Suite ferraraiseTéléchargez l'intégralité du texte (les trois livres) au format epub

trad. Vincent

Note sur la présente édition

Le Roland Amoureux de Boiardo, inachevé, composé en plusieurs fois entre 1483 et 1495, a été dévoré par la continuation opérée par l'Arioste (Roland furieux). Il n'est connu aujourd'hui en français que par l'imitation effectuée par Lesage en 1717. "Imitation" signifie réécriture et, pour mettre Boiardo au goût du public du temps, Lesage prend d'innombrables libertés. Quoique cet ouvrage procure un délicieux plaisir, c'est du Lesage, pas du Boiardo.
Sans entrer dans les détails (cf. mon Histoire du texte), le poème de Boiardo a été retrouvé au XIXe (Panizzi) et reconstitué. Il a fait l'objet d'une publication en Italie (Aldo Scaglione, Collezione: Classici Italiani, UTET, Torino 1984, 2a edizione elettronica, 2001). Aucune traduction française n'a été effectuée depuis celles de Vincent (1549-50) et Rosset (1619).
Quoique les deux "dériment" le poème pour en faire un roman, elles suivent Boiardo assez fidèlement. J'ai choisi celle de Vincent. Malgré des erreurs de détail que lui reproche méchamment Rosset (qui en commet aussi et dont le français est douteux), Vincent assure une transposition intègre, tandis que Rosset, lui-même auteur (Histoires tragiques etc.), interpole et extrapole, lardant son texte de louanges amphigouriques au jeune Louis XIII dont il cherche la faveur.
Ceci dit, le livre de Vincent (voir l'original sur Gallica) est rebutant pour le lecteur du XXIe siècle. Vincent et son imprimeur ne connaissent d'autres divisions que les chants. Chaque chant est imprimé en longues lignes continues, alors que le primesautier Boiardo saute perpétuellement d'un sujet à un autre. J'ai donc introduit des coupures lors des changements de thèmes et des sauts de ligne pour aérer la lecture.
D'autre part, si, globalement, le vocabulaire et la syntaxe de Vincent restent compréhensibles, la lourdeur du style demande souvent un effort soutenu. J'ai donc allégé quelque peu. Si des mots comme "douloir", "ahontir", "conquêter", "anichiler" etc. ne posent pas vraiment problème, quelques réfractaires sont explicités entre crochets.
Enfin, Boiardo et le public de son temps se complaisent aux longueurs des récits des combats et de leurs péripéties, toujours les mêmes. Les héros, féés de nature ou protégés par des armures enchantées, usent d'épées magiques et ne peuvent ni se tuer, ni se blesser, tout juste s'assommer. Leur cheval prend alors du champ pour laisser le guerrier revenir à soi, et il retourne au combat que seule la nuit interrompt (car se combattre en ténèbres n'est pas le fait d'un chevalier mais d'un brigand). Ennuyé outre mesure par ces fastidieux et répétitifs morceaux de bravoure, je me suis permis de les abréger, voire de sauter des détails (les coupures sont notées par des points de suspension).
J'ai procédé de même avec les longues énumérations imitées d'Homère, des noms, qualités et attributs des chefs des armées.
Telle est ma seule vraie infidélité à Vincent et Boiardo. Je ne pense pas que le lecteur moderne se plaigne de mon initiative.
Vincent fait précéder chaque chant d'un résumé que j'ai reproduit. Désireux de structurer le texte, j'ai cherché des titres. Aucun ne colle vraiment à des contenus trop divers. Comme le livre I commence par l'offensive de Gradasse (et quoique celle-ci n'en occupe qu'une faible partie), j'en ai tiré son intitulé. De même avec Agramant pour le livre II, et Mandricard pour le livre III. Ce sont trois vagues d'invasion qui finissent par se confondre. Quant aux chants, j'ai pris pour titre celui de leur thème qui est le plus significatif.
Au total, le texte qu'on va lire pour la première fois depuis quatre siècles, adapte un peu la forme pour la rendre plus digeste mais se conforme à celui de Vincent : fidélité microscopique et trahison macroscopique (la mise en prose transforme un poème en roman).
***
L'entrelacement des épisodes et des thèmes, comme l'élasticité du temps et de l'espace, rendent impossible de résumer un récit dans lequel on se perd à plaisir. J'ai néanmoins tenu la gageure et, en éliminant les personnages secondaires, je donne ci-après, l'essentiel de chaque livre.

Livre I

Gradasse attaque Charlemagne (pour prendre Bayard et Durandal).

Alors que Charlemagne a réuni tous les chevaliers du monde pour un tournoi, arrivent Angélique et Argail. La belle sera la récompense de celui qui abattra son champion. Maugis les perce à jour et, victime de l'anneau d'Angélique, est envoyé en prison à Cathay.

Astolphe vaincu, Ferragut se présente, est défait par la lance magique, renie son serment et poursuit le combat. Angélique s'enfuit dans la forêt. Renaud la cherchant s'en déprend [Merlin], elle s'en éprend, il la fuit. Ferragut tue Argail et combat Roland. Fleurdépine vient le chercher pour secourir Marsille.

Angélique rejoint Cathay par magie et Roland prend la route pour la retrouver. Il rencontre et tue le Sphinx, échappe au filet de fer du géant Zambard, se fait capturer par la magie de Dragontine (damoiselle du pont) et perd tout souvenir.

A la suite de Ferragut, Charlemagne envoie Renaud et une armée aider Marsille. Angélique commande à Maugis de lui ramener Renaud qui refuse. Maugis se venge : à l'heure du duel entre Renaud et Gradasse, un simulacre se présente et embarque Renaud dans une nef qui le conduit dans l'île enchantée d'Angélique. Les Français, sans chef, regagnent Paris et Marsille, abandonné, s'allie à Gradasse.

Renaud échappe à Angélique et, capturé par ceux de la Roche Cruelle [histoire de Stelle], il est sauvé, malgré lui, par la belle. Ayant fait justice des méchants, il rencontre Fleurdelis qui pleure la disparition de Brandimart, prisonnier de Dragontine. Ils se mettent en route pour le délivrer [histoire de Tisbine]. Renaud combat les griffons, trouve le cheval magique [histoire de Blancherose et Truffaldin]. Puis un centaure emporte Fleur et, poursuivi par Renaud, la jette dans le fleuve d'où elle sera emprisonnée avec d'autres que Falerine destine à nourrir son dragon.

Angélique, réfugiée dans Albraque pour ne pas épouser Agrican qui l'assiège aussitôt, appelle Sacripant au secours. Il rejoint Albraque et combat Agrican. La ville prise, Angélique et ses défenseurs se réfugient dans la forteresse. Angélique part chercher secours et Truffaldin s'empare du château. Angélique détruit l'enchantement de Dragontine : Roland et les autres la raccompagnent à Albraque, traversent par force le camp des Tartares. Coincés entre eux et le château, les chevaliers doivent promettre à Truffaldin de le défendre.

Grande bataille contre les Tartares, arrivée de Galaffron, combat de Roland et Agrican. Marfise attend son heure quand Renaud arrive avec Fleur qu'il a délivrée du dragon. Combat de Renaud et Marfise. Grâce à Roland, Galaffron est victorieux et, arrivant, attaque Renaud. Marfise se retourne contre lui et assiège Albraque.

Brandimart a retrouvé Fleur qui est enlevée par un ermite. La cherchant, il tombe sur trois géants [histoire de Léodile] qui le vaincraient sans le secours de Roland (revenant de son duel avec Agrican). Brandimart part à la poursuite du cerf enchanté et retrouve Fleur, capturée par l'Homme Sauvage. Ils rejoignent Albraque. Roland, portant Léodile, cherche Brandimart, rencontre l'aventure du cor (dragons), néglige la levrette et rend Léodile à Ordaure.

Renaud défie Truffaldin et combat ses chevaliers. Roland arrive à Albraque et, jaloux de Renaud, jure sa mort. Duel. Angélique sauve Renaud en envoyant Roland au jardin de Falerine. Il délivre une fille [histoire d'Origile] et la convoite.

Livre II

Agramant, empereur d'Afrique, décide de conquérir gloire aux dépens de Charlemagne. Il apprend qu'il ne vaincra qu'avec l'aide de Roger et, pour dissiper l'enchantement qui le dissimule, envoie Brunel voler l'anneau d'Angélique. Rodomont, impatient, prend seul la mer (tempête), débarque sur la côté d'Italie et entreprend une grande bataille (Bradamante).

Roland surmonte les épreuves du jardin de Falerine et le détruit. Puis, rencontrant le lac de Morgane, il attrape celle-ci aux cheveux et libère ses captifs (sauf Ziliant, son amour), dont Brandimart et Renaud avec lequel il se réconcilie.

Renaud et ses compagnons partent au secours de Charlemagne tandis que Roland et Brandimart poursuivent leur route vers Albraque. Les premiers arrivent dans les prisons de Manodant qui a posé un piège (Balisard) pour prendre Roland contre lequel Morgane lui rendra son fils Ziliant.

Roland et Brandimart vainquent Balisard et rejoignent Manodant, et Roland s'engage à délivrer Ziliant. Nouvel affrontement avec Morgane. Roland rend Ziliant à Manodant (accompagné de Fleur, rencontrée au passage). Libération des prisonniers. Manodant retrouve ses deux fils, Ziliant et Brandimart, jadis volé.

Renaud, en route pour la France, arrive en Hongrie où il prend la tête de l'armée qui part au secours de Charles et (le temps s'étant suspendu) rejoint la bataille de Rodomont. Celui-ci croit Renaud parti pour la forêt d'Ardaine et s'y rend (dispute avec Ferragut à propos de Doralice), et Renaud à sa suite. Fustigé par les amours pour son insensibilité, il boit l'eau magique et s'éprend d'Angélique.

Roland et Brandimart, arrivés à Albraque, apprennent à Angélique le départ de Renaud qu'elle décide aussitôt de retrouver en France. Ils partent. Après avoir échappé à leurs poursuivants et aux Lestrigons, les deux couples sont séparés.

Roland et Angélique arrivent en France (en passant par Chypre), dans la forêt d'Ardaine. Angélique boit à la fontaine de désamour et se met à détester Renaud qui, par coïncidence, vient de boire l'eau contraire et survient. Combat entre Renaud et Roland. Angélique se réfugie auprès de Charlemagne qui la donnera à celui des deux qui sera le plus vaillant en bataille.

Rodomont et Ferragut, réconciliés, rejoignent Marsille qui fait le siège de Montauban où Charlemagne fait une grande bataille au cours de laquelle Roland et Renaud rivalisent pour avoir Angélique.

De leur côté, Brandimart et Fleur, après avoir rencontré Marfise, tombent sur des brigands (Barigacio), puis sur le château du sépulcre [histoire de Doristelle], puis sur le roi Doliston qui reconnaît en Fleur sa fille volée. Les deux amants prennent la mer pour la France et la tempête les conduit en Afrique (Biserte), à la cour d'Agramant (lions).

Agramant, honteux d'avoir tardé, part en guerre et (temps suspendu) rejoint la grande bataille de Marsille et Charlemagne. Ferragut s'affronte à Renaud, Roger à Roland qu'un enchantement propulse dans une fontaine d'Ardaine où dansent de jolies dames.

Livre III (inachevé).

Mandricard, fils d'Agrican, empereur de Tartarie, se met en route pour venger la mort de son père que Roland a tué. Il conquiert les armes d'Hector, fils de Priam, auxquelles ne manquent que l'épée qui est aux mains de Roland (Durandal). Avec Gradasse qu'il a libéré de l'enchantement et qui veut également l'épée, ils se dirigent vers la France et finissent par rejoindre la bataille d'Agramant et Charlemagne. Ce dernier sera vaincu et se repliera sur Paris.

Bradamante y combat Rodomont, Roger vient à son secours. Rodomont vaincu, Bradamante et Roger s'éprennent l'un de l'autre et, attaqués par des Sarrasins, se défendent ensemble. Bradamante part à la poursuite d'un ennemi et s'égare.

Roger la cherche et rencontre Grandasse et Mandricard qui entrent en querelle à propos de l'épée de Roland. Brandimart, parti de Biserte avec Agramant pour libérer Roland de l'enchantement qui le tient prisonnier, les emmène à sa suite. Grâce aux connaissances magiques de Fleur, Brandimart délivre les enchantés.

Roland et Brandimart rejoignent Paris où Charlemagne est piteusement assiégé par Agramant. Ils attaquent son camp, libèrent les prisonniers et viennent au secours de Paris. La terrible bataille est suspendue par une tempête.

Pendant ce temps, Bradamante, errant, blessée, est soignée par l'ermite et rencontre Fleurdépine qui, la prenant pour un chevalier en tombe amoureuse.

[Là, s'arrête Boiardo] : Les feux et les glaives qui ravagent déjà toute l'Italie... font que j'interromps maintenant ici cette plaisante et mémorable aventure.