charlemagne et d'Arthur, au même endroit (Ferrare), avec la même ambition (divertir et célébrer la famille régnante), le divin Arioste (1474-1533) compose le Furieux (1516) qui continue l' Amoureux et, prétend-on, le dépasse. La rare beauté d'Angélique, princesse de Chine, a provoqué une étrange érotomanie parmi les paladins de Charlemagne et les héros sarrasins. Ils se la disputent à d'innombrables reprises, se donnant de grands coups de lance et d'épée. Pendant que les chasseurs se battent, la proie s'enfuit, aidée parfois d'un peu de magie. Comme pour les décevoir, elle s'éprend, par accident, de Médor, un beau Sarrasin subalterne. Roland, rencontrant les traces de leur passion réciproque, devient fou furieux. Il erre à travers le monde, détruisant tout et tous. Ce
thème s'entrecroise avec la continuation des aventures des personnages
du Roland amoureux : Renaud à la poursuite
d'Angélique, Bradamante et Roger en quête l'un de l'autre, Brandimart
et Fleur-de-Lys perpétuellement séparés, l'altière
Marphise, le terrible Rodomont...les combats des
Sarrasins et des Chrétiens à Paris, Arles, Biserte...Les fées ne
manquent pas, mauvaises (Alcine) ou bonnes (Mélisse) ; ni les
magiciens (Maugis, Atlante) ; ni les ermites, lubriques ou saints,
ni bien sûr les châteaux enchantés, les géants et monstres de toutes
sortes. Il y a même un voyage au Paradis et sur la Lune, avec miracles
incorporés. Les histoires s'entremêlent, coupées d'aventures
incidentes, interrompues par des contes moraux ou non, parmi lesquels
il faut remarquer (notre T2) : la persécution
des femmes par Marganor ; l'histoire de Joconde ; le jeu de
genres de Bradamante au chateau de la Roche Tristan, celui de Marphise
avec les lois de chevalerie (Gabrine)..., le tout, hélas, scandé par la
fastidieuse célébration des grands hommes et grandes dames de Ferrare et les itératives louanges des Ducs de Ferrare, passés,
présents et futurs.
Le thème dominant est, bien sûr, la folie amoureuse :
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Le Tasse, Jérusalem délivrée
Oublions
que le Tasse a renié sa Jerusalem délivrée, oublions
le poète maudit, oublions l'Arioste, oublions la longue controverse duroman et de l'épopée, oublions Goethe et
Byron, oublions Chateaubriand et les croisades...oublions tout et
lisons la Jérusalem. Quoique
une version en français et en prose ne soit qu'une approximation, nous
avons choisi la traduction de Philipon de la Madelaine
qui restitue la grandiloquence du Tasse. L'
édition grand public de 1841 est accompagnée des illustrations
"gothiques" qu'on aimait alors.
A
Ferrare, une génération après l'Arioste, deux après Boiardo, nous
retrouvons l'univers merveilleux de la littérature chevaleresque qu'ils
ont illustré : des guerriers enragés ; des combats aussi
sanglants qu'héroïques ; des femmes d'épée (la pâle Gildippe et la
flamboyante Clorinde) ; une enchanteuse ravissante (dans les deux
sens du mot) ; des magiciens et des esprits malfaisants (Ismen,
diables) ou bienfaisants (ermites, anges) ; des miracles infernaux
et célestes à foison ; l'inévitable ancêtre de la maison d'Este
(Renaud, à la fois Achille et Roger)... Le
Tasse (1544-1595), né à Sorrente, entre au service des ducs de Ferrare
en 1565 pour lesquels il écrit la charmante pastorale l'Aminte
(1573) et compose la Jérusalem
délivrée (1575), publiée à son insu (1581). A partir de 1577, en proie à la manie de la persécution, compliquée de
scrupules religieux (Hauvette), il fuit Ferrare, revient (1578),
repart, revient encore (1579), fait une crise de folie et est enfermé
jusqu'en 1586. Ensuite, sa vie errante le conduit à Rome où il meurt. Hauvette Henri, 1932, Littérature italienne, 8ème ed., 3ème partie "le classicisme et la décadence", Chap. 2, p 275-298 |
Fortiguerri, Richardet, poème bernesque ![]() ![]() Le dernier acte! Le XVIIIe n'a
pas éteint la querelle entre le roman et l'épopée (L'Arioste vs Le Tasse). En 1716, disputant
avec des amis, Fortiguerri se fait fort de démontrer que l'écriture de
l'Arioste n'est qu'une façon. Il commence alors le Riccardietto qui, en trente chants
burlesques, accumule les aventures invraisemblables. Il sera publié en
1738, trois ans après sa mort.
Caricaturant
les héros-titulaires carolingiens (Charles, Roland, Renaud,
Astolphe...), et les conjuguant à un Richardet à la recherche de sa
Despine, d'abord en fuite, ensuite perpétuellement enlevée, Fortiguerri
invente de nouvelles péripéties et enrichit le bestiaire
monstrueux. Ferragus devient un moine luxurieux et la géographie reste
d'une grande fantaisie, comme la réécriture du canonique drame de
Roncevaux (chants 24-25). Le père de Despine (le Scric) ne cesse de
l'arracher à Richardet pour la marier à d'autres, et quand les sorciers
qui l'aident sont vaincus et retournés, d'autres les remplacent.
La traduction
en vers français de Mancini-Mazarin (1716-1798) rend bien l'amosphère macaronique de l'entreprise. Le
dernier Duc du Nivernais l'a réalisée à 80 ans
pour se divertir dans la prison où la Révolution l'a jeté (les
sinistres Carmes) : En voyant la
liberté aisée et la grâce facile de ces vers, qui n'ont guère d'autre
mérite, peut-on s'imaginer qu'ils sont écrits en pleine Terreur, entre
les quatre murs d'une cellule, par un vieillard qui, selon toute
apparence, ne doit en sortir que pour monter sur l'échafaud? (Perey
Lucien,1891, Le Duc de Nivernais,
p 416).
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