©2019 |
Rome par la face Est |
Avertissement
Ce
qui suit est un "essai" d'environ
10'000 mots, bref quoique touffu. Le
transformer en analyse demanderait des développements infinis et des
connaissances
et compétences que je n'ai pas. Pour ne pas surcharger la construction,
je minimise l'événementiel et je reporte les notes en fin de texte où
le lecteur attentif trouvera mes sources dont je donne de larges
extraits.
Je tente ici d'esquisser un "scénario", d'écrire le brouillon
d'un narratif qui remplace la traditionnelle "expansion de Rome"
par son attraction par "l'Orient"
(l'Asie occidentale en fait).
Je ne procéde pas à la sélection des meilleurs
(évolutionnisme), ni ne
transforme les derniers en premiers (histoire inversée). Je teste la
possibilité de raconter une histoire qui soit 1) plausible, 2) non
essentialiste (le "génie" romain ou occidental ou oriental) et 3)
qui, en même temps, rende compte de notre Histoire de Rome.
Il s'agira de décentrer une Histoire que nous avions axée sur
nous-même, moins par méchanceté ou propagande, que par un égotisme
banal. Que
l'Occident industriel ait dominé le monde et imposé son regard, a
suscité, dans
la deuxième moitié du XXe siècle, une réaction, aussi légitime que
biaisée. Si
on peut aujourd'hui envisager, non plus de "désoccidentaliser" mais
de "provincialiser" l'Occident — de relativiser l'Histoire
qu'il a vécue et écrite—, on le doit à la "globalisation"
permise par la foudroyante accélération des communications. Si "the
World
is flat", la vue se dégage !
D'où les multiples "nouvelles approches". Quoique non
unifiées, souvent partielles ou excessives, elles éclairent des zones
qui
avaient échappé à l'Histoire traditionnelle ou qu'elle avait
obscurcies. C'est
évidemment à elles que j'emprunte la plupart de mes références.
Notre Histoire de Rome a été écrite à partir de l'Ouest. Les "envahisseurs", autoproclamés successeurs, ont capté l'héritage que "nous" n'avons cessé de contempler et de choyer, même en le dénigrant. L'Histoire est-elle autre chose que la louange de Rome ? (Quid est enim aliud omnis historia quam Romana laus?, Pétrarque).
Cette Histoire de Rome raconte un schisme : notre schisme. Les barbares périphériques ont usurpé l'Empire. Nous, leurs descendants, avons positivé l'inoccident en faisant de la "crise du IIIe siècle" et de la tétrarchie de Dioclétien le début d'un Occident qui, à travers des crises difficiles, se recompose (Charlemagne) tandis que la pars orientalis dégénère sans fin et s'éloigne de plus en plus. Notre tentative de reconquête (Croisades) bute sur cette étrangeté et culmine —brièvement— par la honteuse prise de Constantinople (1204) et l'Empire latin. Les "Grecs", des chrétiens non chrétiens, sortent de notre Histoire quand subjugués par les Arabes puis les Turcs que "nous" n'avons cessé de repousser, de "Poitiers" à Navarin en passant par la Reconquista, "Lépante" et Vienne. Ex oriente furor [1].
Lorsque la révolution industrielle donne à l'Occident les moyens de l'impérialisme, il "découvre" l'Orient tel qu'il l'a fabriqué [2] : despotique et efféminé, luxueux et barbare, vénal et tracassier, misérable et arriéré, cruel et bureaucratique.
Comment retrouver l'Orient romain dans une "géomachie" aussi confuse ?
Il a fallu pour cela le postcolonial turn et plus généralement la "désoccidentalisation du monde" —aussi partielle soit-elle. Quoi qu'on pense des développements de la "nouvelle approche" (cf. Paradoxe d'une chute éternelle), un peu comme une fouille archéologique, elle met au jour des couches du passé disparues sous les sédiments dont nous les avons recouvertes. Indépendamment des théorisations qu'il génère, chaque nouveau regard aperçoit quelque chose et peu à peu, quoiqu'en pointillés, une nouvelle silhouette de Rome se dessine.
Rome par la face Est— ce titre pour signifier que l'Histoire de Rome n'est pas romaine, ni méditerranéenne et donc que les péripéties de la zone frontière Nord-Ouest ne marquent pas la chute de Rome [3].
Dans une première partie, je procède à cette orientation de l'Histoire de Rome. Une telle opération laisse un reste : l'Europe. Ce résidu prétendra être la moitié de l'Empire, prétendra être l'Empire. Les deux parties suivantes sont consacrées à cette inversion de l'Histoire.
Si Rome a reflué parce que nous ne comptions pas, pourquoi était-elle venue ? comment nous sommes-nous faits romains ? était-ce une forme de cargo cult ? Je me demanderai dans la deuxième partie ce que "nous" —l'Europe— faisons dans cette histoire "orientée".
Reste à expliquer dans la troisième partie comment, en absorbant et digérant Rome, nous lui avonsdonné tant de place qu'elle est devenue un fondement de notre "identité". Comment la "sub-romanité" s'est-elle transformée en néo-romanité ? Un dénouement aussi invraisemblable nécessite l'intervention d'un deus ex machina.
Rome, c'est l'histoire d'une aspiration par l'Est, d'une "orientation". Mais quel "Est" ? la spécification est problématique. Relativement, l'Est shifts round the globe (Gibbon [4]). Où qu'on soit, on est à l'Est d'un autre lieu ! Il varie autant que son complément, l'Ouest. Dans la compétition mondiale d'aujourd'hui et les interrogations associées, la Chine est l'Est absolu. On pourrait presque dire en parodiant Ferguson [5] : the west is the rest ! [6].
D'autre part, si les montagnes ont peu bougé, et les rivières pas trop —à la différence du climat et du niveau de la mer—, notre géographie (coloniale, postcoloniale et pétrolière) est aussi étrangère à l'Antiquité que nos moyens et itinéraires de communication.
Enfin, en dehors des mondes gréco-latin et chinois, aux deux extrémités, l'historiographie manque ou, pis encore, a été écrite à l'envers. Comme sur les anciens atlas, il y a au milieu de l'Eurasie (sans parler de l'Afrique) une immense tâche blanche, parsemée de créatures fabuleuses, des Perses "efféminés" et des Scythes "sauvages".
Comment se repérer ? Quel est l' "Est magnétique" de Rome ? Grosso modo, il correspond à la Mésopotamie, ce centre multimillénaire de la partie occidentale de l'Eurasie agraire. Le cœur du "monde méditerranéen" ne lui appartient pas ! Depuis au moins le 3ème millénaire BC, il bat en Mésopotamie. Cet "exo-cœur" et son système circulatoire sont branchés — par les Indes et l'Asie centrale— sur le "système-monde" chinois (expression abusive employée faute de mieux). Asie occidentale et orientale se répondent de part et d'autre du continent [7].
Avant de tenter une histoire perse de Rome (b), il faut d'abord nettoyer le terrain en le débarrassant des lieux communs dont l'histoire l'a recouvert (a).
Dans les temps historiques la "Perse" [8] a tiré une bonne part de sa puissance de la Mésopotamie. La région du "Croissant fertile" (Mésopotamie, Phénicie, Vallée du Nil) —centrale à l'époque agraire— oscille entre un pole mésopotamien et un pole égyptien, le premier étant moteur.
On le sait, du 6e au 3e millénaire BC, dans cette région entre le Tigre et Euphrate, à la fois prospère et ouverte, toutes les bases de notre civilisation antique apparaissent : l'agriculture et la métallurgie, l'irrigation et la construction, les temples et l'impôt, l'écriture et la numération, l'épopée, les villages, les cités, l'Etat, le Roi élu de Dieu, l'Empire et, plus tard, le monothéisme. En sautant Sumer, l'Assyrie, Babylone et les Mèdes, nous arrivons à Cyrus (VIe siècle BC). L'empire "perse" conquiert tout le "moyen orient", de la Lybie à l'Indus, de la mer noire au golfe d'Oman et restera longtemps une "superpuissance" [9].
Les Perses entrent dans "notre" Histoire occidentale par la mémoire "grecque" façonnée par Athènes [10] qui les habille en barbares et fait des batailles péniblement gagnées une apothéose de l' "hellénité" [11] . Pourtant, initialement, Athènes ne compte guère. Les cités "grecques" de la côte orientale de l'Egée sont autrement importantes que les petites plaines arides de la côte occidentale. Elles ont été intégrées à l'Empire attrape-tout qui s'étend aussi en Thrace, domine la Macédoine et attire les cités grecques, souvenons-nous qu'Athènes a cherché l'alliance perse contre Sparte.
La révolte de l'Ionie (499/493 BC), une parmi tant d'autres, met l'Egée à l'ordre du jour perse et entraîne Darius à traverser la mer pour une expédition punitive qui est un succès malgré Marathon (490BC) : la Perse s'assure le contrôle de la mer et de la plupart des îles. L'expédition suivante (Xerxès) prend Athènes et la détruit. Dans cette guerre asymétrique, Salamine et Platées (479BC) ne sont pas des défaites stratégiques perses mais des victoires d'Athènes qui y gagne une hégémonie de quelques dizaines d'années en mer Egée (Ligue de Delos). Après quoi, les excès d'Athènes provoque la guerre du Péloponnèse (dernier tiers du Ve siècle) à l'issue de laquelle Athènes est ruinée et marginalisée.
Pour l'immense empire perse, ces guerres périphériques n'avaient pas de caractère stratégique. Semblablement, à l'autre bout, du côté de l'Indus, l'Empire avançait et reculait selon les hasards de la guerre. Plus que Marathon et Salamine, les révoltes égyptienne et babylonienne expliquent le reflux de Grèce de Darius puis de Xerxès.
Les guerres médiques n'opposent pas "la Grèce" aux Perses. Dans une large mesure, elles confrontent les cités grecques les unes aux autres —ou les factions au sein des cités. Les vaincus politiques se réfugient en Perse, demandent et obtiennent soutien ou aide. Thémistocle, fondateur de la marine athénienne et vainqueur de Salamine, banni, est accueilli par Artaxerxés qui le comble d'honneurs et de responsabilités. L'or perse est l'arme secrète de la guerre du Péloponnèse et l'appui du Grand Roi donne la victoire à Sparte.
Le chaos subséquent permet à l'expansionniste Philippe de Macédoine d'établir son hégémonie sur la Grèce. A la génération suivante, Alexandre, proclamant son "hellénité", conquiert d'abord l'Egée, puis l'Empire. Comme le montrent tant d'exemples chinois ou romains, ceux qui s'emparent du trône et établissent de nouvelles dynasties, ne sont pas des corps étrangers, mais des satellites, des hybrides périphériques. Depuis longtemps, la "Macédoine" était dans l'orbite perse [12].
Le schéma que je viens d'esquisser rapidement retourne celui que les "Grecs" —les Athéniens en réalité— ont écrit et nous ont légué. Inversant la polarité, ils se font le centre du monde et nous font prendre la lune pour le soleil, la grenouille pour le bœuf. Examinons cette permutation.
Les Athéniens avaient attiré la foudre sur eux en massacrant les ambassadeurs perses, ils l'ont chèrement payé. C'est difficilement qu'ils ont trouvé des alliés et presque miraculeusement [13] qu'ils ont gagné leurs batailles (ils en ont perdu aussi). La double victoire athénienne de 466BC n'affecte pas l'Empire qui repousse sans difficultés la contre-attaque sur Chypre et l'Egypte.
On comprend aisément que les Athéniens se réjouissent d'avoir échappé au retour de leurs "tyrans" pisistratides et à la soumission aux Perses. On ne s'étonne pas qu'ils en tirent parti pour coaliser sous leur autorité une série de cités qui leur échappaient. On conçoit qu'ils emphatisent leurs succès militaires et reprennent les refrains antiperses que les Ioniens avaient chanté pour se donner du courage [14]...Ce qu'on ne comprend pas —ce qu'on devrait ne plus comprendre— c'est que deux mille cinq cents ans après et à des milliers de kilomètres, on entende encore la même chanson !
Sans fin
serait
la recension de la reprise des stéréotypes
athéniens célébrant le triomphe de "l'Occident sur l'Orient",
"de la liberté sur le despotisme", de la "civilisation sur la
barbarie" : the World’s History
hung trembling in the balance (Hegel)...the
battle of Marathon, even as an event in English history, is more
important than
the battle of Hastings (JS Mill) [15].
Marathon, Thermopyles, Salamine, paraissent être les "batailles de la
Marne" de l'Occident, the Battle for
the West [16].
D'innombrables ouvrages expliquent au grand public comment "le monde"
a été sauvé. La Perse "ennemie" de la civilisation, puis
"conquise par la civilisation" (Alexandre vu par Droysen [17]),
puis redevenue "ennemie" (Parthes, Sassanides), puis la conquête
arabe, puis les Croisades, puis l'empire ottoman...Dans le contexte de
la
"question d'Orient" du XIXe siècle, de l'impérialisme, de la
révolution khomeyniste, du 11 Septembre et du terrorisme, on voit
un très
long Clash of Civilizations de
vingt-cinq siècles [18],
et plus longtemps encore puisque, avec Hérodote, on englobe la guerre
de Troie
dans cet affrontement immémorial, commencé par des rapts de femmes et
des
rivalités commerciales [19].
A la
suite de l'epochal Saïd (1978), et en recourant comme
lui davantage
à
l'anthropologie
culturelle qu'à l'Histoire, Edith Hall (1989 [20])
a analysé l'invention du barbare
(perse) par des Athéniens cherchant à la fois à s'autodéfinir et à
dominer les
cités grecques sous le drapeau d'une "hellénité" commune incarnée par
Athènes. Les mythes archaïques d'affrontement des
héros aux "autres" surnaturels sont recyclés en humanisant l'
"autre" (perse) et en l'ethnicisant (barbare). Le "barbare"
est le contraire du "Grec" : what
the Persians do not do is precisely what Greeks do do — et
réciproquement
(Cartledge, 1990 [21]).
Sur
la base de l'opposition entre l'ordre
"social" et le chaos exprimée par le discours mythique, le double
mouvement de dénégation du Perse et d'affirmation de l'Athénien
débouche sur
une standardisation de l' "autre". Aux caractères répugnants que les
Perses partagent avec les Amazones et autres monstres, s'ajoute leur
esclavage.
Hall prête une double origine à ce langage de la liberté : d'une
part, les
Perses ont soutenu les tyrans en exil (et réciproquement), aussi
"tyran" et "perse" sont synonymes ; d'autre part, la
masse d'esclaves qui nourrit la démocratie est allogène, aussi
"barbare"
équivaut à "servile". Kim (2013) suggère une explication fiscale plus
générale : ceux qui payent tribut sont esclaves, qu'ils soient
perses,
égyptiens, indiens. En refusant de se soumettre les "Grecs" restent
libres (de payer tribut à Athènes !) [22]
.
Devenue
ontologique, la distinction hellènes-barbares
exprime un impérialisme universel et civilisateur : la
réconciliation est
impossible, la soumission impensable, il faut donc les conquérir pour
se
défendre et pour les sauver.
Tout
naturellement Hall polarise
l'analyse sur Athènes qui est le centre et le moteur du processus. Que
l'
"hellénisme" soit conçu, promu et approprié par Athènes (à titre
défensif contre les Perses, offensif pour la Ligue de Délos), cela pose
non
seulement la question de l'hellénité des périphéries (Grande Grèce,
Nord, Est)
mais celle de la "réception" du topos
par les autres cités
"grecques". Elles sont plus réticentes qu'on ne le pense : le
lourd triomphe d'Athènes et ses exactions multiplient
les oppositions qui conduisent
à la guerre du Péloponnèse où s'engloutira Athènes. Hérodote lui-même
sait que,
en affirmant qu'Athènes a libéré la Grèce, il s'attirera la haine de la plupart des hommes (τῶν πλεόνων ἀνθρώπων:
VII, 139) !
Comment
une construction circonstancielle
et locale se transforme-t-elle en topos universel ? Bien sûr, la
xénophobie est une habitude des groupements humains, surtout lorsqu'ils
sont
menacés : l'étranger devient non seulement différent mais
"contraire". Mais comment un stéréotype produit par Athènes pour
incarner la civilisation contre le chaos et rallier les autres cités
nous
a-t-il conquis, nous ?
On
citera : les Perses d'Eschyle et leurs fortes
images ; Platon, Xénophon, [23]
Isocrate et les autres,
et surtout Hérodote dont l'encyclopédie a traversé les siècles, la
bonhomie
séduit les générations, les abondants et uniques détails inspiré les
narrateurs, immortalisé la surévaluation des victoires "grecques" et
naturalisé l'opposition entre l' "Europe" et l' "Asie".
Toutefois,
les textes ne suffisent pas.
Un discours enflammé et habile prononcé à un moment critique peut,
ponctuellement, avoir une capacité d'action et faire l'Histoire. Un
texte
refroidi, copié et recopié, ne fera rien par lui-même. Il lui faut un
moteur.
Les prétentions "hellènes" d'Athènes heurtaient la plupart des cités
"grecques" qui médisaient à
qui mieux mieux et rivalisaient à tout va. Paradoxalement, leur fortune
est
exogène [24].
A
part quelques institutions communes
(jeux et oracles), on ne voit pas d'hellénité "pan hellène" [25]
avant l'hégémonie
macédonienne. Les "Macédoniens", non organisés en cités,
"féodaux" demi-illyriens, longtemps vassaux de l'empire perse, dans
la "zone grise" entre Hellas et Thrace, failed to convince
everyone that they were not barbarians (Hall,
p 179 [26]).
Ils ne sont pas hellènes ? ils se feront pan hellènes ! Après
avoir
vaincu les cités (Chéronée), Philippe leur impose de rester en paix
(Ligue de
Corinthe 338BC) et en prend le contrôle au nom de l'unité de la Grèce.
Aristote
est un symbole de ce hold up culturel : issu des marges
macédoniennes, il
s'instruit longuement à Athènes et revient éduquer le fils du roi.
La
"marque" hellène atteint une
notoriété sans limites grâce aux fabuleuses conquêtes d'Alexandre.
"Démacédonisées",
elles entrent dans l'Histoire comme la revanche de la Grèce sur la
Perse et la
civilisation forcée des barbares [27],
vision impériale qui
plaira aux XIXe et premier XXe siècle.
Et
l'hellénisme sera encore
validé a contrario par la décadence
que son oubli provoque : les successeurs des diadoques
"dégénèrent"
en "s'orientalisant", tandis que la Grèce continentale retournée à
son anarchie traditionnelle attend que la conquête romaine la rappelle
à
elle-même. La Grèce ne fut jamais plus
grecque que sous l'Empire romain même si cette «grécité» était
l'invention des
vainqueurs (Dupont, 2002 [28]).
L'hellénisme
ne m'intéresse pas ici. J'ai
parlé du côté face pour faire ressortir le côté pile : l'otherization de l'Asie occidentale. Dans
un sens (souligné par les post colonial
studies), cette "autrification" constitue une négation
ontologique. Historiquement, elle en fait une zone d'ombre. L'Orient
ainsi
dévalorisé, comment imaginer qu'il joue un rôle moteur dans l'expansion
de
Rome ? l'historiographie la voit centrifuge, une
dilatation
à partir de Rome, ultérieurement corrompue par l'orientalisation
(despotisme,
amollissement, féminisation etc.).
De
manière
provocatrice et contestée, Ball commence son Rome in the
East (2000) [29]
en exprimant la surprise d'un archéologue moyen-oriental de se trouver
"chez lui" dans les ruines romaines de Jordanie : il reconnaît
dans un tetrapylon un chahartaq iranien
et dans les portiques un bazar : From there, I began
to look at the other
buildings at Jerash not as the Roman buildings they appeared to be, but
as Near
Eastern buildings (préface à la 1ère édition). Sa thèse est que the East transformed Rome. Through this
contact, Near Eastern civilisation transformed Europe. The story of
Rome is a story
of a fascination for the East, a fascination that amounted to an
obsession.
L'Orient a "transformé" Rome, lui apportant, richesses, civilisation,
architecture, empire, empereurs et religion chrétienne. Et, par
diffusion,
l'Occident.
Cette
révolution dont l'auteur se fait
une spécialité (cf. Out of Arabia,
2009) est aussi intéressante que dangereuse [30].
En faisant faire un tête
à queue à l'orientalisme, il en
reprend la supposition d'homogénéité et se borne à remplacer les moins
par des
plus. Toute généralisation dépasse son but.
Il
me faut donc délimiter mon
"Orient". Sans oublier les entités historiques et leur action, je
pense d'abord à une région, celle du Croissant Fertile qui allie
agriculture productive, "industrie" et villes ; je pense ensuite
à sa périphérie (mer noire, Méditerranée, déserts et steppes) ; et
enfin à
ses relations extérieures avec l'Afrique profonde et orientale d'un
côté, l'Inde
et l'Asie de l'autre. A travers le temps, cette structure de base
connaît des
formes et modalités d'organisation variables, les empires
mésopotamiens, les
cités de la côte orientale, l'empire égyptien...
Depuis
le VIe siècle BC, l'empire
"perse" achéménide constitue l'enveloppe de la région. J'emploie le
mot "enveloppe" pour minorer "empire" et ne pas laisser supposer
un espace homogène et quadrillé. L'empire de Cyrus a été conquis par
Alexandre.
On a coutume d'expliquer les faillites dynastiques par la "décadence"
ou la surexpansion, la faiblesse organique et les tendances
centrifuges. On a
raison et tort. Raison, parce que tout empire antique est instable, en
raison
de sa faiblesse constitutionnelle (succession du chef élu des Dieux) et
de
l'indigence communicationnelle qui l'empêche de contrôler l'espace.
Tort, parce
qu'il ne faut pas concevoir ce type d'empire comme un territoire à
défendre et
à exploiter [31].
C'est plutôt un réseau relationnel et un système de drainage qui se
contractent
et se dilatent selon les circonstances.
Pour
la nouvelle approche (Briant, 1996, à la suite
de Sherwin-White,
Kuhrt) qui met l'accent sur les équilibres dynamiques qui font tenir
l'empire,
son effondrement constitue un "scandale historique".
En
elle-même (détachée de la tradition
qu'elle a engendrée), la conquête d'Alexandre ressemble à celle de
Cyrus deux
siècles plutôt : une entité périphérique s'empare de l'Empire,
change la
dynastie et procède à une nouvelle synthèse des élites [32].
La "géopolitique
orientale" n'est pas révolutionnée par la conquête mais par son
échec : l'incapacité d'Alexandre à assurer sa succession, la
guerre des
diadoques et la fragmentation en sous-empires et en "royaumes",
inévitablement rivaux. Les principaux sont la Macédoine "antigonide",
l'Egypte "lagide" et la Perse "séleucide". Celle-ci est une
espèce d' "Etat-successeur" de l'Empire achéménide, de l'Egée aux
lointaines frontières "indo-grecques" [33].
Cette
Perse n'est pas devenue "grecque"
(Sherwin-White [34]),
elle reste multiple. Pour
l'essentiel, elle résistera aux conquêtes romaines. Les Parthes à
l'Est, non
les Romains à l'Ouest, auront raison des Séleucides [35].
Après avoir régné sur
l'Empire deux fois plus longtemps que les Achéménides, les Arsacides
parthes
sont remplacés au IIIe siècle AD par les Sassanides. Encore un schéma à
la
Cyrus ! A travers ces péripéties, l'Empire conserve, non pas une
identité
transhistorique qui ferait pendant au prétendu hellénisme, mais ce que
Briant
appelle sa structure génétique qui
résulte d’un processus, même inachevé,
d’intégration phagocytaire des royaumes, dynastes, peuples et cités qui
lui préexistaient.
Et
Rome ?
Revenons
en arrière.
Vers le
Ve
siècle BC, le "monde méditerranéen" est
centré sur la mer Egée. Sa périphérie occidentale est structurée par
l'affrontement du "monde étrusque" au nord de la péninsule italienne et
du "monde grec" (para-grec) au sud, lui-même opposé au "monde
phénicien" (para-phénicien). Au centre de la péninsule, des
peuplades se fédèrent (Ligue Latine). Après
s'être combattues pour l'hégémonie, elles s'organisent en une cité de
cités
nommée Rome (338BC). Participant mineur et tardif du "petit
jeu" (Caere, Syracuse, Carthage, pour simplifier), Rome, d'étapes en
étapes, bascule dans le "grand
jeu" post alexandrien : de Pyrrhus d'Epire (280BC) [36]
à la victoire sur Carthage (202BC), des petites
"guerres illyriennes" aux guerres macédoniennes (215-148BC) [37],
de la Macédoine à l'Asie occidentale.
L'alliance/rivalité
du macédonien Philippe ("V") et de l'asiatique Antiochos
implique une menace —réelle, crainte
ou illusoire— qui met Rome en action et la transforme en
"diadoque-successeur", l'héritière
des héritiers d'Alexandre (Mommsen). Elle finit, via
Pergame, Mithridate et les guerres civiles [38],
par gagner la Méditerranée orientale (Egypte, Syrie, Mer Noire), sans
toutefois
dominer le centre mésopotamien du "grand jeu". L'Empire Perse, une
fois rénové par les Sassanides (224AD), contrôle la Mésopotamie et les
routes
(terrestres et surtout maritimes) vers l'Asie. Le drang
nach Osten romain est bloqué comme, réciproquement, le rêve
perse de rassembler l'Empire de Darius (Thrace et mer noire, Syrie,
Egypte) [39].
Avec
des
victoires/défaites et des avancées, parfois spectaculaires jamais
acquises,
marquées par une série de "paix éternelles", l'impasse stratégique [40]
se prolonge au cours de siècles de guerres épuisantes autour de
l'Euphrate que
ni l'un ni l'autre antagoniste ne parvient à dépasser durablement.
Outre les
problèmes intérieurs, les deux empires subissent la pression aux
frontières des
cavaliers des steppes ou du désert, tantôt alliés, tantôt prédateurs.
Au VIIe
siècle, après que les Perses aient enfin reconquis la Syrie et
l'Egypte, puis
reflué une génération plus tard, les tribus arabes que, depuis
longtemps,
chaque côté a mobilisées et partiellement intégrées, profitent du vide
en
Syrie-Palestine [41]
et mettent fin à l'affrontement pluriséculaire des deux
"superpuissances" en subjuguant la Mésopotamie et toute la Perse et
en provincialisant "Rome" qu'on peut, à partir de là, renommer
"Byzance" [42] —
une puissance régionale qui, à l'abri des murs de Constantinople, se
recomposera/décomposera
dans la guerre/alliance avec diverses sortes de Turcs, Slaves et Russes.
Ainsi,
Rome a tendu
vers l'Asie, asymptotiquement, sans jamais l'atteindre. Mais "tendre"
suppose une volonté alors que Rome a été aspirée de la manière la plus
simple.
Le danger comme la récompense habitent à l'Est. C'est là qu'existent
des armées
organisées. C'est là qu'on trouve le butin ponctuel, le tribut
renouvelé, qui
constituent le ressort social de la guerre.
On a dit à propos de la Méditerranée que la géographie pouvait avoir son histoire (history of vs history in). Dans le régime agraire de l'Antiquité, le multimillénaire Croissant Fertile — récoltes et interconnections eurafrosiatiques — a vu ses rivages occidentaux "romanisés" pendant quelques siècles qui, pour Rome, ont été une apothéose et, pour l'histoire longue de la région, un épisode. La vague arabe et la synthèse islamique qu'elle a engendrée, sans s'arrêter aux rivages, a recouvert tout l'empire de Darius et, empire sine fine comme les autres, est allée plus loin, à l'Est comme à l'Ouest jusqu'à ce que les problèmes habituels (faiblesse constitutionnelle et indigence communicationnelle) la fasse en partie refluer.
Reste
la double énigme
"occidentale". Si, comme j'ai tenté de l'esquisser, Rome a un
tropisme oriental, que signifient nos impressionnantes cartes de l'Empire à son apogée, avec Rome au centre
d'une vaste ellipse méditerranéenne qui va de l'Atlantique à la Mer
Rouge ? et si l'Occident est un "inoccident" qui ne compte pas,
comment se fait-il qu'il revendique et prenne l'héritage ?
Dans un premier point, je me demanderai comment rendre compte de la "conquête de l'Ouest" (a). Ensuite, j'examinerai sa transformation sub-romaine (b).
Rien de
plus
naturel que l'expansion orientale d'une Rome marginale
que tout attirait vers ce monde en compétition, ce monde de cités, de
richesses
publiques et privées, de splendeur dont, au sud de sa péninsule, la
Grande
Grèce offrait un modèle réduit : ex
oriente lux. Complémentairement, Rome absorbe les colonies
carthaginoises
et grecques de la Méditerranée occidentale pour capter les métaux et
les
produits de base.
Mais pourquoi quitter la Méditerranée pour pénétrer un no man's land inorganisé, sauvage, batailleur, dépourvu de cités, au climat hostile ? [43] Ne sont-ce que des aventures sans intérêt stratégique auxquelles, lorsqu'elles deviennent trop coûteuses, Rome renonce pour se concentrer sur son cœur oriental ? Mais une "aventure" de plusieurs siècles a quelque chose d'une entreprise !
L'explication qui plaisait au XIXe siècle ne nous satisfait plus. On disait : Rome héritière de la civilisation (Humanitas) lui devait de la restaurer dans l'Est dégénéré et de l'introduire dans l'Ouest grossier [44]. Cette "mission mondiale" ressemble par trop aux justifications de l'impérialisme européen [45].
Sa critique postcoloniale, quoique sympathique et intéressante, a le défaut de rester à l'échelle de l'empire global. La romanisation des provinces devient bottom up au lieu de top down, interactive au lieu de diffusionniste, combinatoire au lieu de standard. Mais, tout hétérogènes que soient les processus locaux, ils s'inscrivent dans un supposé ensemble, qu'exprime bien le thème de la cultural revolution impériale [46] : l'Empire est pris dans un mouvement endogène qui affecte différemment ses parties.
Déglobaliser
l'Empire, distinguer un monde méditerranéen de de cités et un continent
de tribus, poleis et ethnoi, un inner et
un outer circle [47],
est une tentation dangereusement excitante car elle rend compte par
avance de
la scission Est/Ouest. Certes, sans l'Ouest, l'Empire serait encore
l'Empire, pas
sans le "grand cœur égéen" où il subsistera (Constantinople) quand
l'Ouest se sera décomposé et recomposé. Mais l'image du cercle —fût-il outer— est fallacieuse. Quel que
soit son espace, l'Empire —tout Empire antique— est entouré d'une
zone frontière, ouverte et non fermée, partiellement subjuguée,
partiellement
alliée, partiellement révoltée [48].
Pensons à la Chine.
Les deux empires, quoiqu'organisés différemment, partagent les mêmes données technologiques : faiblesse des moyens de communication et base agricole labor intensive. Un conquérant mégalomane s'autorise des ambitions illimitées, un système impérial se soumet à des contraintes de durabilité qu'il ne perçoit pas toujours mais qui s'imposent. Dans son univers, il s'étend à la fois par conglomération et par agglomération (qui n'empêchent pas les soulèvements). A ses immenses marges, il tend à se dissoudre (délégation de pouvoirs aux warlords, troupes d'auxiliaires locaux, difficultés logistiques) sans pouvoir assurer définitivement sa sécurité : l'immobilité des paysans et la mobilité des "barbares" demeurent incompatibles. De temps à autre, des expéditions punitives "de l'autre côté" sont possibles ou nécessaires. Coûteuses en hommes et en moyens, elles ne règlent rien, même victorieuses : les ennemis défaits se replient dans la forêt, dans la steppe, dans le désert, où ils se reconstituent et d'où ils repartent plus tard à l'attaque, sûrs de ne pas manquer leur cible puisqu'elle ne bouge pas. Il s'ensuit une irréductible dialectique "centre/périphérie" et, à l'occasion, une appropriation partielle ou totale de l'empire par ses marges (Mongols ou Mandchous, Germains ou Arabes...).
Aussi
ni Rome ni
la Chine ne conquiert le monde. Quand elles vont trop loin, leurs
défaites traduisent
une limitation interne. Au niveau technologique du temps, les forêts,
les
déserts, les steppes qui les entourent, font de ces Empires des "îles
mondiales" qu'ils s'emploient à "rentabiliser" au profit de la ruling elite (tribut etc.) et à organiser.
Dans l'océan barbare, ces îles ne sont pas bordées de falaises mais de
vastes
marécages. Elles connaissent le flux et le reflux, les marées, les
changements
de pression et, parfois, des typhons qui les submergent...
Aussi peut-on accepter l'inner circle, pas l'outer, ni donc leur dialectique. D'ailleurs, Lattimore (1934) [49], à propos des frontières chinoises, soulignait fortement que ce sont souvent les mêmes lieux et les mêmes personnes qui, alternativement se trouvent "dedans" ou "dehors". Les comparaisons avec les trois lignes frontières des Indes anglaises [50] sous-jacentes au grand strategy de Luttwak (1976 [51]) sont fallacieuses car, notait Curzon lui-même (1907, p 49), Frontier is itself an essentially modern conception. Pour autant que "cercle intérieur" ait un sens, il est structurel, non historique : la cité, le droit municipal de Rome, la confédération de cités, définissent le mode de gouvernance d'un empire inclusif. Là où il n'y en a pas, Rome fera du social engineering (ou du Potemkine ?) pour implanter ces cités qui sont son unité de base [52].
Contrairement à ce que nous voyons sur nos cartes, l'Ouest (la Gaule continentale, l'Espagne centrale, la Bretagne) n'est pas la moitié de l'Empire, ni son outer circle, simplement son extérieur, même si, plus tard, les élites gauloises, ibères, bretonnes, bataves etc. s'intègrent au système impérial. Malgré la relative homogénéisation au sommet et la circulation périodique du gouverneur de cité en cité, l'Empire ne constitue pas un espace unifié qui éclaterait plus tard.
Il faut faire très attention lorsqu'on considère la "conquête de l'Ouest" car on ne peut pas éviter d'être captif de son avenir. De plus, tant les sources romaines que les constructions nationales européennes modernes, nomment et ethnicisent des tribus et des "peuples" dont, en réalité, on ne sait pas grand chose. En se référant à des exemples plus tardifs et mieux connus (comme les Lombards ou les Avars), on peut penser que leur identité —si ce buzz-word a un sens, en général et ici — est beaucoup plus fluide et instable que ne le laisse entendre la vieille obsession classificatoire des "ethnographes" antiques qui, pour se repérer dans cette fourmilière, distribuent des étiquettes [53]. Les généalogies linguistiques du XIXe siècle n'ont rien arrangé. Les discussions les plus récentes sur l'ethnogenèse soulèvent beaucoup de questions [54] mais apportent une réponse : l'ethnie existe a posteriori. Ce ne sont pas les "peuples" et les "ethnies" qui font l'Histoire (Völkerwanderung etc.), mais l'Histoire qui les fait [55]. Aussi, autant que possible, éviterai-je les dénominations "ethniques".
Je l'ai dit, la "conquête de l'Ouest" concerne les terres, non les rivages, depuis longtemps pointillés de colonies ou comptoirs orientaux (para-orientaux), Hannibal à la fin du IIIe siècle BC a montré que le bassin pouvait faire circuit et conduire à Rome. Aussi, Rome, dans le cours et les suites de la 2ème punique, a mis la main sur la frange côtière et céréalière.
Cette expansion naturelle provoque-t-elle une rupture stratégique ? La future "Narbonnaise" est ouverte, trop ouverte, comme le montre l'invasion des "Cimbres et Teutons" à la fin du IIe siècle BC, puis la grande offensive d'Arioviste (65-58 BC) qui vaut à Jules son exceptionnel proconsulat de cinq ans. Les peuples-tampons des limites, alliés ou clients, eux-mêmes divisés et incertains, ne remplissent pas toujours leur fonction protectrice. Le piège ne peut pas être évité. Non seulement un empire agraire a besoin de l'extérieur (produits rares, esclaves, guerriers, trafics) mais son existence même attire les contacts. Intégrer une zone frontière (lorsque c'est possible et nécessaire) ne fait que déplacer le problème et susciter de nouvelles interactions (de la Narbonnaise à la Gaule, de la Gaule à l'Angleterre et au Rhin...).
Défensif, l'Empire est aussi agressif et chaque cas est à la fois poussé et tiré (push and pull). Rappelons encore que l'Empire ne se définit pas, ne se définit jamais, par un territoire : on conquiert des peuples, pas des pays. L'empire est universel dans son principe [56]. Sa prétention à la souveraineté ne s'arrête pas à une barrière écologique comme la steppe ou le désert dont elle exige —et à qui parfois elle impose— soumission et tribut, même symbolique.
Au milieu du Ier siècle BC, le pull Arioviste et le push César se combinent pour faire sauter Rome dans le piège gaulois.
Notons d'abord la date. Elle serait tardive si la proche Gaule centrale avait été une cible : Rome a déjà empli la lointaine Méditerranée orientale. Les guerres avec Mithridate se terminent (63BC) : après que Pompée soit allé aux "extrémités" de l'Orient, son compère Jules l'imite en Occident. Cette symétrie invite à ne pas minimiser le rôle de la gloire militaire dans ce type de société. Pour tout général, la perspective d'un "triomphe" à Rome a des attraits que nous ne soupçonnons pas. En particulier, dans la crise "socio-politique" que connaît la République, la gloire et ses profits, directs et indirects, comptent dans la compétition pour le pouvoir. Jules trouve en Gaule la victoire, le butin, le capital militaire. Tout cela lui permettra de vaincre Pompée, de réduire l'aristocratie et de devenir dictateur à vie. De fait, l'Occident (comme, de l'autre côté de l'Adriatique, l'Illyricum) où les guerres incessamment renouvelées nécessitent la présence permanente de légions, jouera le rôle de base, a nursery of pretenders (Goffart), permettant à des imperatores aspirants au pouvoir de rassembler leurs moyens pas trop loin de la cible [57].
Les opérations en Gaule centrale, irrémédiablement brouillées par les Commentaires qui sont notre seule source, la stabilisent pour longtemps [58] et, d'autre part, déstabilisent les Romains en les mettant au contact direct d'un nouvel extérieur ("Bretons", "Germains") qui les obligera à entreprendre des guerres sans fin et souvent sans gloire. D'où le franchissement du canal et la concentration des légions sur le Rhin. Et de nouvelles guerres.
Selon l'heureuse expression de Le Roux (2006), la romanisation n'est pas la romanification [59]. Il n'y a ni rouleau compresseur ni programme assimilateur. Rome a hérité de ses origines (cité de cités) une citoyenneté ouverte inclusive. L'économie de moyens dans le gouvernement des multiples niveaux de l'Empire laisse l'élite locale aux commandes tant qu'elle se conforme au cahier des charges (fiscal et militaire). A la périphérie, alliés ou clients ; au centre, government through the cities [60].
Si, à la suite du postcolonial turn, les premiers "déromanisateurs" mettaient l'accent sur les résistances explicites ou implicites (nativisme), le métissage culturel, la créolisation, la schizophrénie du colonisé [61], on arrive aujourd'hui à une vision moins idéologique en termes de bricolage ou de co-construction : les élites locales, civiles et militaires, conservent ou renforcent leur domination sur leur pagus ou sur leurs tribus en jouant le jeu romain [62]. Les big men deviennent préfets ou généraux (avant de se faire évêques quand l'empire sera chrétien). La large zone frontière (en particulier autour du Rhin) génère un processus d'hybridation.
D'un côté, les structures agraires de base manifestent une étonnante rémanence, de l'autre les élites se recyclent. Voyons d'abord les premières.
L'archéologie "impérialiste" cherchait les preuves de civilisation (arcs de triomphe, thermes, cirques etc.), la post moderne, renonçant au fétichisme de la pierre, trouve des trous de poteaux en masse qui attestent la poursuite de la construction traditionnelle et la permanence des microstructures (small farms). Cette morphologie a pour contenu la dépendance (sous des formes diverses) des cultivateurs à l'égard d'un landlord. La Gaule conquise ne se couvre pas de colonies de vétérans et de latifundia esclavagistes (Woolf, 1998). Pour l'essentiel, elle ne change pas. Les innombrables villas des landlords sont à la tête de "domaines", pas de "grandes exploitations" esclavagistes. Leur luxe et leurs équipements traduisent une consommation ostentatoire et compétitive du surplus, visant à la fois l'affirmation de la nouvelle identité des élites et leur confort. Quand les landlords sont évincés, les nouveaux leur ressemblent. Cette structure de base est indépendante des formes d'organisation politique. On la retrouvera presqu'inchangée quand la Gaule impériale s'effondrera.
Ce sont ces élites adeptes du code-switching qui s'intègrent et sont intégrées à l'Empire (commandements militaires, citoyenneté, prêtrises, offices publics, ordre équestre ou sénatorial). Une bonne part d'entre elles, déjà au contact avant la conquête dans la zone frontière poreuse, a contribué militairement à la défection de leurs ennemis ou rivaux. Outre des récompenses spécifiques, elle en retire la reconnaissance de sa position et, tout en restant ancrée dans son terroir, s'adapte au nouveau jeu politique "mondial" qui est ouvert — c'est le "génie" de Rome de ne pas chercher à assimiler ses conquêtes mais de se contenter de les rendre praticables. Pour cela, il faut des routes et des cités, un réseau et des nœuds, de l'ingénierie de travaux publics et de l'ingénierie sociale [63]. Lorsque le gouverneur se déplace de cité en cité pour tenir ses assises, son circuit romain traverse et ignore la sauvagerie de l'espace natif dont lui, le hub, n'a pas à se soucier tant que les cités, les spokes, le tiennent. La participation des élites à la magistrature des cités et de l'Empire en général leur ouvre de nouvelles opportunités en termes de pouvoir et de richesses et les expose à de nouvelles concurrences. Aussi font-elles assaut de romanité et s'adaptent-elles vite (langage, religion, sexualité, poterie, vêtement, habitudes corporelles, décoration...[64]).
Cette romanité du début du premier millénaire n'est pas un attribut romain mais impérial. Si la ville romaine type est orthogonale, Rome n'est pas romaine ! Ce que nous voyons comme des signes de romanité, c'est un ensemble de formes qui se mettent en place dans l'Empire et qui, par nature, sont variables [65]. De formes, pas de normes. Même dans le domaine légal dont, avec les méga gadgets en pierre (arcs de triomphe etc.), nous faisons l'essence de la romanité, les Romains ont des pratiques très flexibles et souvent extrajudiciaires (arbitrages etc.).
Les multiples équilibres locaux entre forces centripète et centrifuge, et l'équilibre des équilibres au niveau de l'Empire, demeurent essentiellement instables en raison de l'inévitable ouverture sur l'extérieur —pour l'Europe, le monde des steppes et ses balancements. Les "invasions barbares", celles du IIIe siècle comme du Ve, si certains persistent à les voir comme une submersion radicale, sont aujourd'hui relativisées. Elles élargissent démesurément la zone frontière et dépassent ses capacités d'absorption. Le processus (toujours conflictuel) se poursuit mais ne produit plus que des résultats partiels, inachevés, simplifiés, lorsque la zone frontière finit par englober toute la Méditerranée occidentale, "Italie" incluse.
Parallèlement, Rome a glissé vers son centre, la Méditerranée orientale, suite logique d'une attraction multiséculaire. Il est possible que cette dérive ait affaibli la zone frontière occidentale et dégradé les conditions d'interaction.
Le discours sur l'Empire donne une impression d'homogénéité qui dramatise les "invasions" et leurs effets destructeurs, surtout lorsqu'on projette sur lui les caractères de l'Etat moderne, en en faisant un "territoire" unifié par le droit et borné par des frontières linéaires, tracées sur des cartes. La zone frontière, indéfinie et variable, ne représente pas une (impossible) fermeture. Offensive et défensive, elle exerce des effets structurants mais, par définition, elle est instable puisque l'océan des barbares est infini et ses vagues (liées aux courants qui agitent la steppe) toujours renouvelées. Un équilibre (relatif) suppose donc que les "Romains" soient en permanence "rechargés". La frontière défend l'Empire et réciproquement. Quand cet équilibre dynamique se rompt, "l'arrière" devient zone frontière et les Goths arrivent aux portes de Rome.
Mais, toute dégradée qu'elle soit par son affaiblissement et son élargissement, la zone frontière continue son "travail". Les interactions se poursuivent et engendrent une nouvelle synthèse, "subromaine" [66], tandis que l'Empire se poursuit à l'Est, là où il doit être (avec ses propres problèmes de frontières). La ville de Rome a chu (410), pas l'Empire dont se réclament les nouveaux rois [67] auxquels il distribue parfois titres et insignes. L'Empire ne tentera pas de reprendre le contrôle et ne regrette que la partie utile de l'Ouest, la Sicile et l'Afrique (cf. Justinien). Nous examinerons ailleurs la fin de son Histoire. Ici, il reste à expliquer comment la "sub-romanité" s'est transformée en néo-romanité ou, en d'autres termes, comment "nous", barbares périphériques, avons orientalisé l'Empire pour nous romaniser. Un dénouement aussi paradoxal nécessite l'intervention d'un deus ex machina !
J'ai gardé en réserve le facteur religieux: en étant "chrétien-romain" l'inoccident se fait romain-occidental (comme on dit romain germanique) !
La séparation de l'Histoire ecclésiastique et de l'Histoire des hommes a toujours été la règle. On se souvient que la bigoterie a reproché à Gibbon d'avoir jeté un regard d'historien sur les premiers siècles de l'Eglise. Dans la deuxième moitié du XXe siècle (en même temps que la société se déchristianisait), les late antiquists ont intégré la "révolution chrétienne" à l'histoire de l'empire tardif qu'elle met dans la continuité constantinienne. En remplaçant la "décadence" par la "transformation", le late antique tend vers l'early medieval. Mais, malgré son universalisme, le christianisme est tout sauf unifié et "christianisation" comme "romanisation" expriment une homogénéité illusoire.
Le christianisme occidental —les christianismes occidentaux— s'adaptant à un contexte et à des contraintes spécifiques, évolue différemment du christianisme impérial.
Les évêques s'acclimatent au nouveau contexte. Eux et leur christianisme deviennent post-romains (a). L'évêque de Rome, religieusement et stratégiquement marginalisé, identifie le christianisme à Rome-ville, assurant la survie de Rome-empire (b).
Dans les premiers siècles postromains, plus que le pape, ce sont les innombrables évêques locaux qui, de manière indépendante, effectuent la transition. Depuis que Constantin a mis en symbiose la religion et le gouvernement, chaque civitas a son évêque qui a reçu et pris une place croissante. Aussi les big men se sont-ils recyclés dans la fonction épiscopale qui, partout à travers l'Empire, devient un interface entre le central et le local, puis un substitut et un élément fondamental du gouvernement urbain: défense, alimentation du peuple et fourniture d'aménités [68]. Quand la partie nord-occidentale se militarise et se fragmente, l'évêque est la seule institution dont la légitimité résiste puisque première : elle ne vient pas de l'Empire mais d'En-haut. Quand le reflux de l'Empire permet aux préfets de se faire rois dans leur district où ils règnent sur les deux populations mêlées, les "romains" et les "indigènes" auxquels ils s'assimilent peu à peu, à moins qu'ils ne soient supplantés par un warlord indigène, les évêques, en lutte avec la légitimité dérivée de ces notables post-romains, finissent par se rallier aux barbares, comme l'exprime de manière brutale Vanderspoel (2009) :…in the absence of imperial authority, bishops preferred that there be no other Roman-based, Roman-originated authority but themselves: if not the state, then the Church. Barbarians were not Roman [69]. Ces évêques contribuent à l'institutionnalisation des nouveaux royaumes et leur prêtent le formalisme romain ou pseudo-romain qu'ils souhaitent afficher pour se légitimer [69b].
Ce
mouvement
qui prélude et accompagne l'alliance de
l'aristocratie "gallo-romaine" et des "envahisseurs" a pour
emblèmes Rémi de Reims pour les Francs, Jean de Biclar pour les Goths, Marius d'Avenches pour les Burgondes, sans parler d'une
multitude de cas moins spectaculaires que mentionne et illustre
Grégoire de
Tours à la fin du VIe siècle. Ces évêques, assis sur de saintes
reliques
vénérées, ne sont pas seuls : ils ont une équipe, des satellites,
des
agents, des gérants ("bureaucratie" serait exagéré) qu'ils
instruisent plus ou moins. Ils doivent aussi tenir compte de leur
Eglise dont
les "pierres vivantes" sont alors [70]
la communauté des
fidèles qui élit l'évêque, peuple souvent tumultueux.
Ils sont en alliance/rivalité
entre eux et avec des abbayes déjà puissantes.
L'évêque métropolitain
essaie de
se subordonner les évêques suffragants de sa province en prétendant
confirmer
leur élection. C'est au moyen de synodes d'évêques ou d'assemblées
d'évêques et de
Grands
que se valident les décisions. Ces évêques tombent rarement du ciel,
ils sont
pris dans les grandes familles dont ils servent et utilisent les
réseaux
d'alliances et de clientèles. Outre les "miracles" qu'ils effectuent
parfois, ils augmentent leur potentiel au moyen du culte des saints, de
l'accumulation de reliques et de leur mise en scène. Ce capital
mystique
s'ajoute à leur capital relationnel.
Ailleurs, dans l'Empire, malgré —et en partie à cause de— la concurrence des patriarches (Antioche, Alexandrie, Constantinople), des réseaux ecclésiastiques lient le local au central et culminent dans les conciles œcuméniques. L'Ouest, lui, n'a plus de structuration définie : l'information circule au hasard de la quête des reliques et des pèlerinages, des synodes et des circuits. Rois, métropolites, évêques, abbés exercent un contrôle variable et généralement incertain, sous l'influence des centres de gravité du sacré — Tours, Arles, Lérins etc. et, loin, très loin, Rome, le supercentre mystique ("martyrs") où l'on va chercher des reliques, demander la bénédiction du pape de la ville et, de temps à autre, une décision formelle qui ne s'impose qu'en accord avec le pouvoir local (cf. Grégoire de Tours [71]). Le pape de Rome, comme l'Empereur, sont des fonctionnaires célestes respectés dont on connaît l'existence sans en tenir compte en pratique.
Le pape, alors, se trouve à l'interface de l'Empire et des royaumes barbares occidentaux. En raccourci, disons qu'il finira, comme avant lui les évêques, par rallier les barbares : if not the state, then the Church. Examinons sa situation dans une Rome déclassée, obsolète, à présent à la périphérie de l'Empire.
Constantinople est à présent la nouvelle Rome [72]. Tout a été imité, les collines, le Sénat, le palais impérial, le cirque, la basilique. Paradoxalement pour une ville chrétienne, elle est ornée de statues païennes récupérées partout [72b] et, en 663, Constant II (Héraclius) prit à Rome jusqu'aux tuiles de cuivre du Panthéon pour les importer (elles tombèrent dans les mains des Arabes). Tout ce qui reste dans la Rome dépeuplée, pillée et menacée, c'est un évêque et un nom. Un nom formidable qui capitalise l'histoire de l'Empire. La réalité est à Constantinople où l'Empereur, chef de l'Eglise, fait et défait les patriarches et le dogme. La mémoire est à Rome.
Les défaillances de l'Empire conduisent l'évêque, à Rome comme ailleurs, à prendre le gouvernement, à assurer les distributions de blé et la défense de la ville qui, si elle ne compte plus dans les faits après les sièges et pillages du Ve siècle, pèse par ses cimetières. Ceux-ci permettront à l'évêque de ne pas être déclassé avec la ville. En effet, dans l'Empire, les papes régionaux que sont les Patriarches se concurrencent pour la primauté que les querelles dogmatiques traduisent et excitent à la fois. En vertu du principe d'accommodation (adaptation des structures ecclésiastiques aux découpages administratifs), le Patriarche de Constantinople réclame pour lui la primauté que revendique celui de Rome [73] et, en réponse, Léon le grand (440–61), Gélase (492-6), Grégoire le grand (590–604) se donnent une superlégitimité apostolique, d'autant plus nécessaire qu'ils cherchent à en imposer aux évêques italiens [74] et que les martyrs de Néron n'empêchent pas que le christianisme, né à l'Est, y est bien plus massif et vivant. Pour cela, non seulement ces papes affichent deux apôtres fondateurs de leur siège quand les autres n'en ont qu'un ou doivent en inventer, mais ils construisent le mythe Pétrinien : Pierre est chef de l'Eglise comme vicaire du Christ et donc eux à sa suite, en tant que vicaires de Pierre ("pouvoir des clefs" etc.). Ces prétentions se rapportent autant à l'Occident où la suprématie de Rome est alors toute théorique qu'à l'Empire qui constitue leur référentiel.[74b]
Or l'Empire est agité par une série de controverses théologiques —toutes plus absconses les unes que les autres— qui ont de graves implications pour l'unité et l'universalité de l'Empire. De ce fait, les Empereurs et leur patriarche naviguent politiquement dans la tempête dogmatique qui laisse inconcernés le pape et les évêques occidentaux en général. Leur conservatisme (autres soucis ? indifférence ? inculture ? non information ?) les conduit à rejeter toute innovation, quand même l'Empereur la juge indispensable pour obtenir un compromis. Peu ou pas représentés dans les conciles œcuméniques — ce que l'éloignement ne suffit pas à expliquer—[75], les occidentaux et le pape qui parle pour eux gardent la ligne droite que percutent souvent les zigzags impériaux. D'où tensions, aggravées par la concurrence missionnaire (Slaves) : d'Eutychèes (Tome à Flavien de 449) [76] à l'iconoclasme (VIIIe/IXe), en passant par le monothélisme (616-638). L'Empereur, chef de l'Eglise, n'admet pas qu'un patriarche ne lui obéisse pas et, lorsqu'il le peut, le dépose (Silvère, 537) ou le fait saisir et maltraiter pour l'obliger à adhérer (cf. les malheureux Vigile ✝ 555 et Martin ✝ 655). Ce type de relations n'est pas spécifique à Rome, les autres sièges le connaissent aussi.
Au VIIIe siècle, les défaites répétées de l'Empire contre les Arabes et la crise qu'elles provoquent augmentent le hiatus. Rome n'est pas encore menacé par les Arabes mais cherche du secours contre les Lombards. Le pape refuse le virage de l'iconoclasme impérial [77] et accueille les opposants exilés. La double pression de l'Empire et des Lombards et l'absence de soutien du premier contre les seconds oblige Rome à se sauver elle-même : If not the state, then the Church. Le pape n'a plus le choix qu'entre la soumission aux Lombards qui l'environnent ou l'alliance contre eux avec les Francs. On connaît la suite : les voyages transalpins du pape, les expéditions des Pépinides et le coup d'éclat papal du couronnement impérial de Charlemagne à Rome. On discute depuis longtemps la nature de ce coup. Quoique, par le fait, le pape Léon III se donne à lui-même une capacité inouïe, il n'opère pas un coup d'état et se situe dans le cadre de l'Empire avec lequel le 2nd concile de Nicée (787) l'a réconcilié, Empire qui, d'ailleurs, connaîtra bien d'autres (sous) empereurs. De même que les rois barbares du Ve/VIe siècles étaient les délégués supposés de l'Empereur, de même l'empereur Charles (ce qui n'empêche ni les uns ni l'autre de faire ce qu'ils veulent).
Ce qui
importe,
c'est que le pape est désormais ancré à
l'ouest. Resté plus longtemps dans l'Empire que ses évêques, il
les
rejoint, ce qui lui permettra plus tard —bien plus tard — de se les
subordonner. Réunir les deux glaives n'est
pas chose facile. Le glaive temporel
dégénère (succession de Charlemagne) et, laissé à lui-même, le glaive spirituel aussi (Hurenregiment [77b]).
Le brouillon carolingien [77c]
est "mis au propre" par les Ottoniens (XIe) au prix d'un schisme avec
la papauté (lutte du Sacerdoce et de l'Empire) et avec Byzance [77d]...Tout
cela finira par constituer une Eglise
occidentale
"catholique romaine". N'entrons pas ici dans son exposé.
Au cours
des
siècles, les progrès du "papat"
passent par —ou du moins s'accompagnent de— la captation de
l'héritage de Rome par l'Ouest qui, corrélativement, en spolie
Constantinople.
La fameuse donation de Constantin, vraisemblablement fabriquée au VIIIe siècle, est l'emblème de ce processus et en constituera longtemps un moyen : elle confère au pape de Rome le droit de se prévaloir en Occident de toutes les prérogatives impériales (y compris les bottines pourpres et le cheval blanc) [78]. Si l'idée de la chute de Rome a peut-être germé à Constantinople dans l'entourage de Justinien pour justifier la reconquête et "délivrer" le pape [79], celle de la décadence de Constantinople est née en Occident. Malgré son ostentation de splendeur, Byzance, incapable de reconquérir Jérusalem, menacée, vacillant dans ses croyances, dynastiquement instable, Byzance a failli : l'Empire que Constantin y avait transféré revient en Occident. Quoique translatio imperii soit surtout utilisé politiquement (empereurs germaniques, rois), l'idée inspire les papes impériaux du XIe siècle, comme en témoigne leur redécouverte du "droit romain", la juridisation de l'Eglise, leur prétention universaliste et, à la fin du siècle, la 1ère croisade qui introduit l'Occident en Orient. Guère plus d'un siècle après, "les Francs" prennent Constantinople (1204) que, pour la première fois de sa longue histoire, ses remparts ne protègent pas. A partir de là, les différences cristallisent en oppositions stéréotypées : bêtes sauvages de l'ouest, d'un côté, grecs efféminés de l'autre, schismatiques occidentaux, schismatiques orientaux [79b]. L'otherization réciproque recouvre rétroactivement le millénaire précédent des couleurs criardes du conflit de civilisation qui nous aveuglent toujours.
Que
l'Empire
ait failli, on l'admet aujourd'hui. Il a perdu
une grande partie de son territoire et de ses ressources. Lorsqu'il
renaît, il
a changé : la crise du VIIe et la reconstruction de
l'Orient romain sur une nouvelle base au IXe ont provincialisé
Constantinople,
ne lui laissant qu'une apparence romaine en grec (Βασιλεία
των Ῥωμαίων). Ses vérités sont devenues locales, mais émises par l'ombre
d'un Empire, elles sont posées et reçues comme universelles et donc
rejetées
puisque privées de légitimité et de signification. Le schisme se fait
avant
d'avoir été perçu.
De
l'autre côté, les papes récupèrent
l'universalisme impérial du rex sacerdos
et les plus mégalomanes ou fanatiques d'entre eux prétendent légiférer
pour le
monde entier, approuver ou improuver les nominations ecclésiastiques et
les
actes des Princes. Sur la même base et en réaction, les Princes
conçoivent,
développent et imposent (quand ils le peuvent) leur propre
universalisme. Pour
cela, tout le monde puise dans la boite à outils "romaine", juridique,
littéraire, anecdotique.
Au-delà
de ces emprunts ou recyclages que
stimulera la "Renaissance", la contribution du christianisme papal à
la survie de Rome est aussi diffuse qu'essentielle. Par lui,
indépendamment de
l'Empire, Rome, non seulement reste au centre du monde pendant des
siècles et
des siècles, mais s'élargira à des pays mythiques (Europe du Nord-Est)
ou
insoupçonnés (Amérique, Asie). Et le monde parle latin. Certes, une
autre Rome
et une autre langue, mais vivantes, comme pour exprimer le potentiel
cosmogonique de l'Urbs. Au fur et à
mesure que les papes renforcent leur contrôle sur les évêques et sur
l'Eglise,
ils deviennent législateurs, juridiction d'appel en dernière instance
(et
souvent juridiction de première instance), distributeurs de dispenses
aux
interdictions qu'ils énoncent, exacteurs fiscaux, "vendeurs de
Paradis", et puissance territoriale[79c]. La respublica
christiana a son siège à Rome. Cette continuité sans exemple
inspire à
certains papes des programmes et actions impériaux.
Si
la "Renaissance" fait
retour à l'Antiquité préchrétienne, sa nouvelle Rome
demeure familière.
Quelques érudits apprendront le Grec ou l'Hébreu, mais pour la masse de
l'intelligentsia l'Antiquité biblique n'existe
qu'en traduction latine. Elle n'est pas "native" à la différence de
la romaine. Le néo-antique renouvelle la "synthèse gréco-latine". Les
références à Rome se multiplient et deviennent la norme, en
politique, comme en art et en architecture.
Exemplaire
de cette évolution est la
ville elle-même. La première idée du christianisme avait été
d'éradiquer
l'héritage païen (temples transformés en églises, livres et statues
détruites).
Ensuite, tout naturellement, pendant des
siècles, les monuments
servent de carrières de pierres et de réserve de colonnes, tandis que
les
marbres vont au four à chaux. La dépopulation, les luttes de clans, les
conflits du pape et des nobles, les guerres, achèvent de faire de la
ville un sic transit gloria mundi offert aux pèlerins
qui vont à Rome à défaut de Jérusalem et qu'attirent massivement les
"années saintes" à partir de 1300 (Boniface VIII). La célébration de
la Rome antique est d'abord une rhétorique culturelle (Pétrarque) [80],
alimentant le
patriotisme municipal (Rienzi). Les papes, revenus d'Avignon (fin
XIVe),
entreprennent au XVe de grands travaux de reconstruction d'églises et
d'urbanisme qui, loin de marquer la fin des destructions, les
aggravent. Mais le
retour à l'Antiquité, commencé par les textes, s'étend aux vestiges.
Vers 1430,
pour la première fois [80b], quelqu'un (Poggio), sous
les piliers
brisés des temples du Capitole, contemple le
corps gigantesque décomposé et méconnaissable de la Rome ancienne (de Varietate Fortunae, Liber I, 1431). A
partir de Pie II, on recherche et collectionne les statues, on
étudie
l'architecture des vestiges et les papes construisent en néolatin. Si
Nicolas V
(1447/55) a eu l'idée, Jules II (1503/1513) l'a mise en
œuvre : Rome was to be the imperishable monument of
the Church, that is to say, of the Papacy, and was thus to rise in
splendour
before the eyes of all nations…(Gregorovius [81]).
Il ne s'agit pas de
"restaurer" comme nous le faisons, mais de renouveler. Les ruines
inspireront longtemps encore de belles pages ! En 1580/81,
Montaigne n'y
voit même pas des ruines mais le sépulcre de ces ruines : Encore craignait-il, à voir l’espace
qu’occupe ce tombeau, qu’on ne le reconnût pas tout, & que la
sépulture ne
fût elle-même pour la plupart ensevelie [82].
Le
retour à Rome et le retour de Rome se
conjuguent ainsi pour créer le mythe de l'héritage et rendre romaine
notre
"modernité". L'Eglise, par le langage, par la Ville, par l'histoire
du premier christianisme éternellement interrogée, maintient Rome dans
le
présent.
La Réformation au XVIe en est l'illustration paradoxale. Si la résurgence de la Ville et les infinis besoins financiers qu'elle entraîne pour la papauté contribuent à la révolte, celle-ci hait tellement Rome qu'elle pousse le retour à l'antique jusqu'à la Bible et le moindre paysan devient familier de Babylone. Contre l'usurpation, la prétention et la corruption papales, la Réforme se réclame de la "vraie église", celle des tous premiers siècles, dont la tradition s'est maintenue dans l'ombre, malgré la répression. La grosse paillarde persécute les vrais Chrétiens comme le faisait la Rome de Néron. Les deux, englobées dans la même haine, seront saccagées par les lansquenets luthériens de Charles Quint (1527). Elle est tombée Babylone la grande ! Ce faisant, les premiers temps du christianisme et l'Evangile constituent la référence majeure et, comme ils sont romains, la Rome défenestrée revient par cette porte.
Même en
négatif, Rome est toujours là dans le quotidien,
comme en témoigne la popularité du thème des quatre empires
(prophétie de Daniel [83]).
L'Empire romain est le quatrième et dernier empire après lequel viendra
la fin
des temps et le "règne des Saints". Mais aux derniers jours, la Bête (Apocalypse), l'homme de péché (St
Paul [84]),
l'Antéchrist —tout cela pour le pape— défiera Dieu et persécutera
ses fidèles. Dans tous les pays, chaque secte ajoute ses variations à
ce
standard.
Puisque la Bête est encore là, l'Empire romain aussi. Cela est particulièrement ressenti dans les Allemagnes où l'Empire romain-germanique (renouvelé par Charles Quint) est un élément "identitaire" de la nation allemande. Sleidan, par exemple, s'adressant aux Electeurs, Princes et autres Etats de l'Empire pour les adjurer de ne pas se faire la guerre et de s'unir pour le bien de la nation (1550 [85]), reproche aux papes d'avoir à la fois divisé l'Empire en transférant l'Occident à la nation allemande et causé la décadence de ce nouvel empire. L'empire germanique est à la fois la dernière incarnation de l'empire romain et le point de départ de la destruction de l'iniquité (imprimerie, Luther).
Les développements ultérieurs de la pensée nationale et juridique allemande produiront an alternative antiquity to the Roman past (Gillett [86]) en mettant en avant les caractères ethniques germaniques et ses formes sociales particulières que les Romains d'abord, le droit romain ensuite [87] auraient étouffées. En Allemagne et à l'extérieur [88], ce nativisme a séduit ceux qui, opposant leurs racines saxonnes aux traditions européennes (romaines et catholiques), étaient tentées par un Kulturkampf. La radicalisation et l'amplification de ce thème par les Nazis l'a discrédité et c'est avec les plus grandes précautions qu'il revient aujourd'hui sur le mode mineur de l'ethnogenèse. A l'échelle de l'Occident, cette tentative d'échapper à Rome ressemble à certaines constructions postcoloniales qui posent ou impliquent un postulat essentialiste.
L'essence
de
l'Occident est une fausse question. Son
existence est para-romaine, pseudo-romaine, crypto-romaine mais
irréductiblement romaine. Comme l'Empire a chu à Constantinople, Rome a
pu
voler Rome. Sans compétiteur, l'Occident s'est fait romain.
Certains n'aiment pas l'idée que nous "descendons" du singe. N'empêche.
Il ne nous plaît pas que notre civilisation "descende" de la Mésopotamie, aujourd'hui misérable marécage (sauf le pétrole), théâtre de luttes tribales sous des drapeaux religieux archaïques. N'empêche. A l'époque de l'Antiquité agraire, on avait là ce qui se faisait de mieux dans cette partie de l'Eurasie (avec toutes les limitations inhérentes à ce type écologique).
Je ne prétends pas avoir démontré quelque chose, mon exposé est trop lacunaire. Qu'ai je fait ?
Ecrire le "scénario" de l'attraction de Rome est facile. On peut écrire ce qu'on veut et l'Historiographie, en général, adapte le passé au présent pour les rendre compatibles, comme ces bardes balkaniques ou ces griots africains dont les récits mythiques transmis "fidélement" de génération en génération varient selon l'état des alliances et le groupe familial dirigeant. Là n'est pas la question.
Je me suis inspiré du principe forgé par Koselleck, le "droit de véto des sources" (Vetorecht der Quellen, 1985 [89]). Les sources ne prouvent pas, elles infirment. Quoique la vérité soit introuvable, on peut écarter une contre-vérité. J'ai voulu ici tester, non pas la vérité d'un scénario oriental, mais sa plausibilité.
La première objection est d'une évidence massive : l'Histoire de Rome n'a pas été écrite ainsi. Seuls quelques provocateurs sont allés dans ce sens, obtenant un succès de curiosité ou une adhésion idéologique. Pour ma part, je ne cherche pas inverser l'Histoire, seulement à la relativiser. D'où la première partie qui explique pourquoi "l'Orient" est une zone aveugle au regard "occidental". Je m'appuie sur la série de travaux "postcoloniaux" qui ont exploré cette obscurité. Cette première partie est, sinon convaincante, du moins admissible.
Nous arrivons ensuite sur un terrain moins solide qui oblige à s'affronter au "dilemme de l'Angleterre", dernière conquise, première abandonnée : les effets de la venue des légions se télescopent avec ceux de leur départ. Mon texte se garde des provocations, des piques dont les auteurs créatifs abusent souvent. J'en ai cependant voulu une : je qualifie d'inoccident la partie Nord-Ouest de l'Empire qui deviendra l'Occident. Je le fais pour déjouer la projection rétrospective de la géographie politique d'aujourd'hui.
Après
avoir
passé la première barrière, mon entreprise rencontre
un obstacle considérable. En écartant l'Italie qui demanderait une
étude spéciale — romanité
irrémédiablement liée au grand tour
et au tourisme d'un côté, aux mouvements "municipaux" et au
nationalisme de l'autre—, il semble que, à travers le monde
ouest-eurasiatique,
l'intensité locale de la mémoire de Rome soit inversement
proportionnelle au degré
de centralité. Ce que j'appelle le "cœur égéen" de l'Empire est
abondamment pourvu de traces archéologiques (qui nous étonnent, nous
pour qui
c'est une marge exotique) mais elles sont mortes. En Syrie-Palestine,
en
Egypte-Lybie, dans la région pontique, la langue et la mémoire de Rome
ont été oblitérées
par la submersion arabe puis turque et la nouvelle synthèse qu'elle a
engendrée. Au contraire, la périphérie (France, Allemagne...) a
continué à
parler "latin", la romanité est restée à l'ordre du jour, a été
restaurée au XVIe siècle, a inspiré les artistes et a produit
l'Histoire de
Rome. On pourrait formuler ainsi le paradoxe : moins on était
romain, plus
on est romain ; et inversement.
Voilà la seconde objection. Pour que ma thèse "orientale" reste admissible, il faut rendre compte de cette inversion.
Grâce au débat postcolonial sur la romanisation, il n'est pas difficile (deuxième partie) de faire de la postromanité une subromanité. Il n'y a pas eu "civilisation" et "décivilisation" mais interaction permanente, plus ou moins chaotique. Cette synthèse frontalière entre les élites romano-indigènes et les nouvelles élites est assez bien argumentée. Mais, à ce point, nous obtenons une "romanité" résiduelle qui n'est que le début de la réponse car la plausibilité de mon scénario réclame une "romanité" positive (ou pseudo-romanité, peu importe). Comme dans une pièce de théâtre embrouillée, la logique interne ne suffit pas à amener le dénouement !
C'est pourquoi j'ai intitulé ironiquement la troisième partie Deus ex machina. Dieu nous sort d'affaire mais nous jette sur des chemins inconfortables, mille fois piétinés et toujours mal connus. L'Histoire ecclésiastique et l'Histoire humaine sont des sports aussi différents que le hockey sur glace et le ping-pong. Mais sans espérer devenir un champion, on peut apprendre l'un ou l'autre alors que mettre Dieu dans l'Histoire, c'est comme tirer sur le chat de Schrödinger: on ignore le résultat. Nous savons que la prémodernité européenne est intrinsèquement religieuse mais, croyants ou non, nous n'en saisissons pas la signification contemporaine. Il ne s'agit pas seulement de l'anachronisme habituel, il s'agit des "mentalités" que, même aidés par les analogies anthropologiques, nous ne pouvons décrypter que conjecturalement.
Ma troisième partie montre le rôle du christianisme dans l'appropriation occidentale de la romanité. Le schéma que je formule est aussi neutre que possible. L'Empire, en refluant vers son centre, laisse à Rome un patriarche naufragé qui, à la façon de Robinson Crusoé, survit en récupérant ce qu'il peut de la cargaison et en s'alliant aux bons sauvages (i.e. chrétiens). De manière plus diffuse, le christianisme et la célébration de ses premiers siècles héroïques (saints, reliques) encapsule l'Empire et le maintient dans la quotidienneté, même dans des pays qui n'avaient jamais rencontré Rome. Plus tard, la Renaissance et l'impérialisme papal produisent une néo-romanité. L'inoccident se constitue en Occident en devenant romain-occidental, ce qui résulte de deux processus, l'un endogène, l'autre exogène. L'appropriation-usurpation n'aurait pas si bien réussi (ou pas réussi du tout) si les héritiers "légitimes" n'avaient pas fait défaut : l'Orient conquis perd sa mémoire romaine et, à la fin, quand, Constantinople tombée, Moscou se prétend troisième Rome, la place est déjà prise.
Mon paradoxe "anti-génétique" —moins on était romain, plus on est romain— a pour solution le christianisme. La fameuse pierre sur laquelle est fondée le christianisme papal (Pierre, tu es pierre...) conserve le fossile de la romanité ! L'explication se trouve donc dans le processus par lequel les christianismes d'inoccident sont absorbés par le christianisme papal qui devient dans cette partie du monde "le" christianisme .Et l'Occident devient romain. Et l'Histoire de Rome, occidentale.
Notes[1] Bernsen Michael, 2015, "Ex oriente lux ? La contribution de l’Orient à la quête identitaire de l’Occident au Moyen Âge et à l’époque moderne", Babel, n°32, Histoire culturelle des points cardinaux : À ce topos de l’« ex oriente lux » s’ajoute celui de l’« ex oriente furor », aussi difficiles l’un et l’autre à définir sur le plan spatial [2]
Cf.
Bisaha Nancy, 2006, Creating East and
West: Renaissance Humanists and the Ottoman Turks, University of
Pennsylvania Press. Après des siècles d'admiration craintive des Turcs,
les
"Renaissants", se sentant menacés par une puissance et une
civilisation supérieure (Constantinople, Vienne), dénient l'une et
l'autre en
faisant des Turcs des "barbares" qu'ils chargent de toutes les
vilénies et en se proclamant supérieurs à eux et, par une extension
automatique, supérieurs à tous. L'a remarque avec pertinence que Colomb
n'est
pas devenu "chauvin" en découvrant les sauvages : il avait
emporté avec lui le concept de "sauvagerie" et l'applique tout
naturellement. L'a souligne l'amusant paradoxe d'une
société occidentale religieuse qui s'identifie à l'héritage païen pour
disqualifier l'obscurantisme religieux islamique. Contre Saïd, elle soutient que la conscience d'une supériorité ontologique n'est pas générée par la supériorité de puissance mais, au contraire par l'infériorité. Cela me fait penser aux Athéniens du Ve siècle BC qui, rencontrant une puissance et civilisation supérieures, les dénient en faisant des Perses des "barbares" (cf. Hall etc). [3] La surestimation de la rupture provoquée à l'Occident par les "invasions barbares" résulte en partie d'un centrage abusif sur la Méditerranée (occidentale). Cf. Humphries Mark, 2009, "The Shapes and Shaping of the Late Antique World: Global and Local Perspectives", In: Rousseau, Jutta, 2009: p 105 The emphasis on barbarian invasions of the empire in both traditional and recent interpretations of Late Antiquity reflects the preeminence of a scheme of historical analysis that places the Mediterranean heartland of the Roman Empire at the center of things… If, however, we attempt to comprehend the barbarian invasions not only from the perspective of the invaded, but alsofrom that of the invaders, it is important to attempt to see the Roman Empire as part of an interlocking system of regions encompassing Eurasia (and parts of Africa) as well as the Mediterranean…108 Such /romano-persian/ interactions show that the Mediterranean world of Late Antiquity was part of a larger cultural and economic zone…These last examples provide a striking indication of how adoption of a different geographical perspective can shed new light on the accepted grand narrative of late antique history. All too often, the focus of discussions of the late antique world is the Mediterranean…ones. There are already signs that scholars are beginning to break free of the tyranny of ‘‘Mediterraneanism’’ /Fowden 1993, Cunliffe 2001, Little 2004 */. * Fowden Garth (1993), Empire to Commonwealth: Consequences of Monotheism in Late Antiquity, Princeton, NJ, Princeton University Press ; Cunliffe Barry (2001), Facing the Ocean: The Atlantic and Its Peoples, Oxford and New York, Oxford University Press ; Little, L. K. (2004), ‘‘Cypress Beams, Kufic Script, and Cut Stone: Rebuilding the Master Narrative of European History,’’ Speculum 79: 909–28. [4] Note de Gibbon sur son exemplaire de Decline & Fall (Gibbon, T1, ed. Burey, Methuen, 1897, p xxxvi) : The distinction of North and South is real and intelligible; and our pursuit is terminated on either side by the poles of the Earth. But the difference of East and West is arbitrary and shifts round the globe. Bowersock* montre que si Gibbon a raison pour nous, il a tort pour l'Antiquité. Nous définissons Nord et du Sud absolus par les poles dont l'Antiquité ignorait l'existence. Elle avait donc une définition relative par le climat. Par contre la délimitation Est/Ouest, pour nous relative, est absolue pour l'Antiquité : les limites du monde, de la côte occidentale de l'Espagne au Gange. L'a ajoute que la circulation Nord/Sud est difficile parce qu'elle se fait par terre et se heurte aux forêts et montagnes, tandis que le transit Est/Ouest se fait par eau : Méditerranée et Océan indien :...170 In general the east-west orientation of the oikoumene seems clearly determined by the possibility of travel across the wide expanse of sea..North-south communications were clearly not determined by sea travel in the same way as east-west communications... 171 For the
ancients the northern and southern extremities normally had no fixed
and
familiar boundaries that were comparable to the west coast of Spain or
the
Ganges, or even Britain and the Arabo-Persian Gulf. The far north and
far south
were regions of legend and wonder, the homeland of savages..In
antiquity the
situation that Gibbon concisely described was exactly reversed. It was
not the
distinction between North and South that was real and intelligible, but
the
distinction between East and West..Cadiz and the Ganges were the
equivalent of
Gibbon's two earthly Pole... *Bowersock G. W., 2005, "The East-West Orientation of Mediterranean Studies and the Meaning of North and South in Antiquity", In: Harris William V. (ed.), Rethinking the Mediterranean, OUP [5]
Ferguson
Niall, 2012, Civilization: The West
and the rest.
Penguin, 2012. [6]
Pour
mesurer la performance relative de la Chine et de l'Ouest depuis la fin
de la
période glaciaire, le social development
index de Morris (2010, Why the West
Rules—For Now) inclut le Proche-Orient dans l'Ouest. Si
l'analyse de Morris est intéressante et stimulante, son cadre spatial
est flou. Pensant à l'Asie (et à la Chine en particulier), Morris voit
un "Est" stable depuis des millénaires, tandis que l'"ouest" (the rest) devient avec le temps de
plus en plus occidental. [7] Cf. Beaujard Philippe, 2010, "From Three Possible Iron Age World-Systems to a Single Afro-Eurasian World-System", Journal of World History, University of Hawaii Press, 21 (1), pp.1-43. J'emprunte à l'auteur le survol ci-dessous dont je lui laise la responsabilité. p 1 For the late Bronze Age /1600–1200 BC/, one can acknowledge the existence of a multicentered Western worldsystem encompassing the Mediterranean basin, Egypt, and western Asia.. this system collapsed around 1200 BC.,.. A long period of unrest then started.. to the early first millennium B….2 After this period, ancient and new cores rose again… p 8 The Assyrian kingdom expanded in the ninth century, when it took control of Anatolian metal resources. A Mediterranean space was reshaped, spreading from the western Mediterranean to the Black Sea in the eighth century. The Phoenician—and especially Tyrian—expansion had started before, as early as the tenth century. A significant phenomenon, the culture of the Garamantes (Libya), combining irrigated farming and longdistance trade, started to emerge in 900 BC., as an interface between the Mediterranean and Inner Africa (Pelling 2005 )…In East Asia, the Zhou’s loosely centralized state can be viewed as the core of a world-system in which diverse influences mixed, coming from the steppes, Sichuan, and regions south of the Yangze. The introduction of iron technology, probably originating from Ferghana…p 9 In North India, a sphere of interaction centered on the Ganges Valley took place, as a prelude to the birth of a new world-system… (750–350/300 BC.) p 10 …a phase of growth and integration of the Western world-system..became perceptible only in the second part of the eighth century. It was marked by a new rise of the Assyrian empire .., by Phoenician and Greek expansions in the Mediterranean and the Black Sea, and by the constitution of the Saba kingdom in Yemen… Assyria contributed to the expansion of the Phoenician networks from 800 BC onward in the West, where capital accumulation in towns such as Carthage and Gadir escaped from Assyrian control…Iberian silver partly financed the expansion of that network, and firstly that of Tyre and Assyria…p 12 The capture of Egypt by the Assyrians in 671 and then in 664 ..symbolizes the volition of the Assyrians to control both space and men between the Indian Ocean and the Mediterranean 13 Starting in 700 BC, we see the parallel developments of no longer two but three world-systems with increasing interconnections in the following centuries…Exchanges accelerated throughout Eurasia in the sixth century b.c., a period of generalized economic development and urbanization marked by the increasing power of Persia, China, and India, and the rise of Carthage and the Greek cities in the Mediterranean… [8] J'emploie des guillemets quand j'utilise une dénomination convenue mais anachronique et sans signification dans le temps concerné. [9] Millar Fergus, 1998, "Looking East from the Classical World: Colonialism, Culture, and Trade from Alexander the Great to Shapur I", The International History Review, Vol. 20, No. 3 (Sep., 1998), pp. 507-531 : p 508 The culture of Archaic Greece, from the eighth to the sixth centuries and contemporary with the Neo-Assyrian, Babylonian, and Achaemenid Persian empires, emerged in the shadow of the major Near Eastern cultures of Anatolia, Phoenicia, Egypt, and Babylonia… p 509 The 'Classical' period of Greek history, following the successful Greek resistance to the invasions by Darius and Xerxes in the Persian Wars, was shaped by political and military relations with the Achaemenid empire. For much of the sixth, fifth, and fourth centuries, the Persians ruled the western shores of the Aegean, where a large number of Greek cities were located, and Persian control extended round the eastern shores of the Mediterranean as far as Egypt and much of present-day Libya, where there had also been extensive Greek settlement… [10] Si on prend de la hauteur en négligeant Athènes, une piste —quelque peu aventureuse— est suggérée (mais non dessinée) par la new approach : les guerres médiques pourraient être une espèce de sécession de la marge occidentale de la civilisation moyen-orientale (d'où l'exagération des affirmations "identitaires"). Stolper* commentant Briant : c’est la conquête perse de l'Asie Mineure qui fait basculer le centre du pouvoir du monde hellénique vers la Grèce continentale ; c'est la présence achéménide qui conditionne les conflits des cités grecques aussi bien que la philosophie politique qui développe. Ce sont enfin partir de 480 av J.-C. les guerres médiques qui dans un moment d'auto-définition de l’écriture de l’histoire grecque et ensuite européenne occasionnent la naissance d’une tradition occidentale qui, se détachant des courants élaborés au Proche-Orient, prend pleinement conscience elle-même. * Stolper Matthew W, 1999, "Une « vision dure » de l'histoire achéménide (note critique) [A propos de l'ouvrage de Pierre Briant. Histoire de l'empire perse]", In: Annales. Histoire, Sciences Sociales, N° 5, pp. 1109-1126. Sherwin-White Susan, Kuhrt Amelie, 1993, From Samarkhand to Sardis — a new approach to the Seleucid Empire, University of California Press, commence ainsi : p 1 The old image of Alexander the Great and the Greeks resuscitating a moribund and bankrupt 'oriental' despotic state by introducing new forms of economic and social life /../ can now be seen to be untenable. All of these apparent Greek innovations had existed in the Achaemenid empire and, in some cases, had been part of middle eastern life for millennia... les Achéménides s'étant coulés dans la tradition babylonienne et assyrienne. Elles poursuivent : p 4 city-life was not a new concept in the middle east, but the classic form in which political life was articulated in many regions (Central Asia, Iran, Mesopotamia, the Levant... [11] The Persians lost their wars in Greece, in part, because the triumphant Greeks wrote the histories and other texts that survive (Balcer Jack Martin, 1989, "The Persian Wars against Greece: A Reassessment"). [12] Briant Pierre, 2000, Leçon Inaugurale, Collège de France, Chaire d’histoire et Civilisation du Monde Achéménide et de l’empire d’Alexandre : à l’intérieur de l’espace-temps qui fut celui de Darius et celui d’Alexandre, l’histoire achéménide n’est pas la seule à avoir été touchée par une forme de révolution historiographique au cours des vingt-cinq ans qui viennent de s’écouler. Il en est ainsi également de l’histoire macédonienne../qui rencontre/ une autre question, fondamentale mais encore insuffisamment explorée : la mise en évidence des échanges qui se sont effectués entre la Macédoine et l’Asie Mineure sous domination achéménide et, partant, l’évaluation raisonnée des influences achéménides qui ont pu s’exercer sur la Macédoine avant même l’expédition d’Alexandre. Par là, on revient sous forme cyclique à une question dont l’enjeu n’est pas moindre, celle des connaissances qu’Alexandre pouvait avoir de l’empire achéménide en 334… [13] L'excellent article de Balcer, 1989,* montre que si l'expédition en Grèce est un aspect (mineur) de l'expansionnisme perse d'après 520BC, elle tombe dans un piège logistique : time and supplies became the critical factors that led to the Persian failures and defeat in Greece. Les contraintes d’approvisionnement empêchent les Perses de jouer les forces centriguges toujours à l'œuvre parmi les "Grecs". Cette pression les oblige à attaquer trop tôt, avant que les Grecs, difficilement coalisés, se désunissent : At Salamis and at Plataia, if the Persians could have waited perhaps two tofour weeks before engaging the Greek forces, the small united Greek defenses would have crumbled, as parochial and often antagonistic Greek states would have withdrawn p 128. * Balcer Jack Martin, 1989, "The Persian Wars against Greece: A Reassessment", Historia: Zeitschrift für Alte Geschichte, Bd. 38, H. 2 (2nd Qtr., 1989), pp. 127-143, Franz Steiner Verlag. L'a cite à l'appui de sa thèse : Olmstead (Albert T. Olmstead, "Persia and the Greek Frontier Problem," CP (1939), 305-22.); Charles Hignett, "Xerxes' Invasion of Greece" (Oxford 1963); Peter Green, "Xerxes at Salamis" (New York 1970). [14]
Complétant Hall, Kim 2013* montre que ce sont les cités Ioniennes qui,
pour
s'affirmer et se différencier cristallise la xénophobie banale en
figure de
barbare (Perses et cités soumises). Il note que si Eschyle est équipé
d'un
concept complet du "barbare" pour les
Perses, c'est qu'il préexistait : p 32 this pan-Ionianism in fact provided the
rhetorical and ideological precedent for the ‘othering’ of the
barbarian that
was later inherited, rather than invented, by the Athenians.
Pan-Ionianism was
itself the product of the eastern Greeks’ encounter with the Persians. * Kim
Hyun Jin, 2013, "The Invention of the ‘Barbarian’ in Late
Sixth-Century BC Ionia", In: Almagor Eran, Skinner Joseph, Ancient Ethnography: New Approaches,
Bloomsbury Publishing. [15] Hegel, dans ses leçons à l'Université de Berlin (1822, 1828, 1830) plus tard éditées sous le nom de "philosophie de l'histoire" (The Philosophy of History, by G W F Hegel, With Prefaces by Charles Hegel and the Translator, J. Sibree, M.A., published by Batoche Books, Canada, first published 1900) : the case before us, the interest of the World’s History hung trembling in the balance. Oriental despotism – a world united under one lord and sovereign – on the one side, and separate states – insignificant in extent and resources, but animated by free individuality – on the other side, stood front to front in array of battle. Never in History has the superiority of spiritual power over material bulk – and that of no contemptible amount – been made so gloriously manifest (Philosophy of History, 2.2.3 : Part II: The Greek World, Section II: Phases of Individuality Aesthetically Conditioned, CH3 The Political Work of Art, § The Wars with the Persians). John Stuart Mill, 1859, Discussions and dissertations, vol. II, Early Grecian History and Legend : p 283sq...the battle of Marathon, even as an event in English history, is more important than the battle of Hastings...if the issue of that day had been different, the Britons and the Saxons might still have been wandering in the woods. [16] Holland Tom, 2007, Persian Fire — The First World Empire and the Battle for the West, Anchor Books, NY. Quoique le contenu soit meilleur que l'emballage, celui-ci est honteusement racoleur. Un exemple : Not only would the West have lost its first struggle for independence and survival, but it is unlikely, had the Greeks succumbed to Xerxes’ invasion, that there would ever have been such an entity as “the West” at all p xix. [17]
Briant, dans sa leçon inaugurale au Collège de France*, s'amuse : Votre décision, mes chers Collègues,...vient,
en quelque sorte, réduire définitivement à néant le singulier paradoxe
historiographique, au terme duquel le premier empire-monde de
l’Antiquité,
l’empire achéménide, fut longtemps relégué à un rôle de faire-valoir,
dans
l’ombre étouffante de l’‘Orient millénaire’ et de la ‘Grèce éternelle’,
jusqu’au moment où la fulgurante aventure d’un jeune prince macédonien
vint le
frapper d’une lumière si crue qu’elle contribua plus encore à
l’aveuglement
durable de nombre d’observateurs parmi les plus distingués… Et poursuit : /Droysen/ fait paraître en 1833 la première édition de son Alexandre le Grand, qui, révisée, fut incluse en 1836 et 1843 dans une Histoire de l’Hellénisme, elle-même rééditée en 1877-1878. Sous le terme Hellenismus – cette « époque moderne de l’Antiquité », écrivait-il – il entend le nouveau monde créé par la conquête d’Alexandre et surtout par le processus culturel qui, selon lui, a permis une fusion entre l’Orient et l’Occident.. Droysen jugeait que l’histoire perse marquait la fin et la culmination du ‘monde oriental’. Organisé autour d’un roi qualifié, sans surprise, de ‘despote asiatique’, l’empire achéménide était une proie nécessaire promise à Alexandre et à l’Aufklärung hellénique.. "On voit comment, par ce moyen, la vie économique des peuples, dont la domination perse avait sucé les forces comme un vampire, dut se relever et prospérer"..La thèse eut un immense succès..Sous une forme scolaire, la thématique d’inspiration droysénienne est mise en place dans l’Abrégé d’Histoire grecque de Victor Duruy dès 1858 : association des vaincus au vainqueur, développement du commerce, des routes et des ports, développement de l’économie monétaire, fondations de villes, diffusion de la civilisation grecque, naissance d’une civilisation nouvelle. En outre, il est tout à fait clair qu’à partir des années 1890 environ/../ tous ces thèmes sont systématiquement instrumentalisés pour intégrer Alexandre dans l’idéologie coloniale en voie de constitution, comme l’est, de manière plus insistante encore en France, l’histoire de la conquête romaine. * Briant Pierre, 2000, Leçon Inaugurale, Collège de France, Chaire d’histoire et Civilisation du Monde Achéménide et de l’empire d’Alexandre [18] Camous Thierry, 2007, Orients/Occidents, vingt-cinq siècles de guerres, Presses Universitaires de France. McCaskie T. C. , 2012, " 'As on a Darkling Plain': Practitioners, Publics, Propagandists, and Ancient Historiography", Comparative Studies in Society and History, Vol.54,n°1, january, p 145-173 : p 167 In the Western world. popular historical retellings of the Greco-Persian conflict pour off the presses with thudding regularity /Persian Fire etc/..The appetite fed by such books is for history as fable. In the present political climate they are reassuring parables of an alien Eastern threat defeated…169 The matter at issue is that the recent resurgence of thinking in Orientalist terms about "the West and the rest" /resteners/ has gained considerable traction among politicians and militaries as well as intellectuals and publics. We have come full circle. Modem Iranians seem here to occupy the place once occupied by their Achaemenid forebears. [19] Herodote : §IV …s’il y a de l'injustice disent les Perses, à enlever des femmes, il y a de la folie à se venger d'un rapt, et de la sagesse à ne s'en pas mettre en peine, puisqu'il est évident que, sans leur consentement, on ne les eût pas enlevées. Les Perses assurent que, quoiqu'ils soient Asiatiques, ils n'ont tenu aucun compte des femmes enlevées dans cette partie du monde; tandis que les Grecs, pour une femme de Lacédémone, équipèrent une flotte nombreuse, passèrent en Asie, et renversèrent le royaume de Priam. Depuis cette époque, les Perses ont toujours regardé les Grecs comme leurs ennemis : car ils estiment que l'Asie leur appartient ainsi que les nations barbares qui l'habitent, tandis qu’ils considèrent l’Europe et la Grèce comme un continent à part. §V. Telle est la manière dont les Perses rapportent ces événements, et c'est à la prise d’Ilion qu'ils attribuent la cause de la haine qu'ils portent aux Grecs…Pour moi, je ne prétends point décider si les choses se sont passées de cette manière ou d'une autre. Hall* souligne que le
monde des
héros homériques est homogène et les Troyens ne sont pas
« autres »
quoiqu’en aient dit les gloses ultérieures : p 40 The
epic poems have been a happy
hunting-ground for those who wish to establish disparities in the
portrayal of
Greek and non-Greek culture. Troy has been thought to embody an archaic
Greek
impression of ancient Anatolian civilizations. But most of the examples
do not
stand up to examination. * Hall
Edith,
1989, Inventing the Barbarian —Greek
Self-Definition through Tragedy, Oxford University Press [20] Hall : p 1../this book/ argues that Greek writing about barbarians is usually an exercise in self-definition, for the barbarian is often portrayed as the opposite of the ideal Greek..2 The notions of Panhellenism and its corollary, all non-Greeks as a collective genus, were however more particularly elements of the Athenian ideology 16 The opposite of barbarian despotism is not a vague model of the generalized Greek city-state, but quite specifically democracy, and rhetoric in praise of democracy was an Athenian invention…After the Peisistratids had been deposed, being against the democracy was equivalent to being in collusion with Persia.. 51 The non-Greeks of archaic literature did not perform the central function of the barbarians in the fifth century and beyond, that of anti-Greeks against whom Hellenic culture and character were defined. But this does not mean that the myths of the early period were not concerned with most of the oppositions later assimilated to the cardinal antagonism of Greek versus barbarian—civilization against primitivism, order against chaos, observance of law and taboo against transgression..in archaic Greek thought the abstractions later to be conceptualized as ethnically other, as Not Greek, are embodied in the monstrous or supernatural, the Not Human…53 the new Panhellenic ideology of the fifth century assimilates the historical enemies of Greece to these mythical archetypes. Battles against the Persians are now represented as reiterations of the gods’ and heroes’ wars on the Titans, Giants, Amazons, and Centaurs. Lawlessness, incest, cannibalism, and other deviations from the socially authorized way of life…68 ..The old and familiar mythical conflict was adapted for patriotic ends, thus contributing to the ease with which the new ethnocentric ideology was assimilated. The story of the Trojan war could now be interpreted as a precursor of recent history, a previous defeat of Asia by Hellas…102 The bridge between the ‘historical’ and the ‘mythical’ barbarian was the parallel drawn between the Persian and Trojan wars…Later in the century the Parthenon reliefs were to portray scenes from the Trojan war alongside the struggles with Giants, Amazons, and Centaurs; Trojans were now orientalized, and assumed defeated postures..In tragedy the story of Troy was to be radically reinterpreted... [21] Cartledge Paul, 1990, "Herodotus and "the Other": a Meditation on Empire", Classical Association of Canada, Echos du Monde Classique/Classical Views, XXXIV, n°1, pp 27-40 [22] Kim 2013, étudiant la genèse de l'otherizing rejette le lieu commun linguistique (ceux qui parlent de manière incompréhensible). Il met l'accent sur la dimension fiscale. Si l'étymologie qu'il propose est contestée, le raisonnement tient : 34 why was it that for this blanket reference to foreigners the obscure, non-Greek derived word barbaros was employed instead of alloglossoi?..the word bara from bar (Old Persian, ‘to carry’), which is etymologically linked to the Old Indian Sanskrit term bhara, could also mean tax../so/ the Classical Greek word barbaros perhaps did not mean solely speakers of an alien tongue, but those who were subject to the Persians and had become taxpayers to the Persian throne…35 /this hypothesis/ also explains how the Greeks were able to categorize people as different from one another, as the Egyptians and the Indians as a single entity. They were all taxpayers/subjects, that is, in Greek ideology, slaves. [23] Briant Pierre, 1989, "Histoire et idéologie. Les Grecs et la “décadence perse” ", In: Mélanges Pierre Lévêque, Tome 2 : Anthropologie et société, Besançon : Université de Franche-Comté, 1989. pp. 33-47. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 377) Au Livre III des Lois consacré à l'évolution des sociétés politiques, Platon réserve un développement relativement long (III, 693 c-698 a) à la société perse. De même qu'Athènes est le prototype de la démocratie, la Perse l'est de l'autocratie.. /dégénérescence de la liberté après Cyrus par l’amollissement de l’éducation des fils de rois/..Xénophon, comme Platon, met l'accent sur l'abandon des pratiques éducatives traditionnelles, non seulement chez les rois mais chez tous les Perses… Les discours de
Platon et de Xénophon ont pour sujet réel moins la Perse que Sparte et
Athènes.
Les auteurs grecs n'utilisent le réfèrent perse que pour autant qu'il
leur
permet de développer une argumentation interne à la cité…Mais, si de
tels
discours ont pu être tenus, c'est aussi que les conceptions culturelles
qui les
sous-tendent ou qu'ils expriment sans fards étaient très largement
répandues et
partagées dans l'opinion grecque. Parmi les explications les plus
fréquemment
avancées de la décadence perse, vient le luxe (tryphè ) dans lequel ils
vivent..La croyance dans le pouvoir dissolvant de la richesse se
retrouve chez
beaucoup d'auteurs grecs confrontés à l'opulence des cours orientales… En réalité, ce
qui dominait plutôt en Grèce, c'était une intense fascination pour les
immenses
richesses et donc pour la tryphè du Grand Roi, ainsi qu'une crainte
bien ancrée
de ses armées et de ses flottes. Certes, la thèse du dépérissement des
cours orientales
gâtées par le luxe et les femmes constituait une commode 'philosophie
de
l'histoire' pour des Grecs qui se savaient incapables de conquérir par
eux-mêmes cet immense Empire : mais, elle ne peut plus leurrer
l'historien qui
a appris à lire entre les lignes des témoins grecs, et à décrypter
leurs écrits [24] Toutes les sociétés organisées ont vu des "barbares" à leurs portes et plusieurs ont eu des Herodote pour fixer le stéréotype (Cf. la tradition relative aux Xiongnu, in Sima Qian*, vol 110). Les portraits diffèrent mais ont en commun une description antinomique du "barbare". Seuls les Grecs insisteront sur le critère linguistique (d'où des étymologies bien inutiles). Cela s'explique par le fait que, précisément, "les Grecs" ne constituent pas une "société organisée", mais une multitude de sociétés civiques qui n'ont ni territoire commun ni organisation commune. Mutatis mutandis, cela ressemble à l'Allemagne westphalienne avec ses centaines d'Etats. Affirmer l'Allemagne (resp. l'Hellénité) ne peut se faire qu'en passant par la langue qui, toutefois, n'existe pas, chaque entité s'identifiant par son dialecte. Hall : p 177 They were sensitive to the differences between the dialects of Greek: the Athenians, predictably, imagined that their own Attic was the envy of the Hellenic world (Thuc. 7. 63), ...This is why the army encircling Thebes in Septem is described as ‘heterophone’ (heterophonos, 170): it speaks Greek, but another dialect..179 The word barbaros originally referred solely to language, and simply meant ‘unintelligible’..Thus even a Greek dialect was occasionally described as ‘barbarian’ if it were thought sufficiently incomprehensible. * et pour une discussion
du point
de vue de Sima Qian lui-même : Chin Tamara T., 2010,
« Defamiliarizing the Foreigner Sima Qian’s Ethnography and
Han-Xiongnu Marriage Diplomacy », In: Harvard Journal of Asiatic Studies,
Volume 70, Number 2, December, pp. 311-354. L'a expose que la position
personnelle de SQ le conduit dans les commentaires finaux qu'il associe
aux auteurs compilés à defamiliarizing
the ethnographer et à
inverser le regard (self-reflexivity)
en interrogeant les coutumes chinoises. Ce n'était pas le cas des
historiographes antérieurs dont l'ethnographie se résume à a litany of lacks : The phobic anthropological rhetoric of the
appraisals from the Hanshu and Hou Hanshu draws from traditional norms
of representing foreigners in classical Chinese philosophy, poetry, and
historiography (p 318) quoique, remarque l'a, les mêmes traitent
les femmes de manière neutre: There
were important exceptions to these norms: these same texts cast foreign
women as a familiar species who, as silent objects of exchange or as
harbingers of moral and political decline, resembled their Central
States /chinese/ counterparts
(319).
Kim 2013 : si tous ceux qui
payent
tribut sont
identiquement "barbares", dans l'autre sens, les Perses
voient tous
les "Grecs" égéens de
manière indifférenciée : 33 In
Persian imperial inscriptions and iconography all Greeks are called
collectively Yawan or Yauna..the Greeks, who constituted the
westernmost
subjects of the Great King, were to Persians hardly distinguishable
from other western
peoples..All these peoples including the Greeks are shown wearing
basically the
same clothing and, physically speaking, there is nothing to mark them
out as
being different from one another. Les Ioniens font preuve de la
même
indifférenciation ethnique. [25] Kim, 2013 : p 27 it becomes clear that the Greeks in the Archaic Period perceived themselves as forming /28/ a part of the larger civilized world of the Eastern Mediterranean, rather than as a specific entity set apart from the rest of the world. This representation also concurs with the actual, historical reality of the time, when the Aegean constituted merely a peripheral sector of the greater Eastern Mediterranean world, a recipient of Near Eastern and Egyptian influence, not the exporter of civilization that it would claim to be in the late Classical and Hellenistic periods. This Archaic Greek admiration for the ‘foreign’ Near East was also accompanied by the substantial presence of real foreigners within Greek cities, especially in the eastern Greek (Ionian, Aeolian) cities of Asia Minor which gave birth to the Homeric epic tradition. [26] Hall : p 179 Their speech was parodied..The question is whether this Macedonian speech was actually a non-Greek language, or a hybrid patois, Doric or Aeolic Greek overlaid with Thracian and Illyrian vocabulary...There had already long been controversy over the Macedonian royal family’s claim to Hellenicity when Herodotus wrote his Histories, and the earlier genealogists reflected the Macedonians’ ambiguous ethnic status when they kept their eponymous ancestor Macedon out of the mainstream Hellenic stemmata. He was made only the son of a sister of Hellen (Hes. fr. 7), ‘a declaration that the Macedonians…are not Hellenes, nor quite on a level with Hellenes, but akin to them’...p 180 and the debate assumed greater significance and acerbity during the fourth century [27]
N'est-ce pas plutôt le contraire ? Certes, les conquêtes
impliquent des
Grecs des deux côtés (soldats de la Ligue de Corinthe dans l'amée
d'Alexandre,
généraux et mercenaires dans l'armée perse) mais l'hybridité
macédonienne
n'est-elle pas le ressort de la conquête et des nouveaux
royaumes ? La nouvelle approche de l'Histoire
perse a
fait ressortir la continuité de l'empire, des Achéménides aux
Séleucides (Not the Seleukids, it was argued, had a
western bias, but the sources..Pierre Briant, Susan Sherwin-White and
Amélie
Kuhrt emphasized the non-Greek nature of the Seleukid Empire,
Strootman
Rolf, 2012, "A Western Empire in the East?: The Historiography of the
Seleukid Empire and the Cultural Boundaries of Europe", discussion
paper). [28]
Dupont Florence, 2002, "Rome ou l'altérité
incluse",
Collège international de philosophie, Rue Descartes, 2002/3 (n° 37), p.
41-54,
repris en introduction au numéro de METIS
- Anthropologie des mondes grecs anciens, N.S.3 - 2005 Dossier : Et
si les
Romains avaient inventé la Grèce. [29] Ball Warwick, 2000, Rome in the East — The transformation of an empire, 2nd ed, 2016. L'a va trop loin, ce qui permet aux critiques d'écarter sa thèse centrale. L'a surestime l'homogénité de la "civilisation proche-orientale" (Ancient Near Eastern civilisation was a very homogeneous one…) et symétriquement celle de l'Empire romain. Pour lui, l'orientalisation de l'Empire se diffuse dans tout son espace et donne ses caractéristiques à l'Europe: This 'oriental revolution' is one of the central facts of European history: it laid the foundations for the ensuing development of a 'European' culture and 'European' identity. The entire book can be viewed as the background to this central fact. Dans un Moyen-Orient dont la
haute
civilisation voit
les empires fluer et refluer depuis des millénaires, les frustes
Romains ne
font que passer et disparaissent overnight après la
conquête arabe (today Roman
influence is more evident in, say, Australia than it is in, say, Jordan)
tandis que les
Barbares occidentaux héritent de la tradition. Comme dans Out
of Arabia (2009), l'a exagère à plaisir un stimulant
renversement de perspective, agrémenté de belles formules iconoclastes
qui,
toutefois, lassent un peu à la longue, laissant le lecteur entre une
démonstration
et une affirmation, entre une étude et un essai. Plus encore que ce ne
fut
reproché aux new achaemenids (cf
Will *), Ball procède à un retour involontaire à l'orientalisme
tout à
fait objectable : un "far east" indéfini et millénaire. *Will Édouard,
1994,
"Notes de
lecture", In: Topoi, volume 4/2,
pp 433-447 : la "new approach" est une histoire à l'envers,
illusionnée par la propagande séleucide et oublieuse du côté occidental
de
l'empire. L'épigraphiste Maurice Sartre**
est
ulcéré : ..tenir compte des traditions
locales,
considérer le Proche-Orient pour lui-même et non comme une simple
extension
lointaine de Rome, ce qu'il n'est pas le premier ni à dire ni à écrire
contrairement à ce qu'il semble croire..Mais on ne saurait trop mettre
en garde
les non-spécialistes ou les jeunes chercheurs contre les approximations
incessantes, les connaissances vieillies, les affirmations hasardeuses.. **Sartre Maurice,
2002,
"Warwick
BALL, Rome in the East. The Transformation of an Empire..", In: L'antiquité classique, Tome 71, pp.
514-516). Fergus Millar***,
plus
compréhensif à
l'égard de l'objectif (Speculation
is essential, and serves the further function of causing readers to
reexamine
their presumption) est aussi critique à l'égard des moyens de la
démonstration. Il souligne les approximations et insuffisances et le
caractère
aventureux de nombreuses assertions...En fait, une fois révérence faite
aux
études d'architecture comparée, Millar prend l'ouvrage comme un essai
intéressant
qui dépasse son but en ressuscitant une espèce d'orientalisme *** Millar
Fergus, 2000,
W. Ball,
"Rome in the East : The Transformation of an Empire, 2000", In: Topoi, volume 10/2, pp. 485-492. Mitchel 2001****
examine
les ouvrages concurrents
des trois auteurs (Ball, Sartre, Millar) :…In very
different ways both Millar and Ball are acutely aware of how
the perspective of observers, both ancient and modern, has shaped how
we
conceive and construct the ancient Levant. Sartre is less preoccupied
with such
matters, and follows a positivist historical approach. ****Mitchell
Stephen,
2001, "The A
to Z of Graeco-Roman Syria; Maurice Sartre, D'Alexandre à Zénobie.
Histoire du
Levant antique IVe siècle av. J.-C. - IIIe siècle ap. J.-C. (2001)",
In: Topoi, volume 11/2, pp. 825-834. [30] Mitchell (note
précédente) rapproche Ball de Bernal (Black
Athena), au regard tout à la fois, de l'objectif (orientaliser),
des
faiblesses de la démonstration et de son excès. Les deux, dit-il,
montrent a parti pris in favour of orientalism that
is even more apparent than the western focused bias of the historians
he
criticises. [31] Cupcea George, 2015, "The Evolution of Roman Frontier — Concept and Policy", Journal of Ancient History and Archeology, No. 2.1 : p 15 Thus Roman imperialism does not have a territorial focus but rather an ethnic one: Rome conquers peoples, not territories, has client kings, not kingdoms etc. We have no territorial references for the expansion of the Empire, only ethnical ones.. [32] Wiesehöfer Josef, 1994, Das antike Persien. Von 550 v. Chr. bis 650 n. Chr., Artemis & Winkler, München, trad. 2001, Ancient Persia, 550 BC to 650 AD, London - New York preface x For the European interested in the classical world, the study of ancient Iran offers a way to avoid the pitfall of regarding Greece and Rome as the centres of the world 105 This history /the western Alexander history/ shows that Alexander was not only perfectly familiar with the conditions for the Achaemenid rulers’ legitimacy, but did everything to fulfil them himself. In Asia Minor he presented himself as the defender and protector of peace and order, and in his correspondence with Darius after the battle of Issus he declared himself a pretender to the Achaemenid throne…106 The assassination of Darius by Bessus made it easier for Alexander to find general support in Iran as well. Besides, by honouring his dead opponent and by acknowledging him as his predecessor, Alexander could now present himself as the avenger of Darius, whose succession he was to assume..In so doing, however, he antagonized his old Macedonian entourage, without being able to prevent opposition to his reign in eastern Iran, an old centre of Achaemenid power… 108 Today we know that the Seleucids followed Alexander’s policies in this area (through political marriages with non-Greek dynasties, and through calling upon natives for military and administrative tasks as well as service at court). We know that they adopted Persian (and Mesopotamian) models… [33] Wiesehöfer Josef, 2006, "From Achaemenid Imperial Order to Sasasnian Diplomacy: War, Peace and Reconciliation in Pre-Islamic Iran", In: Kurt & Raaflaub (eds.), War and Peace in Ancient World: p 128 /The Parthians/ not only adopted Achaemenid institutions and titulature, most probably though the agency of the Seleucids, but also discovered the newly conquered Parthia as their « home country » and Artaxerxes II as their royal ancestor...p 130 There can be no doubt that the Arsacids and their court were more than superficially hellenized../but/ like all rulers of the Hellenistic world, they did not firmly decide on one way or the other..the Arsacids, like other kings, considered themselves successors of Alexander and promoted grek culture.. Voir aussi Sherwin-White Susan, Kuhrt Amelie, 1993, From Samarkhand to Sardis — a new approach to the Seleucid Empire, University of California Press : p 92 India, namely the areas of the north-west frontier and the Indus valley, was a legitimate target for expansion, attractive for its legendary wealth (ivory, gold, fabulous jewels, incense and spices), for exploitation of tribute and for control of trade routes. In spite of Greek myth-making which presented Alexander as the first person since the age of the heroes to enter India, the Achaemenids, from Darius I, who conquered north-western India, to Darius III, imposed military and tributary obligations on the Indians..In the succeeding years, two kings, both great war leaders and empire builders, emerged on either side of the Indus - Chandragupta and Seleucus I; in this context of competing colossi the Seleucid 'failure' to retake Alexander's conquest has to be set in its Indian background..93 The empire under Chandragupta and his son is estimated to have been large, including north India to the Himalayas, west to Gandhara, south to Maghada and east to the Bay of Bengal…Hence,..Seleucus' decision to abandon ideas of conquering the Indus area..97 These relatively friendly diplomatic relations were maintained between Chandragupta's successors and Seleucus' heirs. [34] Sherwin-White, Kuhrt, 1993 : p 186 There have been two main schools of thought in approaching the question of hellenisation in this period. First, historically, is the old colonial British empire view (and that of German scholars)/../ who attributed to the hellenistic kings an almost missionary role…The subsequent, but fundamental experience of decolonisation has influenced two schools of thought..who therefore tend to see social and cultural relations in terms of separation and segregation…/but/ just as under the Achaemenids, local peoples were not 'second-class citizens' - divisions were socio-political rather than ethnic-cultural…secondly, it is impossible to accept that it was internal conflict between Greeks and non-Greeks, for which there is no evidence, that in the end weakened the Seleucid empire from inside in the second century... [35] Sherwin-White, Kuhrt, 1993 : p 217 Some scholars have adopted the attitude that the fall of the Seleucid empire is unproblematical since they see it as already falling apart by the middle of the third century /mosaïque mal cimentée etc/..A quite different approach is to place the fall of the empire considerably later and link it to the series of major defeats inflicted on it by foreign powers, such as the great Parthian wars which detached the eastern regions of the empire (Central Asia, Iran, finally Babylonia) at a time when, partly as a result of Roman intervention, the Seleucids were suffering from recurrent dynastic instability and competing claims for the throne..218 It is important to realise that the chief heirs to the Seleucids were the Parthians, ruling the lion's share of their former territories (Iran, Central Asia, Mesopotamia, Babylonia). p 218 Most
European historians have an understandably Roman-centered view of
events and so
tend to exaggerate the part played by Rome in the disintegration of the
Seleucid realm…The dates of 188 (Peace of Apamea), 168 (Battle of
Pydna) and
146 (sack of Corinth) mark significant phases in Rome's eastward
expansion, but
are of relatively slight significance for understanding the end of
Seleucid
rule..Antiochus III has not been dubbed restitutor orbis by modern
scholars for
nothing..the Seleucid empire was still huge after the battle of
Magnesia in
190, which our primarily Rome-centered sources tend to present as a
devastating
Seleucid defeat…221 All of these
undertakings /Egypt, Daphné, upper satrapies../… bear witness to the
vigour and
speed with which Antiochus recovered face…223 The
great Parthian leader who by c. 140 had driven the Seleucid forces
from Iran was king Mithridates I..There is considerable evidence to
show the
continuing Seleucid strength in Iran and the Fertile Crescent down to
that
point..The gradual loss of Iran to the Parthians and their invasions
into
Babylonia took place at a time of particularly bitter internecine
struggles for
the throne…225 chaos and conflicts
were obviously a constant feature of the fifteen years between 141 and
126..From this point on the Seleucid kings were pushed back west of the
Euphrates river, and limited to a comparatively small territory with a
very
restricted economic base and little chance of mustering sufficient
manpower
tofight back effectively. Will*, très irrité (une thèse dont l'affirmation ne repose sur aucune démonstration sérieuse et dont les fondements me paraissent méthodologiquement inacceptables) a pour principal argument que (442) la new approach consiste surtout à ignorer résolument les problèmes occidentaux de l'empire...C'est précisément son intérêt d'opposer au point de vue romain traditionnel (Will et tant d'autres), une Histoire Est-Ouest et non plus Ouest-Est. Will reproche aux auteurs une négligence totale des problèmes occidentaux, c'est-à-dire de l'histoire générale du temps. *Will Édouard, 1994, "Notes de lecture", In: Topoi, volume 4/2, Les Séleucides, à propos de S. Sherwin-White et A. Kuhrt, From Samarkhand to Sardis. A new approach of the Seleucid Empire, London 1993, pp 433-447. Briant (ibid.) partage bien sûr l'approche des auteurs: 458 Contre une vision qui a dominé l'historiographie hellénistique, les auteurs insistent donc sur un point : à savoir qu'aux yeux mêmes des Séleucides, le centre de leur empire se situait en Mésopotamie..de leur position centrale de Babylone ou de Séleucie, les rois séleucides accordaient autant d'importance aux régions extrêmes-orientales qu'aux régions extrême-occidentales. Toutefois, il nuance la continuité Achéménides-Séleucides : 466 Les textes babyloniens et les textes grecs m'ont simplement amené à rappeler le poids des souvenirs macédoniens, à la fois chez les vainqueurs et dans les élites des populations soumises. Tout comme la royauté lagide, la royauté séleucide est bifrons : babylonienne et gréco-macédonienne. C'est bien pourquoi on ne peut pas parler d'une continuité totale avec la monarchie achéménide. [36] Au début du IIIe siècle BC, l'agglomérat de cités latiales et campaniennes qui constituent le "peuple romain" a survécu à l'agitation démocratique et aux montagnards et se trouve à présent au contact avec la Grande Grèce : impliquée depuis l'origine dans le conflit entre Syracuse et Carthage, "Rome" arrive en première ligne. En 280BC, l'intervention de Pyrrhus d'Epire contre Rome et Carthage, aux côtés de Tarente d'abord, de Syracuse ensuite, a des effets de longue portée. Pyrrhus n'est pas seulement un nom et une force militaire. Acteur expérimenté du "grand jeu" post-alexandrien (guerre des diadoques), les soins qu'il donne à l'amélioration du bétail épirote ne satisfont pas son ambition qui, bloquée à l'Est par la Macédoine, se dirige vers la proche Italie. Pyrrhus sera le "canal" par lequel la mer Egée se déversera sur Rome! Premièrement, Pyrrhus enseigne à Rome la technologie de la guerre "moderne", à la macédonienne. La leçon est douloureuse, et pas seulement à cause du choc des éléphants. Deuxièmement, le débarquement de Pyrrhus fait tomber le "mur de l'Adriatique" : il est la première manifestation du rôle pivot que jouera pour Rome la batailleuse Illyrie, cette zone montagneuse des Balkans en bordure de l'Adriatique, au contact de la Macédoine et des cités grecques d'une part, de la côte orientale de l' "Italie" d'autre part. Ce n'est pas seulement l'esprit d'Alexandre qui débordait sur l'occident (Grimal), c'est l'espace d'Alexandre qui aspire l'Occident. [37] L'histoire romaine classique magnifie et dramatise les guerres puniques. Après que l'alliance Rome-Carthage et les erreurs de Pyrrhus aient conduit les "grecs" siciliens à la défaite, Rome, occupant leur place, hérite de leurs problèmes stratégiques et les endosse. En témoigne le fait que la première punique commence en Sicile (Mammertins). On croit voir dans les guerres puniques et la subséquente domination romaine du basssin occidental de la "Méditerranée" le saut quantique de la mutation impérialiste de Rome. Certes, l'ampleur du théatre d'opérations, la variété des moyens militaires utilisés et des alliances nouées, l'intensité de la tension, constituent un apprentissage de la stratégie de "grande puissance" et des difficultés socio-politiques intérieures qu'elle provoque. Mais Rome n'est que la "grande puissance" d'un petit monde dans lequel Carthage se relève vite. Bien plus important est le lien conflictuel qui se crée entre Rome et Philippe "V" de Macédoine. Où était le monde? Où était la vraie scène internationale? En Méditerranée orientale, dans le système hellénistique (Veyne Paul, 1975, "Y a-t-il eu un impérialisme romain ?", In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, T. 87, N°2. 1975. pp. 793-855). Carthage est un catalyseur davantage qu'un effecteur. On fait souvent de Carthage le lien entre la Méditerranée orientale et occidentale. Xerxès s'allia à Carthage (guerres médiques) pour empêcher Syracuse de prêter le concours de sa flotte à Athènes, puis Syracuse vainquit Athènes (guerre du Péloponnèse) : l'affrontement sicilien de Syracuse et de Carthage s'empare d'une Rome inscrite, depuis les origines, dans la géopolitique grecque de l'Italie. La crise de la 2nde guerre punique « internationalise » Rome : l'alliance d'Hannibal avec Philippe, l’alliance de revers "troyenne" avec Pergame, la guerre avec la Macédoine (et les grecs d'Italie) dont Hannibal a exploité les craintes et ressentiments. La 2ème punique naît de la 1ère et réactive le pivot illyrien (Philippe V) qui fait progressivement basculer Rome vers l'est. Quelle que soit l’origine de l'expédition romaine de 229 BC contre la reine Teuta, la mer adriatique ne pouvait pas être longtemps ignorée : piraterie endémique, rivalités, second front potentiel (Hannibal/Philippe). Les petites "guerres illyriennes" conduiront par implication aux guerres macédoniennes qui, de 215 à 148BC (Pydna), font basculer Rome dans le monde post alexandrien. Comme plus tôt avec les "grecs" italiques, Rome hérite de la configuration stratégique macédonienne : le chaudron bouillonnant des antagonismes entre cités "grecques", Rhodes et ses réseaux, la concurrence avec les "Etats-successeurs", la Perse en Egée, l'Egypte en Syrie. Il est intéressant de revoir la vieille analyse de Holleaux 1921* qui défend la thèse du caractère réactif et bête de la progressive implication orientale de Rome. Le schéma Illyrie-Philippe-libération de la Grèce-Philippe-protectorat est démonté pièce par pièce : la 1ère intervention illyrienne (229 BC) est faite à reculons, a minima et sans exploitation. L'Adriatique est un mur. Rome ne s'intéresse à sa côte orientale qu'avec le danger d'intervention macédonienne aux côtés d'Hannibal. Il active les incontrolables Etoliens, mais toujours a minima et à courte vue (soutien passif et abandon dès que la destruction de la flotte punique dissipe la menace). Rome n'a pas de stratégie grecque : ne mobilise pas les ennemis de Philippe, abandonne les Etoliens, dès lors obligés de faire la paix avec Philippe (ce que Rome leur reprochera ensuite), ne cherche pas à contenir Philippe. Lorsque Rome intervient, c'est avec brutalité et contre tous les Grecs, sans distinction entre cités, sans distinction en leur sein entre partisans et ennemis de Philippe. Action à courte vue et longues conséquences ("barbarie romaine"). Ainsi Rome prouve son aliénité et devient l'ennemi des Grecs, d'autant plus qu'elle soutient les oligarchies contre les peuples (alors que Philippe, habilement, suit la politique inverse). Malgré le "philhellénisme" ultérieur, les Grecs se révolteront massivement avec Persée. Holleaux retourne la confection des alliances : ce n'est pas Hannibal qui cherche Philippe mais le contraire, pour saisir la Grande Grèce ou au moins l'Illyrie, son débouché maritime occidental ; ce n'est pas Rome qui cherche Pergame pour une alliance de revers mais Pergame qui, coincé entre Macédoine et "Syrie", cherche sa propre alliance de revers ; et Rhodes joue un double jeu compliqué ; et les Etoliens suivent leurs propres intérêts contre tous. Le point faible de la construction de Holleaux est le renversement stratégique de la 2nde guerre de Macédoine quand Rome devient habile, proclame la "défense des libertés grecques", affirme son hellénisme et joue de la diplomatie autant que de la guerre. Plus la démonstration précédente de la passivité du Sénat a été brillante et persuasive, plus il est difficile d'admettre ce renversement. Holleaux s'en tire en réservant à la conclusion (CH8) l'esquisse d'une solution : Rome, oubliant Philippe dès que, isolé par la défaite punique, il cessait d'être dangereux, ne penserait pas au lointain Antiochos, "le nouvel Alexandre" qui a les mains libres en Egypte ; mais, tout à coup, le Sénat, après avoir ignoré Antiochos et Philippe panique devant leur alliance (Antiochos lui serait un nouvel Hannibal). Son réalisme aurait rendu cette panique intelligente et lui aurait fait inventer et appliquer une subtile stratégie grecque alors même que sa nouvelle intelligence aurait dû lui montrer que l'alliance Philippe/Antiochos ne tiendrait pas car la géopolitique les oppose. Au contraire, les Patres auraient dû comprendre que Philippe constituait leur rempart oriental contre d'éventuelles visées d'Antiochos. Cette explication du retournement est difficile à accepter. D'ailleurs, utérieurement, Holleaux la reprend (1930) : Rome, ignorante des affaires d'Orient, serait circonvenue par Rhodes et Pergame qui gonflent la menace de l'alliance Antiochos/Philippe et promettent que le moment est favorable pour atttaquer. * Holleaux Maurice, 1921, Rome, la Grèce et les monarchies hellénistiques au iiie siècle 273-205 bc ; —, 1930, "Rome and Macedon: Philip against the Romans" ; "Rome and Macedon : The Romans against Philip" ; "Rome and Antiochus", Chap. 5 A 7 de S, A. Cook, Litt.D., F. E. Adcock, M.A., M. P. Charlesworth, M.A, (eds), The Cambridge Ancient History, Volume VIII, Rome and the, Mediterranean, 2l8-133 B.C [38]Voir
par exemple Vial, 1995, Les Grecs -
d'Apamée à Actium —
L'expansion orientale de Rome vue de l'Orient, Nouvelle histoire
de
l'Antiquité, T5 : la "Grèce" européenne (romanisée à partir de 146
BC) est marginale dans le monde grec. La "Grèce" d'Asie attendra 88
BC. Ses cités libres (libres de faire la guerre et d'émettre de la
monnaie)
composent avec Pergame contre les Galates et avec Rhodes contre les
pirates.
Rhodes s'est beaucoup activé pour remplacer la Macédoine et les Lagides
en Egée
et a recueilli les cités de Lycie et de Carie qui avaient soutenu
Antiochus.
Mais Rome "libère" les sujets de Rhodes pour sanctionner son double
jeu dans la guerre contre Persée. [39] Dignas Beate, Winter Engelbert, 2001, Rom und das Perserreich — Zwei Weltmächte zwischen Konfrontation und Koexistenz, Akademie Verlag, Berlin ; 2007, Rome and Persia in Late Antiquity — Neighbours and Rivals /3rd to 7th cent./, Cambridge UP Les a, rejetant l’eurocentrisme hérité de la prétention universaliste de Rome et de l'orientalisme, cherchent à construire une histoire réciproque en utilisant les sources (écrites et iconographiques) des deux côtés. Ils montrent que la prétention universelle de Rome (rhétorique ou programmatique ?) n'empêche pas ni réalisme politique ni les échanges. p 44 During the sixth century the confrontation between Romans and Persians took place on a worldwide scale. Not only the border areas but also the Avars, Turks, Chazars and Arabs were included in the struggle. Moreover, Roman activities in the Western empire as well as growing Sasanian difficulties in the East had an impact on the fighting between the two. Only when Maurice and Xusro II joined forces towards the end of the century did tensions cease, and an agreement was reached...Xusro II ..was prepared to avenge Maurice’s murder; he received Theodosius.. and proclaimed him /contre Phocas/ the legitimate ruler of the Byzantine Empire..This war represents the last great Roman–Sasanian confrontation / Narses' rebellion / Within five years the entire Eastern part of the Byzantine Empire fell into Persian hands..When Alexandria fell and Egypt was lost in the year 619 the Romans were altogether in a hopeless situation..But the Romans recovered../alliance between Romans and Chazars/..47 Internal developments in Persia /noblesse et armée/ rather than military confrontation ended the struggle..When Kavadh II Schirôyè died during the first year of his reign (628) the Sasanian Empire started to disintegrate internally..48 In the meantime changes in the Arabian Peninsula affected the entire political and strategic situation in the Near and Middle East… [40] L'équilibre rêvé des deux superpuissances pourrait s'exprimer dans l'image des "deux yeux du monde". Elle apparaît chez Pierre le Patrice (c. 500–64), frg. 13–14, qui la prête à l’ambassadeur perse demandant la bienveillance de l’Emp. Galerius. Le thème, présenté comme perse, apparaît au sein des franges supérieures du gouvernement impérial. Cf. McDonough Scott, 2011, "Were the Sasanians Barbarians? Roman Writers on the "Empire of the Persians »", In: Mathisen Ralph W. (ed), 2011, Romans, Barbarians, and the Transformation of the Roman World— Cultural Interaction and the Creation of Identity in Late Antiquity : au VIe siècle, les louanges de la justice, de la tolérance religieuse et du gouvernement des Perses dans les sphères les plus hautes de l'administration de Constantinople ne visent pas à elevate the Persians, but to diminish their own Roman rulers. Outre les vieux mythes sur la "sagesse orientale" et Babylone, c'est une rhétorique de la critique de l'Empire romain présent et des innovations du parvenu Justinien et successeurs. Elle est reprise par
Théophilacte
Simocatta (VIIe
siècle), Histoire de l'empereur Maurice,
L4, Chapitre XI (In: Cousin Louis, 1672, Histoire
de Constantinople, T3, p 272). Il la met (prophétiquement !)
dans la
bouche de Chosroes appelant Maurice à l’union des superpuissances pour
défendre
la civilisation : Lettre de Cosroez
Raides Perses, à Maurice Empereur des Romains :…Dieu a placé dès
le
commencement deux grans Etats dans le monde, qui sont comme deux astres
qui
l’éclairent par leur lumiere, & qui le parent par leur beauté : le
puissant
roiaume des Romains, & la sage monarchie des Perses. Ces deux
celebres
Empires arrêtent la fougue des nations inquietes & belliqueuses,
&
conservent l'ordre & la tranquillité parmi les hommes. Comme
l'univers est
rempli de mauvais genies, qui s'efforcent continuellement de ruiner
tout ce
qu'il y a de mieux établi, bien que leur pouvoir n’égale pas leur
malice, il
est juste, neanmoins, que ceux à qui Dieu a donné de la probité, &
de la
vertu, & à qui il a communiqué les tresors de sa sagesse, & les
armes
de sa justice, s'unissent pour s'opposer à des desseins si funestes. [41] Dignas, Engelbert, op. cit., CH5 Arabia between the great powers : p 163 Hatra and Palmyra controlled the numerous nomadic Arab tribes of the steppes around them in a way that the great powers were not or hardly able to...p 164 More than anything else, however, the conquest of Palmyra by Aurelian in the year 273 and the end of Palmyrene rule were decisive. Within a few decades the established local powers in Syria and Mesopotamia had disappeared, and the vacuum they had left was not filled by either of the two great powers. Hatra and Palmyra controlled the numerous nomadic Arab tribes of the steppes around them in a way that the great powers were not or hardly able to...In many ways the history of Hatra and Palmyra thus illustrates the crucial role Arabia played in Roman–Persian relations as early as in the third century…165 When towards the end of Parthian rule the people of Hatra concluded an alliance with the Romans, Ardasır I turned his attention to Hira /Lahmids/…170 Only when the Byzantine emperor Justinian (527–65) established a client relationship with the Ghassanid dynasty similar to the one that existed between the Lahmids and the Sasanians, did the situation change. Justinian’s intentions are obvious. He wanted to set up a counterpart to the Lahmids, who were pursuing Persian interests most successfully. [42] Inglebert Hervé, 2014, "De l’Antiquité au Moyen Âge : de quoi l’Antiquité tardive est-elle le nom ?", In: ATALA Cultures et sciences humaines, n° 17, «Découper le temps - Actualité de la périodisation en histoire», 2014 : p 128 Constantin avait réaffirmé dans un sens chrétien la prétention universaliste de l’empire romain, obligeant les autres à se définir par rapport à elle. Cette nouvelle ambition romaine, réaffirmée ensuite par Justinien, puis par Héraclius, ne fut définitivement brisée que par l’expansion musulmane à partir de 634. En conséquence, une périodisation de Constantin à Muhammad, de 312 à 632, apparaît comme la mieux adaptée pour définir une Antiquité tardive selon les mentalités des contemporains. Mais comme il ne fut pas évident, durant un demi-siècle, que l’empire romain de Constantinople ne procéderait pas à une contre-attaque victorieuse, comme il l’avait fait en 627-630 contre les Perses sassanides, on pourrait plutôt retenir la période de 312-324 aux années 690-700. Whittow Mark, 1996, The Making of Byzantium, 600-1025, University of California Press : la crise du VIIe et la reconstruction de l'Orient romain sur une nouvelle base au IXe provincialisent Constantinople et ne lui laissent que la figure de l'Empire. L'empire devient byzantin après la révolution arabe, elle-même conjonction d'un mouvement externe (zone-frontière) et interne (syro-palestinien). Autour de 600 l’Empire romain qui paraît au faite de sa puissance ne survit à la grande offensive perse que grâce à ses alliés Turcs. Survie ne signifie pas rédemption : la Perse a remplacé l'empire en Syro-Palestine ; son retrait provoque un vide que les élites locales ne tiennent pas à voir rempli (p 87 The appearance of the Muslim armies had more of the characteristics of an internal struggle for power. The Roman eastern provinces were full of Arabs, nomadic and settled, who had been in a close relationship with the empire for centuries /Zenobia!/). D’où la révolution arabe ("conquête islamique") qui prend le Croissant Fertile dont la prospérité organique se poursuit. Constantinople cesse d'être un empire (superpuissance) mais se défend grâce à la distance, au Bosphore et aux murs. A l'issue de la crise Constantinople a survécu (et va se consolider) mais, privée de tant de territoires et ressources, n'est plus qu'une puissance régionale, déterminée et non déterminante (p 328: the ebb and flow of Byzantine military success had followed the gravitational pull of events in the Islamic world) : empire byzantin satellite (siege mentality, inward-looking et universalisme provincial) qui échappe à la liquidation en tirant sur son héritage romain (the Roman empire survived the seventh-century crisis by drawing on its late Roman inheritance). Au premier chef, l'héritage géographique : la direction des vents/courants en Méditerranée et la position heureusement périphérique d’une capitale précédemment sacralisée (new Jerusalem) et surfortifiée. Plus : système fiscal, cour impériale, armée et marine, orthodoxie —qui se modifient mais qui, comme les triples remparts, n’auraient pas pu être réinventés si disparus. La taxation du territoire permet la survie de la capitale donc de sa capacité d’aspiration des élites, donc de l’Etat. En contrepartie, dans les provinces, déclin urbain et retrait des élites, et au centre, conspiration permanente pour s’en saisir. Plus tard, les succès de la reconquête orientale partielle mettent en selle une landed aristocratie militaire cavalière concurrente à laquelle Basile II échappera grâce à ses Russes. Autour de l’an 1000, il reconstitue "l'Etat", juste à temps pour qu'il rencontre les nouveaux Turcs (Manzikert 1071) qui l'anéantiront in fine. Quoique le retrait de l'Empire Romain ait désynchronisé l'Est et l'Ouest, le premier conserve son statut de pôle symbolique. En complément, Whittow Mark, 2009, "Early Medieval Byzantium and the End of the Ancient World", In: Journal of Agrarian Change, Vol. 9 No. 1, January 2009, pp. 134–153. On qualifie "Byzance" par le changement de structure sociale. Celui-ci est difficile à prouver mais paraît probable : en 600/800 les élites militarisées et politisées abandonnent la gestion locale de l'empire dont la base agraire, n'étant plus tenue (communautés), ne résiste pas aux conquêtes (Anatolie). Paradoxalement la continuité paraît plus grande là où les barbares ("arabes" ou "germaniques") ont supplanté l'empire ! p 135 Byzantium was not only a rump of the Roman empire that had preceded it, it was a fundamentally different society, economy and culture..150 /7th cent./ overall, behind the façade of continuity an old order was coming to an end. It may be seen as an irony that the elites who had dominated the late Roman world were to have a more continuous history outside the empire’s frontiers. [43] Mommsen (L5, Chapitre VII — Conquête de l’Occident. Guerre des Gaules) en fait ingénieusement le double produit de la tendance de la civilisation à absorber les peuples "inférieurs" et du besoin d'émigration du peuple romain : En vertu de la loi qui veut que tout peuple constitué politiquement absorbe un jour les peuples voisins restés à l’état de minorité sociale, et que toute nation civilisée s’assimile celles intellectuellement placées au-dessous d’elle, en vertu d’une loi universelle, et je dirai presque, physique, comme est celle de la gravité, les Italiens, le seul des peuples de l’antiquité qui ait su allier le progrès politique et la civilisation morale, cette dernière encore, à l’extérieur, dans une mesure tout imparfaite, les Italiens étaient appelés à s’assujettir tous les États grecs orientaux, devenus mûrs pour la ruine, et à refouler par leurs colons et émigrants toutes les tribus incultes de l’ouest, Libyens, Ibères, Celtes et Germains. De même et à pareil droit, l’Angleterre s’est asservie en Asie une civilisation soeur, politiquement impuissante : de même en Amérique, en Australie, elle a marqué, anobli d’immenses contrées à l’empreinte de sa nationalité : de même elle les marque et anoblit tous les jours. L’unité italienne, condition préalable de la grande mission de Rome, avait été l’oeuvre de son aristocratie : mais l’aristocratie s’était arrêtée en deçà de la ligne, ne voyant dans les conquêtes extra italiques ou qu’un mal nécessaire, ou que des possessions payant rente à l’État, placées d’ailleurs hors de lui. Ce sera l’impérissable gloire de la démocratie, où, si l’on aime mieux, de la monarchie romaine (toutes deux se confondent en une seule) d’avoir vu clairement les destinées plus hautes de Rome, et de les avoir puissamment accomplies… Aujourd’hui, la patrie italienne était trop étroite à son tour ; et l’État souffrait du même malaise social, malaise cent fois plus grand, eu égard à la grandeur de l’empire. Ce fut une pensée de génie, un grandiose espoir, qui firent passer les Alpes à César, la pensée et la confiance qu’il y gagnerait pour ses concitoyens une nouvelle patrie, cette fois sans limites, et qu’il régénérerait aussi l’État, en lui donnant une plus vaste base. [44] Woolf Greg., 1994, "Becoming Roman, Staying Greek: Culture, Identity And The Civilizing Process in The Roman East", Proceedings of the Cambridge Philological Society, n° 40 : p 121 Moreover, the decadence of the Greeks dovetailed with the barbarism of Gauls, Spaniards and Africans to locate Rome as not only geographically but also temporally and morally median, situated between a barbarous past and a potentially decadent future. That location was both reassuring and precarious. Woolf Greg, 1995, "The Formation of Roman Provincial Cultures", In: J. Metzler et alii (éds), Integration in the early Roman West : p 15 Like nineteenth century European ideals of civilization..Humanitas, like civilization, may be thought of as an integrating concept that ordered, linked and ranked other concepts. For example (again like its nineteenth century analogues) it provided a retrospective justification for Roman conquest..what we call romanization, in other words, was regarded by Romans as the civilizing process..asserting that only in this condition were men in harmony with nature and balanced between the two opposite extremes of barbarism and decadence..humanitas imposed on Romans obligations towards their various subjects. Westerners, wild, unpredictable and semi-bestial were to be encouraged..Greeks did not need to be taught humanitas, but to be reminded of it and restrained from decadence towards humanitas... [45] On a dit que les impérialistes du XIXe ont cherché leur modèle à Rome (cf. Van Oyen ci-dessous). N'est-ce pas le contraire ? Ne peut-on penser que l'idée de l'impérialisme romain est un sous-produit de l'impérialisme européen qui, pour justifier (ou seulement exprimer) sa mission civilisatrice, invente la romanisation : de même que Rome, après avoir reçu la civilisation des Grecs, l'avait transmise à l'Ouest du continent, de même cet Ouest la répandait sur le monde qui, inconscient de sa chance, devait être bousculé pour son bien, comme nous le fûmes jadis. Aussi indéfinie que soit la notion d'impérialisme, une chose est certaine : les conquêtes romaines d'il y a 2000 ans et les franco-britanniques d'il y a 150 ans appartiennent à des mondes différents ; les premières se font au contact, contiguës dans l'espace et progressives dans le temps, alors que l'expansion mondiale et la course à l'Afrique constituent des chocs extérieurs pour les victimes. D'autre part, en mettant l'accent sur l'Ouest colonisé de l'Empire, la nouvelle approche patine dans la vieille ornière eurocentrique et oblitère ou sous-estime tout le côté oriental, pourtant essentiel pour une analyse de l'Empire romain. Van Oyen, Astrid, 2015, « Deconstructing and reassembling the Romanization debate through the lens of postcolonial theory: from global to local and back? », Terra Incognita, vol. 6, p. 205-226 : p…208 by the time Haverfield* undertook an academic career, the intertwinement of imperial service and the University of Oxford had been well established…Victorian and Edwardian ideology drew a considerable part of their inspiration from classical models. The contemporary perspective on Roman politics served as a guideline for the goals and practice of the British Empire...p 209 A number of scholars hovering between classics, politics and modern history such as Charles Wentworth Dilke (1890)*, John Robert Seeley (1883)* and Charles Lucas (1912)* – all broadly contemporary to Haverfield and the culmination of an aggressive form of British imperialism – explored the implications of parallels with the Roman empire (Vasunia 2005)*..Haverfield, who was strongly entangled in the colonial discourse, launched the concept of Romanization as a directional, intentional, unilateral and progressive process..210 the mission of territorial expansion was Romanization... « the success of Rome, unintended perhaps but complete, in spreading its Graeco-Roman culture over more than a third of Europe and a part of Africa, concerns in many ways our own age and Empire » (Haverfield 1911, xviii)*. * SEELEY J.R. 1883: The Expansion of England. Two Courses of Lectures, London ; DILKE C.W. 1890: Problems of Greater Britain, London ; HAVERFIELD F.J. 1911: An inaugural address delivered before the First Annual General Meeting of the Society, Journal of Roman Studies 1, xi-xx. ; LUCAS C.P. 1912: Greater Rome and Greater Britain, Oxford; HAVERFIELD F.J. 1915: The Romanization of Roman Britain, Oxford ; VASUNIA P., 2005, "Greater Rome and greater Britain", In: GOFF Barbara, et al. Classics and colonialism, Duckworth, London, 38-64 [46] Expression lancée par Wallace-Hadrill, A. 1990, "Roman arches and Greek honours: the language of power at Rome", Proceedings of he Cambridge Philological Society, 36: 143-181 Cf. Woolf Greg, 2008, "The Roman Cultural Revolution in Gaul", In: Keay Simon, Terrenato Nicola, eds, 2008, Italy and the West — Comparative Issues In Romanization, Oxbow Books : p 173 Likewise all were intensely local and also markedly Roman..The realization that cultural change was ubiquitous within the empire has important consequences../../Romanization is not /no more/ seen as the (imperfect) dissemination or imitation /or acculturation/ of a static metropolitan culture..174 If the cultures of Rome and of Italy were as new as those of Gaul, it makes little sense to explain provincial culture as a product of the interaction of two cultural entities [47]
Osborne
Robin, Wallace-Hadrill Andrew, 2013, "Cities of the Ancient
Mediterranean", In: Clark Peter, Ed, 2013, The Oxford
Handbook of Cities in World History, Oxford UClark,
2013 : Only in an already urbanized
world could a Rome develop. Terrenato Nicola, 2015, "The archetypal imperial city: the rise of Rome and the burdens of empire", In: Yoffee Norman, Ed, The Cambridge World History, VOLUME III, Early Cities in Comparative Perspective, 4000 BCE-1200 CE, Cambridge UP : p 527 At the very least, a fundamental distinction must be drawn between the parts of the empire that were already urbanized before the conquest and those that became urbanized after it, or not at all. [48] Pour la conception traditionnelle (sur l'exemple du "mur d'Hadrien" qui a beaucoup excité les britanniques) : Collingwood R. G., 1927, "The Roman Frontier in Britain", Antiquity— Quarterly Review of Archaeology, Volume 1 - Issue 1 - March. Mais dès 1907, Lord Curzon (cf. note suivante) qui avait partagé la problématique romaine aux Indes et savait de quoi il parlait critiquait cet anachronisme. La compréhension de la "frontière" antique et du limes a beaucoup progressé, notamment grâce aux études chinoises de Lattimore et aux travaux de Whittaker *. L'humanisme contemporain ne met plus l'accent sur la séparation mais sur le contact (cf. Hingley, 2018*) : initiative UNESCO (FREWHS) et construction européenne : The FREWHS booklet suggests that the Roman frontiers were the ‘membrane’ through which Roman ideas and objects ‘percolated’ to reach the outside world beyond the Empire's limits... New approaches explore the idea that Roman frontiers constituted more inclusive and transformative landscapes (Hingley). *Lattimore Owen, 1962, Studies
in Frontier History, Collected Papers 1928-1958, London,
Oxford University Press, New York Toronto. En particulier :
Lattimore
Owen, 1956, "The frontier in History " er —,1937,
"Origins of the Great Wall of China : a frontier concept in theory and
practice". Voir aussi : Cupcea George, 2015, "The Evolution of Roman Frontier — Concept and Policy", Journal of Ancient History and Archeology, No. 2.1 : p 12 The Roman frontier area is first and foremost a market...p 17 The term limes has meanings beyond the simple one of military border: 1st century – military road in Germania, 2nd-3rd centuries - Empire border, 4th century – frontier district under the command of a dux; finally there is no Latin term for military border. Thus the military installations placed on the border must have had different purposes at different moments in time, purposes that cannot always be understood..Rivers, just like roads, were considered as means for transport/communication, not as barriers..18 As far as fortifications along the Danube are considered it seems that they were not placed to control rivers crossings but the river itself...As far as artificial barriers are concerned, it is more and more obvious they played no defensive role. Hadrian’s Wall served to control traffic and commerce. Upper German-Raetian Limes served to stop small invasions, supervise the area and signal danger..19 The Dacian limes is a succession of defensive points, without a continuous defensive barrier, because its role was to block access in Transylvania along the trans-Carpathian ways, which are rather few and inaccessible…In the East we can clearly see that the border in fact is but a supervised and controlled road. Actually the Romans were more preoccupied with defending their own ways of communication rather than forbidding foreigners access to them..The eastern frontier was thus a fortified communication line.. Voir aussi l'excellent article : Deproost Paul-Augustin, 2001, "Hic non finit Roma. Les paradoxes de la frontière romaine", Folia Electronica Classica, Louvain-la-Neuve, Numéro 2, juillet-décembre : En définitive, le limes est-il bien la vraie frontière de l'Empire romain ? En d'autres termes, comment concilier la contradiction flagrante entre l'existence bien concrète de cette ceinture défensive autour d'une communauté qui a renoncé à étendre son territoire et la revendication de cette même communauté à la maîtrise absolue du monde ?.. le limes est moins une ligne qu'une zone frontalière, une «frange pionnière », comme on l'appelle parfois, qui ne sépare ni ne différencie des peuples par ailleurs culturellement et ethniquement proches, mais qui visualise le « lieu flou » à partir duquel devient possible une intégration progressive dans un autre monde... politiquement, administrativement et économiquement, il est une barrière poreuse, sinon même inexistante....si les limites de l'Empire ne sont marquées d'aucune borne, c'est, en définitive, parce que la frontière extérieure de Rome est fondamentalement « dissymétrique » en ce qu'elle impose aux peuples extérieurs des limites qu'elle se refuse à elle-même… [49] En remplaçant Nord et Sud de la Chine par, resp., Ouest et Est de Rome, on pourrait s'inspirer de l'analyse de Lattimore : dans la seconde direction, l'Empire s'adapte, dans la première il se dissout. L'analyse méditerranéiste adopterait sans hésiter l'explication par la "limite écologique" (vigne et olivier!!) dont, toutefois, il ne faut pas exagérer le déterminisme. Lattimore Owen, 1934, "Open door or great wall ? ", Atlantic Monthly 154, N°1, July, repr. In: Lattimore, 1962 : ...p 88 Expansion toward the north was limited by the steppes. Chinese agriculture, ranging as it did from the subtropical south to the relatively cold and arid north, was flexible enough to allow an extensive agriculture along the edge of the steppe, in spite of its bias toward intensification. Transport and the form of society, rather than the technique of agriculture, were here the limiting factors. When the Chinese reached the cultivable fringe of the steppes, they passed beyond the zone of cheap transport by river or canal Grain could no longer be profitably concentrated toward the centers of power in China. Even the trade in grain from the cultivated fringe of the steppe went out into the steppe rather than back into China, because only in the steppe could it be carried cheaply, by caravan animals grazing as they moved and not having to be fed at inns. p 89 The jealous interests of the dominant landowning classes prevented the Chinese from spreading farther into the steppes by adopting a pastoral economy. Livestock carries further even than extensive agriculture the "extensive" principle in economy. Chinese who adopted the steppe economy tended to break away from the Chinese society and become "tribal barbarians"; just as tribal conquerors of China from the steppe, in proportion as they penetrated into China and, abandoning their own extensive economy, exploited the intensive economy of China, were transformed from barbarian conquerors into part of the ruling class of China. p 91 Turning for comparison to the northern front of Chinese migration, the point to be noted first is that under the old conditions there was a limit in the north to the spread of the Chinese economy…For these reasons the northern front of Chinese migration faded away into an indeterminate zone of mixed economies, in which were to be found steppe peoples and peoples who had partly adopted the steppe economy of livestock. This mixed economy never achieved a stable form of society and state of its own, however, because of the recurrent tendency of nomads who had adopted some degree of agriculture to migrate away from the steppe and toward China (partly by conquest), thus assimilating themselves to the main body of China and detaching themselves from the steppe. As a counter phenomenon, Chinese who had begun to devolve (so to speak) from the intensive economy of China toward the extensive economy of the steppe often tended to shed their agriculture altogether, to detach themselves from China completely, and to merge among the steppe peoples. [50] Curzon, 1907, Frontiers, The Romanes Lecture, Oxford November 2, Clarendon Press : 25 The Great Wall
of China.. acting as a fiscal barrier for the prevention of smuggling
and the
levying of dues, as a police barrier for the examination of passports
and the
arrest of criminals or suspects, and as a military barrier against
hostile
invasions or raids. It was even more a line of trespass than a Frontier… [51] Luttwak Edward N., 1976, The Grand Strategy of the Roman Empire from the First Century A.D. to the Third, Baltimore: The Johns Hopkins University Press, reed. 2016. Cet ouvrage est la grande référence pour la supposée "défense en profondeur" dont l'exposé a été en son temps un choc, quoique, des trois "grandes stratégies", ce soit la plus incertaine et la plus problématique. Quoique pas stupide, cet ouvrage est détestable, tant par le ton que par la méthode. Le premier est péremptoire et méprisant, la seconde a-historique : on a reproché à l'a l'insuffisance des sources primaires et l'oubli des secondaires, mais surtout il faut déplorer l'absence de cadre analytique : c'est un kriegspiel un tantinet abstrait réduit au jeu des moyens et des fins. Caractéristiques de la démarche, sont les résumés chronologiques au début de chaque chapitre et dissociés du contenu du chapitre. Passons sur les critiques faites à l'a concernant la rationalité stratégique qu'il prête aux gouvernements romains. Passons aussi sur le parallèle avec le XXe (la dissuasion nucléaire a montré que le militaire vaut comme facteur politique). La principale faiblesse réside dans la délimitation du cadre spatio-temporel. L'a isole une période (Ier/IIIe), avec un "avant" qui anticiperait la 1ère "grande stratégie" (hégémonique) et un "après" flou qui poursuivrait la 3ème stratégie (défense en profondeur). Cette période exclut à peu près les Perses, ce qui détermine implicitement un espace impérial relativement homogène, affronté à la menace non précisée de barbares en cours de self-romanization (heureuse expression, hélas peu développée). Prenant les Romains pour des Américains, l'a les fait rechercher une adéquation des moyens logistiques limités (lenteur des transports, approvisionnements) à la fin finale de toute stratégie (sécurité). [52] Loseby S. T. , 2009, "Mediterranean Cities", In: Rousseau, Jutta, 2009, p 140 No comprehensive list of cities exists, but one might crudely estimate that there were perhaps a little under 2,000 communities in and around the late antique Mediterranean that fulfilled the requisite administrative functions. Their distribution was erratic. The urban network in each region had generally been established upon its incorporation into the empire../the Romans/ tended at that stage to recognize as cities all the communities that had suitable pretensions..Rarely was this pattern fundamentally transformed in later centuries..the late antique diocese of Asiana still contained hundreds of cities, with commensurately small territories. To judge by the number of communities that had bishops, the African urban network was even denser. In Spain and southern Gaul, by contrast, cities could be numbered in the dozens, and those were comparatively few and far between (Jones 1964: Map V, 1064–5)...p 141 Since they were defined in juridical terms, late antique cities and their territories could therefore be variously large or small, rich or poor, bustling or somnolent.. Slofstra, 2002, "Batavians and Romans on the Lower Rhine", Archaeological Dialogues, 9, p 26..administrative structure that Augustus implemented in Gaul. Most of the Gallic province was divided into civitates along Roman lines, each with an urban centre and a political-administrative system based on the participation of indigenous elites, thus putting an end to the tribal organisation that had been so characteristic of the Gallic frontier. [53] Dans sa critique des théories de l'ethnogenèse, Gillett note : The ‘ethnic’ terms used by literary sources to refer to these kingdoms, such as ‘Frank’ and ‘Goth’, reflect Roman use of ‘umbrella’ ethnic categories, employed to simplify diversity. There is a rough parallel with many post-colonial states of south-east Asia and Africa in the later twentieth century, established on boundaries reflecting European imperial possessions and bearing pseudo-ethnic names originating in early modern European terminology.., reflecting European colonial thought and practices, not autonyms…(Gillett Andrew, 2006, "Ethnogenesis: A Contested Model of Early Medieval Europe", History Compass, 4/2, p 252). Dans un article de défense de l'ethnogenèse, Pohl* remarque que les ethnonymes sont souvent des toponymes : p 198 L’Antiquité tardive soulève la question de l’identité ethnique justement au moment où celle-ci semblait avoir été résolue dans le double universalisme impérial et chrétien…Des noms de provinces antiques, organisées selon les plus strictes exigences administratives, étaient régulièrement – au moins de manière rhétorique – ethnicisés. Souvent, si l’on parlait de Thraces ou de Macédoniens, c’était tout simplement pour désigner de manière ethnique une entité territoriale. De même Gillet (Gillett Andrew, 2009, "The Mirror of Jordanes: Concepts of the Barbarian, Then and Now", In: Rousseau, Jutta, 2009), p 398 One habitual practice of Chinese sources was the transfer of a specific autonym, originally attached to one foreign group, onto others that were perceived as occupying similar categories, such as inhabiting the same geographic areas or sharing similar cultural qualities. These ‘‘transferred’’ names were preserved and used by Chinese writers, long after the historical existence of the original group. Greco-Roman authors likewise generalized individual foreign autonyms into umbrella terms reused over centuries. Both Scythii and Germani were such ‘‘transferred’’ names, adopted in the classical period and enduring in Late Antiquity and beyond. Such generic titles simplified diversity: historically (‘‘new’’ peoples could be understood as ‘‘old’’ ones), geographically (all lower Danubian peoples were Scythians), and taxonomically (all nomadic peoples beyond the Syrian desert were Saracens). Gothi, often synonymous with Scythii, was one of several late antique additions to such simplifying terms…De même, Halsall Guy, 2009, "Beyond the Northern Frontiers", In: Rousseau, Jutta, 2009 : p 419/20 Roman authors generally refer to these peoples /North of the Hadrian's Wall/ as picti, but this is clearly a Roman descriptive term (‘‘painted men’’) rather than (at this date at least) a genuine indigenous ethnonym. This ‘‘Pictish’’ terminology has caused great confusion...Roman writers use picti as a general description of anyone beyond the Wall... Pohl souligne aussi la fonction narrative de ces dénominations : p 205 les noms ont un caractère souvent plus permanent que ce qu’ils désignent ..Les noms des peuples représentèrent toutefois un point d’ancrage solide pour les identités ethniques pendant le haut Moyen Age. Ils permettaient de désigner explicitement les Gothi, Franci, Langorbardi, et d’introduire ainsi des acteurs dans le récit historique, de nommer les groupes actifs, et ils donnaient en sus à une réalité hétéroclite une structure narrative * Pohl Walter, 2005, "Aux origines d'une Europe ethnique. Transformations d'identités entre Antiquité et Moyen Âge", Annales. Histoire, Sciences Sociales, N°1, p. 183-208. La démonstration de Pohl, malgré ses précautions, ne me convainc pas. Je préfère le "naturalisme" de Goffart est plus satisfaisant : l'identité ehtnique se développe indépendamment des perceptions sociales comme enveloppe inclusive/exclusive d'une entité "politique". Cela explique que ces "ethnies" soient polyethniquew. Voir aussi : Mihajlović Vladimir D., Janković Marko A, 2014, "Imperialism and identities — Foreword", In: Mihajlović, Janković., Babić, eds, Edges of the “Roman world, Cambridge Scholars Publishing, p xiii …there has been serious criticism of the concept of identity in general, and many academic voices have been raised to warn that the term became yet another “buzz-word”…p xiv “Identities” could be a constructive first step in researching the past societies as neutral enough umbrella-term which delineates the correlation between the material culture/written accounts and some sort of “togetherness” without implicating its character in advance…p xv…the concept of identities proved to be a useful analytical tool as it enables multidimensional thinking —about instead of two dimensional reduction— of the “Roman world”..Consequently, simplified notion of binary division of “Roman” vs. “native” and “civilization” vs. “barbarity” gave place to the questions of legal, social, economic, ethnic, resident, local, regional, gender, age, professional, religious etc. (self)determinations that were fluid, interwoven and situational. Additionally, this kind of thinking also provided a sense of constantly changeable character of the Roman world, previously often neglected due to the static features implied by the “Roman civilisational mission” or overall “Romanization”… [54] Gillet s'est fait une spécialité de critiquer ces théories dans lesquelles il voit, malgré les précautions que prennent les auteurs contemporains, une résurgence d'un dangereux romantisme germanique essentialiste. Cf. Gillett Andrew, 2002, "Ethnicity, History, and Methodology", introduction de Gillett Andrew (Ed.), 2002, On Barbarian identity: critical approaches to ethnicity in the early Middle Ages. (Studies in the early Middle Ages). Turnhout, Belgium: Brepols ; —, 2006, "Ethnogenesis: A Contested Model of Early Medieval Europe", History Compass, 4/2, p 252. Voir aussi son excellent article à propos de Jordanes et des Goths : Gillett Andrew, 2009, "The Mirror of Jordanes: Concepts of the Barbarian, Then and Now", In: Rousseau, Jutta, 2009. Les sources à partir desquelles l'ethogenèse germanique est reconstituée sont des sources "romaines" qui ne renseignent que sur les perceptions romaine : p 395 These examples suggest, first, how multiple registers of « identity’’ could coexist, their relevance dependent upon different circumstances. The coexistence of alternative categories of ‘‘ethnicity,’’ and the possibility of selecting the category most appropriate to particular circumstances, has been described as ‘‘situationally constructed ethnicity’ /Geary Patrick J. (1983), ‘‘Ethnic Identity as a Situational Construct in the Early Middle Ages,’’ Mitteilungen der Anthropologischen Gesellschaft in Wien 113: 15–26./…Given the overlapping categories of identity that operated concurrently, the modern term ‘‘ethnicity’’ seems increasingly to be an awkward anachronism…Second, and perhaps more significantly, however, these texts indicate how unimportant what we call ‘‘ethnic’’ identity could be in Late Antiquity…p 403 The deployment in recent research of late antique, Christian, Greco-Roman sources in order to reconstruct ‘‘barbarian’’ identities is problematic../Jordanes treated as a recension of genuine Gothic self-understanding/..404...the Getica is deployed as the residue of a barbarian ‘‘ethnic discourse’’..Current interpretations of Greco-Roman works understand classical ethnographic discourse as a communication within Greco-Roman society..Greek speaks to Greek about what makes the Scythians so different…407 The degree to which our vision of the barbarians of Late Antiquity is shaped by the tradition of Hellenistic ethnographic thought cannot be too heavily emphasized. The ‘‘Scandinavian origins’’ of Jordanes’ Goths (and of their medieval imitators, Paul the Deacon’s Lombards and Widukind’s Saxons) derive from the classicizing milieu of Constantinople, not from barbarian cultural beliefs (Goffart 2005)…By contrast, our expectations of meeting ethnically proud Goths, Franks, and Lombards has been conditioned not by the force of late antique evidence but by the weight of five centuries of modern Eurocentric scholarship. [55] Par exemple, Pohl, 1998 : 17 we can describe ethnos as a process rather than a unit..there were individuals who were Avars or Lombards in a fuller sense than others who claimed to be so; and one could easily be Lombard and Gepid, or Avar and Slav, at the same time…Which of these affiliations prevailed often depended on the situation: this is why Geary (1983) has called ethnic identity a "situational construct"...Therefore, we do not have to look for ethnicity as an inborn characteristic, but as an "ethnic practice" that reproduces the ties that hold a group together... 19 The ethnogenesis of the Avars followed the pattern laid out by this strategy. Their "kernel" had crossed a considerable part of Central Asia to escape from the Turks..The charismatic tradition that they made their own proved a very powerful unifying factor, indeed a self-fulfilling prophecy. This tradition was indissolubly linked to the Khaganate. It maintained an absolute monopoly on the name "Avar" right until the end; it is remarkable that our sources do not call anyone else an Avar. Secessionists breaking out of the Khagan's dominion were known as Bulgarians…After the fall of the Avar Empire around 800 the name disappeared within one generation. This did not mean that the Avars had all disappeared..It simply proved impossible to keep up an Avar identity after Avar institutions and the high claims of their tradition had failed… 22 The written sources have preserved a great number of ethnic names that become concrete when political events or cultural expressions are recorded in connection with one of them. Many of these names are, of course, topical (like "Scythians" for the Huns). Others are names given and used by foreigners (as Venidi for the Slavs). It is possible that one and the same group is recorded under different names; but also that two groups are — justly or not — subsumed under the same name. The complexity of the relation between peoples and ethnic names should not be reduced too easily. Likewise, we should be very cautious in identifying gentes bearing the same name in different contexts. Cf. Goffart Walter, 1981, "Rome, Constantinople, and the Barbarians", The American Historical Review, Vol. 86, No. 2 (Apr.), pp. 275-306 ; Gillett Andrew, 2002, "Ethnicity, History, and Methodology", introduction de Gillett Andrew (Ed.), On Barbarian identity: critical approaches to ethnicity in the early Middle Ages. (Studies in the early Middle Ages). Turnhout, Belgium: Brepols ;—, 2006, "Ethnogenesis: A Contested Model of Early Medieval Europe", History Compass, 4/2; —, 2009, "The Mirror of Jordanes: Concepts of the Barbarian, Then and Now", In: Rousseau Philip, Raithel Jutta, (Eds), A Companion to Late Antiquity, Wiley-Blackwell ; Pohl Walter, 1998, "Conceptions of Ethnicity in Early Medieval Studies", in: Lester K. Little and Barbara H. Rosenwein (Eds), Debating the Middle Ages: Issues and Readings, p. 13-24, Blackwell Publishers ; —, 2005, "Aux origines d'une Europe ethnique. Transformations d'identités entre Antiquité et Moyen Âge", Annales. Histoire, Sciences Sociales, N°1, p. 183-208 ; Woolf Greg, 2002, "Generations of aristocracy", Archaeological Dialogues, 9, pp 2-15 ; Slofstra, 2002, "Batavians and Romans on the Lower Rhine", Archaeological Dialogues, 9 ; Halsall Guy, 2009, "Beyond the Northern Frontiers », In: Rousseau Philip, Raithel Jutta, (Eds), A Companion to Late Antiquity, Wiley-Blackwell ; Vanderspoel John, 2009, "From Empire to Kingdoms in the Late Antique West », In: Rousseau op. cit. ; Humphries Mark, 2009, "The Shapes and Shaping of the Late Antique World: Global and Local Perspectives », In: Rousseau op. cit. ; Loseby S. T. , 2009, "Mediterranean Cities », ibid. [56] Deproost Paul-Augustin, 2001, "Hic non finit Roma. Les paradoxes de la frontière romaine", Folia Electronica Classica, (Louvain-la-Neuve) - Numéro 2 - juillet-décembre : les représentations romaines du monde confondent indissolublement l'orbis Romanus et l'orbis terrarum, dès le premier empereur qui met tout en oeuvre pour imposer l'idéologie du caput mundi... À l'avenir, peu importeront les vicissitudes de l'actualité politique ou militaire, peu importeront même les délocalisations du pouvoir impérial, l'idéologie de la ville capitale traverse l'histoire de Rome, convaincue que sa mission est de prendre le monde en charge…Pour les Latins, le sentiment de la patrie n'est pas lié d'abord au sentiment de « se trouver dans » un territoire, mais à la conscience d' « appartenir à » une communauté qui occupe ce territoire et qui entretient un lien particulier avec Rome, en particulier la cité natale... Repris à l'envi par de nombreux poètes, le jeu de mots qui assimile urbs et orbis atteste bien que, pour un Romain, l'univers n'est pas un territoire, mais il s'identifie - sinon se réduit - à une ville, à un mythe urbain ; le monde est « dans » une ville, indéfiniment dilatée dans toutes les cités de l'Empire..si les limites de l'Empire ne sont marquées d'aucune borne, c'est, en définitive, parce que la frontière extérieure de Rome est fondamentalement « dissymétrique » en ce qu'elle impose aux peuples extérieurs des limites qu'elle se refuse à elle-même, selon la formule célèbre d'Ovide : « Les autres peuples ont reçu une terre à la frontière définie. Pour Rome, l'étendue est la même, de la ville et du monde » /« Romae spatium est urbis et orbis idem », éloge du dieu Terminus dans OVIDE, Fastes, II, 683-684, où le poète joue, à la suite de Cicéron, sur la paronomase del'urbs et de l'orbis : e.g. Catilinaires, I, 4, 9 ; Plaidoyer pour Muréna, X, 22 ; etc/. [57] Terrenato op. cit. illustre bien l'impact de l'extérieur sur l'intérieur (quoiqu'il systématise exagérément) : p 522 In military terms, the push inland of the Roman Empire required a very different strategy from the ones used along the seaboard. Moving the army (and especially supplying it) could not be done by sea, thus slowing down the pace and the frequency of the campaigns. These tended to become multi-year affairs in distant parts of the world, where the yearly rotation of the elected military leaders (which usually involved a reorganization of the army and of its staff) was eminently impractical. Commands had therefore /523/ to be extended and provincial governors often played an important role, staying in the field with the same army for long periods, essentially free from senatorial supervision, at least until they returned to Rome. The very structure of the army was radically changed eliminating the last vestiges of the original stratification of soldiers by social class, emphasizing instead veterancy and military rank acquired in the field. The conquest, which had proceeded along the coasts at a sustained and constant pace so that few years had seen no gains, now became much more unpredictable, alternating massive leaps and bounds with long periods of stable boundaries. Necessarily, expansion could only come from long expeditions that had to be planned well in advance and that, when successful, often led to the incorporation of areas many times the size of the whole of peninsular Italy...the foundation of new cities and the reorganization of the rural landscapes had been fundamental tools to interact with the local communities and to make them more compatible with and interested in the Mediterranean world…As the first century bce progressed..The political republican system collapsed, crushed by the emergence of large professional armies that were firmly loyal to the commanders under whom they had served for long periods../droits de vote non exerçables à cause des distances/ Rome’s policy of political inclusiveness had reached its intrinsic spatial limitations. From then on, Rome was ruled by military dictators, called emperors, whose primary power base was within the army..524 After 100 bce, the Roman army and its generals were engaged in intestine and inglorious wars more often than they were deployed in external ones, and certainly with far greater casualties. Civil strife and factionalism had always featured in the history of the empire to a remarkable extent…524 Early on, advances were made in the Rhineland, along the Danube, and in the northwestern Iberian Peninsula /aso/..525 All these areas tended to be less compatible with the rest of the empire than any other previous province and offered much stronger resistance, occasionally causing heavy defeats..areas that were culturally and structurally very different ended up within the empire and they showed a much greater propensity for instability and outright rebellion. [58] Cf. Harmand Jacques, 1978, "La Gaule indépendante et la conquête", CH. 6 de Nicolet, 1978, Rome et la conquête du monde méditerranéen, T2 Genèse d’un empire. L'a souligne que si la tradition française a magnifié la révolte de 53/52 BC, verrouillant par là toute compréhension rationnelle des événements gaulois de 52, ceux-ci doivent être compris comme une guerre des druides tentant de défendre le pouvoir dont ils s'étaient emparés en usurpant les pouvoirs judiciaires et en contrôlant l'éducation des Grands. On ne peut déverrouller, dit-il, qu'à condition de reconnaître dans l'Arverne /Vercingétorix/ soit un sot, soit un agent provocateur au service de César (p 724). Une fois la victoire romaine acquise, tout se défait et les peuples jettent les armes et repoussent les responsables de la guerre. Pour l'a, ce qui compte et explique la paix qui règne ensuite, c'est, avant et après 53/52, le ralliement à Jules des chefs qui demandaient un soutien contre la pression extérieure ("Belges" et "Germains") et la tension "sociale" (aristocrates/paysans) à l'intérieur. [59]
Le
Roux Patrick, 2004, "La romanisation en question", Annales.
Histoire, Sciences Sociales,
59e année, n°2, p. 287-311. Le Roux Patrick, 2006, « Regarder vers Rome aujourd’hui », In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, tome 118, n°1, pp. 159-166 :..159 La multipolarité du monde romain a été revendiquée à juste titre. La relative unité des paysages méditerranéens ne devait pas masquer plus longtemps de profondes différences..160 L’accession à la citoyenneté romaine ne semblait pas signifier que l’on était devenu romain..Le déplacement du regard des centres vers les périphéries fonctionne assurément comme l’un des catalyseurs de la «déromanisation» progressive de l’histoire romaine impériale..On a trop longtemps confondu Rome et le monde romain, histoire de Rome et la «romanisation»…161 Chacun admet cependant que la «romanisation» n’est pas la «romanification», néologisme que j’invente en imitant le mot de «russification»..162 Aux échelons locaux et régionaux, les observations /des archéologues/ ne cadraient que rarement avec la grande histoire, avec l’uniformisation de processus d’évolution présentés comme acquis et universels..La «romanisation» triomphante avait accrédité l’idée d’une diffusion indéfinie des modèles importés..Il était séduisant d’inverser les données et de voir autant de refus et de résistances... Le raisonnement débouche, comme on pouvait s’en douter, sur la question d’une actualité de l’histoire romaine et sur la légitimité ou le sens d’une relation entre le passé même lointain et le présent..manque de recul par rapport aux contaminations, nées des événements contemporains..164 Une appréciation sans indulgence et négative de l’Empire romain contribue aujourd’hui en partie à apaiser une «mauvaise conscience» née de la lecture des histoires coloniales depuis le XVe siècle..L’immoralité de l’impérialisme jette le discrédit sur un pan entier de l’histoire de Rome...on peut se demander s’il ne faudrait pas/.../ pour renouveler l’histoire de Rome, chercher à se détourner peu à peu d’une conception surtout généalogique de l’histoire ancienne...Les débats autour de la «romanisation» et leurs conséquences méthodologiques..doivent inciter à retrouver une Rome autre, exotique, replacée dans son environnement familier et différent de celui que nous connaissons...Il n’y a aucune contrainte professionnelle ni force démonstrative particulière de recourir à des modèles préfabriqués qui ne sont jamais comparables aux réalités du monde romain. [60] Loseby S. T. , 2009, "Mediterranean Cities", In: Rousseau, Jutta, 2009, p 139, government through the cities also afforded an immensely practical and inexpensive solution to a problem that perennially confronted the rulers of premodern societies as soon as their polities had expanded beyond a certain point, that of exercising power over distance Humphries Mark, 2009, "The Shapes and Shaping of the Late Antique World: Global and Local Perspectives", In: Rousseau, Jutta, 2009, p 100 But by concentrating above all on the unity of the empire, we miss the essential diversity of the various elements of which it was composed. Indeed, the apt remark has been made that ‘‘the Roman Empire is too often seen as a whole, too seldom as a collection of provinces’’ (Wickham, 2005), p 102 In such circumstances, we might think of the political unity of the empire as being maintained only by keeping in check various tendencies that might lead it to spring apart. That was, indeed, apparent in the very foundations of the empire, which rested on the incorporation of communities, mainly cities, that were largely left to run their own affairs. So long as various dues were paid – either tangibly as taxes or compulsory services, or symbolically in terms of allegiance and imperial service – direct interference from the imperial authorities occurred only to insure the smooth operation of the state’s administrative and legal apparatus or to settle problems whose resolution confounded the abilities of local elites (Garnsey and Saller 1987; Moralee 2004 *). Such a policy suited elites across the length and breadth of the empire since, through their participation in imperial government, they were able to maintain their social preeminence within their communities (Veyne 1976; Heather 1994; Lendon 1997 *) * Moralee, Jason (2004), ‘‘For Salvation’s Sake’’: Provincial Loyalty, Personal Religion, and Epigraphic Production in the Roman and Late Antique Near East, London and New York, Routledge. ; Veyne Paul (1976), Le Pain et le cirque: sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Seuil. ; Heather Peter (1994), ‘‘New Men for New Constantines? Creating an Imperial Elite in the Eastern Mediterranean,’’ in Magdalino (1994: 11–33). Magdalino, Paul (ed.) (1994), New Constantines: The Rhythm of Imperial Renewal in Byzantium, 4th–13th Centuries, Aldershot, Variorum; Brookfield, VT, Ashgate Lendon 1997 ; Lendon J. E. (1997), Empire of Honour: The Art of Government in the Roman World, Oxford, Clarendon Press; New York, Oxford University Press ; Harries, Jill (1999), Law and Empire in Late Antiquity, Cambridge and New York, Cambridge University Press ; Kelly, Christopher (2004), Ruling the Later Roman Empire, Cambridge, MA, Harvard University Press [61]
Cf.
Webster Jane, 1996, "Roman imperialism and the ‘post imperial
age’ ", Roman Imperialism: Post-Colonial
Perspectives, Chap. 1, edited by Jane Webster & Nick Cooper; —,
2001, "Creolizing the Roman Provinces", American Journal
of Archaeology, Vol. 105, No. 2 (Apr.), pp.
209-225 [62] Woolf Greg, 2002, "Generations of aristocracy", Archaeological Dialogues, 9, pp 2-15 : p 3…Colonists and garrisons were largely absent, and with them land-confiscations, new influxes of wealth, and the sudden arrival of new cultural habits and dispositions. Here, if anywhere, we ought to be able to observe gradual re-negotiations of the political, social and cultural order, or even substantial continuity with pre-conquest patterns… Interior Gaul displays marked social hierarchy before and after the Roman conquest. This paper asks what changes, if any, Roman rule brought in the forms this inequality took. Après avoir souligné l'intéressante différence entre les Gaules, tant dans la chronologie que dans le processus (la Gaulte du sud colonisée, l’intérieure auto-romanisée, la Gaule rhénane militarisée et alliée — cf Slostra), l'a entreprend une sociologie de l'aristocratie: empêchés de se faire la guerre, les warlords rivalisent en romanité ostentatoire. L’article suivant (Slofstra) articule la dimension "culturelle" (romanisation) et l’histoire. Il montre la "double identité" en action (l'exemple de Civilis) : la transformation des rois en préfets est réversible. Civilis révolté redevient batave : identities may be redefined from one moment to the next. Une étude de cas instructive. Slofstra, 2002, "Batavians and Romans on the Lower Rhine", Archaeological Dialogues, 9 : p 24 The key instruments of Roman frontier policy in Gaul were the deployment of a relatively modest occupying force (supplemented by auxiliary troops), the maintenance of political relations with the tribal aristocracies, and the relocation of ethnic units in areas that suited Rome's purpose. The most striking aspect of the Roman hegemonic strategy at the Gallic frontier was the system of diplomatic control, which involved a range of treaty agreements with the aristocracy of the Gallic civitates…27 In the 1st century A.D., .. on the Rhine and Danube frontiers..indigenous aristocrats /../ were appointed as prefects in their own civitas…28 /eg Bataves/ This change from kingship to prefecture would have strengthened rather than weakened the power of the Batavian Iulii. Their native power base remained intact, and we even have reason to believe that they extended their client networks to include other tribal groups in the Rhine delta. [63] Les oppida ne sont généralement pas les ancêtres des cités "gallo-romaines". Faute de cités, les Romains font une "civitas" par tribu (dont les big men souvent fonderont une cité) et ne créent directement que très peu de colonies (Lyon). La Gaule romaine restera peu urbanisée. Cf. Woolf Greg, 1998, Becoming Roman- The Origins of Provincial Civilization in Gaul, Cambridge University Press : p 136 In fact, even by the standards of the ancient world, Gaul was under-urbanized. Few Gauls lived in the cities or even near them, and as a result few can have had much contact with them. Roman cities in Gaul were thus islands of civilization scattered over a world of villages that in its operation, although not in its appearance, strongly resembled the iron age world it had replaced...p 140 /Bekker-Nielsen* :/ The dispersal of cities in central Italy averaged 11-16 km, while elsewhere in the peninsula and in Narbonensis they appeared at intervals of between 20 and 40 km. Only in central Italy, in other words, could cities themselves provide the lowest level of services to rural populations. But there is also a startling contrast between those dispersal rates and those of Comatan Gaul, where cities are between 50 and 100 km apart. In fact, the result is skewed by variations in the size of civic territories, and the addition of secondary towns reduces the dispersal.., while Narbonensis approximates Italy even more closely. The main contrast to emerge from these approaches is between urbanism in the Mediterranean world and the situation in the continental interior. * Bekker-Nielsen Tønnes, 1989, The geography of power: Studies in the urbanization of Roman North-West Europe. Vol. 477. Oxford: BAR [64] Woolf Greg, 1995, "The Formation of Roman Provincial Cultures", In: J. Metzler et alii (éds), Integration in the early Roman West. The role of culture and ideology, Luxembourg, p 9 If Roman provincial cultures from Britain to Egypt are considered together, one of the most striking patterns to emerge is a chronological one.. The provincial cultures of the Roman empire shared a common formative period /around the turn of the millennium/..10 Cultural change proceeded at much the same pace throughout the empire, irrespective of when each area was conquered. Woolf Greg, 2008, "The Roman Cultural Revolution in Gaul", In: Keay Simon, Terrenato Nicola, eds, 2008, Italy and the West — Comparative Issues In Romanization, Oxbow Books, p 178 The creation of new priesthoods and new cults into Gaul entailed the creation of new kinds of knowledge. Likewise, the re-ordering of Gallic religion involved the effective abolition of an entire sacrificial and ritual tradition and the naturalization of a new one. The very designing of new cults involved formal acts of syncretism, that in some cases evidently were taken on expert religious advice. Epona serait le résultat de ce syncrétisme : Webster Jane, 2001, "Creolizing the Roman Provinces", American Journal of Archaeology, Vol. 105, No. 2 (Apr.), pp. 209-225 :CREOLIZING ROMANO-CELTIC RELIGION p 221 In my terms, Epona cannot be regarded as a Celtic deity or a Roman one. She is the product of the post-Roman negotiation between Roman and indigenous beliefs and iconographic traditions: she is thus a Romano-Celtic deity... [65] Si l'idée de "révolution culturelle" pose de nombreux problèmes, elle a l'intérêt de mettre l'accent sur le caractère multiforme des transformations, sur leur échelle et sur le fait qu'elles ne sont pas initiées par la Ville. Cf. Woolf Greg, 2008, "The Roman Cultural Revolution in Gaul", In: Keay Simon, Terrenato Nicola, eds, 2008, Italy and the West — Comparative Issues In Romanization, Oxbow Books. Même les fameux bains romains ! p 181 the same might be said of Rome itself at least as far as bathing is concerned. The new kinds of self-care that became so widespread in the early empire drew on many sources - gymnasial culture, Greek bathing, technical inventions like the hypocaust - but none of them were native to Rome, nor were they first combined there as far as we can tell. [66] L'archéologie britannique qualifie de subroman (plutôt que postroman) les traces de la période entre retrait romain (410) et saxonisation (Ve/VIe siècles) qui deviennent peu à peu hybrides. Pour l'Italie, cf. Humphries Mark, 2000, "Italy, A.D. 425–605", In: Cameron Averil & al, eds, The Cambridge Ancient History, Volume XIV, Late Antiquity: Empire and Successors, A.D. 425–600. Cf. aussi Wood Ian N., 2000, "The North-Western Provinces", In: Cameron, CAH 14, id : p 497 Several historians working on fifth- and sixth-century Britain have, for instance, argued that between the history of the late Roman province of Britannia and that of Anglo-Saxon England lies a shorter but none the less distinct period that has been called ‘sub-Roman’..Other regions in western Europe passed through an intermediate ‘sub-Roman’ phase between the collapse of imperial Roman government and the establishment of a new barbarian regime: this is clear for Gallaecia in Spain, Aremorica and the area controlled by Aegidius in Gaul, as well as Noricum..in Soissons it began with the murder of Majorian in 461 and ended with the defeat of Aegidius’ son Syagrius at the hands of Clovis, in c. 486..p 498 it is worth comparing the sub- and post-Roman histories of these regions… p 510 Mixed in with this picture of collapse, however, is a picture of remarkable continuity...p 517 Although our sources suggest that it was charismatic clerics who stepped into the breach caused by the failure of the Roman empire, there were other individuals who attempted to use the remnants of imperial authority. The barbarians themselves often acted as officials of the old empire, both before and after becoming kings – and their kingdoms were built on Roman foundations…520 Whatever the variety, the Merovingians came more and more, in the course of the sixth century, to cultivate an image of romanitas...523 In the course of the sixth century the Visigothic kings of Spain, like the Merovingian kings of the Franks, came to present themselves in a guise that looked back to the Roman empire. [67] Vanderspoel John, 2009, "From Empire to Kingdoms in the Late Antique West", In: Rousseau, Jutta, op. cit. : p 430 When Childeric returned /from Thuringia/, he no doubt resumed active kingship of the Salians and governed them alongside first Aegidius, then Syagrius..Less clear is whether we have here true joint kingship or two kingdoms superimposed one on the other, with the same boundaries but governing different segments of the population. Or, since Syagrius governed from Soissons and Childeric from Tournai, do we have two kingdoms not superimposed..two rulers and two peoples occupying the same territory…Clovis defeated Syagrius in AD 486…/Remigius/ p 432 As the new Roman aristocracy of western Europe, filling roles traditionally played by the upper classes (Mathisen 1989, Brown 1992 *), the episcopate was not fully enamored of men like Aegidius or Syagrius, Roman functionaries who usurped or extended the powers granted to them at some cost to the authority of the bishops in their territories..Indeed, these new potentates threatened episcopal autonomy more than even emperors did, particularly in Late Antiquity, when Gaul was more a place to rule than to visit…in the absence of imperial authority, bishops preferred that there be no other Roman-based, Roman-originated authority but themselves: if not the state, then the Church. Barbarians were not Roman..Alternatively, bishops may simply have employed the Franks as a force in their disputes with each other…p 436 /in Britain/ we have four little territories that Romans had considered their own, first ruled by Roman officials then by kings, either the Roman officials or their descendants: not so different from the Gallic situation /Aegidius/…/In 516 or 517 Africa/ a dux became an independent ruler when the empire that had made him dux had become irrelevant. Though Masties calls himself imperator rather than rex, he clearly governed two populations, one of Romans, the other of Mauri: not so different from Aegidius as rex Francorum or Syagrius as rex Romanorum…p 437 I suggest that in both Britain and Africa the prefects handed power to sons and turned their fiefdoms, or prefectures as we now should call them, into kingdoms, because the empire could not force them to remain prefects… p 438 Three very different parts of the empire, therefore, designated by the empire as prefectures (or the sphere of a magister), all became kingdoms under native control in a similar manner. Though details differ, the prefects (or kings, if they had already become the latter) were either replaced by native rulers, possibly having shared power for a while first (as in Gaul), or simply became part of the people they or their ancestors had been appointed to govern as prefects..Moreover, the existence of reges Romanorum in Britain and Africa suggests that Gregory /of Tours/ could be correct in calling Syagrius a rex Romanorum... * Mathisen, Ralph W. (1989), Ecclesiastical Factionalism and Religious Controversy in Fifth- Century Gaul, Washington, DC, Catholic University of America Press. Brown, Peter (1992), Power and Persuasion in Late Antiquity: Towards a Christian Empire, Madison, University of Wisconsin Press. [68] Loseby S. T. , 2009, "Mediterranean Cities", In: Rousseau Philip, Raithel Jutta, (Eds), 2009, A Companion to Late Antiquity, Wiley-Blackwell 148 the bishops
could inhabit the awkward gap between central and local power with
confidence,
because their authority came from outside those structures and
transcended
them..By accepting responsibility for the population as a whole, and
not merely
for its citizen body, the bishops redefined the notion of the city
community to
embrace all of its members (Patlagean 1977; Brown 1992 *)…The
channeling of
munificence through the Church meant that bishops became urban patrons
par
excellence, rivaled only in the provincial capitals by the
governors..That
transformation in political culture was paralleled by the emergence of
a new
late antique urban aesthetic, structured around two main types of
public
building: walls and churches * Patlagean
Evelyne
(1977), Pauvreté économique et pauvreté sociale à
Byzance, 4–7eme siecles, Paris, Mouton ; Brown, Peter (1992), Power and Persuasion in Late Antiquity:
Towards a Christian Empire, Madison, University of Wisconsin Press [69] Si l'on suit Goffart qui, de manière aussi intéressante que discutée, minimise la rupture des invasions (accommodation), ce serait aussi —à contre-courant du récit traditionnel— le raisonnement de l'Empereur. Les généraux romains que la guerre permanente oblige à maintenir à l'Ouest séduisent leur armée et l'emploient pour devenir empereurs. Aussi vaut-il mieux les remplacer par des barbares alliés qui ne pourront pas avoir cette prétention (?). Le changement de gouvernance de l'Ouest au profit de rois alliés serait ainsi un repli organisé pour des raisons politiques plus que militaires. Ce raisonnement se heurte à la reconquête de Justinien que l'auteur pourrait écarter comme la tentative d'un mégalomane mais qu'il cherche à expliquer par le même objectif de survie de l'Empire. L'argumentation est aventureuse : après Chalcédoine, le pape ne comprenant pas la nécessité de faire des compromis dogmatiques pour assurer l'universalité de l'empire, il serait déclaré captif des barbares et barbare lui-même et donc à ramener dans l'orbite impériale. Goffart Walter, 1981, "Rome, Constantinople, and the Barbarians", The American Historical Review, Vol. 86, No. 2 (Apr.), pp. 275-306 : p 277 The changes in their relations /Barbarians’/ to the Roman Empire need to be examined from the Roman side of the border, for it was on that side-not least because the literate observers were there-that the terms of the encounter were formulated and the dynamics governing the relations of the parties almost invariably generated…What is worrisome about the name "barbarian" is the generalization it embodies: the term tends to transform the neighbors of the Roman Empire into a collectivity.. 281 There is a common impulse to juxtapose the triumphant expansion of the imperial frontiers in the first century B.C. and the inroads of alien hordes in the third and fifth centuries… it is a modern discovery. No known contemporary observer was conscious of a change. Nor is this surprising. Every century of Roman history had witnessed military disasters at the hands of barbarian armies… 283 Political competitors invariably occupied a higher place on the agenda than alien enemies; barbarians were the natural allies of emperors and usurpers alike in their fratricidal struggles for power…In this sense, the competing priorities among which the imperial government had to choose provided the motive force of barbarian history 284 Of course, there were invasions and migrations…286 what compels our attention in the tale of Rome and the barbarians is the massive, unmistakable, and comparatively rapid replacement of Roman by alien rule in the western provinces of the fifth century…287 western regions had been gained, more often than not with official Roman sanction, by barbarian peoples..these dominations became independent kingdoms. 288 all of the third-century intruders were annihilated or expelled, and the frontiers were restored..Although faced with more isolated attacks at longer intervals, the Roman government after 378 departed from the military solutions of the third century 291 The critical element, however, was neither Gothic strength nor deficient Roman means; it was a scale of imperial priorities in which the repose of the many had an absolute preference over the safety of a few 292 … right down to 425, the west was a nursery of pretenders to the throne, and the armies of Britain and Gaul, which repeatedly backed these usurpers, were the outstanding threat to the security of the emperors…293 The distant west, with its strong armies guarding Britain and the Rhine frontier, remained a point of instability, a springboard for generals with the ambition to make a grab for power. From there, in fact, Constantine himself had launched his astonishing career. Between 324 and 475.. the government was repeatedly challenged..The events following Julian's death and that of Valentinian I in 375 show that the political unreliability of the exercitus Gallicanus was a fact for statesmen to reckon with, even apart from outright rebellion…294 Weakness in the west was the condition of security for the imperial throne, and the attachment of generals to the dynasty was a more important consideration than their military skill…295 The more rapid pace of events on the Continent /than in Britain/…illustrates in itself the active role of imperial policy in transferring military control to Gothic, Frankish, and Vandal chieftains and their followers….The same imperative of internal security that argued in the 390s against the rebuilding of the armies of Gaul and Britain positively favored, in the next century, the quartering of barbarian forces among the provincials of the west. [69b]
Cette importation ressemble à celle que décrit de manière
particulièrement intéressante Shepard * pour les voisins de Byzance au
début du millénaire suivant mieux observés (mes soulignements) : For many
potentates, receipt of titles, gifts and emblems from the emperor was
compatible with aspirations to control their own dominions; more
confident regimes would adapt, if not mimic, symbols, which the
basileus considered his sole prerogative..Such unmistakable marks of
authority could help transcend local differences and rivalries,
providing a visual vocabulary of power
that all subjects could understand... Byzantium offered a working model, dignified yet also
efficient, to would-be monarchs without close cultural affinities or
traditions of allegiance towards the empire. Some drew unilaterally on
Byzantium’s stock of visual symbols,
seeking neither their bestowal from the emperor nor to efface the old
imperial centre... borrowed ways of presenting their rule as
God-given...Byzantine-derived imagery... Leaders aspiring to create
their own nodes of material patronage, sacral largesse and orderly
governance took as a model the offices and honours which Byzantine
emperors could confer and retract... the Byzantine imperial order..
held out a comprehensive ‘package’ of
concepts, rites and authority-symbols, sealed with the church’s
blessing...(si bien que aussi tard que 1547) Ivan (IV) and his counsellors expressly
invoked historical associations with Byzantium [70]
Première lettre de Pierre, 2,4-9...Approchez-vous
du Seigneur : il est la pierre vivante que les hommes
ont éliminée, mais que Dieu a choisie parce qu'il en connaît la valeur.
Vous aussi,
soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple
spirituel, et
vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles
que Dieu
pourra accepter à cause du Christ Jésus. Alors que l'Orient continuera à distinguer le bâtiment (naos) et l'assemblée (ecclesia), l'Occident assimilera l'Eglise à l'église, à travers les reliques incluses qui, sous l'autel où l'on célèbre le Christ, représentent les fondations (inecclesiamento). Ce renversement s'opère à partir de 850/900 (d'où la fameuse blanche couronne d'églises) et maçonne la fonction d'intermédiation du clergé. [71] Dans les dix livres de son Histoire des Francs (écrite de 574 à 594), Grégoire de Tours reflète l'éloignement de Rome. Que le pape de Rome soit rarement mentionné montre que les Eglises fonctionnent sans lui. In Guizot, 1823, Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, Mémoires de Grégoire de Tours, on trouve au total six références au pape de Rome : trois allusions historiques, une information de première main sur l'élection de Grégoire le Grand et deux cas intéressants. Les allusions se rapportent aux anciens évêques de Tours et à Constantinople : L2, p 40 sq, Brice, successeur de St Martin, accusé de luxure, puis de magie, chassé, va trouver le pape de Rome auprès duquel il passe 7 ans puis revient et est miraculeusement rétabli dans sa fonction (repris au livre X dans l'histoire des évêques de Tours) L5, 266, /en 578/ Tibère-César essaye de succéder à l’empereur et, menacé par le peuple (dont Justinien a la faveur) appelle à lui le pape de la ville pour être fait empereur. L10,140, /évêques de Tours/ Gatien, le premier évêque, fut envoyé, la première année de l'empire de Dèce, par le pape du siège de Rome 142 /de nouveau l’histoire de Brice/ L'évêque de Tours ayant envoyé à Rome son homme de confiance pour rapporter des reliques afin d'augmenter le potentiel sacré du site, obtient à son retour des informations directes qui, par hasard, concernent l'élection et les réticences du pape Grégoire (futur Grégoire le Grand). L10, p 76 (15ème année du règne de Childebert, 590)...notre diacre revenant de la ville de Rome avec des reliques de saints rapporte qu’il y a eu inondation et épidémie : elle frappa d'abord le pape Pelage, qui en mourut presque aussitôt et comme l'Église de Dieu ne pouvait demeurer sans chef, tout le peuple élut le diacre Grégoire ... 77 Il écrivit donc à l'empereur Maurice, dont il avait tenu le fils sur les fonts sacrés, le conjurant et lui demandant avec beaucoup de prières de ne point accorder au peuple son consentement pour l'élever aux honneurs de ce rang; mais Germain, préfet de la ville de Rome, devançant son messager, et l'ayant arrêté, déchira les lettres et envoya à l'empereur l'acte de la nomination faite par le peuple. Maurice qui aimait le diacre, rendant grâces à Dieu de cette occasion de l'élever en dignité envoya son diplôme pour le faire sacrer... Quant aux deux cas intéressants, le premier montre le pouvoir formel du pape de Rome dans la discipline de l'Eglise et l'utilisation qu'en fait le roi burgonde Gontran pour soustraire des évêques brigands à la sanction de leurs pairs qu'il ne pouvait pas annuler. Le second illustre à la fois le pouvoir de l'archevêque métropolitain, pape de sa province, et la capacité décisionnaire du roi en matière ecclésiastique. (1) L5 p 257 Les évêques d'Embrun et Gap, déjà célèbres pour leurs méfaits, pillent l'évêque de St Paul Trois Chateaux. Le roi Gontran ne peut faire moins que réunir un synode à Lyon. Celui-ci les condamne et les démet de leur fonction. Ceux-ci, connaissant que le roi leur était favorable, allèrent à lui et l'implorèrent, disant qu'ils avaient été injustement dépouillés, et le priant de leur accorder la permission de s'en aller vers lé pape de la ville de Rome. Le roi leur accorda leur demande… Le pape adressa donc au roi des lettres portant injonction de les rétablir dans leurs sièges. Le roi accomplit sans retard cette injonction après les avoir cependant vivement maltraités de parole...(ce qui ne les empêche pas de recommencer à tout piller !). (2) Emeri (Eumère) est devenu évêque de Saintes sans la "sanction canonique" de l'évêque métropolitain. Ce dernier étant absent, le roi Clotaire lui a ordonné de s'en passer. Léonce le jeune, évêque métropolitain de Bordeaux, réunit un synode qui condamne et démet Emeri et lui choisit un remplaçant. Le synode envoie un messager au roi (Charibert) pour obtenir la nomination de son élu. L4 p 179 Le prêtre étant donc entré dans Paris se rendit en présence du roi et lui parla ainsi « Salut, roi très-glorieux le siège apostolique envoie à ton Eminence un très-ample salut » A quoi le roi répondit « Quoi donc, viens-tu de la ville de Rome pour nous apporter ainsi les salutations du Pape ? » « Ton père Léonce, dit le prêtre, et ses évéques provinciaux t'envoient saluer et te font connaître qu'Emule (Emeri) a été rejeté de l'épiscopat ». Remarquons que siège
apostolique est utilisé par abus pour siège épiscopal alors que
jamais
Bordeaux n'a prétendu avoir été évangélisé par un apôtre. La
suite est également instructive. Le roi endosse l'ancienne
décision de Clotaire. Quant au malheureux messager, mis
sur un chariot rempli d'épines on le conduisit en exil. Le roi
annule la décision du synode, rétablit l’évêque et met lourdement à
l'amende le
métropolitain et ses évêques [72] Constantinople’s priority was firmly established by the seventh century, when the local Chronicon Paschale asserted that Constantine intended from the outset that his new city should be a second Rome…( Humphries Mark, 2009, "The Shapes and Shaping of the Late Antique World: Global and Local Perspectives", In: Rousseau, Jutta, 2009, p 98). [72b]
Mango Cyril, 1963, “Antique Statuary and the Byzantine Beholder”, Dumbarton Oaks Papers, vol. 17,
pp. 53–75 : p 55 To adorn his new
capital on the Bosphorus, Constantine the Great removed a multitude of
antique statues from the principal cities of the Greek East…The
deliberate assembling of ancient statues in Constantinople constitutes
something of a paradox. ·we must not forget that paganism was very much
of a live issue…The lives of the saints are full of references to the
destruction of pagan statues…56 the general opinion prevalent at the time
/…/was that they were inhabited by maleficent demons…Granted this
attitude, how are we to explain the fact that the first Christian
Emperor used statues of pagan divinities to decorate Constantinople?…It
would be a mistake, I think, to suggest-as some modern scholars have
done-that these statues were used simply for decoration. The answer is
rather to be sought in the ambiguity of the religious policy pursued by
Constantine's government...59 The
popular attitude was based on the assumption that statues were animated… [73] Primauté est un terme assez ambigu pour nourrir tous les conflits. Elle peut être d'honneur (respect) ou de droit (juridiction). Elle peut signifier primus inter pares ou principat, suprématie. Dans un empire encore fonctionnel, le concile de Constantin, le premier Nicée (325) affirme la primauté des sièges patriarcaux sur les métropolites et évêques de leur ressort (Rome, Alexandrie et Antioche auxquels s'ajouteront Constantinople en 381 et Jerusalem en 451). Sixième canon du concile de Nicée : que, suivant l'usage anciennement adopté pour l'Egypte. la Libye et la Pentapole, l'archevêque d'Alexandrie exerce sa juridiction sur les évéques de ces provinces, ainsi que l'évêque de Rome a coutume de l'exercer sur celles qui dépendent de lui; que l'évêque d'Antioche conserve aussi les priviléges qu'il possède sur les autres églises. Les évêques de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche ont juridiction sur les métropolitains et les évêques, le premier, de l'Occident, le second, de l'Afrique, le troisième, de l'Asie (Gasquet Le troisième canon (supposé ?) du premier concile oecuménique tenu dans la ville impériale en 381, lui donnait le second rang dans la hiérarchie épiscopale: Que l'évêque de Constantinople jouisse des prérogatives d'honneur après l'évêque de Rome, parce que Constantinople est la nouvelle Rome. Le 28ème canon de Chalcédoine (451) portait: Attendu que Constantinople est le siege de l'empire et du sénat, et qu'elle est appelée la nouvelle Rome, qu'elle soit avantagée dans les choses ecclésiastiques, comme Rome elle-même. étant la seconde après elle. Une constitution de Zénon, puis une novelle de Justinien (Coll. IX, tit. XIV, nov. 31) le confirme : Nous décrétons que le très-saint pape de l'ancienne Rome sera le premier des prêtres, que le très-heureux archevèque de Constantinople, qui est la nouvelle Rome, aura le second rang après lui et sera préféré aux évêques de tous les autres siéges. [74] Humphries Mark, 2000, "Italy, A.D. 425–605", In: Cameron Averil & al, eds, 2000,The Cambridge Ancient History, Volume XIV, Late Antiquity: Empire and Successors, A.D. 425–600 : p 541 Since the episcopate of Damasus I (366–84), the Roman church had sought to extend its influence over much of Italy and beyond. In the mid fifth century, the process was given a boost by the activities of Leo the Great, whose term as pontiff (440–61) included the Hunnic invasions and the Vandal sack. Both provided him with an opportunity to behave as a statesman..At the same time, Leo’s pontificate saw a more elaborate formulation of Petrine supremacy..None was more unremitting in his defence of this supremacy than Gelasius I (492–6). [74b]
L'ancrage à un apôtre (Alexandrie, Antioche, Rome) n'est pas seulement
symbolique, il alimente une théorie de la succession, de la chaîne,
qui, par les patriarches, relie cette église aux apôtres et donc à la
source directe. Dans une certaine mesure (Dvornik, 1966, Byzantium and the Roman Primacy,
New York: Fordham UP), l'argument de l'apostolicité naît des efforts de
Rome pour s'imposer aux sièges métropolites occidentaux (non fondés par
un apôtre). [75] Déjà, au premier concile de Nicée convoqué par Constantin en 325, on ne trouve que 4 occidentaux sur environ 300 participants dont les deux légats du pape Sylvestre, Vite (Victor) et Vincent qui sont de simples prêtres. Si Ossius (Hosius), évêque de Cordoue, est un des 4 et préside le concile, c'est en tant que conseiller de l'empereur. [76] A l'exclusion de Chalcédoine (451) où le point de vue conservateur (Tome à Flavien de Léon le Grand), déjà exprimé avant Ephèse contre l'empereur Théodose, a la faveur de son successeur, Marcien. Cette exceptionnelle union du pape et de l'empereur ne résiste pas à la poursuite des controverses. Goffart, op. cit. : 299 The same year 451 in which Attila retreated from his western adventure also witnessed the great episcopal gathering at Chalcedon..Marcian.. earned a place of the utmost honor in the historical records of Constantinople for both "treading on the necks of all of his enemies" and instituting true Christian doctrine. His foreign foes, however, proved to be more lastingly buried than religious controversy..300 the leadership of the Catholic church of the west profited from the physical security it enjoyed in lands precariously governed by Arian generals to oppose all modifications of Chalcedonian teachings, regardless of the cost to Christian universality. Emperors who were forced to endure such defiance could scarcely sustain the illusion that the barbarian settlements in the west had left their ecumenical dominion unimpaired [77] Whittow Mark, 1996, The Making of Byzantium, 600-1025, University of California Press, remarque que tout ce que nous savons de la "querelle des icones" provient des iconodoules victorieux qui ont détruit tous les témoignages en provenance de l'autre camp. Son interprétation est que, aux VIIe/VIIIe, l'iconoclasme traduit la crise existentielle d'une "société" chrétienne qui voit triompher l' "Antéchrist" : victoires arabes, sièges de Constantinople, retrécissement de l'empire. Dans de telles conditions, une telle société s'interroge sur les péchés qu'elle a commis pour attirer la colère de Dieu et cherche à se réconcilier avec Lui. L'iconoclasme impérial serait la recherche d'un nouvel accord. Les deux restaurations iconodoules résulteraient, d'une part de l'inefficacité militaire de la nouvelle stratégie religieuse, d'autre part d'une recomposition politique inspirée par une impératrice/régente qui doit s'imposer en éliminant la vieille garde (iconoclaste) : Irène d'abord, Thedora ensuite. 142 By the early eighth century the victorious caliphate had come to be identified with the rejection of figural images, while the Byzantine empire was linked to icons and defeat. 150 /Irene doit s’imposer/ a return to icons offered the necessary revolution to confirm her in power. The overthrow of iconoclasm provided Irene with the opportunity to create her own supporters out of the iconodules, and to place them in office...However, the return of icons did not win God's favour. The following years were marked by military defeat on all fronts, an earthquake and a series of fires.. /invasion of Sicily and Crete by the Arabs/ 152 was not simply a matter of territory and revenues… More important these islands brought Arab sea-power to the northern side of the Mediterranean. Christian coastal communities in Italy and the Aegean, which had previously been protected by the combination of distance, currents and climate..now faced persistant Arab attack… 152 for most of the 830s Theophilos' military endeavours on the empire's eastern frontier were just sufficiently successful for him to be able to portray his regime as a return to the era of iconoclast successes in the eighth century..153 All of this, however, was overshadowed by the events of the summer of 838 when the caliph al-Mu'tasim invaded Asia Minor..154 Theophilos.. died on 20 January 842, leaving his wife, Theodora, as regent /Michael III/..on 11 March 843..icons were restored and iconoclasm condemned as an abominable heresy. The parallels with the situation in 780 are obvious. [77b]
J'emploie le terme par facilité pour désigner la capture du pape par
l'aristocratie romaine à la suite du reflux carolingien. Je n'adhère
pas pour autant au thème de la pornocratie pontificale cher aux
historiens allemands du kulturkampf
du XIXe, extrapolant l'incident meretricum
imperium de Baronius. Mouret * qui, bien sûr, cherche à
défendre la réputation de Rome, souligne que le thème s'appuie presque
exclusivement sur Liutprand dont le témoignage est fortement biaisé et
sur le Femini dominabuntur Hierusalem
de Benoît de Saint-André du Soracte (Cronicon,
entre 966 et 1000). La morale étant indifférente à l'historien, la
seule question est celle de l'élection papale par le peuple de Rome et
de la rivalité des Grands pour la manipuler. [77c] Tant les royaumes de Charlemagne que sa relation avec le pape sont un bricolage de circonstances qui ne tient pas. Cf. Paul Fouracre, 1995, "Frankish Gaul to 814", The New Cambridge Medieval History, Volume II c.7oo—c.9oo, ed. 2006 : on fait habituellement de Charlemagne le restaurateur de la chose publique...There is in contrast a more pessimistic view of Carolingian government which questions how far the good intentions expressed in the capitularies were actually put into practice.. In this view no substantial new structure of government evolved as the Carolingian power grew. What sustained that growth was instead the plunder and tribute which flowed in the wake of military success. When the empire stopped expanding the lack of structure was exposed, and the magnates who had helped build it by fighting together so profitably then began to destroy it as they fought each other in lieu of outsiders to plunder...et le pouvoir reste, comme du temps des Mérovingiens, aux mains des comtes et des évêques. [77d]
Kolbaba Tia, 2008, "Latin and Greek Christians", In: Noble,
Smith, eds, Early Medieval
Christianities, 600–1100, The Cambridge History of Christianity,
vol. 3 : The change came from north
of the Alps through a motivated group of men dedicated to papal
independence, supported by a new line of rulers, the Ottonians, who
intervened effectively in papal election....Ottonian involvement in
Italy differed in two fundamental ways from earlier Carolingian
efforts. First, the Ottonian emperors, with their ambitions to control
southern Italy, were enemies of the Byzantines in a way that the
Carolingians had never been...Second, the Ottonians differed from the
Carolingians in their handling of contested papal elections and a
corrupted papacy. They moved to install reformers from their own
lands... [78] La fortune de celle-ci est tardive, elle sera utilisée par le pape Léon IX contre Cérulaire, patriarche de Constantinople au XIe, contre l'empereur germanique au cours des querelles et incorporée aux canons au XIIe (décret de Gratien). Tout laisse penser qu'elle a été initialement forgée, non pour soutenir une revendication impériale universelle, mais pour défendre les droits du pape sur les territoires "impériaux" en Italie (dont l'exarchat de Ravenne) que les Francs avaient conquis sur les Lombards et conservés. Il est amusant de noter que la Donation a eu aussi une carrière orientale. Des patriarches de Constantinople l'ont utilisée pour justifier leur demande de privilèges impériaux : i) Constantin les a donnés à Rome ii) Constantinople a succédé à Rome iii) donc hérite des privilèges (dont les bottines pourpres) ! Et aussi, paradoxalement, pour résister aux prétentions de suprématie du pape de Rome ! Au XIVe Barlaam (Προς τον άρχιεπίσκοπον Νικόλαον) reprend tous les arguments habituels (collégialité des sièges etc) et ajoute une ingénieuse réinterprétation de la Donation (Kolbaba Tia, 1995, "Barlaam the Calabrian. Three Treatises on Papal Primacy: Introduction, Edition, and Translation", In: Revue des études byzantines, tome 53, pp. 41-115) : 15. The chrysobull delivered by Constantine the Great to St. Sylvester also shows that the pope did not hold the first place from the beginning. By this chrysobull the pious emperor made Sylvester a sort of emperor of the church. Surely he did not give him things he already had, but things he did not have. A quoi il ajoute la Novella 130 de Justinien : note what Justinian says: We decree, in accordance with the holy councils .... He does not say, "Since he received this position from St. Peter." pour conclure : 17. I have demonstrated that the pope, like other bishops of other cities, holds only the title of bishop of Rome by the authority of the apostles, but he has primacy over the others by the authority of the synods and emperors. [79] Gillett Andrew, 2009, "The Mirror of Jordanes: Concepts of the Barbarian, Then and Now", In: Rousseau, Jutta, 2009 : Marcellinus helped ‘‘manufacture’’ the east Roman assertion of AD 476 as the definitive end of the western Roman empire, and was followed in this by Jordanes (Croke Brian, 1983, ‘‘A.D. 476: The Manufacture of a Turning Point,’’ Chiron 13: 81–119 ). Humphries Mark, 2009, "The Shapes and Shaping of the Late Antique World: Global and Local Perspectives", In: Rousseau, Jutta, 2009, p 105 any consideration of the late antique grand narrative needs to construct an account of events that does not simply prioritize the unity of the Roman Empire…by AD 476, after all, the western empire had been reduced to a rump in Italy, with other regions already firmly under the sway of barbarian kings. The events of that year took on greater significance only in the sixth century in the lead-up to the emperor Justinian’s reconquest of Italy (Croke 1983): then, for the first time, the deposition of Romulus Augustulus was presented as marking the demise of the Roman Empire in the west (Marcellin. comes, Chron. s.a. 476. 2). Voir : MARCELLINUS COMES,
Comte
MARCELLIN,
CHRONIQUE, (476) XIIII. Basiliscus et Armatus consuls, §2 : Odoacre, roi des Goths, occupa Rome. Odoacre
fit immédiatement mettre à mort Oreste. Odoacre condamna Augustule,
fils
d'Oreste, à l'exil dans le château de Lucullus en Campanie.
L’empire romain d’Occident que le premier Auguste avait dirigé pendant
la sept cent neuvième année de la fondation de la ville, périt avec cet
Augustule, la cinq cent vingt-deuxième année des empereurs
disparus, après
quoi Rome fut tenue par les Goths (Hesperium Romanae gentis
imperium, quod
septingentesimo nono Vrbis conditae anno primus Augustorum Octauianus
Augustus
tenere coepit, cum hoc Augustulo periit...). [[79b]
Le Grand Schisme est un phénomène
politique et non doctrinal. La double excommunication de 1054 est
d'abord un non événement. Ce sont les croisades et la prétention
hégémonique des évêques latins qui feront schisme. Comme l'écrivait
déjà en 1925 Bréhier dans son CR de Leib * : loin d'avoir produit le déchirement qu'on
imagine d'ordinaire, le schisme a été aux yeux des fidèles, des princes
laïques, des moines et même dans une certaine mesure du clergé, comme
nul et non avenu… pour le rendre définitif, il a fallu l'intransigeance
des théologiens… et surtout les haines de race résultant du passage
désordonné des croisés à travers l'empire et, les conflits insolubles,
dus aux ambitions politiques et territoriales des empereurs et des
princes d'Occident. L'examen détaillé auquel se
livre
Carrier 2012* montre que les relations entre les "Francs" et les
"Grecs" sont caractérisées par l'ambivalence: suspicion et mépris vont
de pair avec coopération et fraternité chrétienne. S'il n'est pas
difficile de trouver chez les chroniqueurs des notations à l'appui de
la thèse du "choc des cultures" ou d'observer parmi les chefs des
manifestations d'hostilité, ce sont les actions de masse qui
transforment le "jeu" en drame: le massacre et pillage des Latins à
Constantinople en 1182, puis des Grecs en 1204 capitaliseront tous les
traits négatifs antérieurs. Alors qu'ils étaient épisodiques et
circonstanciels, ils deviennent structurels. En passant des chefs aux
masses, l'affrontement change de dynamique : "c’est au moment où l’animosité mutuelle
atteignit les couches populaires qu’une réelle division entre deux
cultures se concrétisa". *CARRIER Marc, 2012, L'Autre à l'époque des croisades: les
Byzantins vus par les chroniqueurs du monde latin (1096-1261),
Éditions universitaires européennes Cf. aussi Darrouzès Jean, 1963,
" Le
mémoire
de Constantin
Stilbès contre les Latins ", In: Revue
des études byzantines, tome 21,
1963. pp. 50-100; —, 1965, « Les documents byzantins du XIIe siècle sur
la primauté romaine », In: Revue des
études byzantines, tome 23,1965.
pp. 42-88 ; Kolbaba Tia, 2001, "Byzantine Perceptions of Latin
Religious “Errors”: Themes and Changes from 850to 1350", in Angeliki
op. cit. [80] Gregorovius Ferdinand, 1859/72, Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, History of the city of Rome in the Middle Ages, transl. Hamilton, London, 1898, Vol. 6.1, p 210 Petrarch, in deciding to receive the poet's laurels only on the Capitol, thereby gave it to be understood that Rome, abandoned by history, was the sacred altar from which the West had lighted the fire of her culture…p 212 The people shouted, "Long live the Capitol and the poet. "…p 216 And thus ended a festival which, although unimportant in itself, yet, owing to the city where it took place, the ideas which it embodied and to which it gave utterance, left behind an enduring impression. [80b]
Les auteurs qui, à la suite de Haskins (1927)*, avancent la
"renaissance" au XIIe siècle, cherchent à montrer l'existence d'un
sentiment de l'Antiquité à cette époque. Outre l'école de sculpture
sicilienne de Frédéric II (Kantorowicz) au début XIIIe, ils
mentionnent** quelques pélerins qui ont acheté des statues et quelques
sculpteurs romains qui s'en servaient de modèle. [81]
Mommsen Theodore Ernst, 1942, "Petrarch's Conception of the 'Dark Ages'
", Speculum, vol. 17, no. 2,
pp. 226–242 : Ever since his
childhood his thoughts had centered around 'the city to which
there is none like, nor ever will be’. But when in 1337 he came to Rome for the
first time and actually saw the remains of her ancient grandeur, he was
so overwhelmed by the impressions he received that he was unable to
express his feelings in words…Whereas in Germany he could and did take
the attitude of a 'tourist' interested in new sights and in the
observation of foreign people and strange customs, he went to Rome as to
'that queenly city, of which I have read, aye, and written so much, and
shall perhaps write more, unless death break off my efforts
prematurely’…After enumerating the
historical spots, Petrarch complains bitterly that the contemporary
Romans know nothing about Rome and things Roman. In his opinion this
ignorance is disastrous. For he asks: 'Who can doubt that Rome
would rise up again if she but began to know herself?’ /Fam., VI, 2
(ed. Rossi, II, 58): Quis enim dubitare potest quin illico surrectura
sit, si ceperit se Roma cognoscere ?/…To
him those ruins evidently bore witness to the time when Rome and the
Romans had been great: 'Of minute things, there are no great
ruins...he never will fall from a height who already lies in the
abyss’…'Quid est enim aliud omnis historia quam Romana laus?' /0pera
omnia, Basel, 1554, p. 1187; cf. H. W. Eppelsheimer, Petrarca (Bonn,
1926), p. 77/ Gregorovius Ferdinand, 1859/72,
op. cit. Vol. 7.2 530 CHAPTER VI. I. THE RENASCENCE IN THE FIFTEENTH CENTURY…p 534 Precisely at the time when Europe raised a protest against the antiquated Gregorian Church, the national work of the Italians began, namely their task of breaking through the barren system ot scholasticism with the spirit of antiquity…Nothing is more remarkable here than the relation of the Church to this resurrection of literary and artistic paganism. Monks, priests, cardinals greeted it with enthusiasm. Popes opened to it the the doorsof the Vatican. The churchmen, whose predecessors had destroyed the statues of the gods of Greece and the writings of the ancients, now collected the relics of antique statues and authors with as much reverence as those predecessors had collected the bones of saints. It was permissible to do so, since paganism was no longer a religious question…Owing to her capacity for embracing antiquity, the Papacy attained a new height of historic grandeur…543 The Latin world was stirred with joyous excitement; copies of these newly-discovered treasures /Poggio/ were disseminated throughout Italy …Equal zeal was employed in the East in the search for Greek manuscripts…544 Nicholas V. made the Vatican a workshop of copyists /+ translating + printing/ 584 In the age of
Humanism classical philology uniting with the study of the ruins of
Rome
created the science of local archaeology…585 Cyriac
acting as guide through Rome to the Emperor Sigismund in 1433,
complained to him of the degraded sense of the Romans, who reduced to
lime the
ruins and monuments of their city. After the time of Martin V. the
popes
themselves made use of the partly-preserved monuments for their own
buildings.
More especially had that most energetic of all the papal builders,
Nicholas V.,
remorselessly destroyed several remnants of antiquity for his own ends…586
Thus the most cultured of all popes was the
worst destroyer of ancient Rome…As Pope Piccolomini,
at the representations of the Roman citizens,
issued, on
April 28, 1462, a bull for the protection of the monuments. It was
proclaimed
on the Capitol…Similar laws were made by the civic magistrates…587 All was of no avail. For Pius himself showed
no respect to his own bull /id Paul II, Sixtus IV./…588 Meanwhile
a reverence for the ancient ruins
was awakened among the educated. As early as the beginning
of the fifteenth century some
cardinals encouraged the study of Antiquity /collections/…598 More and more antiquities came to light… 656 Neo-Latin art
was moreover more original than neo-classic literature…660 Martin V. found the streets a morass, the
houses ruinous, the Churches falling to decay…Martin intended to
restore all
the parish churches…665 Eugenius IV.
was succeeded by the first great restorer of the city, Nicholas V… In
this
Pope, indeed, the grandiose architectural ideas of ancient Romans were
revived.
He attacked Rome with truly imperial audacity. For the first time since
antiquity the city was to assume-at least according to his
conception-an
architectural unity, and Nicholas V. here displayed genius… Rome was to
be the
imperishable monument of the Church, that is to say, of the Papacy, and
was
thus to rise in splendour before the eyes of all nations…679 Twice did art assume an entirely individual
character in Rome : in its middle period under Sixtus IV., in its most
perfect
form under Julius II. and Leo X. /élargissements constructions,
avenues,
urbanisme neo-latin/ [82] Montaigne, Voyage en Italie (partie écrite par son secrétaire) :...& de vrai, quasi partout, on marche sur la tête des vieux murs que la pluie & les coches découvrent…Il disait, qu’on ne voyait rien de Rome que le Ciel sous lequel elle avait été assise, & le plan de son gite ; que cette science qu’il en avait étroit une science abstraite & contemplative, de laquelle il n’y avait rien qui tombât sous les sens ; que ceux qui disaient qu’on y voyait au moins les ruines de Rome, en disaient trop ; car les ruines d’une si épouvantable machine rapporteraient plus d’honneur & de révérence à sa mémoire ; ce n’était rien que son sépulcre. Le monde ennemi de sa longue domination, avait premièrement brisé & fracassé toutes les pièces de ce corps admirable, & parce qu’encore tout mort, renversé, & défiguré, il lui faisait horreur, il en avait enseveli la ruine même. Que ces petites montres de sa ruine qui paressent encore au dessus de la bière, c’était la fortune qui les avait conservées pour le témoignage de cette grandeur infinie que tant de siècles, tant de feux, la conjuration du monde réitérée à tant de fois à sa ruine, n’avoient pu universellement éteindre. Mais qu’il était vraisemblable que ces membres dévisagés qui en restaient, c’étaient les moins dignes, & que la furie des ennemis de cette gloire immortelle, les avait portés, premièrement, à ruiner ce qu’il y avait de plus beau & de plus digne ; que les bâtiments de cette Rome bâtarde qu’on allait asteure attachant à ces masures antiques, quoi qu’ils eussent de quoi ravir en admiration nos siècles présents, lui faisaient ressouvenir proprement des nids que les moineaux & les corneilles vont suspendant en France aux voutes & parois des églises que les Huguenots viennent d’y démolir. Encore craignait-il, à voir l’espace qu’occupe ce tombeau, qu’on ne le reconnût pas tout, & que la sépulture ne fût elle-même pour la plupart ensevelie. [83] Calvin, dans son long commentaire *, refuse le point de vue apocalyptique. La "petite corne" n'est ni le pape ni le turc. Pour lui, l'horizon de la prophétie n'est pas la fin des temps mais la venue du Christ. Cela le conduit à des acrobaties laborieuses : la "petite corne" serait les Césars et le "royaume des saints" la félicité que la diffusion et le triomphe de l'Evangile apporte aux Chrétiens etc. * Lecons de M. Jean Calvin sur le livre des propheties de Daniel. Recueillies fidelement par Jean Budé, et Charles de Jonviller, ses auditeurs : et translatées de latin en françois. Avec une table ample des principales matieres contenues en ce livre, 1569, Genève, ch. Perrin Visions de Daniel 7,1-28 : 3 Quatre bêtes énormes sont sorties de la mer, différentes les unes des autres….7 Après cela, j'ai vu dans mes visions nocturnes une quatrième bête, redoutable, terrible et extraordinairement puissante. Elle avait de grandes dents en fer. Elle mangeait, brisait et piétinait ce qui restait. Elle était différente de toutes les bêtes précédentes et avait dix cornes. 8 Je regardais les cornes et j'ai vu une autre petite corne sortir du milieu d'elles. Trois des premières cornes ont été arrachées devant elle. Sur cette corne, il y avait des yeux pareils à ceux d'un homme et une bouche qui parlait avec arrogance...9 Pendant que je regardais, on a placé des trônes et l'Ancien des jours s'est assis...11 J'ai alors regardé, à cause des paroles arrogantes que prononçait la corne. Pendant que je regardais, la bête a été tuée. Son corps a été détruit et livré au feu pour être brûlé...17 Ces quatre bêtes énormes, ce sont quatre rois qui surgiront de la terre...23...La quatrième bête, c'est un quatrième royaume qui existera sur la terre, différent de tous les royaumes. Il dévorera toute la terre, la piétinera et la brisera. 24 Les dix cornes, ce sont dix rois qui surgiront de ce royaume. Un autre surgira après eux. Il sera différent des premiers et abaissera trois rois...25 Par ses paroles il s'opposera au Très-Haut. Il opprimera les saints du Très-Haut et projettera de changer les temps et la loi. Les saints seront livrés à son pouvoir pendant un temps, deux temps et la moitié d'un temps. 26 Puis le jugement viendra et on lui retirera sa domination: elle sera définitivement détruite et anéantie. 27 Le royaume, la domination et la grandeur de tous les royaumes présents sous le ciel seront donnés au peuple des saints du Très-Haut. Son règne est un règne éternel et tous les dominateurs le serviront et lui obéiront. [84] Sleidan Jean, 1550, D’un nouveau chef qui au temps des empereurs s'esleva à Rome. Livre contenant comment et par quelz moyens s'est eslevée la papauté, la decadence d'icelle, ses merveilleuses pratiques, et en somme ce qu'on peut espérer de ce temps, Genève, p38/39 : /Daniel/ dit que l’Empire Romain sera de fer …Et dit que au milieu des dix cornes d’icelle bête, sourd et pululle une petite corne, ayant des yeux comme un homme et la bouche outrecuidée à parler: laquelle corne fait la guerre aux Saints et les opprime: ensemble, usurpe & entreprend une si grande autorité comme s’il lui était permis et loisible de changer les lois et le temps…(Notez que l'interprétation des "figures" énoncées par Daniel est très variable. Sleidan lui-même, avec autant de conviction qu'ici, y verra la prémonition de Mahomet (De quatuor summis imperiis, 1556 ; Histoire des quatre empires souverains : assavoir, de Babylone, de Perse, de Grece, et de Rome, 1557). p 42 : C’est St Paul qui dit qu’au dernier temps, il sera défendu par d’aucuns le mariage, ensemble les viandes et autrees chsoes que Dieu a créées pôur en user avec aciton de grâces. Dit aussi qu’il s’élevera un quidam, s’attributant à lui-même toute puisssance sur terre ... p 50 N’est-on pas venu jusqu’au point dont parle l’apôtre: que le fils de péché s’est porté pour un Dieu devant tout le monde?…Tout ne dépendait-il pas de l’idole de Rome et de son pouvoir qu’il usurpait de faire et de défaire…? p 54 mais après que la Religion a été réduite à une telle misère et tyrannie barbarique…à la fin Dieu selon sa promesse a assailli son ennemi par l’Esprit de sa bouche et ce en l’Empire d’Allemagne et par un personnage de basse condition. DEUXIÈME LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX THESSALONICIENS : 03 Ne laissez personne vous égarer d’aucune manière. Car il faut que vienne d’abord l’apostasie, et que se révèle l’Homme de l’impiété, le fils de perdition, 04 celui qui s’oppose, et qui s’élève contre tout ce que l’on nomme Dieu ou que l’on vénère, et qui va jusqu’à siéger dans le temple de Dieu en se faisant passer lui-même pour Dieu...06 Maintenant vous savez ce qui le retient, de sorte qu’il ne se révélera qu’au temps fixé pour lui. 07 Car le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre ; il suffit que soit écarté celui qui le retient à présent. 08 Alors sera révélé l’Impie, que le Seigneur Jésus supprimera par le souffle de sa bouche et fera disparaître par la manifestation de sa venue.09 La venue de l’Impie, elle, se fera par la force de Satan avec une grande puissance, des signes et des prodiges trompeurs, 10 avec toute la séduction du mal, pour ceux qui se perdent du fait qu’ils n’ont pas accueilli l’amour de la vérité, ce qui les aurait sauvés.11 C’est pourquoi Dieu leur envoie une force d’égarement qui les fait croire au mensonge 12 ainsi seront jugés tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui se sont complus dans le mal. [85] Par exemple Jean Sleidan, l'un des meilleurs, sinon le meilleur, historiographe réformé du XVIe siècle, voit dans le "papat" l'usurpation de l'Empire, la cause de sa division et de son affaiblissement (Sleidan, 1550, op. cit.). Dans cet ouvrage, adressé aux Electeurs, Princes et autres Etats de l'Empire, il souligne leur responsabilité commune puisque l'Empire Romain a été transporté par volonté Divine, des autres nations en la nôtre (p 6). Après que l'Empire ait perdu l'Occident, s'est élevée une division entre le Seigneur féodal l'Empereur d'une part et la vassal Evêque de Rome d'autre part. Qui est le vrai chemin et méthode pour mettre tout en hasard et ruine (12)...Le nouveau Chef voyant les Empereurs...ne se laissant ainsi assujettir à son plaisir...chercha moyen de s'exempter de cette sujétion et n'être dorénavant homme de l'Empereur comme étant chose indigne...délibéra de faire mieux, à savoir qu'il en éléverait un qui lui porterait honneur et ferait toutes choses à son gré·(14)... depuis que le second Chef s’est une fois ingéré et entremêlé des affaires de l’Empire, iceluy Empire est toujours allé de plus en plus en empirant & depuis qu’il a été transporté aux Allemands, est devenu à si peu de chose qu’il n’en est presque rien demeuré que le nom seulement...(23) Le pape prétend être Dieu sur terre et, à la fin, Dieu, comme jaloux et juste émulateur, lequel ne peut souffrir autre dieu ou compagnon près de soi…a fait reluire et éclaircir comme la belle Etoile du matin; et ce en la nation germanique, siège de l’Empire tel qu’il est 23 puis donc que l'Idole de Rome est la seule cause et unique de la division de l'Empire, qu'il a délaissé son ministère et a méprisé sa charge, que...tant qu'à lui possible, il a persécuté, tourmenté et détruit la puissance séculière ordonnée de Dieu...84 Depuis que l’Empire fut par le second Chef translaté d’Orient en Occident et que le dit Empire qui n’était qu’un commença d’être départi en deux: il est toujours devenu de plus en plus décadent, comme il appert 91 Avant sa ruine, laquelle il craint tant (aussi n’en fut-il jamais si près) il voudrait bien voir tomber quelque foudre et tempête sur notre nation, sur nous barbares qui avons découvert le pot aux roses et tout gâté. Quoi advenant, il espère se sauver, au moins pour quelque temps (grâce à la guerre civile) 92... les Allemands…étaient quelque peu rudes et sauvages. Depuis a été l’Empire transporté chez nous et s’en est ensuivie une honnêté et façon de vivre plus humaine. Et comme Dieu nous eût réservé quelque chose de singulier, advint qu’en nôtre Empire est premièrement trouvé et inventé un art nouveau: l’Imprimerie...Incontiennt après, on a commencé à ouvrir les yeux quelque petit 94...Après ce renouvellement de bonnes lettres (qui était comme un certain présage de quelque grande mutation) est ensuivie la prédication de l’Evangile: laquelle a commencé en notre pays et en notre Empire…95 Par quoi on peut vraiment dire que Dieu nous a spécialement regardés 96 Et il termine par cet exorde: Et faites hardiment votre compte, Messieurs, que tout le bien, avancement et prospérité de votre nation gît en votre prudence, vertu et constance…151 [86] Gillett Andrew, 2002, "Ethnicity, History, and Methodology", introduction de Gillett Andrew (Ed.), 2002, On Barbarian identity: critical approaches to ethnicity in the early Middle Ages. (Studies in the early Middle Ages). Turnhout, Belgium: Brepols : Ethnicity, the topic of much contemporary research, has been integral to the study of early medieval Europe since the beginnings of modem scholarship. During the fifteenth and sixteenth centuries, erudite authors in the Holy Roman Empire and the Scandinavian countries sought to create an alternative antiquity to the Roman past which Renaissance Humanists had so proudly claimed as the ancestor of the Italian states. [87] Maitland (Introduction à sa traduction de 1900 de Gierke, Political theories of the Middle Age, p 17 de la trad. française) : en regardant en arrière, on commença à considérer la Réception /du droit romain/ comme une honte et un désastre, et à voir en elle la cause déterminante de l'émiettement de la nation… p36 Pour la Genossenschaftstheorie de l'Allemagne moderne la tâche qui restait à faire était donc de recouvrer, de rendre à la vie 'l'idée organique' et de lui donner une forme scientifique. [88]
Naumann
Katja, 2014, "(Re)Writing World Histories in Europe", A Companion to
World History, CH 32, Wiley Blackwell... In
the United States, of course, world history’s attempts to emancipate
the modern
era from its European roots has long been oriented toward presenting an
alternative history of Western civilization. As early as the 1880s, in
fact,
the first president of the American Historical Association, Andrew
White
(1886), argued for a decidedly American perspective, insisting that the
history
of the world “must be rewritten from an American point of view to help
build up
a new civilization.. Freedman Paul, Spiegel Gabrielle M., 1998, "Medievalisms Old and New: The Rediscovery of Alterity in North American Medieval Studies", The American Historical Review, Vol. 103, No. 3 (Jun.), pp. 677-704: One function of the Teutonic germ theory had been to enable Americans conceptually to by-pass feudal institutions, so hated by revolutionary founders such as John Adams. Le XIXe savant américain rompt avec le moyen-âge romain européen pour expliquer l'origine de l'Etat moderne américain par le teutonic germ (Adams Herbert Baxter, Henry Cabot Lodge), germe pourri par le nazisme qui rend suspecte la Genossenschaft. La recherche revient alors à la romanité, renforçant le thème de la "renaissance du XIIe" (individualisme, rationalité, droit). Enfin, de nos jours, la contre culture, puis le postmodernisme, reviennent à une certaine forme de "gothisme". Gingras Francis , 2016, "Un autre Moyen Âge et le Moyen Âge des autres : les études médiévales vues d’Amérique", Perspectives médiévales, n°37, Le Moyen Âge en Amérique du Nord : Un élève de Henry Adams, Henry Cabot Lodge, est le premier à obtenir à Harvard un PhD en histoire, avec une thèse d’histoire médiévale significativement intitulée "The Germanic Origins of Anglo-Saxon Land and Law", avant d’être élu à la Chambre des représentants (1887-1893) puis au Sénat (1893-1924) où il défendra avec vigueur le rôle de libérateur des États-Unis, notamment à Cuba et aux Philippines, dans la Guerre de 1898. Deux ans après la signature du traité de Paris, qui cédait les Philippines, Porto Rico et Guam aux États-Unis, Henry Cabot Lodge défendait le rôle providentiel de l’intervention américaine auprès de ces populations en faisant intervenir son savoir de médiéviste... L’ancienneté des pratiques du self-government est un gage de réussite et, à ce titre, les États-Unis et, plus généralement, les descendants anglo-saxons des vieilles tribus teutonnes sont les meilleurs garants de l’implantation des libertés partout dans le monde... A propos de l'impact du nazisme, Freedman, Spiegel : Mcllwain provides the most interesting example…In "Medieval Institutions in the Modern World," Speculum, 16 (1941): 275-83, Mcllwain allowed present events in Germany to reorient completely his notion of the place of Roman law in Western constitutionalism, ..now Mcllwain confessed that "for myself it has been the tribal excesses of present-day Germany which, as much as anything else, have led me to question the group theory of von Gierke's Genossenschaftsrecht either as an explanation of medieval life or as a principle of practical politics" (pp. 279-80). Moreover, Mcllwain opined, the Nazi repudiation of Roman law suggested that medievalists had greatly overemphasized the despotic character of that great legal corpus and had, conversely, greatly under-rated the "importance of Roman constitutionalism in the early development of our own" (p. 278). [89] Reinhart Koselleck, 1985, trad. 1990, Le futur passé, Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Editions de l'EHESS, 1990 |