24/05/2020
L'Orlando Innamorato de Boiardo (XVe siècle) connaît en France trois versions successives [1], une par siècle jusqu'au XVIIIe. Ces Roland amoureux s'engendrent l'un l'autre par des accidents dont la continuité textuelle masque la singularité. L'analyse littéraire est plus facile que l'analyse historique : les imprimés survivent, on peut les étudier même si on ne sait rien ou pas grand chose de leur production et de leur réception. Nous verrons en introduction que la carrière du texte en Italie est toute différente mais, qu'il soit rejeté ou travesti, dans les deux cas, le poème est annulé. Sa mise en Français et en prose au milieu du XVIe s'inscrit dans le renouvellement du "vieux roman" (section 1). Les Français ne se bornent pas à traduire plus ou moins exactement, ils s'approprient le texte qui devient (et demeure) une œuvre de Lesage (section 2). | |||
Introduction : l'Innamorato en Italie L'échec posthume du poème de Boiardo provient de son succès. Il ouvre la voie à l'Arioste dont le triomphe l'annihilera. Très vite, l'Italie exclut Boiardo du champ poétique, alors que la France le transposera. Au total, l'Innamorato disparaît pendant plus de trois siècles. Boiardo ne mérite pas son oubli. L'Arioste n'a pas seulement continué l'histoire, il a exploité la révolution opérée par l'Innamorato. Matteo Maria Boiardo ou Bojardo (1434-1494), troisième comte de Scandiano, est gouverneur de Reggio de 1478 à sa mort. A la différence de l'Arioste qui quêtera (sans grand résultat) la faveur des Este, il appartient nativement aux Grands du triple duché (Reggio, Modène, Ferrare). Poète en latin et en vernaculaire, traducteur d'antiques [2], il commence l'Innamorato dans les années 1470. Arrêté à la fin du Livre II par la tempête infernale de la guerre entre Venise et Ferrare (1482/84) [3], il écrit 9 chants du Livre III, avant que l'irruption de Charles VIII en Italie (1494) ne l'interrompe à nouveau et que la mort ne mette fin à l'entreprise. Chanter
"Roland amoureux", ce titre seul annonçait une révolution (Hauvette, 1921, p 191). Avec quoi Boiardo rompt-il ? Avant lui, les chansons
de geste "françaises"
(notamment le cycle carolingien) s'étaient largement diffusées en "Italie", en franco-vénitien et en traduction toscane ; les chanteurs d'histoires (cantastorie) les récitaient à tous les carrefours ; et cette matière engendrait des adaptations, des refacimenti, des inventions dont le public ne se lassait pas. Arrivée à son apogée au début du XVe siècle, cette série passe de la prose aux vers (ottava rima) au moment où, à l'inverse, les chansons françaises
tardives se dériment. A Florence, Pulci (1432-1484) prend le vieux modèle "français"
pour lui donner une nouvelle forme (Morgante) parce que, si le peuple en redemandait toujours, les lettrés étaient lassés. En vers, bien sûr, il subvertit la tradition, caricature les "standards" des chanteurs de rue, multiplie les épisodes burlesques, joue sur les niveaux de langage et —si
j'ose employer cette expression— "désépopise"
les héros.
Pulci est le dernier mot de la vieille tradition [4], Boiardo le premier de la nouvelle [5]. Dans le vieux schéma, le récit progresse par des chocs exogènes : ou bien un "roi païen"
attaque Charlemagne ; ou bien Ganelon — traître par nature et par fonction— provoque
une crise. Boiardo, lui, quoiqu'il conserve le cadre pseudo historique et les héros titulaires, agence ces éléments familiers selon une logique endogène. L'Amour cesse d'être une péripétie pour devenir le moteur du récit [6]. La matière de France est dite à la manière de Bretagne [7]. Boiardo (II, 18, 1-3) : quoique la cour de Charlemagne fût aussi magnifique que celle d'Artur, elle est restée inférieure en gloire parce qu'elle a ignoré l'Amour [8]. Dans cette cour de Paris trop chrétienne que n'agitent que des rivalités d'ambition, Boiardo lance et fait exploser la bombe sexuelle qu'est la trop désirable Angélique. A l'instant qu'elle paraît, elle met en rut tous les héros — y compris le sage Naymes et le vieux Charles !— immédiatement prêts à s'entre-combattre (comme le feront Roland et Renaud, ces amis éternels). La crise fait du chaste, sage et chrétien Roland un furieux: littéralement fou d'Angélique, il la suit comme un caniche, réalise pour elle exploit sur exploit, l'accompagne, sans jamais se lasser de son inaccessibilité. Symétriquement, Angélique est une héroïne tragique, amoureuse folle de Renaud dont l'indifférence tourne à la phobie...avant que les positions s'inversent. Le récit devient celui de l'obsession amoureuse, avec de puissants effets d'intégration et de cohérence. La guerre, évoquée par Boiardo dans ses derniers vers (Vedo la Italia tutta a fiama e a foco/Per questi Galli...III, 9, st. 26) a laissé l'histoire en suspens. Au reste, achevées ou pas, toutes ces chansons sont des works in process, perpétuellement
reprises, complétées, entées, greffées, remaniées, corrigées. En reprenant la matière narrative de Boiardo, l'Arioste suit une longue tradition (qui l'affectera aussi puisque son Furieux suscitera des "suites"). L'éclipse de l'Amoureux derrière
le Furieux, dans son pays et, par ricochet, en France, ne s'explique pas par des raisons narratives, mais linguistiques [9]. Après l'immense succès initial de Boiardo, à Ferrare et ailleurs, le XVIe siècle lui reproche son style rugueux (asperitatem verborum [10]) et son Toscan imparfait, hybridé de gallicismes et de lombardismes, tandis que l'Arioste qui n'a cessé de polir et de réécrire ses vers pour les rendre conforme aux nouveaux canons triomphe comme modèle poétique. Les quelques traductions françaises
en vers du Furioso au XVIe cherchent à "ariostiser" en français. Aussi l'Innamorato sera-t-il non seulement complété (Agostini) mais corrigé (Domenichi 1545) et réécrit ligne à ligne (Berni, 1541) pour le fusionner au Furioso dont il est devenu le début [11]. Etonnant paradoxe ! le père sommé de ressembler à son fils ! Ce qui survivra du poème de Boiardo sera la version "ariostisée" par Berni [12]. Pendant des siècles, le texte de Boiardo s'évapore. Ce n'est qu'au début du XIXe que Panizzi, à partir de plusieurs éditions fautives, le reconstitue. Ce texte originel, aujourd'hui corrigé et republié [13], est réhabilité par certains critiques [14]. L'Italie écrase le poème de l'Amoureux sous le poids du Furieux. La France les ignore tous deux. Elle en fait des "romans de chevalerie" en prose dont seule la division en "chants" rappelle l'origine poétique (section 1). Dans un second temps, la structure perd le souvenir du poème et l'Amoureux devient un roman d'aventures français (section 2). 1. Le nouveau "vieux roman"Je cherche ici à caractériser le contexte dans lequel apparaîtra l'Amoureux à la section suivante. Commençons
par le divin Arioste. Il connaît en France une carrière duale, auteur d'un Furioso en
vers que "reçoivent"
les amateurs de poésie, et origine d'un Furieux en prose que lisent les amateurs de romans [15]. Les italianophones, nombreux à la Cour et autour, à la suite des guerres et des mariages, ont accès au texte original. Les essais de traductions en vers sont des travaux pratiques pour enrichir la poésie française
(Louie, 2017 [16]). Il s'agit d'exercices à partir des premiers chants. En 1544, c'est en prose que le Furieux est mis en Français. L'éditeur
se justifie : quoiqu'il fût à craindre que l'Arioste tourné en prose française ne perdît beaucoup de sa naïveté, il faudrait douze ou quinze ans de
labeur pour le présenter en vers françoys qui fussent d'aussi bonne grace. Mais surtout, le traducteur a choisi la prose parce qu’il congnoissoit aussi que telles histoires (mesmes en nostre langaige) ont je ne scay quoy plus de gracieux... [17]. En effet, au XVe siècle, quand les chansons "italiennes", initialement en prose, passaient à la rime, les françaises, initialement en vers, achevaient leur dérimage (Besch, 1915 ; Doutrepont 1939, Everson 2005, Montorsi 2017 [18]). On l'explique, sur le plan technique, par le changement de mode de l'oralité (de la récitation à la lecture) ou son déclin (imprimerie); sur le plan littéraire, par la tendance à la prolifération de l'élément romanesque dans les chansons françaises (Roussel [19]) : l'épopée se chante en vers, le roman préfère la souplesse de la prose. Le Furieux (1544) en prose et à sa suite l'Amoureux (1549) deviennent d'emblée des "vieux romans". C'est ce que nous allons examiner à présent. Les années 1540 sont un tournant. La parution de l'Amoureux (1549) survient au terme d'une séquence symbolique pour la promotion du vernaculaire : de l'Edit de Villers-Cotteret (1539) [20] à la Défense et illustration de la langue française (1549), en passant par la nomination du premier imprimeur du roi pour le Français (1543, Denys Janot), ne voulant moins faire d'honneur à la nostre qu'aux dictes deulx aultres langues [grecque et latine] [21]. Du coup, les romans en Français cessent de relever d'une subculture d'illiterati. Ils sont dignifiés et reformatés. Les traductions jouent un double rôle dans ce processus : i) elles promeuvent la langue française en la mettant à égalité avec l'antique ou les autres vernaculaires ; ii) elles renouvellent le matériau littéraire dans cette langue. L'élargissement du public du "vieux roman" d'armes et d'amours ("carolingien" comme "breton"), atteint un sommet à la fin des années 1520 [22], et s'essouffle dans les années 1530, ce qui pousse au renouvellement (Cappello, 2011). Dans la décennie 1540, celui-ci emprunte deux voies : renforcer la dimension "sentimentale" et recourir aux traductions. L'Amoureux arrive en 1549, après que l'Amadis ait posé la question du roman (a) et le Furieux celle de la traduction (b). a) Amadis et la question du roman Le succès d'Amadis est tel qu'on le réimprime trois fois au cours de la première année. Nous saisissons mal aujourd'hui le caractère novateur de ce Livre premier en 1540 [23] :
ce qui le distingue alors, c'est qu'il ne sort pas du fonds ancestral (Cazauran, 2000). Quoique de style "breton", il met en scène de nouveaux personnages, à commencer par le héros éponyme que Montalvo et des Essarts à sa suite rendent irréprochable, synthèse de toutes les vertus. Surtout, souligne Rieger, ce super-héros est neutre : il arrive de l'extérieur, sans avoir à porter la lourde charge de la tradition médiévale française, tout en se plaçant clairement dans son prolongement (Rieger, 2000, p 594). Les paladins de Charlemagne, les chevaliers de la Table Ronde, usés jusqu'à la corde, quoique toujours populaires, n'étaient plus à la mode : le jeu "chevaleresque" (rhétorique comme spectaculaire) appelait une mise à niveau. Amadis devient la "star" qui dissipe le crépuscule
de la chevalerie (Rieger).
Par son écriture et son impression soignée en lettres rondes et longues lignes, des Essarts et Janot imitent la production "humaniste" et, purifiant le "roman" de sa barbarie gothique, le rendent contemporain. Cette "présentification" se traduit dans les allusions politiques (empereur de Rome = Charlequint — cf. Huchon, 2007). Cela n'empêche pas les moralistes et les pédants d'inclure Amadis dans leur dénonciation : tous ces romans sont une perte de temps et une perversion. En voulant démontrer qu'un "bon" roman est possible, le Théagène et Chariclée d'Amyot témoigne, au contraire, de la difficulté de l'entreprise. Publiée en 1547 chez Groulleau, le successeur de Janot dont il a épousé la veuve, la mise en français du vieux roman grec d'Héliodore (IIIe siècle ?) débute par un proëme programmatique (Fumaroli, 1985) où Amyot proclame la supériorité de l'Histoire (qui instruit) sur les romans (qui mentent) —un lieu commun. Toutefois, même les personnes graves et savantes ont besoin de se changer les idées et de se récréer par des lectures légères. Il faut alors préférer aux fantaisies impudiques les fables raisonnables et morales dont Théagène est exemplaire : un hymne à la pudicité, un enchaînement d'histoires bien cousues ensemble concourant à atteindre le "happy end", une composition conforme aux canons d'Aristote (unité d'action, début in media res). Ainsi structuré, ce roman contraste avec l'errance open ended d'une multitude de héros divagants. Ce n'est cependant qu'une fable dont le traducteur se justifie (il a fait ça à temps perdu) et qu'il n'assume pas : le nom d'Amyot ne figure ni sur la couverture, ni dans le privilège (ce qui ne l'empêche pas d'accepter du roi, en récompense, l'abbaye de Bellozane qui sera le début de sa fortune). Passons sur tout ce qui, néanmoins, rapproche ce roman des autres : s'il ne recourt pas aux fééries, il est empli de songes, oracles et interventions des Dieux ; s'il n'y a pas divagation des héros, l'histoire procède par invraisemblables coïncidences et le temps est d'une élasticité troublante. Outre la trop admirable pudicité des deux amoureux, le lecteur du XVIe siècle (je n'essaie pas de deviner les sentiments de la lectrice) regrettait le manque de grandeur résultant de la répudiation de l'héroïsme chevaleresque [24]. Dans Théagène, il y a des batailles, pas de combats d'homme à homme, et le vertueux Théagène, aussi valeureux et aussi bien né qu'on nous le garantit, n'est ni prince ni preux, pas même chevalier : un simple citoyen. Les théoriciens et les moralistes grognent et grogneront contre les romans à plaisir [25]. Ils célébreront Théagène (et plus tard les édifiants romans de Camus) et les mettront au programme éducatif. Mais le public (et pas seulement les damoiselles et les valets) préfère Amadis à Théagène, le héros chevaleresque au saint dans sa niche. Les auteurs de roman répondent aux critiques dans des adresses au lecteur ou dans les dédicaces [26]. Deux types d'arguments : i) le mensonge franc et affiché du roman est préférable aux fausses vérités de l'Histoire car il ne trompe personne ; ii) seuls les pervers se laissent pervertir : le roman est éducatif, il apprend l'Honneur, le respect des serments, la politesse etc. Certains vont plus loin dans cette direction et affirment que la fable recouvre un sens caché, moral, allégorique ou alchimique (Gohory, puis Beroalde) [27]. b) Le Furieux et la question de la traductionLyon en France est cœur d'Europe (Aneau, 1541) [28]. Jusqu'aux années 1560 [29], Lyon l'italienne, plateforme de banquiers et marchands piémontais et toscans pleins d'intraprendenza, imprime en italien pour le marché italien. Secondairement, à partir de 1540, Lyon importe en France, non seulement les trois couronnes (Dante, Pétrarque, Boccace) mais les modernes —cf. Andreoli, 2018. De 1539 à 1551, l'archevêque, primat des Gaules, n'est autre qu'Hippolyte d'Este, fils du Duc de Ferrare (Alphonse), et neveu du cardinal Hippolyte (celui de l'Arioste). Dans son entourage ou parmi ses flatteurs, naît le projet "transculturel" de lui offrir en Français le Furioso, ce monument à la gloire de sa maison : votre Arioste s'était exposé à la vue des hommes quasi plus pour démontrer l'excellence & générosité de votre très-illustre Maison, que non pas pour se glorifier en l'immortalité de son divin esprit. Mais l'entreprise est aussi une réponse lyonnaise à l'Amadis parisien : Italie vs Espagne, importation vs appropriation, traduction vs translation. De luxe comme la parisienne (in folio, caractères neufs), l'édition lyonnaise ne partage pas la sobriété de sa page de titre : très ornementée (à la façon italienne [30] —cf. Annexe du pdf), la sienne proclame que Roland surpasse Amadis et que le texte qui suit avilit toutes [autres] traductions [31]. Le défi, relayé à Paris par l'édition pirate de 1545 (Galiot du Pré), suscite une réponse chagrine de Des Essarts [32]. Ecartons l'hypothèse business. S'il y a une rivalité historique et contemporaine entre Lyonnais et Parisiens qui, tantôt coopèrent,
tantôt se contrefont, tantôt se concurrencent, Sulpice Sabon (dont c'est l'une des dernières impressions) intervient ici comme exécutant, non comme acteur [33]. L'édition accumule les mystères
(Rajchenbach-Teller, 2011) : Sabon imprime pour un dénommé Thélusson, marchand, dont le rôle est probablement de financer. Le maître d'œuvre est son parent Jean des Gouttes et l'anonymat du traducteur excite depuis longtemps l'imagination des chercheurs [34]. Des Gouttes (1509-1563), agissant vraisemblablement pour un groupe [35], signe la dédicace. Nous avons déjà vu sa justification de la mise en prose, examinons à présent les oppositions à l'Amadis. La plus explicite concerne la manière de traiter la source. Des Essarts, interprétant très librement le texte de Montalvo, n'hésite pas à le remanier et, une fois épuisé l'original, à inventer
la suite. Il procède à ce qu'on appellera plus tard une imitation. Des Essarts revendique cette translation, ce transport, dont il fait une ré-importation : posant le fictionnel Gaule comme synonyme de France, il prétend que c'est une histoire française (dont il aurait vu un bout de manuscrit en vieux picard), partie jadis en Espagne ou au Portugal (plus tard, elle reviendra de Constantinople), qu'il rapatrie [36]. Au contraire, des Gouttes assume l'allogénéité du Furieux et
assure que la traduction a été faite presque tout de mot à mot [37], à tel point que certains sont gardés dans leur naturelle simplicité (italianisant le français), au risque que leur dureté, leur sauvagerie, choque le lecteur chatouilleux
des oreilles ou si pédant [38] :
si les Censeurs ne veulent accorder à ces vocables
nouveaux, ni lettres de naturalité, ni le temps que la postérité juge sans affection de les recevoir ou non, alors qu'ils graillent [croassent] a leur mode ! Cette fidélité microscopique accompagne la trahison macroscopique que constitue la mise en prose [39]. Cela revient à lire le livret d'un opéra au lieu de l'écouter ! En détricotant le difficile travail du poète, le dérimage met à plat le texte. Cette mutation développe la dimension narrative (et aussi méta-narrative : Montorsi, 2017 [40]) et donc écrit un autre texte, aussi respectés que soient les mots. Enfin, suivant l'exemple de l'édition italienne, des Gouttes insiste sur le message sous-jacent au texte, en décrivant longuement (et librement) le sens allégorique de chaque chant [41]. Cette moralisation est à la fois une réponse aux critiques des romans et une justification supplémentaire au mode de traduction choisi : le message sous-jacent importe plus que la forme [42]. Revenons maintenant à l'Amoureux de Boiardo. 2. L'appropriation française de l'Amoureux Jacques Vincent du Crest Arnauld en Daulphiné effectue la première importation (1549). Qui est-il ? Il s'intitule secrétaire de mgr l'évêque du Puy (François de Sarcus, héritier d'une famille picarde bien en Cour). Il devient plus tard aumonier de mgr le comte d'Angien [43], au service duquel il meurt pendant le voyage de Flandres de 1554. Il est impossible de savoir quelles fonctions et rémunérations correspondent à ces intitulés. On voit à travers ses dédicaces qu'il quête un patron, apparemment sans grand succès. Il avait volonté bonne / S'il eût eu bon Mecenas écrit après son décès son ami Pierre Tredehan d'Angers [44] qui, mélancoliquement, ajoute dans un autre sonnet : Mon heur viendra, disait-il en sa vie, / Et fut toujours le sien heur attendant [45]. L'Amoureux est la première de la demi-douzaine de traductions qu'on lui connaît [46]. S'il a et conserve des liens avec les réseaux lyonnais, c'est à Paris, par le successeur de Janot et pour le libraire Gaultherot, qu'il publie Le premier livre de Roland l'Amoureux, mis en italien par le seigneur Mathieu-Marie Bayard, comte de Scandian en 1549, suivi en 1550 du second livre puis du troisième. Cet Amoureux sera réédité en 1564, 1577, 1578, et encore début XVIIe à Lyon, en 1605 (Pierre Rigaud) et 1614 (Léon Savine). La source de Vincent n'est pas Boiardo lui-même mais la version d'Agostini [47]. L'Amoureux est dédié à Dyane de Poitiers, alors triomphante et depuis peu duchesse de Valentinois, à laquelle Vincent a peut-être accès par de Sarcus, aumônier du roi, et dont il espère une récompense (par vous mon heur viendra) [48]. Le texte, outre les louanges de rigueur, place cette traduction dans la ligne lyonnaise du mot pour mot, tout en regrettant de n'avoir pas toujours pu la suivre [49]. La référence à Amadis [50], dans le huitain d'un ami en tête du Livre III, réclame l'égalité. Vincent ne consacre pas un seul mot à la question de la mise en prose. Il va déjà de soi que l'intérêt de Boiardo réside dans l'histoire qu'il narre, l'inventio, et non dans la forme, l'elocutio [51]. Quoique, rien dans le péritexte de l'Amoureux, ni le privilège, ni la dédicace, ni les poèmes d'accompagnement, ne fasse allusion au Furieux, le premier est l'héritier du second et, plus généralement des années 1540. En quelque sorte, le Furieux a payé d'avance les droits de douane de l'importation de l'Amoureux : la matière italienne est introduite ; la mise en prose s'impose ; la traduction respecte les mots. Un standard est établi, dénaturant le poème toscan en roman d'armes et d'amours français. Peut-être Vincent répond-il à un désir de Diane de Poitiers (exprimé, deviné ou souhaité). Son Amoureux s'inscrit dans un ensemble de traductions qui renouvellent le roman de chevalerie. S'il ne l'avait pas fait, un autre aurait traduit l'Innamorato. Une fois entré dans le stock français —et, en ce sens, banalisé—, ce roman, comme de nombreux autres, sera disponible à la réécriture. Dans des conditions chaque fois différentes, celle du XVIIe (a) et du XVIIIe (b) partagent l'inintentionnalité de Vincent. Il nous faudra donc, comme pour celui-ci, tenter de reconstituer les circonstances à l'issue desquelles l'Amoureux deviendra un roman français. a) XVIIeL'épopée romanesque, toute critiquée qu'elle soit, ne meurt pas au XVIIe (Chatelain, 2007), ni après (Vieillard, 2007) et peut-être ne mourra jamais [52]. Pour l'élite, le roman chevaleresque est mis en scène dans le cadre des fêtes de cour [53] et, pour autant qu'on situe le Tasse dans cette perspective, Armide et Renaud, Clorinde et Tancrède, inspirent abondamment et longtemps peintres, dramaturges, chorégraphes et auteurs. Pour le peuple, le long succès de la bibliothèque bleue atteste que "ça marche" encore. Si les pédants fulminent des anathèmes au nom des anciens et si les moralistes condamnent toujours la littérature à plaisir (Simonin, 1980), la chevalerie ne cède pas [54]. C'est une querelle emboitée : pour ou contre les romans ? et, au sein des romans, pour ou contre les vieux romans [55]. Mais le public va son train, et les libraires à sa suite : que cela soit dû au "néo-platonisme" et à la promotion des femmes [56], ou au retour à une (relative) paix civile après les drames politico-religieux de la 2ème moitié du XVIe, le roman sentimental prend le pas sur le roman chevaleresque. C'est toujours des amours et des armes, mais leur proportion respective s'inverse et les ingrédients se combinent autrement. A son tour, cette littérature rose (l'Astrée) appelle en réaction une littérature noire d'histoires tragiques qui débouchera sur le "gothique" pré-romantique et romantique. Ce qu'il faut remarquer dans ces histoires, c'est le souci de vraisemblance : aussi horribles que soient les faits, l'auteur proclame qu'ils ont eu lieu, qu'on les connaît, qu'il y a des témoins. De même le roman sentimental, pour se donner un air de vrai, se coulera volontiers dans la forme pseudo-historique (Princesse de Clèves, Mémoires secrets de toutes sortes etc.). Nos romans italiens reviennent : en 1615, Rosset publie le Furieux, après lequel il compose, en un mois, dit-il, une suite en douze aventures, conforme à l'intention de l'auteur, dit-il, les deux chez Robert Fouet (Paris) et dédiés à la reine-mère ; puis, en complément, l'Amoureux en 1619 (ibid.), dédié au roi, qui aura un succès médiocre. On ne sait pas grand chose de la vie de François de Rosset [57]. S'il y a bien une famille noble de ce nom à Salon de Provence [58] la parenté de notre auteur n'est pas attestée. Faute de noblesse ou de santé, il ne semble pas savoir se servir d'une épée, à la différence de son contemporain et homologue Vital d'Audiguier[59]. François de Rosset, né dans les années 1570 (1571), mort en 1619, commence véritablement sa carrière avec les nouvelles opportunités ouvertes par le changement de règne. En 1612, c'est le Roman des chevaliers de la gloire et, jusqu'à sa mort (1619), en sept ans, seize ouvrages, dont trois compilations et dix traductions de nouvelles ou romans "d'aventures". L'Amoureux est le dernier. Le plus grand succès de cette polygraphie est Histoires tragiques de notre temps (Delporte, 2010), encore publiées aujourd'hui. Présentées comme vraies (et, en effet, souvent tirées d'événements ou faits divers récents, parfois très récents : Galigaï), ce sont des histoires noires, histoires à clefs (les noms sont cachés), que Rosset, par conviction ou par précaution, encadre de componction chrétienne [60]. Elles confirment que Rosset est un "rewriter", pas un écrivain ; un reblanchisseur de murailles [61], pas un peintre. Venons-en aux Roland. Ce sont réellement des traductions, non des remaniements ; et de l'italien, alors que la mode est à l'Espagne ; et d'un vieux texte encore. L'édition précédente du Furieux était toujours réimprimée : la version des Gouttes remise en français par Chappuys en 1576. Quel besoin de la refaire et de la dédier à la reine Marie de Medici qui pouvait lire le divin Arioste dans le texte, comme beaucoup à la cour ? Dans le contexte de la vie et de la production de Rosset, je fais l'hypothèse qu'il s'agit d'un "produit d'appel". En 1615, Rosset se vante d'avoir passé quinze bonnes années à la Cour. Cela ne signifie pas grand chose en l'absence de dignités ou de titres. La multiplicité des dédicataires de ses productions (qui changent à chaque réédition) rappelle Vincent : Il
avait volonté bonne / S'il eût eu bon Mecenas! La première dédicace à la reine-régente date de 1612 : le roman des Chevaliers de la gloire célèbre le grand carrousel donné (avril 1612) à l'occasion des doubles fiançailles espagnoles et à la gloire de la Régente : de même que le carrousel était une chorégraphie à grand spectacle plutôt qu'un tournoi, de même la narration de Rosset mêle description des grand personnages (masqués par des noms fantaisie), interventions de héros mythologiques et de Paladins imaginaires. En 1616, les mariages effectués, Rosset ajoute une suitte [62], dédiée cette fois aux deux reines, qui se termine par une requête explicite de libéralités: Ma plume est déjà lasse d'écrire sans récompense ; Majestés, écoutez mes protecteurs (souhaités ou réels) [63], pas les médisants. En clair : donnez-moi quelque chose. En creux : à cette date, malgré ses quinze ans de Cour, il n'a rien obtenu. Que voudrait-il ? A ce qu'on sait, son seul talent est d'écrire et de traduire. Des rivaux ou des envieux lui reprochent de mal le faire et de manquer de compétences pour occuper des fonctions officielles. Ne peut-on penser que la traduction des Roland est une tentative de Rosset pour démontrer sa maîtrise ? Le Furieux, somptueusement édité par Fouet [64], commence par une virulente autodéfense
de Rosset (Advertissement) dont les haineux mettent en doute les capacités : je sais écrire correctement le français et ma traduction du Furieux est meilleure que la précédente (Chappuys, 1576 [65]).
Certes, venant de Provence, mon langage maternel est corrompu mais l'air de la Cour civilise et j'ai appris au contact des bons esprits [66]. Et d'un. Quant à ma traduction, il faut la traiter favorablement puisqu'elle montre que ceux qui ont fait parler Français l'Arioste ont commis pour le moins deux mille fautes contre le sens de l'Auteur. Je ne dis rien des impropriétés de language, elles sont infinies [67]. Et de deux. Mais à quoi tout cela ? Que vise-t-il en 1614 ? Ne cherche-t-il pas à montrer qu'il est aussi bon ou meilleur que les secrétaires-interprètes
du roi parmi
lesquels il voudrait une place ? César Oudin n'est pas mort, mais Chappuys si (1611). Une succession à prendre. Nous venons de voir comment Rosset traite Chappuys, l'une des gloires de la traduction (Amadis et bien d'autres). Oudin, lexicographe, auteur de grammaires espagnoles et du premier dictionnaire (Tesoro, Trésor des deux langues), échappe aux critiques, pas à la concurrence. Oudin a traduit et publié en 1614 chez Jean Fouet, L'ingénieux Don Quixote pour instruire l'enfant-roi et a reçu pour cela trois cents livres [68]. La seconde partie paraît en Espagne en 1615 et Oudin, dès 1616 annonce un second tome [69] . Mais Rosset le prend de vitesse (1618) [70]. Plus tard des imprimeurs publieront les deux tomes ensemble ! La traduction de l'Amoureux publiée en 1619 [71] est dédiée au roi, à présent qu'il a pris le pouvoir à Concini (dès 1618, Rosset voue son Quichot à Mme de Luynes, l'épouse du favori). Cette version se présente comme une réformation du texte de Vincent toujours publié (Lyon, 1614). Rosset se vante d'avoir pris pour source le vrai Boiardo et non le "remake" d'Agostini dont, de plus, la vieille traduction avait perverti presque partout le sens [72]. On ne saura pas quel résultat auraient eu toutes ces manœuvres puisque Rosset ne survit pas à l'Amoureux et décède en 1619 dans des circonstances inconnues. Ainsi, à partir de 1619 le vieux Amoureux de Vincent est remplacé par un texte meilleur qui, dans les productions du traducteur (et, vraisemblablement, dans la réception du public), prend place parmi une flopée de romans de chevalerie, toujours bien accueillis, partie pour les faits d'armes et d'amours [73], partie pour l'enchainement débridé d'aventures. En numérotant les chants en continu, de 1 à 69, au lieu de reprendre la structuration en trois livres du poème, Rosset fait un pas de plus vers le roman et donne une impression de continuité. Mais l'appropriation de la voix du chanteur pour s'adresser à Louis, gloire et splendeur des Bourbon [74]et le souci de montrer qu'il est bon traducteur l'empêchent de le réécrire et d'en faire un vrai roman. Ce sera l'œuvre de Lesage qui achèvera la mutation en cours depuis le début du XVIe. b) XVIIIeLesage est tout entier orienté vers l'Espagne, soit qu'il traduise, soit qu'il adapte, soit qu'il invente. Son Roland amoureux, donné comme introduction à un Furieux futur (qui ne viendra pas), est à la fois une exception et une application de sa méthode de composition. Faute d'apercevoir le moindre stimulus italien dans la vie de Lesage, il faut supposer qu'on se trouve devant une initiative du libraire, Pierre Ribou, son éditeur habituel dont le catalogue traduit l'esprit d'entreprise et la diversité des choix [75] : Ribou aura pensé que, depuis un siècle, il n'y a pas eu d'innovation, que le texte de Rosset a vieilli et que, au reste, les éditions successives peu soigneuses, l'ont dégradé ; il aura pensé qu'une remise à neuf pouvait rencontrer un marché et il semble avoir eu raison puisque cet agréable & amusant roman [76] a été réimprimé presque à l'infini. A cette date, Lesage (né en 1668) émerge : outre les comédies pour les Spectacles de la Foire, il a traduit en 1704 Avellaneda (les Nouvelles Aventures de don Quichotte de la Manche), et surtout en 1707 il a publié, chez la Vve Barbin [77], la première version du Diable boiteux dont le succès aussi franc qu'immédiat marque son avènement littéraire [78]. C'est alors que Ribou le recrute [79]. Le premier Gil Blas paraît en 1715. Lesage est un écrivain professionnel [80] qui vit de sa plume. A la différence des malheureux Vincent et Rosset, il ne court pas après les récompenses des dédicataires, il écrit ce que le Libraire lui paye et valorise tout ce qu'il peut (cf. La valise trouvée). Si on le qualifie de romancier, son format d'écriture est la nouvelle. Ses romans sont des empilements de nouvelles, souvent empruntées et adaptées. Le Gil Blas, encore encensé aujourd'hui, ne montre pas une composition articulée mais, à l'instar d'un roman picaresque, une succession d'aventures du héros éponyme, entrecoupées (parfois longuement) de celles des personnages qu'il rencontre et qui, à plaisir, racontent leur propre histoire. Nous accordons plus d'importance à l'adaptation de l'Amoureux par Lesage qu'il ne l'a fait lui-même. Il reçoit une commande, il lit le texte de Rosset dont la littéralité "boiardienne" le choque : expressions crues ou grossières, méli-mélo d'aventures invraisemblables, structuration en chants dans lesquels le poète prosifié s'exprime à la première personne. Aujourd'hui ceux qui étudient la manière dont Lesage a remanié l'Amoureux (Dotoli, Leopizzi etc) en font un travail positif de réécriture. J'y vois plutôt un travail négatif de débroussaillage : l'Amoureux importé est invendable au début du XVIIIe. Il faut le reconditionner, le reformater au goût du siècle et Lesage, habitué à plaire au lecteur, est l'homme idoine. Ce travail lui convient : il préfère jouer la seconde main que la première. Aucun de ses romans ne sortira de son propre fonds. Son talent et son économie consistent à garder les fondations existantes pour remanier la construction afin de flatter l'œil du public. Il réduit l'Amoureux d'un tiers et introduit la bienséance qui fait cruellement défaut à la géographie, au langage, aux sentiments et, même, aux extravagances. Ce faisant, ce travail de "mise à jour" achève enfin la rupture avec le poème. Nous avons vu, au XVIe, l'Amoureux à la suite du Furieux changer de langue et de genre, en passant de la rime à la prose. Mais les deux ont gardé l'allure d'un poème. Rosset a remis une couche de peinture, pas réaménagé. Un siècle plus tard, la rénovation fait éclater la structure : l'Amoureux cesse d'être un poème en prose. Depuis son arrivée en France, il était devenu un roman sans en avoir la forme. Organisé en Livres et chapitres, l'Amoureux devient lisible. Ne nous trompons pas : Lesage travaille à l'économie. Il ne retraduit pas l'Amoureux : quoiqu'il connaisse probablement l'Italien, il ne le maîtrise pas assez pour comprendre la langue de Boiardo, ce dont d'ailleurs il n'a ni le temps, ni l'envie. Il réécrit Rosset, pas Boiardo. Il traduit le Français du XVIIe en Français du XVIIIe ; et, en chemin, perd la littéralité et s'affranchit du poème. La transformation la plus radicale résulte d'un bénin changement grammatical : le récit passe de la première personne à la troisième. Au lieu d'un pseudo-chanteur qui dit "je" en introduisant et commentant les récits, ceux-ci sont énoncés par un narrateur impersonnel. Ainsi disparaît la dernière trace d'oralité (fût-elle feinte). L'Amoureux s'immerge totalement dans l'écrit. Mais l'organisation interne du poème (le désordre, si l'on veut) résiste. Il aurait fallu tout reprendre, ce que, l'aurait-il voulu, Lesage n'aurait pas su faire. Il rabote, il ajuste à la marge, il ne reconstruit pas. Quoique aucun analyste n'ait eu le courage de comparer l'Amoureux de Rosset et celui de Lesage en détail, au niveau de l'alinéa et de la phrase, et de dresser une liste exhaustive des écarts, je pense que la discordance n'est pas aussi grande qu'on en a l'impression. Le plaisir des "romans chevaleresques" (ou leur désagrément, selon le lecteur) réside dans l'entrelacement des aventures, même maladroitement exécuté. Ce changement perpétuel de "focus" est une technique efficace, toujours à l'œuvre dans la plupart des romans et films d'aujourd'hui qui l'ont perfectionnée. Si on ne converge pas trop vite, on a le secret du feuilleton sans fin. Lesage ne tricote pas avec tant d'aiguilles : en tant qu'auteur, il a une écriture horizontale, coupée par les barres verticales digressives qui résultent de l'incapacité de l'auteur à tenir la distance, de son besoin de respirer qu'il dissimule derrière le désir irrépressible de tous les personnages de rencontre de raconter leur histoire en long et en large. Paradoxalement, ce Lesage ennuyeux, en débarbouillant l'Amoureux, nous permet de jouir de sa modernité. J'en donnerais volontiers pour preuve que, depuis, personne n'a plus touché au texte. ConclusionAu cours des deux siècles que nous venons de parcourir, l'Amoureux a reçu ses lettres de naturalité : l'importation est devenue un roman français. Mais cette transformation ne constitue pas une histoire, faute de continuité : il y a unité de lieu, pas unité d'action. Un départ (Vincent), une arrivée (Lesage), et pas grand chose entre les deux (Rosset). Nous avons vu trois "moments". Pour en faire trois étapes, il faudrait exagérément magnifier les deux changements apportés par Rosset : i) la numérotation des chants en continu (de I à LXIX) dont on ferait l'indice d'une rupture et un appel à la restructuration ; ii) la prise de parole du traducteur (Gloire & splendeur des Bourbon, vous lisiez au Chant précédent...) qu'on prendrait pour rupture et présentification. On ne sait pas si Lesage a été sensible à ces appels. Compte tenu du respect du texte par Rosset (plus exact que ne l'était Vincent), il m'a paru abusif d'accorder trop d'importance à ces indices. Comme la "marque" Arioste a écrasé la "marque" Boiardo-Berni, l'Amoureux n'a
pas profité du "revival" médiévaliste de Tressan au XVIIIe, ni de la réinvention du "gothique" par le XIXe. Le texte de Lesage reste non seulement disponible mais unique puisque aucune nouvelle traduction n'a été tentée. Si le marginal Morgante
de Pulci a fait l'objet d'un énorme travail de mise en français
(Sarrasin, 2001) dont l'Amoureux n'a
pas bénéficié jusqu'ici, c'est, outre le retour en grâce des vieux romans, que, en France, le Morgant avait totalement disparu depuis 1640 (dernière réédition de la trad. anonyme de 1517). Au contraire, Lesage est toujours là, offrant au public un texte parfaitement lisible et aussi plaisant dans sa légère désuétude que la traduction de Galland des Mille et nuits. En ce sens, Lesage a fermé à la fois le passé et l'avenir : le passé, en achevant la mutation du poème en roman ; l'avenir, en dissuadant de l'imiter. Aujourd'hui, une traduction nouvelle ne pourrait que revenir au texte de Boiardo et, quelque intérêt qu'elle puisse présenter sur le plan littéraire, elle serait inévitablement moins agréable à lire que celle de Lepage. Elle nous aiderait à comprendre l'Innamorato, elle ne serait plus l'Amoureux. Pour finir le travail de Lesage et rendre le texte encore plus lisible, il faudrait, non pas revenir à Boiardo mais au contraire s'en éloigner davantage et, comme Lesage, recomposer l'Amoureux, cette fois rationnellement et complétement, pour en faire un roman de Fantasy. Mais qui a tenté de dresser un graphe des aventures qui s'entrecroisent dans l'Amoureux sait qu'une telle réécriture est impraticable ! Aussi avons-nous bien raison d'en rester à l'heureux compromis qu'un souci d'économie bien compris a inspiré à Lesage. | |||
Références
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Notes[1] A ces descendants plus ou moins légitimes, il faut ajouter les avortons d'une centaine de pages que sont le résumé (extrait) de Tressan (1780) et celui dont Frénilly fait précéder sa traduction en vers du Roland furieux (1834). [2] L'Ane d'or, Histoires d'Hérodote, Cyropédie et Historia Imperiale de Riccobaldo, chronique médiévale que Boiardo renovates...to suit the taste and interest of the Duke of Ferrara (Rizzi Andrea, 2008, Introduction, Riccobaldi Ferrariensis Historia Imperiale translated by Matteo Maria Boiardo, Istituto Storico Italiano per il medio evo, Fonti per la storia dell’italia medievale). [3] L III, Ch. 1, st. 2 : Così, dapoi che la infernal tempesta [4] Le vieux Guinguené est cinglant : avec un génie fait pour ouvrir de nouvelles routes il ne fit cependant que marcher d'un meilleur pas dans des routes déjà battues (1819, T4, p 213). [5] Everson : Boiardo a été en partie poussé à commencer l'Amoureux par le succès du Morgant de Pulci et le désir de son patron et seigneur Hercule d'Este que Ferrare surpasse Florence (ma traduction) [6] Everson : Comme le souligne le titre du poème de Boiardo, son but est de dire une histoire d'amour...En fixant ce programme, Boiardo se sépare non seulement de Pulci mais de toute la tradition des "cantari"...Le nouveau Roland combine la vieille tradition de chasteté et d'indifférence aux femmes avec la vulnérabilité de l'ignorant en amour...Ainsi, il est déjà sur le chemin de la folie où le conduira l'Arioste au milieu de son poème (ma trad.). [7] Gardner, 1904: Les féroces paladins de Charlemagne sont transformés en chevaliers errants et l'Amour devient l'empereur de tous, Chrétiens comme Païens (ma trad.). [8] Boiardo, II, 18, st. 2 : Méprisant l'amour Charles ne s'employa qu'à ruiner les ennemis de la sainte foi, chose qui l'empêcha de pouvoir s'égaler au roi Artus, duquel je vous ai parlé, vous assurant qu'Amour est celui seul qui peut acquérir renommée et honneur perpétuel aux hommes...(trad. Vincent). Re Carlo in Franza poi tenne gran corte, [9] Hauvette, 1921, Littérature Italienne, p195 : Deux choses ont nui à la réputation de Boiardo : d'une part, la gloire d'un continuateur - l'Arioste - qui forcément l'éclipsa; de l'autre, la forme un peu fruste de son poème, une langue, un style dont la rudesse, qui ne manque pourtant pas de saveur, déplut aux puristes toscans de la génération suivante. On éprouva le besoin de récrire son poème, et ces remaniements firent oublier l'original. [10] Panizzi, 1831, T2, p CXXXII : He had written when this refinement of language was not so much thought of; and having died before he could complete his work, the part already written had not received the finishing hand. The popularity of the romanesque poems caused them to be printed in the cheapest possible manner ; and since the great number of readers cared not for typographical blunders, the printers were not over-anxious to avoid them. The consequence has been that every one of the editions of the original poem of Bojardo, at least as far as I have seen, is shamefully incorrect. The language of Bojardo could not satisfy the scruples of pedants ; his versification seemed clumsy, and wanting rather in smoothness than in harmony, as no art had been employed to improve it ; but his Lombardisms were his greatest faults, since the reader was reminded at every verse that he was not a Florentine. [11] Weaver, 1975 : Ariosto's contemporaries felt that the Orlando Innamorato, actually referred to by many as the "first half" of the Furioso, should be corrected so that it could equal its "second half" in its formal presentation, specifically its linguistic and rhetorical aspects, as it did in its inventiveness, its originality. Torquato Tasso, Discorsi dell'arte poetica e del poema eroico, discorso secondo (Bari, 1964, p 20) : Ma si deve, come ho detto, considerare l'Orlando Innamorato e 'l Furioso non come due libri distinti, ma come un poema solo... [12] Si Berni dévore Boiardo (the title-pages of the Orlando Innamorato by Berni, omitting the name of him by whom the poem was composed, Panizzi), il n'en profite pas ! Il y a quelque chose d'ironique dans le destin du texte de Berni : Foscolo fell into a strange mistake, when he repeatedly asserted that the MS. of the Orlando Innamorato by Berni exists at Brescia. It not only does not exist, but nobody ever knew where or when it existed...( Panizzi, 1831, T2, p CXX) from all this it results : 1st. that the Rifacimento was originally published by a man, on whose honesty we can not rely : 2dly. that no authentic copy of this work is, or ever was known : and, 3dly. that, according to all opinions, this poem has been im properly altered ( p CXXXV). Weaver, 1977 : Francesco Berni's Rifacimento of Matteo Maria Boiardo's Orlando Innamorato has no authoritative edition. No manuscript of the poem has been found. and its first two editions on which all subsequent editions are based are known to be partly spurious...Berni died in Florence in 1535, probably poisoned ...and that was not the last of his misfortunes. His poem was first published in 1541 or 1542 by Andrea Calvo in Milan, but even this fact has been obscured by the peculiar publication of another issue or the same edition by the press of the Heirs of Luncatonio Giunta in Venice dated 1541 (the Milan issue bears the date 1542)...From 1545 to 1725 no edition of Berni's Rifacimento issued from the press, but that of Domenichi was printed several times...The Rifacimento of Berni was unnoticed for a long period. [13] Orlando Innamorato a cura di Aldo Scaglione, Collezione: Classici Italiani, UTET, Torino 1984 [14] Ceux-ci interprètent les "maladresses" et "barbarismes" comme une écriture multilinguiste, un procédé, un jeu sur des registres de langage différents pour traduire les va-et-vient entre tradition antique, tradition "bretonne" et tradition "carolingienne" (cf. Nicou Pascaline, 2011, "La répétition de syntagmes formulaires dans le Roland Amoureux", In: Judith Lindenberg, Jean-Charles Vegliante, eds, La répétition à l'épreuve de la traduction, 43-52). Nicou résume sa thèse (2004) : cet émerveillement est suscité par une oscillation constante, à tous les niveaux du récit, entre une familiarité, une répétitivité ou banalité d’un côté, et une distanciation ludique, un dépaysement fondé sur des trouvailles inédites et étonnantes, de l’autre. A l'appui, elle cite Marco Praloran, Tina Matarrese, Antonia Tissoni Benvenuti et Riccardo Bruscagli. [15] La première : 1555, Jan Fornier, Paris, Vascosan (les 15ers chants). Jean de Boyssieres, 1580 pour les 12ers. [16] Louie, 2017, p72 : While
there was evidently little initial appetite in France for these Italian poems as epic models, the Furioso was immensely popular as a source of Ariostan lyric. As such, the version of the Furioso that these translations produced was fragmentary and wholly divorced from the narrative of the integral work. The French verse translations that do exist are often only of a single canto, or a single speech; those that come closest to completion are a 1555 translation by Jean Fornier (15 cantos), and a 1580 translation by Jean de Boyssières (12 cantos). In the long period before the first full verse translation, there are many translations of a few cantos that describe themselves as “essai[s] de traduction en vers”, but are never completed. There are also other partial translations, such as Mellin de Saint-Gelais’ “La Genèvre,” which excise a specific character’s story from the various places where it appears in Ariosto’s interlaced narrative, and translate those episodes as a single narrative. Many of the verse translations, however, are short excerpts that speak to the popularity of the Furioso as a lyric model. These verse translations do not contextualize the excerpt within the larger story of the Furioso, as they are more concerned with how to render Ariosto’s lyric technique in French...Claude de Taillemont, for example, translated only Canto V in 1556, as an exercise in translating ottava rima into douzains. A number of such partial verse translations were collected in Lucas Breyer’s celebrated Imitations de quelques chans de l’Arioste in 1572. Members of the Pléïade were active participants in this lyric reception...Ronsard’s Amours, too, imitates the same passages from the Furioso that Du Bellay does in the Olive, as DellaNeva has shown [“Teaching Du Bellay a Lesson: Ronsard’s Rewriting of Ariosto’s Sonnets,” French Forum, 24, no. 3, September, 1999: 286]. [17] Et le traducteur lui-même, dans son adresse au lecteur benivole, semble faire du choix de la prose une fidélité à l'esprit de l'Arioste :...le divin auteur de ce beau livre n'a pas voulu seulement repaître les oreilles d'une coulante et fluxe volupté d'éloquence, mais y a mis sous le voile des paroles plaisantes maintes choses en quoi l'esprit de l'homme se peut merveilleusement délecter, ce que encores tu ne trouveras en maintes autres poésies, lesquelles ne sont lues sinon que une seule fois. [18] Montorsi, 2017, p 50-1: Alors qu’en Italie, de larges pans de la narration chevaleresque sont en vers, en France, les romans de chevalerie sont presque exclusivement en prose. De nombreux textes chevaleresques en vers ont été réécrits aux xive et xve siècles, spécialement dans le domaine bourguignon. Ce sont ces mises en prose qui sont publiées par l’imprimerie. Les imprimeurs poursuivent d’ailleurs cette pratique, en faisant « dérimer » les textes inédits en vers qu’ils découvrent dans les manuscrits. Cet intense mouvement de prosification rend l’association entre prose et narration chevaleresque étroite en France. Il finit par générer une « tradition », au sens large du terme. Ainsi, le recours à la pratique de la mise en prose médiévale peut servir pour justifier le changement vers-prose aussi dans les traductions, au xvie siècle, entre langues différentes. Dans la préface à sa traduction en prose de la Jérusalem Délivrée du Tasse, Blaise de Vigenère compare son travail de prosateur avec celui des dérimages médiévaux [1595, La Hierusalem du Sr. Torquato Tasso rendue françoise]. [19] Dès le début, les chansons contiennent
des éléments romanesques qui gagnent en importance dans la dernière période :...Prolifération
et surenchère : tels sont les principes qui guident l’action des remanieurs des époques tardives. Il s’agit là de tendances plus générales, que l’on rencontre aussi bien dans des chansons originales comme Lion de Bourges : le XIVe siècle aime à produire des textes-miroirs où se reflètent des souvenirs du genre tout entier, où l’épopée paraît dériver vers le roman-fleuve écrit D. Boutet (La chanson de geste, Paris, PUF, 1993), cité par Roussel (2005) qui ajoute : Cette
surcharge
affective se nourrit aussi de contrastes : aux héros, aux saints s’opposent sans relâche des traîtres fourbes à souhait, proprement diaboliques, qu’il s’agisse de femmes jalouses ou de barons ambitieux. Ils seront d’ailleurs in fine punis, parfois de manière horrible, à la mesure de leurs crimes. L’univers littéraire élaboré dans ces conditions annonce l’esthétique du mélodrame, dont [on] repère déjà la trace dans le Renaut du XIIIe siècle. Roussel fait le lien entre cette tendance au mélodrame et dérimage : La métamorphose occupe une place centrale dans ces récits...De manière générale, les déguisements, les faux messages, l’appétit exacerbé du pouvoir et de la richesse brouillent les références morales et sociales. Le monde s’avère ainsi opaque et déconcertant, voué à une longue errance ponctuée d’épreuves, dont on comprend qu’elle puisse parfois céder à la tentation du refuge en Féerie...la chanson de geste est prête au dérimage, à la transposition en prose, qui prétend servir plus efficacement le récit. Par le biais de ces mises en prose, une partie de la littérature épique médiévale connaîtra, en France et en Europe, une large diffusion populaire, grâce aux fascicules bon marché de la Bibliothèque bleue. L’infléchissement, fortement marqué dès le XIVe siècle, de la posture épique vers le roman-fleuve, le mélodrame, le roman populaire à vocation édifiante, prépare ce succès. [20] Au sein de cette énorme ordonnance du Chancelier Poyet pour l'administration de la justice et l'abréviation des procès (192 articles, 230 pages dans l'édition Boucher d'Argis, 1786), l'art. 110 prescrit que la rédaction des Arrêts sera claire et intelligible. En application, l'art. 111 stipule que tous arrêts et actes de justice seront prononcés et expédiés en Français. La substitution du Français au latin corrompu du langage courant vise à la fois la promotion du vernaculaire et la purification du latin. [21] Outre l'honneur d'appartenir à la maison du roi et de jouir des droits associés, le bénéficiaire a l'exclusivité de l'impression des édits, ordonnances et autres actes du pouvoir souverain, pour un certain laps de temps. [22] Si la pratique du dérimage s'essouffle au XVIe siècle, l'imprimerie diffuse désormais massivement les romans des siècles précédents [et les nouveaux !] (Servet Pierre, 1996, "Les romans chevaleresques de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance : éléments de bibliographie", Études françaises, 32/1, 109–113). L'élargissement, déjà à l'œuvre avec le dérimage et les œuvres tardives du XVe, est stimulé par l'imprimerie, d'abord lyonnaise (1470/1500), ensuite parisienne. La production de Galiot du Pré est à son maximum autour de 1530. [23] Je n'envisage pas ici toute la série. Après le succès du Livre I, des
Essarts empile les suivants jusqu'au VII en 1546. Il abandonne la tâche pour des raisons privées et les libraires lui donnent pour successeur le médiocre Colet, puis Gohory. L'entreprise rebondit dans les années 1570 et ajoute de nouvelles couches (Chappuys). Enfin, malgré le goût d'Henri IV pour cette bible, le public s'en détourne. [24] Fumaroli, 1985, p 32 : Although Amyot does not say so, it was in great part this epic and heroic dimension which allowed the chivalric novels to succeed among their natural public, the arms-bearing nobility. One difficulty remains here, which Tasso and Cervantes will strive in vain to overcome: how can one reconcile the art of suspense and the art of the probable, so well demonstrated by the Byzantine novels, with the sense of grandeur and heroic virtues which the medieval novels claimed to advance?... [25] Giorgi, 2004, p 327 : Presque tous les théoriciens français du XVIe siècle, évidemment influencés par les modèles classiques, critiquent avec force la multiplicité d'actions du Roland furieux (et donc, indirectement, des romans chevaleresques du Moyen Âge ainsi que de l'Amadis de Gaule de Montalvo, dont le Roland furieux démarque la structure), et font au contraire un vif éloge de l'épopée de type homérique qui décrit, comme l'a souligné Aristote dans la Poétique, une seule action d'un seul homme, à laquelle sont toutefois étroitement rattachées plusieurs histoires secondaires ou épisodes. Sans doute est-ce pour cette raison que les théoriciens français du roman ont accueilli avec faveur, au XVIIe siècle, les Discours de l'art poétique et les Discours du poème héroïque du Tasse, dans lesquels l'auteur de la Jérusalem délivrée polémique vivement avec les auteurs de romans, et en particulier avec l'Arioste, en leur reprochant de ne pas respecter l'unité d'action telle qu'elle a été définie par le Stagirite. [26] Fumaroli examine ces préfaces défensives : Des Essarts (1552, Floris) ; Colet (1553, Amadis – livre IX) ; Gohory (1555, Amadis – livre , et 1571 et 1571). [27] Adam Véronique, 2014, " La littérature alchimique (1550-1715) : écriture et savoir à la marge? ", Mémoires du livre / Studies in Book Culture, volume 6, numéro 1, automne. [28] Aneau Barthélemy, Lyon marchant : Satyre Françoise. Sur la comparaison de Paris, Rohan, Lyon, Orleans...soubz Allegories, & Egnimes par personnages mysticques jouée au College de la Trinité à Lyon, Lyon, Pierre de Tours, 1541 [29] [L]es troubles qui suivent le sac de 1562 amènent la suppression des foires annuelles et l’exode des banquiers italiens qui privilégient des villes plus sûres, comme Genève, des compagnons imprimeurs et des grands libraires. Après la reconquête catholique de 1567, et surtout après la Saint-Barthélemy, le marché lyonnais du livre subit une crise profonde qui provoque la dispersion du lectorat italien, tandis que la progressive assimilation linguistique des ressortissants italiens résidant dans la ville depuis des générations limite la demande d’ouvrages dans leur langue maternelle (Andreoli, 2018). [30] Cf. l'Orlando de 1539 (Venise). Curieusement, ce cadre xylographié sera réemployé en 1556 par Temporal pour son Historiale description de l'Afrique. [31] Si d'Amadis la trèsplaisante histoire [32] Dans la dédicace de l'Amadis – livre VI, 1545, Paris : ...car il y a maintenant un Carles, un Salel, un Maçon & un Jean Martin & tant d'autres bons esprits Français qui inventent ou traduisent si divinement en ce vulgaire, que les livres d'Amadis (autrefois estimés quelque chose) ne leur doivent, à présent, servir que de feuille ou de lustre. Ce qu'a bien voulu donner à entendre celui qui a fait le dixain imprimé au commencement de la traduction en Français de Roland Furieux par ces propres mots: AVILISSANT TOUTES TRADUCTIONS. Néanmoins sous votre protection et faveur, je me suis encore aventuré pour ce coup, aimant mieux entrer au hasard de répréhension que faillir à vous complaire... [33] A preuve, la page de couverture : non seulement elle ne contient pas le rocher qui est la marque de Sabon ni sa devise, mais elle est tout à fait différente des autres. Cf. Berthon Guillaume, 2015, " Sulpice Sabon, Clément Marot et l’enseigne du Rocher (Lyon, 1542-1544) : découvertes, énigmes, enjeux ", Réforme, Humanisme, Renaissance, vol. 80, no. 1, pp. 69-95. [34] Cioranescu 1939 et beaucoup d'autres ont examiné la probabilité de chacun des nombreux traducteurs envisagés, contre la tradition qui l'attribue à Jean Martin (cf. Uetani, 2008). [35] Mounier, 2016, en fait un projet personnel de des Gouttes, à la fois éditeur et auteur. Rapprochant la traduction du Furieux de la parution la même année (mais chez un autre imprimeur) d'un roman de chevalerie dont il est l'auteur, elle pense que Les deux entreprises convergent fondamentalement dans la production d’une nouvelle littérature chevaleresque...(pour) configurer un marché lyonnais des « nouveaux romans ». [36] Cf. Louie (2017) pour laquelle le thème du repatriating est central dans la French literary history des XVIe et XVIIe. Elle en donne de nombreux exemples dont il ne faut toutefois pas exagérer la portée : si le processus de développement du vernaculaire français a des "têtes d'affiche" (la Pléiade, pour faire bref), il ne faut pas exagérer sa dimension programmatique et volontariste. L'Antique reste pour longtemps encore la base et la matrice de la culture. [37] Au contraire des injonctions de Dolet, Lyon, 1540 : la tierce reigle – il ne se faut pas asservir jusques là que l'on rende mot pour mot. Et si aucun le fait, cela lui procède de pauvreté et défaut d'esprit... [38] Cf. Uetani, 2008 ; Mounier, 2012. [39] Rothstein, 1996, p 41 : Depuis le Moyen Age, la tradition veut que «rien de ce que l'on dit en vers ne peut être vrai» [Paul
Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 98].... En 1543, l'Orlando furioso est traduit en prose française...Quelques années plus tard, apparaîtra la traduction, également en prose, du poème précédent, l'Orlando Amoroso de Boiardo. En français, ces deux œuvres se présentent comme des romans, sans indication qu'il y ait eu autre transformation que celle de la traduction de l'italien en français. Ce serait encore un indice de frontières génériques fluides... [40] Montorsi, 2017, p 58 : la mise en prose a transformé la portée de la figure rhétorique dans son passage en France...Le changement des vers à la prose a amplifié la portée méta-narrative du procédé. Par « portée méta-narrative », nous entendons la capacité de la figure rhétorique à renvoyer le lecteur à l’opération fictionnelle à l’origine du récit (et, pourrait-on ajouter, de tout récit). Cela dépend, en partie, du fait que la prosification atténue le lien entre les textes de Boiardo et de l’Arioste et l’oralité...dans nos traductions, l’abandon du mètre versifié et le choix de la prose brisent un peu plus le lien entre le poème chevaleresque et la transmission orale. Maintenant, les prétentions à une dimension énonciative in praesentia sont plus fortement démenties par la forme discursive. La prose contribue à dévoiler le caractère fictionnel de la convention. Entre les affirmations du narrateur, qui feint une situation d’oralité, et la réception du récit par le lecteur, se crée un hiatus – un hiatus encore plus grand que celui que l’Arioste avait installé par le jeu de son ironie. La portée méta-narrative du procédé se trouve, en somme, renforcée par la moindre propension à l’oralité de la prose... [41] Au premier chant est comprise l'ingratitude d'aucunes femmes sous la suite de Angélique...Au deuxième chant, en la personne de Regnaut se contiennent les ires et les effets d'amours...au quatrième [...] se démontre que la vertu conjointe avec la raison surmonte toute quelconque fraude...etc. [42] ...le divin auteur de ce beau livre n'a pas voulu seulement repaître les oreilles d'une coulante et fluxe volupté d'éloquence, mais y a mis sous le voile des paroles plaisantes maintes choses en quoi l'esprit de l'homme se peut merveilleusement délecter, ce que encores tu ne trouveras en maintes autres poésies, lesquelles ne sont lues sinon que une seule fois [Le traducteur au Lecteur benivole] [43] Jean de Bourbon, 1528-1557, comte de Soissons et d'Enghien, successeur de son frère François. [44] Un curieux personnage (1533-1583), encore très jeune quand Vincent le connaît. Secrétaire de Mgr le Cardinal de Meudon (?), traducteur plus qu'auteur, il tente sa chance à Lyon où il publie une compilation morale (Trésor de Vertu, Lyon, Temporal, 1555 ; Paris, Caveiller, 1556), une Généalogie des princes de savoie (Lyon, Nicolas Edoard, 1560). Devenu réformé, il s'exile à Genève, un pauvre refugié qui subsistait difficilement en exergant les fonctions de régent [maître d'école]. Il y publie en 1575 une traduction en vers des quatre premiers livres de l'Enéide, puis, en 1580, une traduction des Bucoliques et des Géorgiques. Voir : 1969, Registres de la Compagnie des pasteurs de Genève. T. III, 1565-1574, Droz, note 6 de la p 123. [45] Mon heur viendra, disait-il en sa vie, [46] 1549 : Roland l'amoureux, Paris, Groulleau (ded. Dyane de Poitiers) ; 1553 : Palmerin d'Angleterre, traduit du Castillan, Thibaud Payen, Lyon (ded. Dyane de Poitiers) ; 1554 : L’Histoire amoureuse de Flores et Blanchefleur s’amye, Le tout mis d’Espagnol en Françoys, Paris, Michel Fezandat (ded. René de Sanzay, sgnr de St Marceau) ; 1554 : La plaisante histoire des amours de Florisée et Clareo...Traduicte nouvellement du Castillan Par feu M. Jaques Vincent, Paris, Jaques Kerver (ded. comte d'Enghien) ; 1556 : La pyrotechnie, ou Art du feu...traduite d'italien en françois par feu maistre Jaques Vincent, chez Claude Frémy, Paris ; 1565 : De l'Utilité et excellence du verbe divin et sacrée parole de Dieu, composé par Maistre Patrice Cocburne [Patrick Cockburn],... et traduit [du latin] par Maistre Jacques Vincent, Lyon, J. Saugrain, In-8° , 94 p. [47] Le privilège (accordé à Vincent pour le libraire, et non au libraire) porte sur les six volumes de Roland l'Amoureux [que]...notre bien amé Jacques Vincent s'est mis et pris grands peines, travail et labeur à traduire et mettre en français. ¶ Niccolo degli Agostini, I tre libri dello Innamoramento di Orlando di Matheomaria Boiardo...Insieme con gli altri tre Libri compidi, 1539, Venise, Pietro di Nicolini. Guiguéné 1824, T4, p 337 :... Agostini [...] ajouta trente-trois chants aux soixante-dix-neuf du Bojardo [et] les remplit d'inventions si pauvres, et les écrivit d'un style si plat, qu'ils sont tout-à-fait illisibles et qu'ils détournent de lire l'ouvrage imparfait, mais beaucoup meilleur du Bojardo avec lequel ils paraissent toujours. Ce Niccolo degli Agostini était un Vénitien établi à Ferrare... [48] Selon la dédidace du Livre II, la première a été agréée et la suite se fait sous l'autorité de la Duchesse : Ma Dame, vous me commendâtes dernièrement à Paris que je continuasse la traduction de Roland l'Amoureux jusqu'à la fin...mais
sans profit. Au-dessous de la nouvelle dédicace, un dizain dit clairement la déception de l'auteur et opère une manœuvre de ré-amorçage : [49] ...vous avisant que partout ne m'a été possible le suivre de mot à mot, sinon d'autant que la phrase du langage Français l'a pu souffrir. Toutefois, là où je n'aurais rendu toutes les paroles, je pense avoir gardé le sens... [50] Si d'Amadis, l'affable traducteur [51] Pour du Bellay (Deffence...,
1549), la prose est une nécessité parce qu'un poème n'est pas transposable. [52] Cf Larue, 2004, rapprochant de manière aussi paradoxale que convaincante le Tasse et Tolkien. On peut généraliser le propos à la fantasy et à une bonne partie de la science-fiction (je ne m'aventure pas du côté des mangas) ; les "chevaliers" ne manquent pas, ni les méchants, ni la géographie fantaisiste (cette fois galactique) et la magie technologique remplace efficacement les fées et les nécromants. [53] Sans parler des plaisirs de l'ile enchantée (1664). [54] Voyez le dialogue sur la lecture des vieux romans de Chapelain (1647). Dédié au Cardinal de Retz, ce dialogue, non publié par son auteur, a été retrouvé dans les papiers de Conrart et édité en 1870 par Alphonse Feillet: [55] Cf. Sorel Charles, 1671, De la connaissance des bons livres, Paris, ch. Pralard : 2nd Traité – Des Histoires et des romans ce qu'on peut dire pour et contre : chap 2, Censure des Fables et des Romans ; chap 3, Défense des Fables et des Romans ; chap 4, Conclusion de la censure des Romans ; Chap 5, suite de la conclusion – préférence de l'Histoire aux Fables et aux Romans. [56] Besch, 1915 : Elles feront triompher auprès des contemporains de François Ier et de Henri II l'Amadis d'Herberay des Essarts, qui marquera l'apogée et aussi le commencement de la décadence du genre chevaleresque; elles imposeront à ceux de Henri IV le roman sentimental, puis l'Astrée... [57] Le rédacteur de sa notice dans le Tome 36 de la Biographie universelle (Weiss) n'est pas tendre : [d'abord] Entraîné par une vaine ardeur de rimer...[Rosset] [d]oué d'un esprit très-actif et possédant le latin, l'italien et l'espagnol, [...] publia des traductions depuis longtemps oubliées...(cf. la liste de ses productions en annexe du pdf). [58] Rosset ou Rousset, Sgnrs d'Aurons et de Tourvieille, d'azur à une fasce d'argent chargée de trois roses de gueule (Abbé R.D.B, L'Etat de la Provence dans sa noblesse, T2, Paris, 1693, p 626-7). [59] Rosset et Audiguier se sont partagé la traduction des Nouvelles
exemplaires de Cervantés (1614 et 1615), chacun un volume de six. Audiguier
se fait un mérite du peu de respect dont il témoigne pour son modèle; sa traduction est inexacte, mais elle ne fait pas violence aux usages de la prose littéraire française. Rosset aime les rallonges, les gloses, les exagérations: sa prose est lourde et sa connaissance de l'espagnol insuffisante. Ils se rencontrent sur le terrain de l'hispanophobie et des erreurs de traduction (Alexandre Cioranescu, 1983, Le
masque et le visage – Du baroque espagnol au classicisme français, p 448). [60] Les histoires mémorables et tragiques de ce temps, où sont contenues les morts funestes et lamentables de plusieurs personnes, arrivées par leurs ambitions, amours desreiglées, sortilèges, vols, rapines et par autres accidens divers, composées par François de Rosset. [61] Du Bellay, Deffence, à propos des traducteurs. [62] L'histoire du Palais de la Félicité – Contenant les aventures des chevaliers qui parurent aux courses faictes à la Place Royale, pour la feste des alliances de la France & de l'Espagne. Avec la suitte de ce qui s'est passé sur ce subject depuis ces triomphes & ces magnificences, jusques à l'accomplissement des deux mariages. [63] J'ai tant de choses à dire sur ce Mariage...que j'en réserve la description à l'Histoire que j'ai déjà commencée pour ce sujet. Il ne reste sinon que leurs Majestés, qui prennent plaisir à lire quelquefois mes écrits me donnent enfin quelque témoignage de leurs libéralités. Ma plume est déjà lasse d'écrire sans récompense [mon soulignement], et se fâche de ce que plusieurs, qui sont plus heureux que sages, se moquent du travail de ceux qui perdent leur peine...(Félicités, p 65-66)... Toutefois parmi les écueils qui se rencontrent tous les jours en une mer, où les plus experts pilotes font ordinairement naufrage, je vois un grand CARDINAL...qui me tend son bras secourable [du Perron]...Je vois encore une digne PRINCESSE, dont les beautés & les vertus incomparables ...Elle me voit de bon œil, & désire d'intercéder pour moi envers leurs Majestés. O généreuse race de Godefroy [Claude de Guise, duc de Chevreuse]...que votre félicité surpasse toujours vos désirs...Et vous MON DUC ET MA DUCHESSE [vraisemblablement de Luynes]...je m'ose promettre que par votre moyen...notre divine REINE avouera la peine que j'ai prise à décrire l'Histoire des magnificences de son mariage, que j'offre maintenant aux pieds de leurs Majestés. FIN [64] La page de titre, gravée par Léonard Gaultier, est cloisonnée. Elle comprend les portraits de l'Arioste, de Rosset lui-même, et des représentations de Roland et Roger en hommes de guerre, et de Marfise et Bradamante en...dames de salon. Ces deux guerrières que l'Arioste montre toujours en armure, toujours au combat, sont habillées en robes et affublées, Marfise d'un miroir, Bradamante d'un théorbe ! Si, chez l'Arioste, les amours tumultueuses de Bradamante et Roger finissent par un mariage, on n'imagine pas la terrible Marfise les imiter. Cette Marfise n'est pas bienséante et, dans la suite qu'il invente, Rosset la féminise en la mariant à Léon, l'amant déçu de Bradamante, fils de l'empereur de Constantinople ! [65] Chappuys n'a pas retraduit le Furieux. Considérant que le langage de l'édition des Gouttes (1544) n'est pas bon (à cause du mot à mot) et a vieilli, il révise le texte français. Aussi les erreurs de traduction que lui reproche Rosset prennent-elles leur origine chez Des Gouttes. Mais Rosset en veut à Chappuys et, inventant une continuation au Furieux, il attaque celle qu'avait donnée Chappuys en 1583 : [66] Je sais bien que ma Provence et la Gascogne ont des termes et des façons d'écrire qui sont du tout contraires à la grammaire. Mais je sais bien aussi que ceux qui ont pris naissance en ces Provinces peuvent corriger les défauts de leurs mères, durant le long espace de temps qu'ils vivent à la Cour et qu'ils y fréquentent les personnes dont les Ecrits servent de règle infaillible à ceux qui se mêlent d'écrire (Il cite Du Perron, la Guette, Malherbe, des Portes, Bertaud, Coeffeteau). [67] Pour le prouver, Je contenteray d'en exposer à la France quelques notables, afin qu'elle juge si je ne mérite point d'elle le traitement favorable que plusieurs Esprits de travers me refusent. Il donne plus de vingt exemples avec le texte de l'Arioste, la traduction antérieure fautive (Chappuys), la sienne, et conclut : Et qui verra maintenant ces fautes insupportables, ne sera-t-il pas contraint de louer le travail que j'ai pris à purger la France de cette ordure? [68] Oudin avait travaillé à sa traduction, par ordre du roi, ou plutôt de ses ministres et éducateurs, car on voulait que le texte servît à l'amusement de l'enfant royal: le traducteur reçut 300 livres pour son travail...Sa version est pesante, ennuyeuse et professorale. Elle reproduit scrupuleusement les tours syntactiques de l'espagnol, comme s'il s'agissait du mot-à-mot rigide et laborieux d'un débutant....La Seconde partie avait été commandée à Rosset par un autre libraire. Rosset n'était pas un spécialiste de l'espagnol, comme Oudin, mais il est meilleur écrivain. D'autre part, il connaissait bien Cervantes, dont il avait déjà traduit la seconde partie des Nouvelles exemplaires (1614) et Les Travaux de Persiles et de Sigismonde (1618). Comme traducteur, ses idées et ses méthodes sont très différentes de celles d'Oudin: l'association de leurs deux versions, résultat d'une simple combinaison entre libraires, est assez choquante. Rosset est plus préoccupé par la fluidité et la qualité de la traduction, que par la fidélité (Alexandre Cioranescu, 1983, Le masque et le visage – Du baroque espagnol au classicisme français, p 533-4) [69] AU LECTEUR...si tu lui continues cette affection, le désir m'augmentera de contribuer à ton contentement tout ce qui me sera possible, je t'en prie en attendant un second tome que je te donnerai en bref (ajouté à la 2e ed revue et corrigée, 1616 ch. Fouet). L'annonce sera inaltérablement reproduite dans les éditions suivantes. [70] Le privilège de Fouet pour 10 ans portait sur l'Ingénieux Don Quixote traduit par César Oudin (en
date du 4 juin 1614). [71] Avec un frontispice de Jaspar Isaac, reprenant en réduction celui de Léonard Gaultier pour Roland le furieux. Le texte est agrémenté de 31 planches gravées non signées. Il est amusant de remarquer qu'elles n'adhèrent nullement au texte (et ne sont de ce fait pas légendées). Ce sont principalement des scènes de batailles rangées ou de sièges (avec des armes et des costumes contemporains) qui correspondent plutôt aux récentes opérations militaires du roi. [72] Je l'ai traduit sur un vieil exemplaire que le fils du mesme autheur fit Imprimer un peu après le decez de son père. Il y peut avoir environ quelques soixante ans qu'un certain Poète Italien s'ingéra de reformer cet excellent Poème et je te dis en passant qu'il luy a osté une partie de sa grace, de même que celui qui nous l'a donné en notre langue a perverti presque partout le sens de cet auteur. [73] Tant que l'artillerie n'invalide pas les exploits individuels des cavaliers et que le duel reste un mode normal (même illégal) des relations au sein de l'élite, le roman de chevalerie apporte un imaginaire contextuel. [74] Rosset "actualise" la parole à la première personne de l'auteur en farcissant le texte de louanges au roi qu'il substitue au segnor auquel Boiardo s'adresse en alternance avec Signori e cavallier. Ainsi, au début du chant I : O Monarque magnanime, à qui les Destins ont promis l'Empire de l'Univers. O jeune & valeureux Héros , qui en un âge si tendre, & en une saison désespérée, avez plus fait en une heure pour la conservation de votre Etat, que n'ont fait ni ne feront vos Ancêtres, &vos Successeurs durant tout le cours de leur règne. Louis le Juste... [75] Cf. la liste à la fin du numéro du Nouveau Mercure de juin 1717. [76] Les Nouvelles litteraires, contenant ce qui se passe de plus considérable dans la République des Lettres publient la note suivante (Tome V, Première partie, jan-mar 1717, p 397) : [77] Marie Cochard vient de publier les Mille et nuits de Galland et émerge de la faillite de son mari, Claude Barbin. [78] Claretie Léo, 1890, Lesage romancier, p 167 : Le Diable boiteux est le premier roman de Lesage, on peut dire que c'est son unique roman. Il le refera, il le recommencera sous d'autres formes : mais les caractères qui distingueront ses romans futurs, ils sont déjà tous ici. Le Diable boiteux est à la fois le début et le résumé de sa carrière de romancier. [79] Crispin (1707), Turcaret (1709), Gil Blas (1715), chez Ribou. Lui et ses successeurs publieront les étapes suivantes de Gil Blas (1724, 1735) et récupèreront le Diable boiteux (1726). [80] En dehors de la pension éventuelle de Jules de Lyonne qui lui aurait aussi appris l'espagnol. S'il existe un reçu (un seul), la pension n'est pas attestée. La légende de Lyonne est introduite par la première Vie de Lesage (anonyme) en tête de l'édition des Œuvres choisies (Amsterdam, 1783) et reprise par tous. |