27/04/2024

Esambe Josilonus
Esambe Josilonus
©2024

Note sur "Demander excuse"Ñ un collatŽral saugrenu de la querelle jansŽniste   pdf

¦ Je renvoie aux notes de fin les extraits des ouvrages de polŽmique trop longs pour tre citŽs en texte.

 

Esquissons sommairement le cadre : les lettrŽs du XVIIe, mŽprisant le caractre brouillon de la langue franaise du XVIe sicle, ses scories gothiques et ses maniŽrismes italianisants, s'emploient ˆ la nettoyer et ˆ la fixer. Vaugelas (1585-1650) est l'acteur principal et emblŽmatique de ce processus. Ses Remarques sur la langue franoise (1647) s'appuient sur le bon usage et la pratique, alors que l'abstraite Grammaire de Port-Royal (1660, Arnauld et Lancelot) se voudra gŽnŽrale et raisonnŽe. Comment dŽfinir le bon usage ? c'est la faon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformŽment ˆ la faon d'escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps. Les six cents pages de Vaugelas contiennent ˆ peu prs autant d'entrŽes qui se succdent sans ordre, ni alphabŽtique ni analytique. Bornant son ambition ˆ Žmettre des remarques, non des dŽcisions, et connaissant le caractre Žvolutif de la langue (ce qui est bon maintenant, sera mauvais dans quelques annŽes, et ce qui est mauvais sera bon), Vaugelas appelle des continuateurs. Ils prolifŽreront, professionnels ou amateurs, et pousseront les scrupules de grammaire jusqu'aux procs de mots. Toute une querelle s'engage ainsi autour de "demander excuse", qu'on ne veut pas autoriser ˆ c™tŽ de "demander pardon", et qui devient provincial... La rigueur en ces matires Žtait incroyable... (Brunot, 1913, Histoire de la langue franaise, T. 4, pp. 548-9).

Demander excuse

Franois de Callires (1645-1717), lui, n'est pas un puriste, regratteur de mots, c'est un grammairien utilitaire, soucieux d'Žviter le ridicule, le scandale, l'Žquivoque, la fatigue, etc.; de mme, ce n'est pas un mondain qui respecte les usages pour eux-mmes, c'est un guide dans le monde, pour qui l'usage est un fait... cette prŽoccupation d'Žviter le scandale et le ridicule, c'est le grand souci de Callires pour la vie mondaine (Roques, 1904, pp. 278-9. Voir aussi Ruggiu, 2006). Callires est un homme de la Cour : l'un des trois plŽnipotentiaires aux nŽgociations de Ryswick, il succŽdera ˆ Rose comme plume du roi (1701), un Louis XIV enjŽsuitŽ qui voit dans les JansŽnistes des calvinistes rŽpublicains, et donc un danger pour l'Etat.

Callires publie en 1692 Des mots ˆ la mode, et des nouvelles faons de parler et une suite en 1693, Du bon et du mauvais usage dans les manires de s'exprimer, qui discute et censure un grand nombre de mots et d'expressions. Entre autres, demander excuse (p. 29-30) :

Il ne faut pas aussi, quand on parle sŽrieusement, dire, Je vous demande excuse pour dire je vous demande pardon, parce que, outre que je vous demande excuse est une faon de parler basse, elle n'exprime point ce qu'on veut dire... Lorsque vous dites ˆ quelqu'un je vous demande excuse, il faut supposer que cette excuse que vous lui demandez soit quelque chose qui dŽpende de lui, cependant, c'est ˆ vous ˆ lui fournir une excuse, c'est ˆ dire une raison qui vous justifie auprs de lui, & non pas ˆ lui ˆ vous la donner.

On doit dire "je vous demande pardon", parce que le pardon qu'on sollicite dŽpend de celui ˆ qui il est demandŽ.

En effet, l'excuse est la raison qu'on allgue pour attŽnuer une faute ou une erreur. Du premier dictionnaire (Nicot, 1606, Thresor de la langue franoise, p 269 : s'excuser sur l'‰ge, s'excuser sur le temps, s'excuser qu'on est malade...) ˆ celui d'aujourd'hui (9e Ždition du Dictionnaire de l'AcadŽmie [1]), tous les spŽcialistes en conviennent.

MŽnage, dans le T. 1 de ses Observations sur la langue franaise, formule une condamnation lapidaire :"je vous demande excuse" ne vaut rien du tout (p. 115 de lÕŽd. 1672, p. 129 de la 2nde ed.1675).

Richelet Pierre, 1680, Dictionnaire franois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue franoise, Genve, Widerhold) : #S'excuser. Prendre quelque prŽtexte pour se disculper. #Demander excuse. Cette faon de parler est condamnŽe par les gens qui parlent bien. Ils disent "je vous demande pardon"

Furetire (1690, Dictionnaire universel, 1re Žd., La Haye) : On a mis en usage une faon de parler impertinente, Je vous demande excuse ; on n'a plus qu'ˆ y ajouter, Je vous fais pardon, au lieu qu'on doit dire, Je vous demande pardon, Je vous fais mes excuses.

Parmi ces grammairiens, c'est surtout le jŽsuite Bouhours (1628-1702) qui, dans ses Remarques nouvelles... (1675), dŽveloppe la dŽmonstration et inspire Callires : On dit bien faire excuse, recevoir des excuses : ainsi quand j'ai commis une faute envers quelqu'un, ou contre la civilitŽ, ou contre la discrŽtion, je lui fais excuse de mon procŽdŽ peu honnte, & peu discret ; & quand il est content de ma satisfaction, il reoit mon excuse ; mais il ne m'accorde point excuse.

Dans la seconde moitiŽ du XVIIe, Bouhours, hŽritier de Vaugelas plus encore que MŽnage, est l'arbitre de la Langue. Il produit notamment les Doutes sur la langue franoise (1674), les Remarques nouvelles sur la langue franoise (1675), et vingt ans plus tard la Suite des Remarques nouvelles sur la langue franoise (1693).

La cause semble jugŽe : quand on a fautŽ, on se dŽcharge en invoquant une excuse, et on demande ˆ l'offensŽ ou ˆ la victime de la tenir bonne et de pardonner. Seul le vulgaire confond la cause et l'effet, l'excuse et le pardon.

"Excuse" et JansŽnistes (1675)

Mais, en ce temps, la grammaire sert ˆ faire la guerre. Regardons de plus prs les cinq pages de Bouhours (1675, pp. 42-46 [2]). Elles visent un demandŽ excuse tout ˆ fait incident ˆ la p. 68 du Nouveau traitŽ de la civilitŽ de Courtin (1671) qui, sans traiter des mots, entasse les conseils de biensŽance. Cette page 68 ne concerne pas la manire de demander pardon, elle porte sur la politesse ˆ l'Žgard de la personne avec laquelle on s'entretient : Il ne faut pas l'interrompre, mais attendre qu'elle ait achevŽ de parler pour lui rŽpondre. Il ne faut pas non plus la contredire ; et si la nŽcessitŽ nous y oblige pour l'informer de la vŽritŽ, il ne le faut faire qu'aprs lui avoir demandŽ excuse... Ne pas contredire grossirement son interlocuteur : comment un esprit non prŽvenu se scandaliserait-il de ce passage ?

L'esprit de parti, plus que le souci de la langue, pousse Bouhours ˆ s'en prendre ˆ l'obscur Antoine Courtin (1622-1685) dont le TraitŽ para”t chez Josset, Žditeur des JansŽnistes [3] : Vers 1657, Courtin a probablement eu l'idŽe de composer un ouvrage uniquement religieux. Nous le voyons prŽoccupŽ par les problmes posŽs par le JansŽnisme. Il prend nettement position en leur faveur contre les JŽsuites [lettre ˆ Gustave X de Sude, de Paris le 11 dŽcembre 1657]. Or nous trouverons dans l'ouvrage posthume de "l'Esprit du Saint Sacrifice de l'Autel" [1688] des pages entires consacrŽes ˆ la gr‰ce et ˆ la prŽdestination ; l'inspiration jansŽniste y semble Žvidente (Farid, 1969, pp. 16-17).

De fait, l'ouvrage de 1671 veut mettre en Ïuvre les principes de civilitŽ chrŽtienne formulŽs par Port-Royal dans L'Žducation d'un Prince.

Son avis aux lecteurs le proclame : il est bon de les avertir qu'au moment que ce TraitŽ entre sous la presse, il en sort un autre intitulŽ l'Education d'un Prince [plus tard, vol. 2 des Essais de morale] qui est composŽ des ouvrages de deux des plus grands gŽnies de ce sicle [Nicole et Pascal]. Il est absolument nŽcessaire qu'ils le lisent pour se former l'esprit sur ces belles connaissances... afin que la civilitŽ soit soutenue d'un fondement solide... Mais surtout il est important qu'ils lisent et Žtudient le TraitŽ de la civilitŽ chrŽtienne qui se trouve si ˆ propos insŽrŽ dans le mme livre pour Žtablir plus solidement les principes de la civilitŽ commune que celui-ci ne fait que toucher succintement ; qu'on peut dire que ces excellents maitres que l'on aurait fait scrupule de consulter sont venus d'eux mme ˆ notre secours. Car leur TraitŽ servant pour la thŽorie et les principes gŽnŽraux de la civilitŽ, & celui-ci pour la pratique et le dŽtail particulier, le premier pourrait passer pour une premire partie et le notre pour une seconde... [mon soulignement]

Pour Bouhours qui lit cet Avis ou en est informŽ, cette rŽfŽrence et cet objectif rendent l'ouvrage dŽtestable. Par manque de temps, nŽgligence ou mŽpris, il ne procde pas ˆ une rŽfutation en rgle. Il se contente d'extrapoler ˆ partir d'un minuscule fragment. Les occasions fructueuses ne manquent pas, pourtant il choisit pour cible l'anodin demandŽ excuse. Pourquoi ? On ne sait pas. Peut-tre une discussion antŽrieure ? peut-tre, ouvrant le livre au hasard, est-il choquŽ par cette expression ? Il s'en saisit, provoquant la liaison entre excuse et jansŽnisme, objet de la prŽsente note.

Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! Bouhours consacre cinq pages ˆ dŽnoncer ce demandŽ excuse pour montrer que l'auteur ne sait pas trop ce qu'il dit et conclut par : Ce seul article du livre de la CivilitŽ me rend suspect tout le reste. Cette exŽcution sommaire opre un marquage : la rŽputation de Bouhours, le poids de sa Compagnie, dŽsignent Courtin ˆ la mŽfiance du public.

C'est ce qui pousse Courtin ˆ se dŽfendre longuement et vivement dans son TraitŽ de la paresse (1677, pp. 161-174), encore chez Josset. Il adresse ˆ son contradicteur de multiples critiques ironiques et justifie demander excuse par la conformitŽ, l'exemple, la nŽcessitŽ, la commoditŽ et par le gŽnie de la langue... Quoique sa longue argumentation soit confuse [4], elle permet, dans la 2nde Žd. (posthume) du Nouveau traitŽ de civilitŽ (1695, toujours chez Josset), d'accompagner demandŽ excuse (p. 57) d'une note en marge : ce qui a ŽtŽ censurŽ: mais voyez TraitŽ de la paresse o l'on rŽpond ˆ cette censure.

Que Bouhours soit si vŽtilleux en 1675, s'explique par la guerre de mots qu'il a entreprise avec les JansŽnistes.

StratŽgie oblique du JŽsuite (1671)

Les JŽsuites, d'abord ridiculisŽs par Port Royal, ont repris l'offensive. Bouhours, poussŽ dans la mlŽe, a lancŽ en 1668 un libelle anonyme, Lettre ˆ un Seigneur de la Cour sur la requeste prŽsentŽe au Roy par les ecclŽsiastiques qui ont estŽ ˆ Port-Royal. Ecartant les arguties thŽoriques dans lesquelles se noient ses confrres, il dŽnonce les JansŽnistes comme une secte, et une secte triplement malfaisante : calviniste, orgueilleuse et factieuse. Ce dŽbordement horrible de calomnies (Quesnel) lui vaudra durablement d'innombrables rŽponses aussi filandreuses que venimeuses. Il trainera cette casserole comme ˆ plaisir puisqu'il republiera la Lettre en 1691 [5] contre les attaques jansŽnistes ˆ propos du pŽchŽ philosophique. Elle est pourtant absolument en dehors du sujet mais A quoy bon changer de rŽponse, puisque M. Arnaud n'a changŽ ni de doctrine ni de conduite ? Cette insolence ˆ l'Žgard du vieil hŽrŽtique lui attirera une nouvelle volŽe de dŽnonciations jansŽnistes, dont : 1691, Le P. Bouhours convaincu de nouveau, de ses anciennes impostures, faussetez et calomnies ; 1692, Avis importants ; 1695, De la calomnie ou Instruction du procs entre les JŽsuites et leurs adversaires...

Comment Bouhours que ses contemporains qualifient d'homme bienveillant, aimable et spirituel, est-il devenu l'ennemi N¡1 de Port-Royal ? Ouvrant la pŽriode de la "paix de l'Eglise" (1669-79), l'Arrt du Conseil d'Etat du Roy du 23 oct. 1668 interdit les polŽmiques : ...Le Roy Žtant en son conseil... a fait et fait inhibitions & dŽfenses ˆ tous ses sujets de s'attaquer ni provoquer les uns & les autres, sous couleur de ce qui s'est passŽ, usant des termes d'hŽrŽtiques, JansŽnistes & semi-pŽlagiens ou de quelqu'autre nom de parti ; ni mme d'Žcrire & publier des libeles sur lesdites matires contestŽes, ni de blesser par des termes injurieux la rŽputation d'aucun de ceux qui auront souscrit ledit Formulaire de Foy.

La Lettre ˆ un Seigneur de la Cour n'est donc plus de saison. Bouhours, de faon plus conforme ˆ son tempŽrament de littŽrateur, change de terrain : les JansŽnistes ont gagnŽ jadis la faveur du public en Žcrivant en franais et en traduisant les auteurs latins, religieux et profanes. Bouhours s'attaque au style de leurs Žcrits, notamment leurs versions de l'Imitation de J-C (1662) et du Nouveau Testament (1667) qui ont un immense succs.

L'habiletŽ du dŽplacement bouhoursien est grande: au rab‰chage d'un argument tautologique qui fige le discours et le discrŽdite sans appel, il substitue une dŽmarche critique qui s'autorise, non plus d'une orthodoxie religieuse - celle de la Compagnie - mais d'une orthodoxie sociale toute puissante. L'Žloignement de la langue jansŽniste par rapport ˆ la belle langue nous renvoie, par une synecdoque de la partie au tout, ˆ l'Žloignement des jansŽnistes par rapport ˆ cette orthodoxie sociale. La synecdoque est trs habile. Au sein de la belle sociŽtŽ - lieu des rencontres et des conversations ŽlŽgantes -, le langage est bien la pierre de touche de la reconnaissance sociale... aux honntes gens que Pascal a voulu ˆ toute force se rallier, il [Bouhours] reprŽsente combien le langage des jansŽnistes les trahit et manifeste de pleine Žvidence leur irrŽductible diffŽrence (Defize, 1988). Loin d'tre des n™tres, ils sont des autres.

Cette exclusion va droit au but car la force des JansŽnistes, outre leur fanatisme intrinsque, vient du soutien de quelques Grands et de la complicitŽ d'une multitude de gens de qualitŽ qui, par gožt de fronder, par amusement, par rancÏur contre les JŽsuites ou Rome, sympathie ˆ l'Žgard des persŽcutŽs, ou plus sŽrieusement par gallicanisme, les cachent, les aident, lisent et diffusent leurs Žcrits, ou mme prennent parti pour eux.

Les JansŽnistes, tout indiffŽrents qu'ils soient ˆ une excommunication canonique, n'auraient pas survŽcu ˆ l'excommunication sociale que cherche ˆ provoquer Bouhours en dŽcriant la forme de leurs Žcrits et de leurs pensŽes. Voyez ce qu'il dŽduira plus tard du galimatias des lettres de Duvergier de Hauranne (Saint-Cyran), le pre du jansŽnisme : Ah, je ne puis croire, dit Philanthe, que, quand il y auroit quelque chose ˆ rŽformer dans l'Eglise, le Saint-Esprit voulžt se servir d'une tte pleine de galimatias pour une entreprise si importante !... (1687, Manire de penser..., p 353) [6].

La nouvelle manire de Bouhours se dissimule dans les cinq cents pages des Entretiens d'Ariste et d'Eugne (1671). Ces dialogues commencent par une longue discussion sur les mŽrites de la langue franaise par rapport ˆ la pompeuse espagnole et ˆ la ridicule italienne, et finissent par deux cents pages de bagatelles ˆ propos des devises. Rien ˆ voir avec un libelle ! Le ver dans le fruit loge dans une vingtaine de pages (2e entretien) qui se moquent du style des Messieurs, notamment dans leur Imitation de J-C (pp. 135-151) : Mais que pensez-vous dit Ariste de ces solitaires qui ont tant Žcrit depuis vingt ans ?... ces Žcrivains si fameux ne peuvent pas tre accusez de laconisme ; ils aiment naturellement les discours vastes ; les longues parenthses leur plaisent beaucoup, les grandes pŽriodes & sur tout celles qui par leur grandeur excessive suffoquent ceux qui les prononcent, comme parle un auteur Grec, sont tout-ˆ-fait de leur gožt (p. 135). En plus, ils inventent des mots monstrueux (inalliŽ, inalliable, inconvertible, intolŽrance, indŽvotion, coronateur...) et commettent d'horribles barbarismes : les Allemands qui commencent ˆ apprendre le Franois, parlent de la sorte (p 144) [7]. A cet amphigouri,  Bouhours oppose le parfait langage du Roi, modle absolu pour les gens de qualitŽ.

Scholar, 2005, commente ainsi : The publication of Les Entretiens... in 1671 fuelled the long-running, battle between the members and supporters of two religious groups: the Society of Jesus, of which Bouhours was a member and the austere Augustinian community based at the Port-Royal monasteries (p. 63)... he chooses to serve the Jesuit cause by attacking the style of Jansenism rather than its theology... criticizing Port-Royal writers for the hyperbole and incoherence of their style. The salon writers possess a social polish, Ariste and Eugene agree, that the reclusive members (or solitaires) of Port-Royal necessarily lack. The "je ne sais quoi" appears as an expression of antipathy towards Bouhours's enemies... (p. 64)... The quarrel, from Bouhours's first intervention onwards, continues to be primarily conducted through discussions of style (p. 65).

Le jansŽniste Barbier rŽpond ˆ Bouhours. Avant la "paix", il a Žcrit en 1664 LÕonguent pour la bržlure ou le secret dÕempcher les jŽsuites de bržler les livres, les Chamillardes et les Gaudinettes (Lettres ˆ M. Gaudin), l'apologie des HŽrŽsies imaginaires de Nicole (1666). Ses Sentiments sur les Entretiens... l'annŽe mme de leur parution (1671) sont un persifflage plut™t qu'une critique. Barbier reprend Bouhours, entretien par entretien, et presque point par point, s'employant ˆ le rabaisser, ˆ dŽnoncer ses plagiats,  son style, sa thŽologie (le Je-Ne-Sais-Quoi que serait la gr‰ce divine), sans rien dire de convaincant [8].

Bouhours lui oppose Montfaucon, dit l'abbŽ de Villars, ex jansŽniste passŽ ˆ l'ennemi. Cette riposte, sous le titre incongru de la DŽlicatesse (encore 1671), est assez lamentable. L'auteur s'exclame : est-il possible que ce ClŽante ne dŽfende pas mieux ses amis? (p. 128). Usant de la mme mŽdisance vŽtilleuse que son adversaire (ˆ l'ennui du lecteur d'aujourd'hui), Montfaucon serine que ClŽante est un ennemi des jŽsuites (donc un partisan) qui ne frŽquente pas le beau monde (donc un non tre) : ses propos ne valent rien. Le dernier entretien, prtant laborieusement ˆ l'un des interlocuteurs supposŽs la mŽthode et les mots des PensŽes de Pascal, accuse les JansŽnistes de renforcer les libertins dans leur incroyance.

Tout ceci est de la faon du Marquis de la Critique de l'Žcole des femmes : la pice est dŽtestable, parce quÕelle est dŽtestable. NŽanmoins, cette polŽmique pla”t au public, toujours friand de combats de coqs et animŽ par la passion religieuse : Bouhours et Barbier ont un Žgal succs de librairie, chacun aidant au dŽbit de l'autre (Doncieux, 1886) [9].

Barbier renchŽrit en publiant en 1672 une nouvelle version (seconde partie) des Sentimens dirigŽe ˆ la fois contre Bouhours et Montfaucon. Ce factum est supŽrieur au prŽcŽdent, mieux structurŽ, avec un style plus nerveux, des citations moins longues, et plus de mordant. Barbier s'amuse ˆ dŽfendre les JŽsuites contre Bouhours qui les compromettrait par sa licence (lettre 2) : ces deux hommes [lui et son apologiste] sont les deux plus grands ennemis que les jesuites ayent iamais eu (p. 40).

Le moucheron et le lion

Ces escarmouches quelque peu dŽsordonnŽes prŽludent ˆ une critique systŽmatique. En 1674, Bouhours (Doutes sur la langue franoise proposŽs ˆ MM de l'AcadŽmie franaise par un gentilhomme de province) passe au crible vaugelassien les mots (1re partie), les phrases (2e), la construction (3e), la nettetŽ du langage (4e), l'exactitude du style (5e) d'une multitude d'extraits dont l'apparente diversitŽ ne cache pas la prŽdominance des Žcrits jansŽnistes [10]. Les Doutes sont une manire de parallle o toutes les fautes des jansŽnistes sont opposŽes ˆ l'usage des bons Žcrivains et soumises au jugement du tribunal tout-puissant et infaillible [l'AcadŽmie]...  Les Doutes sont surtout un recueil des fautes jansŽnistes (Rosset, 1908, p. 62).

Mettant ˆ profit le pointillisme habituel aux remarqueurs, Bouhours s'engage dans une guŽrilla sur les mots qui, prenant les JansŽnistes au pige de leurs premiers succs, les pousse ˆ une dŽfensive sans fin au cours de laquelle la ma”trise de la langue change de camp. Bouhours Žcrira ou fera Žcrire (Avertissement, 1691 [11]) : Pour l'agrŽment du langage & la politesse du stile qu'ils [les JansŽnistes] luy reprochent [ˆ B.], ce n'est pas un si grand crime ; & on doit pardonner aux Jesuites d'avoir profitŽ des insultes que Port-Royal leur faisoit autrefois sur leur maniere d'Žcrire. Lorsque ces Messieurs se croyoient les Maitres de la langue ; la politesse, selon eux, faisoit une partie de la Religion. Depuis qu'on a fait voir qu'ils se trompoient, ils ont traitŽ la politesse de galanterie.

Rosset (1908) commente : Bouhours, jŽsuite par Žtat, grammairien par vocation, avait deux haines : le jansŽnisme et le mauvais langage. Il sut les confondre et satisfaire en mme temps le jŽsuite et le grammairien qu'il Žtait en recherchant les fautes de langue des Žcrivains jansŽnistes et en s'efforant de prouver que Ç ces illustres auteurs È avaient usurpŽ leur rŽputation.

Plut™t qu'ˆ la mouche du coche ˆ laquelle le compare Quesnel (Le Pre Bouhours convaincu de nouveau de ses anciennes impostures, faussetez et calomnies, 1691, rŽed. 1700), Bouhours ressemble au moucheron d'une autre fable qui harasse le lion tout puissant... Relisez-la [12], tout y est, mme l'embuscade d'une araignŽe : une jolie pŽnitente du Pre enceinte d'un amant secret (1691). Bouhours accusŽ, crie ˆ la calomnie. Ses ennemis lui reprochaient depuis longtemps de trop frŽquenter les salons et les ruelles et l'accusaient de galanterie et d'irrŽligion [13]. Rendus furieux par l'Avertissement joint ˆ la rŽcente republication de la Lettre de 1668, ils se rŽjouissent de sa mŽsaventure compromettante, tout en affectant de plaindre ce pauvre pre (cf. Quesnel, 1692, "XLVII. Le P. Bouhours s'en prend mal ˆ propos aux JansŽnistes de sa nouvelle avanture", In: Avis importans au R.P. Recteur des JŽsuites du CollŽge de Paris ; et la rŽponse la mme annŽe, Apologie du P. Bouhours).

Quoique, ˆ la diffŽrence du moucheron, Bouhours, innocentŽ, ne connaisse pas une fin funeste, la fable illustre bien sa manire : centrŽs sur leurs croyances et inspirŽs par Dieu, les JansŽnistes rugissent sans chercher ˆ s'exprimer poliment. Sainte-Beuve le reconna”t : A part les Provinciales et les PensŽes de Pascal et ˆ part Racine, la thŽorie littŽraire de Saint-Cyran a dominŽ, inspirŽ et comme affectŽ la littŽrature entire de Port-Royal et toute cette manire d'Žcrire saine, judicieuse, essentielle, allant au fond mais, il faut bien le dire, mŽdiocrement ŽlŽgante et prŽcise, trs volontiers prolixe au contraire, se rŽpŽtant sans cesse, ne se ch‰tiant pas sur le dŽtail et tournŽe surtout ˆ l'effet salutaire (Port-Royal, T. 2 de la 3e Žd., 1867, p 43). Aussi, constate Rosset (1908, III) plŽonasmes et synonymes sont-ils nombreux dans leurs Žcrits.

A l'opposŽ, Žcrit plus loin Sainte-Beuve (ibid., p. 375), incomparablement infŽrieur ˆ Messieurs de Port-Royal pour le fond et la philosophie de la grammaire, pour la raison logique des choses, il [Bouhours] avait du gožt ; surtout il savait son monde et Žtait du dernier usage... Il Žtait, d'ailleurs, bien assez galantin pour cela.

Bouhours, Žvitant la controverse thŽologique, rŽduit le dŽbat ˆ la forme et accable le lion jansŽniste de mille piqures qui l'exasprent. Quesnel (1691, Bouhours convaincu de calomnie, p 45) : ...un Religieux se peut sauver sans bien Žcrire, & c'est un grand malheur que d'avoir ce talent quand on a le cÏur assez corrompu pour n'en faire presque d'autre usage que de le faire servir ˆ ses passions... C'est au Pere Bouhours ˆ faire sur cette vŽritŽ une serieuse rŽflexion & ˆ considŽrer ce qu'il aura ˆ rŽpondre au tribunal de Dieu...

Une querelle au sein de cette guerre va nous ramener ˆ demander excuse qui semble ˆ prŽsent bien loin.

Bouhours vs MŽnage (1674-76)

MŽnage est avec Bouhours le ma”tre de la Langue. A la diffŽrence de son ami et concurrent, il apprŽcie certains Žcrits jansŽnistes et ne craint ni les mots anciens, ni les mots nouveaux. Il en crŽe mme et se vante : j'ai fait "prosateur".

 Ce grammairien querelleur (cf. ses empoignades avec Chapelain, d'Aubignac, Cotin, Boileau, de Salo, Baillet), se courrouce en lisant dans les Doutes (1674) : J'admire M. MŽnage qui a la force de digŽrer l'intempŽrature, l'infrangible, l'inforable, l'inscrutable, l'inguerdonnŽ, l'internel de Nicot, sans parler de l'incorrompu de M. Pascal, de l'inconvertible des sieurs de Royaumont et de Marsilly, l'injudicieux de je ne sais qui qu'il ne nomme point... (p. 19). MŽnage se sent injuriŽ par l'implacable dernire phrase de l'ouvrage qui le mle aux "anarchistes", dŽfenseurs de la libertŽ de la Langue : ...les Remarques de M de Vaugelas ont aujourd'hui la mme autoritŽ qu'elles avaient il y a trente ans. C'est le sentiment de nos Ma”tres, & il n'y a que Dupleix, M de la Mothe le Vayer, M MŽnage et M BŽrain qui soient d'une autre opinion  (p. 540).

MŽnage, alors que la 2nde Ždition de ses Observations (1675) s'imprime, jouant sur l'incognito de l'auteur des Doutes, attribue ˆ la rusticitŽ provinciale du gentilhomme bas-breton son incomprŽhension du beau langage et, s'adressant implicitement ˆ Bouhours, dŽnonce ses prŽjugŽs : La passion quÕil a pour M. de Vaugelas et lÕaversion quÕil a pour ces messieurs de Port-Royal quÕon appelle JansŽnistes, lui ont fait reprendre et soustenir plusieurs choses qui ne devoient point estre reprises ny soustenües (p. 195)... Ceci dit, MŽnage va riposter : Et comme je n'ai point trouvŽ ˆ dire que cet auteur sans nom ait repris avec assez de libertŽ ce qu'il a trouvŽ ˆ dire dans mes Observations, je veux croire qu'il ne trouvera point mauvais que je remarque de mon c™tŽ avecque la mme libertŽ ce que je n'approuve pas dans ses Doutes (p. 196). Il ne s'en prive pas, notamment dans le Chap. 90, "Addition au chapitre prŽcŽdent", pp. 195 sq. ; le Chap. 230 "Justification de ce qui a ŽtŽ dit au chapitre prŽcŽdent touchant le mot d'urbanitŽ & celui de prosateur", p 442 sq. ; le chap. 313, "Justification du chapitre prŽcŽdent [VŽnustŽ] contre la critique de l'auteur des Doutes", pp. 540 sq. [14].

La mme annŽe, dans ses Nouvelles remarques, Bouhours, affectant de venir au secours du gentilhomme bas-breton, dŽveloppe et durcit ses critiques qui reprŽsentent environ 10% du texte et en constituent la partie la plus vive : outre quelques pointes Žparses, voir les articles "VŽnustŽ", pp. 307-322 ; "UrbanitŽ", pp. 343-353 ; "Prosateur", pp. 376-397 ; Reconduire, pp. 452-7 ; Mots qui commencent par IN, pp. 472-488) [15].

Les Nouvelles Remarques oublient pour un instant les jansŽnistes pour ne diriger leurs flches que contre le nouvel adversaire. Car Bouhours a bien compris que MŽnage, en prenant fait et cause pour les auteurs de Port-Royal avec le poids dÕune autoritŽ qui nÕest pas moindre, pourrait affaiblir, voire annuler, ses critiques et ses ÔdoutesÕ (Fondi, 1995).

Le susceptible MŽnage rŽagit en ajoutant une seconde partie ˆ ses Observations (1676). UlcŽrŽ par ce libelle contre moi car je ne puis donner d'autre nom ˆ son livre des Remarques, il traite dŽsormais Bouhours en ennemi (car c'est trop peu de le dire mon adversaire), l'attrape ˆ bras-le-corps [16], accumule les dŽnigrements, et le couvre de qualificatifs injurieux (petit RŽgent de TroisiŽme, dernier Grammairien du monde...). InŽvitablement, MŽnage en fait trop et s'enterre, lassant le lecteur par son pŽdantisme exaspŽrant (cf. le mortel Chap. 31, "Fausses Reigles de Grammaire du P. Bouhours" ou le chap. 35, "Fausses etymologies du P. B."). La moitiŽ des 560 pages attaquent Bouhours, directement ou indirectement [17]. Au moyen de longues citations et de vŽhŽmentes exclamations, MŽnage essaie de ridiculiser son impardonnable ridiculisateur. Renvoyant ˆ ses rŽponses aux rŽponses ainsi qu'aux auteurs mentionnŽs par son ennemi, il abuse de l'intertextualitŽ, rarement persuasif et encore moins dr™le. Sans oser dŽfendre ouvertement Port-Royal, il admire ses grands auteurs et condamne comme impiŽtŽs les critiques de style que Bouhours adresse aux "textes sacrŽs" qu'ils traduisent.

McKenna, 1994 : Cette attaque du jŽsuite [Nouvelles Remarques], qui ma”trise parfaitement le ton patelin, la pique satirique, la fausse indulgence, la fausse humilitŽ..., fait enrager le pauvre MŽnage. Son nouveau volume d'Observations sort l'annŽe suivante [1676]. Il prend tout au sŽrieux et veut se justifier sur tout. Ces Observations en dŽfense de son premier volume deviennent un vŽritable labyrinthe de rŽponses trs prŽcises ˆ des textes qui portent sur des textes, avec un supplŽment d'autoritŽs et d'arguties agressives... la grammaire cde le pas ˆ la polŽmique laborieuse [et obsessive]... Tout cela devient trs vite illisible.

Bouhours a-t-il provoquŽ dŽlibŽrŽment ce duel pour le titre de premier grammairien de France (et, subsŽquemment, de juge ultime du style jansŽniste) ? On le croirait : le pseudo-anonyme Doutes a excitŽ MŽnage (2nde Žd. des Observations), autorisant Bouhours ˆ une rŽponse en rgle (Nouvelles remarques) qui enrage son rival (Seconde partie) dont la rŽaction excessive, si elle amuse Paris, prive Port-Royal d'un contrepoids ˆ Bouhours, dŽsormais suprme. C'est ce que pense Rosset (1908) : ...la rŽputation de MŽnage Žtait alors au moins Žgale ˆ celle de Bouhours; approuvŽs par MŽnage, les jansŽnistes auraient pu dŽdaigner les attaques de Bouhours. Il fallait, en bonne tactique, Žbranler l'autoritŽ de MŽnage grammairien [...] pour priver les jansŽnistes de tout recours ˆ un dŽfenseur autorisŽ.

"Excuse" pris dans la tempte

Aprs avoir survolŽ le champ de bataille, cherchons-y notre innocent demander excuse.

Dans ses premires Observations sur la langue franaise, MŽnage jugeait catŽgoriquement : "je vous demande excuse" ne vaut rien du tout (p. 115 de lÕŽd. 1672, p. 129 de la 2nde ed.1675).

En 1676, il se dŽclare toujours de cet avis (Seconde partie, Chap. 91, p 390 sq.) mais, dŽsormais brouillŽ avec Bouhours, il opte pour Courtin et ajoute : nonobstant ces raisons, qui me semblent tres-bonnes, cette faon de parler "Je vous demande excuse", est aujourd'huy si universellement Žtablie par tout le royaume dans le discours, que je ne puis apppouver la fureur avecque laquelle le P. Bouhours s'est dŽchaisnŽ contre M. Courtin, pour s'tre servi de cette phrase dans son livre de la CivilitŽ. Et quand elle ne seroit pas si universellement Žtablie dans le discours, le P. Bouhours qui est un Prtre et un Religieux, n'a pas dž parler avecque cette fureur d'un homme du mŽrite de M. Courtin... Ce qu'il dit est d'ailleurs tellement hors de propos qu'il ne faut que cet endroit seul de son livre des Remarques pour justifier ce que j'ai dit souvent dans ces Observations que le P. Bouhours est tout ˆ fait dŽpourvu de jugement...

MalgrŽ cette virulence, Bouhours, par sagesse ou paresse, ne va pas plus loin. Les deux antagonistes seront bient™t rŽconciliŽs par leurs amis, MŽnage mourra en odeur de jŽsuitŽ, et demander excuse ne fait plus dŽbat. Lorsque, en 1693, Bouhours publie sa Suite des Remarques nouvelles, l'entrŽe n'y figure pas  et un chapitre ("Autres fautes bien reprises") rend bŽnignement hommage ˆ ses anciens contradicteurs : Le second [aprs ClŽante] qui m'a dŽcouvert mes fautes & qui les a fait connoitre au Public, est un savant Homme, plein de probitŽ & d'honneur ; que j'ay tožjours estimŽ, dans le temps mme que nous avons etŽ un peu broüillez : mais que j'aime de tout mon cÏur depuis que nous nous sommes raccommodez de la meilleure foy du monde. Voicy ce qu'il a repris dans le livre des Doutes, & ce que j'y condamne comme luy...(p. 450) Voicy d'autres fautes que le mme Savant a trouvŽes dans le Livre de mes Remarques sur la Langue (p. 454)... M. MŽnage m'a fait grace sur mes autres livres [...] je ne sache rien en fait de stile sur quoy il m'ait critiquŽ ; soit qu'il n'ait pas voulu s'en donner la peine ; ou qu'il ait trouvŽ peu de choses dignes de sa censure (p. 456).

A son tour, dans son Dictionnaire Žtymologique (paru posthume en 1694), ˆ l'article "Prosateur", un des points chauds de son ancienne querelle avec Bouhours, MŽnage, s'il se dŽfend toujours, proteste de son amitiŽ : C'est ce que j'avais ˆ rŽpondre ˆ l'Observation de M. Richelet. Mais tout cela soit dit sans offenser le P. Bouhours avec lequel je suis parfaitement rŽconciliŽ & pour lequel j'ai prŽsentement toute sorte de respect & de vŽnŽration : Et in hoc pectore, cum vulgus ingens fuerit, cicatrix non est [et mon cÏur, blessŽ si cruellement, ne garde mme plus de cicatrice]. Notons toutefois qu'un Žrudit latiniste, en adressant cette citation ˆ un autre, le renvoie implicitement ˆ la suite du texte : Comment justifies-tu ton acquiescement ˆ d'adultres amours ? MŽritais-je un pareil outrage ? [18].

D'ailleurs, quoique le Dictionnaire Žtymologique ignore d'autres mots qui furent trs contentieux, tels vŽnustŽ et urbanitŽ, lorsque MŽnage, frŽquemment, mentionne Bouhours, il recopie ses Žcrits passŽs, pas toujours tendres pour son ami vŽnŽrŽ.

Mais excuse est maintenant hors de cause, comme le reconna”t avec rŽticence le huguenot exilŽ Basnage de Bauval dans sa "seconde Ždition" du Dictionnaire de Furetire (Leers, 1701) : Il n'est pas aussi certain que le suppose le P.B. que Je vous demande excuse soit autant contre l'usage que contre la raison... Son autoritŽ jointe ˆ Mr MŽnage suffit cependant pour s'en abstenir ou pour s'en servir rarement...


 

Chronologie

1647, Vaugelas : Remarques sur la langue franaise

1660, Arnauld : Grammaire gŽnŽrale et raisonnŽe

1662, Imitation de J-C, trad. Sacy

1666, Nouveau testament, trad. Amelote (recommandŽ par les autoritŽs)

1667, Nouveau testament de Mons

1668, Bouhours : Lettre ˆ un seigneur de la Cour

1668, 23 oct, Arrt du Conseil d'Etat du Roy: Pour la pacification des troubles causez dans l'Eglise au sujet du Livre de Jansenius (suite au Bref de Clement IX. au RoyÑ sur la paix et l'union dans l'Eglise, 28 sep.)

1671 Bouhours : Les Entretiens d'Ariste et d'Eugne

1671 Barbier d'Aucour : Sentiments de ClŽante sur les Entretiens...

1671, Montfaucon de Villars : de la DŽlicatesse, riposte ˆ Barbier

1672, MŽnage : Observations sur la langue franaise, 1ere ed.

1672, Barbier : Sentiments de ClŽante sur les Entretiens, 2ne partie

1674, Bouhours : Doutes sur la langue franaise (critique systŽmatique des Žcrits de P-R, surtout trad. Sacy, et attaque occasionnelle de MŽnage)

1675, MŽnage: Observations sur la langue franaise, 2nde ed.: La passion quÕil [B.] a pour M. de Vaugelas et lÕaversion quÕil a pour ces messieurs de Port-Royal quÕon appelle JansŽnistes, lui ont fait reprendre et soustenir plusieurs choses qui ne devoient point estre reprises ny soustenües (p. 195)

1675, Bouhours : Remarques nouvelles sur la langue franaise (dont une part ridiculise MŽnage qui ne le supporte pas)

1676, MŽnage : Observations sur la langue franaise, 2nde partie (contre B. et, implicitement, pour les trad. de PR)

B. ne rŽpond pas ; rŽconciliation "quelques annŽes plus tard"

1679, fin de la "paix de l'Eglise", persŽcution des JansŽnistes

1685, parution de la trad. jŽsuite (Dumas) de l'Imitation

1687, Bouhours : La manire de bien penser dans les ouvrages d'esprit (en rŽfŽrence ˆ La Logique, ou lÕart de penser d'Arnaud et Nicole, 1662)

1688, Arnauld : DŽfense des Versions en langue vulgaire de lÕEcriture sainte

1688, Bouhours : Critique de la trad. P-R de l'Imitation

1690 2me ed. (corrigŽe) de la trad. jŽsuite (Dumas) de l'Imitation

1690, Simon : Histoire critique des versions du NT, Rotterdam, Leers

Avec Richard Simon, un vŽritable Žrudit, la partie Žtait perdue, et dans les DifficultŽs de Steyaert, Arnauld substitue l'injure ˆ la rŽfutation (Armogathe, 2021). Cf. Mithen, 2022 : SimonÕs critique came principally from a philological, rather than theological, conviction.

1691, Simon : Avis important ˆ Mr Arnaud sur le projet dÕune nouvelle bibliotheque dÕAuteurs Jansenistes

1691-1693, Arnauld (en rŽponse ˆ Simon) : DifficultŽs proposŽes ˆ Mr Steyaert

1691, Bouhours : Lettre ˆ un seigneur de la Cour (rŽimp. en rŽponse aux attaques jansŽnistes sur le pŽchŽ philosophique)

1692, Bouhours : Suite des Remarques nouvelles sur la langue franaise

1693, Simon : Histoire critique des principaux commentateurs du NT

1693, Toinard ["l'abbŽ albigeois"] : Discussion de la Suite des remarques du P. Bouhours

1694, Arnauld : Regles pour discerner les bonnes et les mauvaises critiques des traductions de lÕEcriture-Sainte, 1re publication, Huguier, 1707

1696, Bouhours : trad. du Nouveau testament

1697, Simon : Difficultez proposées au P.B [sur sa trad.]

Sources

Arnaud Antoine, 1695, Morale pratique des JŽsuites Ñ De la Calomnie, XVI. Le P. Bouhours convaincu d'tre calomniateur ; XVII. Autres calomnies du P. Bouhours dans sa Lettre ˆ Messieurs de P.R. ; XVIII. Des calomnies que l'on commet en accusant les autres de calomnie

Arnauld Antoine, 1694, Regles pour discerner les bonnes et les mauvaises critiques des traductions de lÕEcriture-Sainte, 1re publication, Huguier, 1707

Arnauld Antoine, Lancelot Claude, 1660, Grammaire gŽnŽrale et raisonnŽe, Paris, Le Petit (avec privilge et sans nom d'auteur)

Barbier d'Aucour Jean, 1671, Sentimens de ClŽante sur les entretiens d'Ariste et d'Eugne, Paris, Le Monnier (avec privilge et sans nom d'auteur)

Barbier d'Aucour Jean, 1672 Sentiments de ClŽante sur les Entretiens, 2nde partie, Paris, Le Monnier (avec privilge et sans nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1668, Lettre ˆ un seigneur de la Cour sur la requeste prŽsentŽe au Roy par les ecclŽsiastiques qui ont estŽ ˆ Port-Royal ; Lettre ˆ Messieurs de Port-Royal. Contre celle qu'ils ont escrite ˆ monseigneur l'archevesque d'Ambrun, Paris, Cramoisy (sans nom d'auteur ni privilge)

Bouhours Dominique, 1671, Les Entretiens d'Ariste et d'Eugne, Cramoisy (avec privilge et sans nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1674, Doutes sur la langue franoise proposŽs ˆ Messieurs de l'AcadŽmie franaise par un gentilhomme de Province, Paris, Cramoisy (avec privilge et sans nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1675, Remarques nouvelles sur la langue franoise, Paris, Cramoisy (avec privilge et sans nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1684, Opuscules sur divers sujets, Paris, Cramoisy (avec privilge nominatif)

Bouhours Dominique, 1687, La manire de bien penser dans les ouvrages d'esprit, dialogues, Paris, Cramoisy (avec privilge et sans nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1690, Sentiment des jesuites touchant le pechŽ philosophique, Paris, Cramoisy (sans privilge ni nom d'auteur)

Bouhours Dominique, 1691, Lettre ˆ un seigneur de la Cour ou reponse au libelle intitulŽ RŽcrimination des Jesuites [avec un avertissement], Paris, Cramoisy (sous le privilge de 1684, Opuscules...)

Bouhours Dominique [?], 1692, Lettre ˆ l'auteur des Avis importants au RP Recteur des JŽsuites ou Apologie du P. Bouhours, slnd ni auteur

Bouhours Dominique, 1693, Suite des Remarques nouvelles sur la langue franoise, Paris, Josse (avec privilge nominatif)

Callires Jacques de-, 1664, La Fortune des gens de qualitŽ et des gentilshommes particuliers, Paris, Loyson

Callires Franois de-, 1692, Des mots ˆ la mode, et des nouvelles faons de parler Ñavec des observations sur diverses manires d'agir & de s'exprimer, Paris, Barbin

Callires Franois de-, 1693, Du bon et du mauvais usage dans les manieres de s'exprimer: des faons de parler bourgeoises et en quoi elles sont diffŽrentes de celles de la Cour Ñ suite de Les mots ˆ la mode, Paris, Barbin

Callires Franois de-, 1717, De la science du monde, Paris, Ganeau

Courtin Antoine de-, 1677, TraitŽ de la paresse, ou L'art de bien employer le temps en toute sorte de conditions, Paris, Helie Josset, 2 vol. (avec privilge et sans nom d'auteur)

Courtin Antoine de-,1671, Nouveau traitŽ de la civilitŽ qui se pratique en France parmi les honnestes gens, Paris, Helie Josset (avec privilge et sans nom d'auteur)

Dupleix Scipion, 1651, LibertŽ de la langue franoise dans sa puretŽ, Paris, D. Bechet

La Mothe Le Vayer Franois de-, 1647, Lettres touchant les nouvelles remarques sur la langue franoise, Paris, Nicolas et Jean de La Coste

MŽnage Gilles, 1672, Observations de Monsieur MŽnage sur la langue franaise, 1ere ed., Paris, Barbin

MŽnage Gilles, 1675, Observations de Monsieur MŽnage sur la langue franaise (2e Žd.), Paris, Barbin

MŽnage Gilles, 1676, Observations de Monsieur MŽnage sur la langue franaise, seconde partie, Paris, Barbin

MŽnage Gilles, 1694, Dictionnaire etymologique ou Origines de la langue franoise, ed. posthume, Paris, Anisson

Montfaucon de Villars, 1671, de la DŽlicatesse, Paris, Barbin (avec privilge et sans nom d'auteur)

Nicot Jean, 1606, Thresor de la langue franoise tant ancienne que moderne, Paris, David Douceur

Quesnel Pasquier, 1691, Le P. Bouhours convaincu de nouveau, de ses anciennes impostures, faussetez et calomnies. Ou RŽponse ˆ l'Avertissement de la 3e Ždition de sa lettre ˆ un seigneur de la Cour, Cologne, Schouten (sans nom d'auteur)

Quesnel Pasquier, 1692, Avis important au RP Recteur du college des Jesuites de Paris, V. "Justification des Disciples de S. Augustin contre une calomnie du P. Bouhours du 20. Decembre dernier, au sujet de sa nouvelle aventure", slnd ni auteur

Richelet Pierre, 1680, Dictionnaire franais contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue franaise, Genve, Widerhold

Simon Richard, 1691, Avis importants ˆ Monsr Arnaud, sur le projet d'une nouvelle bibliothque d'autheurs jansŽnistes, slnd ni auteur, signŽ de Sainte Foy

Simon Richard, 1697, Difficultez proposŽes au RP Bouhours de la Compagnie de JŽsus, sur sa traduction franoise des quatre ŽvangŽlistes, Amsterdam, Braakman

Sorel Charles, 1671, De la connaissance des bons livres, Chp. 4, "du nouveau langage franais", Paris, Prallard (avec privilge et sans nom d'auteur)

Toinard Nicolas, 1693, Discussion de la suite des Remarques nouvelles du P. Bouhours sur la langue franaise pour dŽfendre ou condamner plusieurs passages de la version du NT de Mons et principalement ceux que le P. B. y a repris, [Paris, Lucas]

Vaugelas Claude de-, 1647, Remarques sur la langue franoise, utiles ˆ ceux qui veulent bien parler et bien escrire, Paris, Vve J. Camusat et P. Le Petit

RŽfŽrences

Notes de fin



[1] Les dictionnaires de Rondelet et de Furetire paraissent ˆ l'Žtranger car l'AcadŽmie franaise transforme sa mission en monopole. Elle ira jusqu'ˆ exclure Furetire.

Dans le dictionnaire aujourd'hui en cours d'Žlaboration (9e Ždition), on lit ˆ la rubrique EXCUSE : 1. Raison qu'on allgue pour expliquer ou attŽnuer une faute ou se dispenser d'une obligation. Donner, apporter, prŽsenter une excuse. Cette excuse est lŽgitime, valable, recevable, irrecevable. Une mauvaise excuse. 2. Circonstance propre ˆ disculper. Ses obligations professionnelles, familiales, lui sont une excuse. Il ne manque pas d'excuses. Cette faute est sans excuse. DROIT. Excuse lŽgale, fait, constatŽ par le juge, qui entra”ne la rŽduction ou l'exemption d'une peine. Excuse attŽnuante, excuse absolutoire. 3. Justification produite pour expliquer une absence, un retard. Lettre, mot d'excuse. Ellipt. Ce professeur exige une excuse des parents. 4. Le plus souvent au pluriel. Formule de civilitŽ dont on se sert pour engager quelqu'un ˆ l'indulgence. Se confondre en excuses. PrŽsenter, recevoir, exiger des excuses. Je vous dois des excuses. Veuillez accepter mes excuses.

 

[2] Bouhours, 1675, Remarques nouvelles sur la langue franoise, pp. 45 et sq.

DEMANDER EXCUSE.

C'est grand pitiŽ que cette sotte phrase ait tant de cours dans le petit peuple, & qu'elle se soit communiquŽe par contagion ˆ quelques femmes du monde, qui d'ailleurs ont de la politesse & du sens. Les honntes gens de la Cour & toutes les personnes savantes en la Langue ne la peuvent du tout souffrir. "Demander excuse" est un vrai galimatias, qui choque Žgalement & l'usage & la raison. Nous ne demandons ˆ un autre, dans les rgles de la grammaire, que ce qu'il peut nous accorder. On dit, "je vous demande pardon" ; parce que celui ˆ qui je parle peut me rŽpondre, "je vous accorde le pardon que vous me demandez". Selon ce principe, on ne peut pas dire, "je vous demande excuse" ; parce que celui ˆ qui je parle ne peut pas me rŽpondre, "je vous lÕaccorde ; accorder une excuse" Žtant barbare, & ne signifiant rien en notre Langue. On dit bien "faire excuse, recevoir des excuses" : ainsi quand j'ai commis une faute envers quelqu'un, ou contre la civilitŽ, ou contre la discrŽtion, je lui fais excuse de mon procŽdŽ peu honnte, & peu discret ; & quand il est content de ma satisfaction, il reoit mon excuse ; mais il ne m'accorde point excuse. Il faut donc dire toujours, "je vous demande pardonÓ, ou "je vous prie de m'excuser" ; & toutes les personnes raisonnables parlent de la sorte.

Il n'y a qu'une occasion, o je craindrais que cette mŽchante phrase ne fžt employŽe ; c'est dans les accommodements, o l'on cherche des termes faibles, pour sauver un peu l'honneur de celui qui fait satisfaction... Car enfin il n'y a que les bourgeois & la populace qui disent "je vous demande excuse" & celui qui s'est mlŽ de donner des rgles de la CivilitŽ comme elle se pratique en France parmi les honntes gens [Courtin], ne sait pas trop ce qu'il dit... C'est parmi les honntes gens de la rue Saint Denys que cette civilitŽ se pratique ; & c'est lˆ sans doute que ce ma”tre des biensŽances a appris un si beau prŽcepte, car s'il avait consultŽ les honntes gens qui savent vivre, & qui parlent poliment ; s'il savait vivre, ou s'il parlait poliment lui-mme, il ne se serait jamais avisŽ d'instruire de la sorte ceux qui approchent les personnes de qualitŽ. Ce seul article du livre de la CivilitŽ me rend suspect tout le reste. [mon soulignement]

 

[3] Le catalogue de HŽlie Josset (1636?-1711?), outre les ouvrages de Courtin, comprend diffŽrents CatŽchismes, des HomŽlies, des Conduites ChrŽtiennes, un TraitŽ de la Messe. Il publie en trs grand nombre les ouvrages de Nicole et ceux de Le Tourneux, Žgalement jansŽniste prosŽlyte, soit plus d'une quarantaine d'ouvrages de religion, tous ou presque fortement teintŽs de jansŽnisme. Il publia Žgalement les livres jansŽnistes du Pre Pasquier Quesnel.

Sur Courtin, voir la prŽface de Grassi Marie-Claire ˆ son Ždition du Nouveau traitŽ de la civilitŽ (1998, Publications de l'UniversitŽ de Saint-Etienne) ; Farid Kamal, 1969, Antoine de Courtin (1622-1685) ƒtude critique ; Bokobza Benjamin, 2024, ƒtude critique des Ïuvres d'Antoine de Courtin, Thse, Sorbonne UniversitŽ.

 

[4] Courtin, 1677, TraitŽ de la paresse, ou L'art de bien employer le temps en toute sorte de conditions, 2 vol, [Volume premier], pp. 161-174, renvoyant ˆ Remarques nouvelles (RN) :

ÑJe vous avais priŽ, Monsieur, reprit AngŽlique, de me dire, si demander excuse est une phrase qui soit franaise.

ÑTout le monde le dit ˆ prŽsent, rŽpondit TheotŽe.

ÑVoilˆ donc l'usage, reprit AngŽlique.

ÑEt je pense, continue TheotŽe, qu'il s'est introduit parce qu'il n'y a rien de barbare dans cette faon de parler : car demander est franais, excuse l'est aussi ; et joindre demander ˆ excuse n'est pas un plus grand inconvŽnient que de la joindre ˆ pardon ou ˆ gr‰ce. Je vous demande pardon, c'est en d'autres termes : "Je vous prie de me pardonner". Je vous demande gr‰ce, c'est "je vous prie de me faire gr‰ce". Je vous demande excuse, c'est "je vous prie de m'excuser". Et la raison mme porte ˆ cette expression car, y ayant divers degrŽs de fautes, il est juste qu'il y ait aussi divers degrŽs d'expiation ou de satisfaction de ces fautes. Le pardon porte l'image de l'expiation de quelque crime qu'il faut effacer par un grand abaissement, & l'excuse donne l'idŽe de la satisfaction d'une faute lŽgre qu'une simple honntetŽ peut expier, comme serait une faute contre la civilitŽ ou contre la discrŽtion (RN, 32). Ce qui fait qu'en ce dernier cas, l'usage secondant la raison, comme il le faut, il y a plus de justesse de dire je vous demande excuse que de dire je vous demande pardon parce que la faute dont il s'agit Žtant lŽgre, excuse lui convient mieux que pardon. Et mme parmi certaines personnes de qualitŽ, ce terme devient nŽcessaire car tel peut demander excuse ˆ un autre qui ne pourrait pas lui demander pardon sans choquer les rgles de la biensŽance.

Et la raison pourquoi il ne faut pas dans cette espce varier la phrase en disant je vous prie de m'excuser au lieu de dire je vous demande excuse, est que retenant le mot de demander qui a toujours accoutumŽ d'tre joint ˆ pardon, il frappe l'oreille comme par la mme soumission, & devient par ce moyen plus Žnergique et plus obligeant quoiqu'il y ait bien de la diffŽrence, ainsi que nous avons dit, le pardon Žtant un terme de devoir auquel certaines personnes ne sont point obligŽes, et l'excuse pouvant n'tre qu'une pure dŽmonstration d'honntetŽ qui convient ˆ tout le monde.

ÑVoici pourtant, rŽplique AngŽlique, comment cet auteur soutient que demande excuse est insoutenable. Nous ne demandons, dit-il, ˆ un autre dans les rgles de la Grammaire que ce qu'il peut accorder. On dit "je vous demande pardon" parce que celui ˆ qui je parle peut me rŽpondre : "je vous accorde le pardon que vous me demandez". Selon ce principe on ne peut pas dire "je vous demande excuse" parce que celui ˆ qui je parle ne peut pas me rŽpondre "je vous l'accorde". "Accorder une excuse" Žtant barbare & ne signifiant rien dans en notre langue. (RN, 32)

Vous riez, ajouta AngŽlique qui vit toute la compagnie Žclater de rire, c'est pourtant, dit-elle, une raison ˆ ce qu'il croit, & une preuve invincible.

ÑMais d'o vient, interrompit TheotŽe, que cet auteur n'a pu demander permission ˆ sa Grammaire de faire retour pour un moment sur lui-mme. Il aurait vu la faussetŽ de ce raisonnement en toutes ses parties... De plus je voudrais bien lui demander moi-mme ce qu'il entend par ce galimatias nous ne demandons ˆ un autre dans les rgles de la grammaire que ce qu'il peut accorder ; & quelles rgles de Grammaire ont jamais empchŽ qui que ce fžt de demander ce qu'il veut ?... Mais on voit bien que la passion de reprendre l'a prŽoccupŽ & qu'il s'est mŽpris. Il a voulu sans doute raisonner ainsi : "Il est ridicule de demander ˆ quelqu'un ce qu'il ne peut pas accorder. Or est-il que de demander excuse ˆ quelqu'un c'est lui demander une chose qu'il en peut pas accorder ; donc il est ridicule de lui demander excuse". Voilˆ ce qu'il voulait dire, & voyons comment il le soutiendra en lui niant la seconde proposition. Un homme, dit-il, ˆ qui on demande pardon a un pardon ˆ accorder mais non pas une excuse quand on lui demande excuse. Donc de lui demander excuse, c'est lui demander une chose qu'il ne peut pas accorder. Que vous en semble ? car voilˆ le nÏud de la difficultŽ.

ÑIl me semble, dit AngŽlique, que cet homme ne sait pas ce qu'il dit... car posant comme il fait qu'un homme est en pouvoir d'accorder un pardon, il est clair comme le jour qu'il peut accorder encore beaucoup plus facilement une excuse. C'est une rgle certaine que qui peut le plus peut le moins : il n'est pas question pour m'accorder cette excuse que cet homme me dise prŽcisŽment "je vous l'accorde". .. Il peut par exemple me rŽpondre "je vous excuse" ; & ainsi de dire qu'un homme offensŽ, lorsque je lui dis "je vous demande pardon" peut bien me l'accorder mais qu'il n'est pas en son pouvoir de m'accorder une excuse quand je lui demande excuse, c'est le comble de l'extravagance.

ÑVous l'entendez admirablement Mademoiselle rŽpondit TheotŽe. Mais ce qui est encore plus ridicule est que toutes ses preuves ne servent de rien pour prouver que "demander excuse" n'est point franais. Car autre chose est de dire qu'un homme n'est pas en pouvoir de m'excuser quand je l'en prie, et autre autre chose de dire que je l'en prie en mauvais termes ; et cÕŽtait-lˆ toutefois ce qu'il prŽtendait prouvŽ & ˆ quoi vous avez rŽpondu par charitŽ comme s'il l'avait prouvŽ.

C'est vous en effet, Mademoiselle, poursuivit ThŽotŽe qui avez dŽnouŽ la difficultŽ car vous venez de dire un mot qui dŽcide la question, en faisant remarquer que celui ˆ qui on dit "je vous demande excuse", peut rŽpondre "je vous excuse". Personne ne peut dŽsavouer que cette faon de parler ne soit franaise et ordinaire dans le commerce du monde...

...selon la rgle ordinaire du Latin qu'il faut consulter pour trouver la puretŽ parce que notre langue en dŽrive presque toute, dire "je vous excuse" est un aussi grand barbarisme comme de dire "je vous demande excuse". La raison est que, selon les vŽritables principes, "excuser" ne peut jamais s'appliquer ˆ l'offensŽ, mais seulement ˆ celui qui offense, parce que "excuser" est proprement laver, purger, justifier une faute par le dŽsaveu ou autres raisons qui adoucissent cette faute : et ce dŽsaveu ou ces raisons sont ce que l'on appelle "excuse". Comme donc, de laver, de justifier, de dŽsavouer, d'excuser une faute, ne convient jamais qu'ˆ une personne qui a fait cette faute, il s'ensuit que quand une personne qui, non seulement ne l'a point faite mais contre qui mme elle a ŽtŽ faite, vient ˆ dire "je vous excuse", il dit : je vous justifie, je vous lave, je vous purifie ; et qu'ainsi il fait par une bizarrerie de Langue l'office de l'offensant au lieu qu'il est l'offensŽ. Aussi le Latin ne se sert jamais de ce terme "excuser", que pour justifier une faute. On dit bien ˆ quelqu'un "je vous demande" ou "je vous prie de me tenir pour excusŽ", mais jamais on ne lui rŽpond "je vous excuse", on rŽpond comme lui, "je vous tiens pour excusŽ", ou bien "je reois votre excuse".

Cependant au prŽjudice de cette rgle du Latin, "je vous excuse" est dans la bouche de l'offensŽ fort bon franais : & cela Žtant, la mme raison qui fait pour "je vous excuse" justifie "je vous demande excuse". Et si on a reu l'un, on ne peut pas s'empcher de recevoir l'autre, le premier Žtant en pareille espce d'irrŽgularitŽ que le second.

Maintenant, il est aisŽ de voir que ce qui a introduit ces phrases est l'humeur franaise qui aime tellement ˆ abrŽger qu'elle substitue le sens en la place des paroles. "Je vous demande excuse" est en abrŽgŽ ce que le Latin dit : "je vous demande [de recevoir mon excuse]" ou "je vous prie de recevoir mon excuse" ; & quand celui ˆ qui nous le disons rŽpond je vous excuse, il veut dire "je reois votre excuse ou vos raisons". Toute notre langue est pleine de ces abrŽviations ou transports d'action...

Joignez ˆ cela la conformitŽ que ce terme excuse a avec d'autres termes franais qui sont actifs et passifs sous diffŽrentes idŽes, laquelle conformitŽ est d'un pouvoir extrme dans notre langue pour lŽgitimer une diction. Gr‰ce est actif quand le Roi dit ˆ quelqu'un "je vous ai dŽjˆ fait plusieurs gr‰ces", et passif quand je vous dis "je vous rends gr‰ces". Excuse est passif dans la bouche de l'offensant, et il est actif dans la bouche de l'offensŽ... Et c'est cette conformitŽ que cette faon de parler "je vous demande excuse" a avec de pareilles phrases qui a fait qu'on l'a construite de mme et particulirement le rapport qu'a le mot d'excuse avec celui de pardon. On disait "je vous demande pardon" et on a dit insensiblement "je vous demande excuse". On disait "je vous pardonne" et on a dit "je vous excuse". On disait "je vous accorde le pardon que vous me demandez" et on peut dire sans scrupule "je vous accorde l'excuse que vous me demandez". Car l'usage Žtant une fois convenu de faire le mot d'excuse actif comme celui de pardon, il peut souffrir les mmes constructions et les mmes expressions.

ÑMais pourquoi, Monsieur l'abbŽ, interrompit Zeroandre, voulez-vous qu'ici on suive l'usage et qu'ailleurs on lui rŽsiste?

ÑPourquoi ?, Monsieur, rŽpondit ThŽotŽe, parce qu'ici la raison justifie l'usage, comme vous venez de le voir par des principes certains et uniformes, par la conformitŽ, par l'exemple, par la nŽcessitŽ, la commoditŽ et par le gŽnie de la langue...

 

[5] L'Ždition de 1668, quoiqu'elle mentionne un imprimeur et une "permission", ne se prŽvaut d'aucun privilge. Bouhours la "blanchit" en rŽimprimant sa lettre en 1684 dans un recueil paru sous son nom (Opuscules sur divers sujets) pour lequel il a obtenu en 1682 un privilge dont il fera un omnibus, s'en servant pour republier, lŽgalement cette fois la Lettre ˆ un sr de la Cour (1691).

Arnauld (Le P. Bouhours convaincu de nouveau de ses anciennes impostures, faussetez et calomnies, 1691), dŽnonce un privilge obtenu par surprise. En 1700, le recueil monumental (et lui-mme illicite !) Le pere Bouhours jesuite convaincu de ses calomnies anciennes & nouvelles contre Messieurs de Port-Roial (pp. xvii-xxv de l'Avertissement) rŽclame longuement contre cette usurpation et dŽmasque les manÏuvres de Bouhours :

Quand il fit imprimer pour la premire fois en 1668 sa Lettre ˆ un Seigneur de la Cour, & son autre lettre ˆ Mrs de P. R. il ne s'en dŽclara point l'auteur, et il sembloit en cachant son nom avoir alors quelque honte des calomnies qu'elles contiennent... Pendant tout le tems que Mr. Arnauld est demeurŽ ˆ Paris il n'a osŽ non plus les reconna”tre publiquement. Mais aprs que ce Docteur se fžt retirŽ & que Mr. de Pompone ežt ŽtŽ disgraciŽ, le P. Bouhours crut pouvoir impunŽment insulter ˆ l'un & ˆ l'autre. Il leva le masque, & se rŽsolut de faire imprimer sous son nom ses deux Lettres favorites, & de le faire mme avec privilge du Roi. Il ne l'aurait pas assurŽment obtenu s'il n'avoit usŽ d'artifice & de mensonge... Mr. Le P. Bouhours n'a pu dire au Roi en 1682 sans un mensonge punissable, que ces deux Lettres avoient dejˆ ŽtŽ imprimŽes "sous la permission de S.M.". C'est une imposture dont il s'est servi pour tromper Mr. le Chancelier, & pour surprendre le privilge... Ce hardi mensonge, Que ses deux Lettres avaient dŽja ŽtŽ "imprimŽes sous la permission de S.M.", n'est pas le seul artifice qu'il emploia pour surprendre le Roi & le premier Ministre de sa justice. Il changea ˆ la 1. Lettre le titre qui en pouvoit faire conno”tre le sujet & la matire. Il y substitua ce titre gŽnŽral & Žquivoque "Lettre ... en faveur du Sieur Evque d'Ambrun" au lieu qu'ˆ la tte de l'ouvrage on y lit ce titre singulier: "Lettre ... sur la Requte prŽsentŽe au Roi par les EcclŽsiastiques qui ont ŽtŽ ˆ Port-Roial". Or il est bien clair que ces seules paroles auroient ouvert les yeux ˆ M. le Chancelier & lui auraient fait conno”tre que ce libelle est un de ceux qui sont expressŽment dŽfendus par l'Arrt du 23. Octobre [1668]; que c'Žtait une contravention formelle aux ordres de Sa MajestŽ pour la paix de l'Eglise... Un 3. dŽguisement est celui du titre de la 2. Lettre... Le Pre Bouhours voioit bien lui-mme ˆ quels reproches & ˆ quel danger il s'exposoit, lui & Cramoisi son Libraire. C'est pourquoi il tint ce privilge cachŽ durant deux ans sans oser en faire l'usage qu'il avoit eu dessein d'en faire par une nouvelle edition de ses Lettres : il ne la fit qu'en 1684. & le Privilge est dattŽ du 28.Janvier 1682. & il ne fut RegistrŽ sur le Livre de la CommunautŽ des Libraires & Imprimeurs de Paris que le 20. Novembre 1683 par le Sr. Angot Sindic, ancien congrŽganiste des JŽsuites, & fort zŽlŽ partisan de leurs intŽrts [sans vŽrifier l'existence d'un privilge antŽrieur]... Ce fut la crainte de se faire une mŽchante affaire qui lui fit encore pousser plus loin le dŽlai : car le livre ne fut imprimŽ, comme je l'ai dit, que l'annŽe suivante 1684. sous ce titre gŽnŽral : "Opuscules sur divers sujets"... Ils n'en demeurrent pas lˆ. Six ans aprs ils firent rimprimer de nouveau la Lettre ˆ un Seigneur de la Cour avec un Avertissement de douze pages, qui est une nouvelle contravention aux ordres du Roi & aux reglemens de la police, qui dŽfendent de faire passer de ces sortes d'Avertissemens sous un ancien Privilge, sans qu'il ait ŽtŽ vu & examinŽ. On y dŽchire de nouveau M. Arnauld avec une licence effrŽnŽe & qui assurŽment n'a pas ŽtŽ connue de ceux qui Žtoient alors chargŽs du soin de la police...

 

[6] Bouhours, Manire de penser #St Cyran, pp. 349 sq. :

...je voudrois bien voir du Galimatias tout pur. Ñ Je vas vous en montrer du plus fin, repartit Eudoxe: il ouvrit un livre [Lettres de l'AbbŽ de Saint Cyran, imprimŽes par le Sr de PrŽville en 1655) & lut la Lettre suivante:

Estimant par tout de grande importance, je ne dis pas les omissions, mais les moindres intermissions, soit en actions, soit en paroles, de l'amitiŽ; & n'etant pas de l'opinion de ceux qui croyent que les contemplatifs ont l'emportement sur les autres en l'exercice de toutes sortes de vertus, ayant toujours plus aimŽ l'action que la parole, & la parole que la mŽditation, & l'entretien solitaire en amitiŽ, je puis nŽanmoins dire sžrement que je n'ay point failli en cette occasion, & que la cause de mon retardement vous sera aussi agrŽable qu'ežt ŽtŽ une Lettre Žcrite avec plus de diligence... [etc] (p 349)

Que dites-vous de cela, demanda Eudoxe ˆ Philanthe? ÑJe dis, repliqua Philanthe, que c'est lˆ le galimatias le plus complet & le plus suivi qui se puisse imaginer. ÑLa merveille est, continua Eudoxe, que celuy qui Žcrivoit de la sorte passoit pour un oracle & pour un prophŽte parmi quelques gens. ÑJe crois, rŽpondit Philanthe, qu'un esprit de ce caractŽre n'avait rien d'oracle ni de prophŽte que l'obscuritŽ

ÑSavez-vous bien, reprit Eudoxe, que ses partisans soutenoient que c'etoit un homme envoyŽ de Dieu pour rŽformer l'Eglise sur le modelle des premiers siŽcles ? ÑAh, je ne puis croire, dit Philanthe, que quand il y auroit quelque chose ˆ rŽformer dans l'Eglise, le Saint-Esprit voulžt se servir d'une tte pleine de galimatias pour une entreprise si importante!... (p 353)... nous pourrions dire de luy ce que Balzac disoit d'un autre, qu'il ne tombe pas dans le galimatias qu'il s'y jette, qu'il s'y prŽcipite de gayetŽ de cÏur (p 355).

 

[7] Second entretien Ñ la Langue franaise :

...Mais que pensez-vous dit Ariste de ces solitaires qui ont tant Žcrit depuis vingt ans ?... Il est vrai dit Ariste que ces Žcrivains si fameux ne peuvent pas tre accusez de laconisme; ils aiment naturellement les discours vastes ; les longues parenthses leur plaisent beaucoup, les grandes pŽriodes & sur tout celles qui par leur grandeur excessive suffoquent ceux qui les prononcent comme parle un auteur Grec, sont tout-ˆ-fait de leur gožt (p. 135).

... Que voulez-vous, ajouta- t-il, ces Messieurs ont pris ce train-lˆ, il y a longtemps ils y sont accoutumez & apparemment ils auront de la peine ˆ le quitter... Pourquoi ne se corrigeraient-ils pas de leurs longues pŽriodes ?, repartit Ariste, ils se sont bien corrigez avec le temps de leurs exagŽrations & de leurs hyperboles. Il n'y avait rien de plus commun dans leurs premiers livres que des expressions excessives (p. 136).

Ils ne se sont pas dŽfaits entirement de ces sortes d'expressions, rŽpondit Eugene. Ils mettent encore le plus en bien des endroits ou il n'a que faire ou s'ils ne se servent pas de ce terme pour exagŽrer ce qu'ils dirent ils emploient de grands mots, & de grandes Žpithtes, qui font ˆ peu-prŽs le mme effet... Pour ce qui regarde l'Žtendue des pŽriodes, bien loin de les accourcir ils y ajoutent des queues qui rendent le discours extrmement long. Par exemple, aprs de grandes pŽriodes qui lassent dŽjˆ assez d'elles-mmes, ils mettent d'ordinaire quelque participe comme, Žtant certain que &c., rien n'Žtant plus avantageux que &c, ce qui ne sert pas trop ˆ dŽlasser les esprits & ˆ faire reprendre haleine aux lecteurs. A la vŽritŽ, je ne trouve dans l'Imitation de JC ni des expressions hyperboliques, ni des pŽriodes dŽmesurŽes, cependant ˆ ne vous rien dŽguiser j'y trouve je ne sais quoi qui me fait de la peine [exemples] (p. 137)... Pour immortifiŽ, c'est un mot de la faon de ces Messieurs, aussi bien qu'inexpŽrimentŽ, irrŽligieux, inalliŽ, inalliable, incorrompu,  inconvertible, intolŽrance, clair-voyance, inobservation, indŽvotion, inattention, dŽsoccupation, coronateur ... ˆ quoi l'on peut ajouter... Car ils ne font point de difficultŽ de faire des mots nouveaux, & ils prŽtendent mme avoir ce droit ; comme si des particuliers, & des solitaires avaient une autoritŽ que les Rois n'ont pas... (p. 139-40)

Ces phrases-lˆ ne sont point Franaises. Quel langage ! je suis impuissant ˆ parler, je suis impuissant ˆ me taire, pour dire, "je ne puis parler", "je ne puis me taire". Les Allemands qui commencent ˆ apprendre le Franois, parlent de la sorte... La terre est fŽconde, un champ est stŽrile; mais la terre n'est point fŽconde ˆ former des mŽtaux dans ses entrailles. Un champ n'est point stŽrile ˆ produire du bled... (p. 144-5)

Il n'y a pas un chapitre sur lequel je n'aye plusieurs doutes. Cependant ajouta-t-il, L'Imitation de JC est le plus petit livre de ces Messieurs, & de tous leurs livres c'est celui qui a eu le plus de cours on en a fait jusqu'ˆ treize Žditions, & mon Imitation est de la dernire, comme vous voyez (p. 151)...

 

[8] Un exemple de la manire de Barbier : ... ce qu'il dit encore en louant l'histoire romaine de Coeffeteau, qu' il n'y a point de salut hors de l'histoire romaine, non plus que hors de l'Eglise romaine. On n'aime point ces sortes de discours ; & ˆ vous dire vray, ils ne sont ny assez religieux ny assez raisonnables, pour rŽpondre ˆ l'opinion qu'on avoit de celuy qui les a faits, ny pour sožtenir l'autoritŽqu'il s'est luy mme arrribuŽe de juger de tout (p 64-65). Et il renchŽrit dans la 2nde Ždition : [L'auteur] ne fait nulle difficultŽ de dire qu' il n'y a point de salut...  Que n'auroit point rŽpondu le P. B. s'il avoit eu ˆ refuter un pareil discours? Il me semble que je l'entens qui s'Žcrie que ce n'est point lˆ le langage d'un Catholique Romain ...[...] Car enfin, si elle [cette proposition] est faite serieusement, elle va jusqu'ˆ l'herŽsie, mais comme il est presque impossible qu'on ait dit d'un esprit serieux une chose aussi ridicule: je croy qu'on a voulu seulement railler en la disant. Ainsi le moindre mal qu'il y ait dans cet endroit c'est une raillerie publique sur une vŽritŽ de la Foy [...]. La belle chose qu'un Religieux qui cherche ˆ rire de l'Eglise Romaine ˆ laquelle il est attachŽ par tant de voeux! Que ce P. est galland de tourner en ridicule cette importante vŽritŽ que hors de l'Eglise Romaine il n'y a point de salut. A-il fait cela pour plaire ˆ ces Messieurs de la Religion prŽtendue rŽformŽe, desquels il tŽmoigne dans son livre tre si particulirement ami ?... (pp. 105-106).

Or cette phrase dont le critique feint de se scandaliser est une boutade que, ˆ propos du mot intrŽpide, Balzac a prtŽ jadis ˆ Mr de*** (Vaugelas) pour se moquer de sa passion pour Coeffeteau :... Mais avez-vous pris l'attache des Grammairiens pour passer intrŽpide dans notre langue ? C'est une nation redoutable ˆ tout le monde... Il est vrai que le bonhomme Malherbe s'est servi avant vous de celui-ci. Mais parce que ce n'est pas le RP Coeffeteau, il ne vous sera jamais allouŽ par Monsieur de *** qui croit que comme il n'y a point de salut hors de l'Eglise Romaine, il n'y a point aussi de Franais hors de l'Histoire Romaine. Quoiqu'il en soit, intrŽpide me plait fort & si j'ai du crŽdit je l'emploierai volontiers pour faciliter sa rŽception... Lettres choisies du Sr de Balzac, chez les Elseviers, Leiden, 1652 , lettre XV, ˆ Mr de la Roche Hely, p 365-6.

Barbier ne peut pas se tromper. Ds la 1re Žd. des Entretiens (celle qu'il critique), B. renvoie explicitement ˆ Balzac : le stile de son Histoire Romaine [de Coeffeteau] sembloit si pur ˆ Vaugelas qu'il ne pouvoit presque recevoir de phrase qui n'y fžt employŽe & qu'ˆ son jugement si nous en croyons Balzac il n'y avoit point de salut hors de l'Histoire Romaine non plus que hors de l'Eglise Romaine. p 121. Dans Doutes B. citera exactement Balzac avec les guillemets de rigueur, p 60-61.

Un autre exemple. Bouhours Žcrit (Entr., p 203 ˆ propos du bel esprit) : Gracian est parmi les Espagnols modernes vn de ces gŽnies incomprehensibles; il a beaucoup d'ŽlŽvation de fubtilitŽ, de force, & mme de bon sens mais on ne sait le plus souvent ce qu'il veut dire, & il ne le sait pas peut-tre luy-mme ... Cependant il ne doit y avoir ni obscuritŽ, ni embarras dans tout ce qui part d'vn bel esprit.

Barbier (2nde ed., pp. 181-2) rŽŽcrit cela ˆ l'envers, le rendant absurde et la seule chose juste est le numŽro de la page: Mais apparemment, il a cru que la haute Žloquence Žtoit de tout mler... C'est peut-tre pour cela qu'il confond la folie avec la sagesse, & qu'il assure qu'un homme qui ne sait lui-mme ce qu'il veut dire, a beaucoup d'ŽlŽvation d'esprit, de subtilitŽ & de bon sens. On aura bien de la peine ˆ croire celuy-lˆ sans y aller voir, c'est ˆ la page 203.

 

[9] Dans la liste des ouvrages de cette polŽmique on cite habituellement Sorel (1671, Connaissance des bons livres). Mais il ne voit pas (ou Žvite) la question sous-jacente et, dans son long examen, se limite aux mots :

...On s'est fort ŽtonnŽ de ce qu'on y a cherchŽ quelques sujets de censure dans un livre intitulŽ "Les Sentimens de Cleante" [de Barbier]. Celui qui l'a fait sÕest faschŽ sans doute de ce quÕAriste et Eugne [Bouhours] nÕont pas donnŽ leur approbation ˆ quelques mots dÕun Livre dŽvot, aussi bien comme ils prŽtendent que leurs mots nouveaux doivent tre fort estimŽs. Je me persuade assez quÕil faut avoir quelque indulgence pour les Gens de bonne intention, qui ont plut™t dessein de nous apprendre ˆ bien vivre quÕˆ bien parler (p 390)... Je consens ˆ ceci, & pourtant je m'Žtonne qu'Žtant question du langage que Cleante veut dŽfendre il n'ai point pensŽ ˆ celui du livre qu'il attaque... Cleante [Barbier] n'a pas reconnu quel est le principal caractre du livre dont il s'agit, qui est d'tre Žcrit ˆ la mode du sicle. Les dŽlicatesses du langage ne sont pas connues de chacun (391)... L'auteur des Entretiens [Bouhours] est trop savant dans notre langue pour employer des mots & des faons de parler qui ne soient point dŽjˆ bien reus. On ne voit rien de plus correct & de plus exact que son ouvrage (393)... On peut dŽfendre l'auteur des Entretiens en beaucoup d'autres endroits comme en tous les lieux o l'on lui reproche d'avoir montrŽ quelque prŽsomption, c'est en des manires de parler qui sont presque communes ˆ toute sorte de gens (395).

 

[10] Bouhours reprendra le harnais vingt ans plus tard dans la Suite des Remarques nouvelles sur la langue franaise (1693, Josse) contre deux rŽcents dŽfenseurs de la langue de P-R : Ce faiseur de Nouvelles Observations, nommŽes autrement, Guerre civile des Franois sur la Langue [1688, Alemand], est en ce genre lˆ une espece d'Avanturier & de Chevalier errant... toujours prt ˆ dŽfendre l'Žloquence de Port-Royal, quelque mine qu'il fasse de l'attaquer quelquefois, pour rendre plus croyables tous les Žloges qμ'il en fait. L'Auteur des RŽflexions sur l'usage present de la Langue Franoise, ou Remarques nouvelles & critiques touchant la politesse du langage [1689, Andry de Boisregard] est un Grammairien de profession encore plus dŽvoüŽ ˆ Port-Royal...(Avertissement).

Je vois lˆ un tic de polŽmiste ou un prŽtexte car ces auteurs secondaires ne s'occupent gure de P-R : Alemand est un touche-ˆ-tout (dont les remarques ne dŽpassent pas la lettre C) et, en dehors de la parasitologie o il excelle, Boisregard n'a pas de compŽtence et joue au grammairien.

Au reste, cette Suite, si elle loue le fidelle Dumas de faon rŽcurrente (contre le traducteur jansŽniste de l'Imitation), est peu venimeuse. Elle reprend sur un ton apaisŽ une sŽrie de critiques antŽrieures aux trad. de P-R, not. Mons, dont on s'Žtonne qu'elles provoquent une affaire. Siouffi, 2013, trouve dans la Suite un ton beaucoup plus polŽmique, vraisemblablement sur la base de l'Avertissement qui, en effet, est vif. L'ouvrage lui-mme est beaucoup moins critique que la sŽrie des annŽes 1670. Bien que Bouhours adresse quelques piques ˆ P-R, la plus dŽveloppŽe (#Žquipage) reste d'une grande douceur. Alors qu'on s'attend ˆ ce que les deux grammairiens chevaliers de P-R soient ŽreintŽs comme le furent les auteurs de P-R dans les Doutes et les Entretiens, ou MŽnage dans la 2nde ed. des Remarques, ils sont traitŽs avant tant de clŽmence que, surtout avec le dŽsaveu final d'une sŽrie de fautes signalŽes par les critiques, la Suite donne l'impression que Bouhours a clos le dossier grammatical lorsqu'il est revenu ˆ la guerre idŽologique avec la republication (1691) de la vieille Lettre ˆ un sr de la Cour.

 

[11] AVERTISSEMENT SUR CETTE NOUVELLE EDITION [de la Lettre ˆ un seigneur de la Cour] par un Ami de l'Auteur, 1691, [en] RŽponse au libelle intitulŽ RŽcrimination des JŽsuites, Paris, Cramoisy (sous le privilge de 1682 autorisant pour 10 ans le livre Opuscules sur divers sujets, savoir Lettre ˆ un seigneur de la Cour &c.).

 

[12] "Va-t'en, chŽtif insecte, excrŽment de la terre! "

C'est en ces mots que le Lion

Parlait un jour au Moucheron.

L'autre lui dŽclara la guerre.

"Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi

Me fasse peur ni me soucie ?

Un boeuf est plus puissant que toi :

Je le mne ˆ ma fantaisie. "

A peine il achevait ces mots

Que lui-mme il sonna la charge,

Fut le Trompette et le HŽros.

Dans l'abord il se met au large ;

Puis prend son temps, fond sur le cou

Du Lion, qu'il rend presque fou.

Le quadrupde Žcume, et son oeil Žtincelle ;

Il rugit ; on se cache, on tremble ˆ l'environ ;

Et cette alarme universelle

Est l'ouvrage d'un Moucheron.

Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle :

Tant™t pique l'Žchine, et tant™t le museau,

Tant™t entre au fond du naseau.

La rage alors se trouve ˆ son fa”te montŽe.

L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir

Qu'il n'est griffe ni dent en la bte irritŽe

Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.

Le malheureux Lion se dŽchire lui-mme,

Fait rŽsonner sa queue ˆ l'entour de ses flancs,

Bat l'air, qui n'en peut mais ; et sa fureur extrme

Le fatigue, l'abat : le voilˆ sur les dents.

L'insecte du combat se retire avec gloire :

Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,

Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin

L'embuscade d'une araignŽe ;

Il y rencontre aussi sa fin.

 

[13] Cette rŽputation de galanterie nuira aux Žcrits religieux de Bouhours : la version ŽlŽgante (rabutine, disent les JansŽnistes) du Nouveau Testament (1698-99) qu'il veut opposer ˆ celle de Mons sera censurŽe en de nombreux endroits par les soins de l'archevque de Paris (Noailles) qui lui fera retirer son nom de la couverture (et de l'extrait du privilge) par la raison, a-t-on dit, qu'un nom aussi peu grave ne doit point paraitre ˆ la tte d'un livre si divin.

 

[14] Chap. 313 pp. 540-543 Justification du chap. prŽcŽdent [vŽnustŽ] contre la critique de l'auteur des Doutes : // L'Auteur des Doutes m'a voulu ridiculiser sur ce que j'ai dit au chapitre prŽcŽdent que le mot de venustŽ Žtait trs beau & que je m'en servais volontiers: & je commence ˆ croire qu'il me croit JansŽniste...

L'auteur des Doutes proteste qu'il n'a jamais ou• dire venustŽ ˆ personne. Je le crois car ce mot n'est pas un mot de province... moi qui ai vu toute ma vie, & le grand monde, & les honntes gens de Paris, je lui proteste aussi de mon c™tŽ que j'ai souvent ou• dire ce mot ˆ plusieurs gens de lettres... quelqu'effort que fassent les provinciaux pour bien parler, ils se sentent toujours de la province... aprs toutes leurs lectures, il leur reste encore je ne sais quelle crasse dont ils ne sauraient jamais se dŽfaire... je veux bien l'avertir qu'il y a 43 ans que je demeure ˆ Paris.

 

[15] Richelet Pierre, 1680, (Dictionnaire franois) prend parti pour Bouhours :

#Prosateur. Mot qui vient de l'italien mais qui n'a pas ŽtŽ bien reu en notre langue... Voyez le mot dans les nouvelles remarques du PB. La remarque qu'on fait sur ce mot est plaisante.

#VenustŽ. Mr MŽnage trouve le mot trs beau mais comme il est tout seul de son sentiment, il est bon, pour ne pas se rendre singulier, d'attendre que d'habiles Žcrivains se laissent toucher ˆ la beautŽ de ce charmant mot et l'emploient dans leurs ouvrages.

 

[16] Avis au lecteur :

// Le RP Bouhours, prtre de la Cie de JŽsus, a Žcrit dans ses remarques contre la premire partie de ces Observations avec une fureur indigne d'un prtre & d'un religieux: car il ne s'est pas contentŽ d'attaquer de toute sa force plusieurs endroits de mes Observations & de les tourner en ridicule, il m'a attaquŽ dans ma personne avec emportement. J'ai rŽpondu dans ce volume ˆ ce qu'il a dit contre mes Observations... il les a reprises publiquement dans son livre des Doutes...Et il les a reprises en me ridiculisant, qui est le genre d'injure le plus injurieux... [M. s'est dŽfendu dans sa 2nde ed] Comme la dŽfense est naturelle, le P. B. ne devait pas trouver mauvais que je me fusse dŽfendu. Cependant il l'a trouvŽ mauvais... il a fait un libelle contre moi, car je ne puis donner d'autre nom ˆ son livre des Remarques: & il m'a diffamŽ par toute l'Europe dans ce livre...

Le P. B. pouvait-il contrevenir plus manifestement ˆ ce prŽcepte [de ne scandaliser personne] qu'en prenant plaisir, comme il a fait [...] ˆ inventer & ˆ raffiner des railleries injurieuses ˆ dessein de tourner en ridicule des personnes ecclŽsiastiques d'un mŽrite extraordinaire dont il n'a reu aucune injure?....

... j'ai toujours rendu ˆ tout le monde tout le service dont j'ai ŽtŽ capable [...] Cependant par je ne sais quelle fatalitŽ on a fait des bibliothques de libelles contre moi. Mais j'ai aussi toujours tellement mŽprisŽ tous ces libelles, qu'ˆ la rŽserve de ce dernier je n'en ai lu aucun [...] on s'Žtonnera sans doute, & je m'en Žtonne moi-mme, que j'aie rŽpondu ˆ celui du PB, le plus mŽprisable de tous ceux qui ont ŽtŽ faits contre moi [...] j'ai suivi le conseil de plusieurs de mes amis dont les sentiments me tiennent lieu de loi. Ils m'ont reprŽsentŽ [...] qu'il y allait de l'intŽrt public de punir l'insolence de ce petit grammairien en langue vulgaire qui, n'ayant point de jugement, juge souverainement de toutes choses; qui, n'ayant point d'Žrudition, fait le procs aux plus savants Žcrivains du sicle ; & qui croit tre un grand thŽologien parce qu'il a trouvŽ quelques lŽgres fautes de langue dans quelques livres de ThŽologie. Je finis ce Discours en suppliant les RP JŽsuites de ne point prendre de part dans ma RŽponse au P.B. [...] l'injure que j'ai reue de leur confrre n'a rien diminuŽ de l'estime & de la vŽnŽration que j'ai toujours eue pour leur Cie.

 

[17] En tŽmoigne (faiblement !) la Table des Matires, ˆ l'article # Bouhours :

Le P. Bouhours n'a point lu la Bible.

Ne sait ce que c'est que propre & que figurŽ.

Antipode de M. de Vaugelas.

Fausses Reigles de Grammaire du P. Bouhours.

Le P. B. ne sait pas l'Italien.

Ignorant des Žtymologies.

Mauvais Logitien.

Ne sait ce que c'est que reigle de Grammaire.

Ne sait ce que c'est que justesse.

BŽvu‘ du P. B. dans un passage de Varron.

Remarques sur les endroits des Livres de Langue du P. B. qui regardent les Dames.

Fautes de Langue du livre des Doutes du P. B. Bouhours.

Fausse delicatesse du P. B. Bouhours.

Remarques puŽriles du P. B. Bouhours.

Fautes de Langue du Livre des Remarques du P. B. Bouhours.

Fausse reigle du P. B. touchant l'usage des participes passifs dans les prŽtŽrits.

Au reste, MŽnage n'hŽsite pas ˆ tricher. Un exemple : p 9 il reproche ˆ B d'avoir dit que "cendre & poussire" dans la trad. Sassy est un synonyme vicieux. Et, renvoyant la balle, il cite une expression dans Doutes "des gŽants d'une taille Žnorme et d'une hauteur prodigieuse" et s'exclame il dit lˆ trois choses qui ne disent qu'une mme chose. Or prŽcisŽment c'est, pour illustrer la grandiloquence vaine de la langue italienne que B Žcrit molto richissima... [etc] c'est ˆ peu prs comme si des gŽants d'une taille Žnorme...

 

[18] Satiricon, XCI :...nous all‰mes au bain. Lˆ j'aperus Giton, linges et frottoirs en main, debout contre la muraille, l'air morne et tout confus. On voyait qu'il servait ˆ contre-cÏur. Pour que le tŽmoignage de mes yeux fžt complet, il tourna vers moi son visage tout Žpanoui de joie, et me dit : Ñ Ayez pitiŽ de moi, cher ma”tre, o je n'ai plus d'armes ˆ craindre, je puis parler. Sauvez-moi d'un brigand, d'un bourreau ; et imposez au repentir de votre juge quelle expiation vous voudrez. Ce me sera dans mon malheur une assez grande consolation de ne pŽrir que par votre arrt. Ñ Je lui dis de cesser ses plaintes, pour que personne ne surprenne nos intentions ; et laissant lˆ Eumolpe (il dŽclamait des vers aux baigneurs), j'emmne Giton par une issue obscure et fort sale, et en toute h‰te je vole ˆ mon logis. Avant tout j'en ferme la porte, puis je serre mon jeune ami contre mon sein, et sur son visage baignŽ de larmes j'imprime convulsivement mes lvres. Longtemps nous rest‰mes sans voix l'un et l'autre, car cette chre poitrine aussi Žtait toute brisŽe de sanglots. Ñ O faiblesse indigne ! m'Žcriai-je; je t'aime aprs que tu m'as dŽlaissŽ ; et mon cÏur, blessŽ si cruellement, ne garde mme plus de cicatrice ! Comment justifies-tu ton acquiescement ˆ d'adultres amours ? MŽritais-je un pareil outrage ?