Les saintes normes russes
Vers
2005, j'étais à S. (gouvernement de S.), sur la Volga, entre Stalingrad
et Samara, comme second membre français de deux jurys de thèse "en
cotutelle". Une telle thèse est supposée conjointement
dirigée par un directeur français et un directeur russe, avec séjour
alternatif de l'étudiant dans l'une et l'autre université et, en
principe, coordination des deux directeurs. Le travail se conclut par
une seule thèse qui fait l'objet d'une validation conjointe, de sorte
que l'impétrant se retrouve double docteur. Encore une de ces bonnes
idées qu'il aurait mieux valu ne pas avoir ...
L'université de X en
France et l'université de S. en Russie avaient signé une convention de
cotutelle qui stipulait que les thèses seraient écrites en russe avec
un résumé en français, de sorte que, pour autoriser la soutenance,
j'avais disposé de vingt pages en français, de l'assurance de
l'existence de quatre cents pages en russe et de la promesse du
directeur français que c'était un travail sérieux. La convention
précisait encore que le jury serait paritaire. Comme nous étions deux
français, cela signifiait deux russes, plus un président.
Une expérience
constante avec de multiples universités russes a montré à tous
(enfin, presque tous) que nos collègues russes signent les accords de
cotutelle pour obtenir un tampon international et voyager mais sont
réfractaires à toute idée de coopération. Cela se traduit, même avec
des universités évoluées, par la primauté des normes russes sur les
normes françaises, la combinaison des deux dépendant des circonstances
et du rapport de forces.
Sachant cela, la
solution habituelle consiste à violer la lettre de la cotutelle et, à
la place de l'impossible soutenance paritaire, faire deux soutenances à
la suite, une aux normes russes, et une aux normes françaises. On
considère alors a posteriori que la combinaison des deux équivaut au
jury qui était prévu.
Mais...
Mais mon collègue, le
directeur de thèse côté français, est un garçon extraordinairement
innocent, et tout aussi incurieux, et tout aussi bête. Il voyage dans
tous les pays du monde depuis des années sans rien voir, sans
s'intéresser à rien et sans rien apprendre. Il navigue dans des cadres
mis en place par d'autres. Il arrive dans un canal qui a déjà été
creusé et monte dans un bateau dont les rameurs ont déjà été
programmés. Il n'a jamais rien négocié ni mis les mains dans le
cambouis. Il n'a jamais eu l'occasion de constater que, à l'est de la
Vistule, la déception menace si l'on n'a pas appris des récits de
voyage que les contreparties promettent tout ce qu'on veut car elles
feront ce qu'elles voudront, et rien d'autre. Bref, j'étais accompagné
d'un innocent, de surcroît, teigneux et péremptoire.
Je savais, parce que
j'écoute le récit des mésaventures de mes collègues, je savais que la
convention ne serait pas respectée, qu'il faudrait faire le compromis
habituel et que ce serait déjà bien de sauver l'honneur. Mais lui, il
savait que tout irait bien puisque, avant de partir, il avait envoyé un
message rappelant les différents points de la procédure de soutenance
fixés dans la convention. Il se complimentait de sa ruse et de sa
prudence : son ordinateur contenait le scan de la dite convention, avec
les signatures et les tampons. Pour mon malheur, c'était lui qui gérait
l'affaire. Je n'étais que le second membre français du jury.
Je passe sur les
détails du voyage. Le samedi soir, nous fûmes accueillis à l'aéroport
de S. par les candidats (un vieil avion pour Moscou le matin tôt, un
vieil avion de Moscou le soir tard : il fait nuit, on descend sur la
piste, on traverse l'aéroport dont les lumières s'éteignent et dont la
porte se ferme derrière ou devant le dernier. Il faut deviner ou savoir
que les bagages attendent dans un autre bâtiment dont les portes se
fermeront dans dix minutes, les employés voulant rentrer chez eux). Ces
gentils jeunes gens s'occupèrent de nous tout le dimanche, nous
montrèrent leur famille et firent ce qu'ils pouvaient pour que le temps
passe. Nous marchâmes le long de la Volga, mangeâmes des chachliks,
fîmes des courses et bûmes de la bière locale. C'est alors que,
enhardis, les braves petits nous expliquèrent les saintes normes russes
(l'expression, on va le voir, n'a rien d'excessif) : la soutenance se
ferait devant un jury de dix-huit personnes (plus nous) qui
délibérerait ensuite sur le résultat. Collègue en avala son ordinateur
! Alors que ces pauvres petits n'y pouvaient rien, il leur fit subir
tant de récriminations et d'admonestations que l'appréhension normale
qu'ils éprouvaient avant la soutenance se transforma en panique.
Après avoir passé une
deuxième nuit à tenter de dormir tandis que toute la jeunesse du
gouvernorat de S. faisait la bringue jusqu'à l'aurore le long de la
Volga (feux d'artifices, batailles de chiens, dancings flottants et
hurlements en tous genre), le lundi matin, nous attendîmes la limousine
officielle de l'université, Collègue assis sur son ordi qui contenait,
on s'en souvient, le texte de la convention, et tous deux dûment
cravatés.
La limousine vint (un
VW transporter à la place de l'ancienne et magnifique Volga), avec les
officiels, mais nous n'allâmes pas à l'université, tant pis pour les
cravates. Après avoir traversé le long pont sur la Volga (une courbe
magnifique), traversé la ville qui fait face à S. de l'autre côté
(célèbre pour ses usines et ses bases aéronautiques), franchi des
kilomètres de toundra comme dans un roman russe et, toujours comme dans
un roman, acheté du poisson séché au bord de la route, nous
arrivâmes à "la maison d'été de l'université", dans la forêt, au bord
d'un bras du fleuve.
Collègue, de sa voix
métallique, dit plusieurs fois : "je compte bien que nous réglions les
détails de la procédure, il y a des problèmes". Mais oui mais oui,
répondirent nos amis russes.
On nous fit les
honneurs des lieux. On nous montra le ponton d'où l'on pêche, le
pavillon où l'on boit, le four où on chachlike, l'embarcadère d'où l'on
part en bateau. Comme il faisait grand vent et grand froid, nous ne
fîmes rien de tout cela et rejoignîmes la salle à manger où, pour nous
quatre, une table de dix mètres était couverte de plats et de
bouteilles.
Nous bûmes tout à la
fois de la vodka, du thé, du café, du vin blanc, du vin rouge, de l'eau
minérale gazeuse et plate, et des jus de fruit. Nous mangeâmes tout à
la fois du consommé glacé, de la soupe chaude, des petits pâtés, du
saumon, du hareng, des tonnes d'écrevisses, du plaw, des chachliks de
bœuf et de poule, des salades, des beignets, des crêpes. Nous portâmes
des toasts. Et tout soudain, en plein milieu, nos collègues nous
invitèrent à nous lever pour conférer. Nous reviendrions après pour
finir et boire la bière avec des poissons séchés.
Nous allâmes, tout
dégoulinant de graisse, à la salle de conférences dont les meubles les
plus remarquables consistaient en un gigantesque billard, entouré de
canapés.
Collègue, tout droit
sur sa chaise, récita la convention. Et rappela la Loi qui, en France,
régit les soutenances de thèse.
Les russes, vautrés sur
leur canapé et quasiment rotant, compatirent. Eux, comprenaient bien,
mais la thèse impliquait l'université dans son ensemble. Il leur était
impossible, il n'était pas en leur pouvoir, ils n'avaient pas la
capacité, ils n'étaient pas autorisés, il n'était pas pensable de
déroger aux normes russes : la soutenance est présidée par le
"prorecteur des savants" ; tous les membres du "Conseil des savants"
constituent le jury que complètent des rapporteurs d'autres
universités, désignés par le Conseil des savants. Et tout, du début à
la proclamation du résultat, se fait en cent vingt minutes, ni plus ni
moins. Nous étions faits et refaits, notre rôle avait été écrit
d'avance : tamponner la procédure russe du grand sceau de l'Université
française. Et rien d'autre. Collège fit preuve d'une égale obstination
en invoquant la convention : pourquoi l'avez-vous signée si vous
n'aviez pas l'intention de la respecter ?
Après plusieurs
répétitions de ces discours parallèles, je suggérai que l'on fasse une
soutenance à la russe et, ensuite, la soutenance prévue par la
convention. Mais Collègue ne voulait pas, puisque la soutenance russe
n'était pas dans la convention. Et les russes, de leur côté, ne
pouvaient pas accepter pour les autres le jury prévu par la convention.
Comme, tout était programmé pour le lendemain, nous étions coincés
comme à plaisir.
Il fallait trouver
quelque chose. Ce fut un dispositif qui présentait toutes les
apparences d'une fiction mais que Collègue pouvait admettre, tout en
soulignant avec force, d'une voix de plus en plus métallique, qu'il
faisait d'énormes concessions : nous ferions, sous ma présidence, la
soutenance prévue par la Convention et, ensuite, ouvririons la
délibération aux rapporteurs russes et à tout le jury russe, les deux
jurys délibérant séparément à la fin, de sorte qu'il y aurait deux
soutenances de fait mais, dans la forme, une seule. Cette solution
compliquée aurait demandé beaucoup de bonne volonté et d'habileté et il
était clair aux yeux de tous (sauf à ceux de Collègue) qu'il n'y aurait
ni l'une ni l'autre. On nous prévint de ne pas nous inquiéter : le
"prorecteur des savants" ouvrirait la séance pour souligner
l'importance historique de cette première soutenance internationale en
cotutelle ici. Et ensuite, promis, ce serait comme convenu.
Et nous revînmes à
table où nous attendaient la bière et les poissons séchés associés. Les
russes firent boire Collègue qui, de ce fait, gueula l'Internationale
pendant tout le voyage de retour.
Collègue alla
s'effondrer dans sa chambre où il dormit trois heures qui passèrent
pour lui comme une minute tandis que je partais à pieds traverser
le grand pont sur la Volga, d'un côté à l'autre et retour. Promenade
peu hygiénique au milieu des automobiles puantes mais point de vue
splendide sur le fleuve. Lorsque je rentrai, Collègue émergeait à peine
et passa la soirée à blatérer sur les concessions inouïes auxquelles il
avait consenti et à déblatérer sur le manque de sérieux des partenaires
russes etc. etc.
Le mardi fatidique
arriva.
On vint nous chercher
bien inutilement à dix heures puis, ne sachant que faire de nous, on
nous fit visiter et revisiter l'université que nous avions déjà visitée
et revisitée lors du voyage précédent.
La première soutenance
était fixée à treize heures et, à midi et demi, on nous montra la salle
réservée à cet effet. La disposition des lieux éveillait les soupçons :
une chaire pour la présidence du Prorecteur, un grand bureau au fond de
la salle, le pupitre où monteraient les rapporteurs et d'où le candidat
défendrait sa thèse, et une multitude de petites tables individuelles,
comme pour un examen, bien séparées les unes des autres et rivées au
sol, pour les membres du jury et donc nous. Collègue recommença à
s'inquiéter, on lui répondit de ne pas, que tout le monde acceptait ce
dont nous avions convenu la veille et que, promis, on ferait pour le
mieux.
Avant même d'avoir
commencé, l'on nous invita à une "pause café", dans la salle voisine où
des serveurs s'affairaient à étaler des plats et des assiettes, des
salades, des viandes et des poissons, des bouteilles de toutes sortes.
En entrant, on me demanda si je voulais du thé ou du café, c'était bien
une pause café. Les membres du jury arrivèrent les uns après les
autres, tous les dix-huit. On nous les présenta et réciproquement. Ils
ressemblaient à des caricatures de l'université soviétique, je dis bien
soviétique : gros, vieux, sales, mal habillés et ternes, irradiant la
cuistrerie et l'imposture, ils mangeaient et buvaient autant qu'ils
pouvaient.
Et tout à coup, il
fallait se presser, c'était l'heure. J'allais mettre tout le monde en
retard avec mon café. Et nous voilà à notre petite table, à côté des
autres petites tables, tandis que le vieux, très vieux, prorecteur
s'installe pour officier, son assesseur à sa droite, son secrétaire à
sa gauche, tandis que le préposé à l'enregistrement fait chauffer le
magnétophone et que, à grand bruit, les membres du jury s'installent.
Je voyais arriver la
manœuvre de débordement et si, en tant que personne, je m'amusais de la
déconvenue qu'allait subir Collègue à cause de sa propre obstination,
en tant qu'institution (car j'étais là comme tel), je ne pouvais pas
accepter qu'on nous soumît aux saintes normes russes, en faisant de
nous deux membres invités d'un jury russe. Comment en sortir sans nuire
aux candidats ? en claquant la porte et en rentrant à l'hôtel, nous les
empêchions d'avoir leur double thèse, leur fermions à la fois la France
et la Russie. J'allais devoir imposer un compromis à chaud, y compris à
Collègue. Je me préparai à tout et attendis la suite, tandis que
Collègue qui ne se doutait encore de rien, le pauvre innocent, me
glissait à l'oreille ses conseils sur la manière dont je devrais tout à
l'heure présider ce jury hybride.
Et la cérémonie
commença. Le rôle du Prorecteur des Savants était tenu par une
antiquité dont les fonctions avaient cessé depuis longtemps mais qui,
personne ne disparaissant jamais, était resté en tant que "conseiller"
du prorecteur en titre qu'il remplaçait avec un plaisir non dissimulé.
Il avait l'intention de faire cette soutenance comme, depuis cinquante
ans, il avait toujours fait les soutenances. D'ailleurs, peut-être ne
savait-il pas ou n'avait-il pas compris que c'était un diplôme double
auquel postulaient les candidats. Comme un vieux curé pressé, il
marmonna à voix basse et à toute allure, et donna la parole à son
assesseur qui, montant au pupitre, présenta la candidate. Ensuite
celle-ci vint à son tour au pupitre et récita son résumé. L'assesseur
la remplaça. C'est à cet instant que, selon l'accord de la veille, il
aurait dû me passer la main pour que je préside la suite des
opérations, le diable sait comment j'aurais pu, avec ma petite table au
milieu des autres.
Que fît-il ? me
passa-t-il la main ? ou tout au moins la parole ?
Bien sûr que non, il
passa la parole au premier rapporteur russe qui se leva pour se diriger
vers le pupitre.
Alors, je me dressai
et, sans demander la parole, débitai le discours que j'avais eu tout le
temps de mûrir depuis la veille. Qu'en fut-il traduit ? je n'en sus
rien, bien sûr. Je dis : "chers collègues, je suis honoré d'être parmi
vous aujourd'hui mais permettez moi de protester, ce n'est la procédure
dont nous avions convenu......."
Je pense que mon
intervention choqua car l'ignorance et l'indifférence de tous les
présents à l'égard de cette thèse en cotutelle était totale et
irrémédiable. Le Prorecteur aux affaires internationales avec lequel
nous avions négocié la veille était conscient du problème mais, hors
jeu, il était là en acteur muet : n'appartenant pas au Conseil des
Savants, il ne pouvait pas ouvrir la bouche pendant la soutenance.
Je m'insurgeai donc,
tout debout, tandis que divers conciliabules se tenaient. L'on me
promit que, quand la soutenance "russe" serait finie, on me passerait
la parole et la main pour que j'organise alors les choses à ma façon.
Collègue qui s'apercevait enfin de la supercherie, rageait à voix
basse, que ce n'était pas correct, qu'on n'avait pas dit ça, qu'il ne
fallait pas, que ce n'était pas bien, que ce n'était pas dans le texte
ce la convention...
La soutenance russe
reprit : les dix-huit "rapporteurs" défilèrent, la candidate remonta
dix-huit fois au pupitre pour répondre, le tout dans l'indifférence
absolue : tout le monde parlait avec ses voisins et s'interpellait
d'une table à une autre, les téléphones sonnaient et nul ne se souciait
de la malheureuse candidate.
Enfin l'assesseur
m'appela pour que je fasse le dix-neuvième rapporteur.
Il était clair,
définitivement clair, que cette soutenance respecterait en totalité les
normes russes que, eu égard aux égards, le jury russe avait la
bienveillance d'assouplir pour inclure, enfin non, accepter, enfin non,
tolérer, deux membres étrangers.
Je traversai la salle
et, au lieu de me mettre au pupitre, restai debout à côté, malgré les
signes désespérés de la malheureuse traductrice. Je déclarai et fis
traduire que ça n'allait pas, que ça n'irait pas, et que, une fois
cette soutenance russe finie, je ferais une autre soutenance dans une
autre pièce.
Et, autant pour marquer
le coup que pour échapper aux chuchotements de Collègue qui voulait me
donner de bons conseils, ayant dit, je quittai la salle et partis dans
le couloir.
J'imagine que tout
russe présent trouva mon comportement grossier et inqualifiable et
qu'il confirma l'impossibilité de travailler avec les étrangers qui
cherchent à annihiler toutes les valeurs et les règles russes. Les
seuls qui comprenaient vraiment, c'étaient les deux candidats dont
l'état faisait pitié. Quant à Collègue, tout juste s'il ne me rendait
pas coupable du non respect de "son" accord de la veille mais, même
lui, fut bien obligé de choisir entre devenir russe ou accepter les
deux soutenances, même si sa convention disait "soutenance
unique".
Au bout d'un moment, du
fond de mon couloir, je vis arriver des émissaires inquiets qui me
dirent que, oui, dès la délibération russe terminée, on m'enverrait les
deux professeurs russes dont le nom figurait dans la composition du
jury officiel.
Ainsi, pendant que le
deuxième candidat faisait sa soutenance locale, le premier fit sa
soutenance internationale qui, tant mal que bien, respecta les formes
habituelles. Nous finîmes en même temps que la deuxième soutenance
russe et je réclamai le deuxième candidat et ses deux russes. Mais non,
il y avait "pause". On nous invitait à rejoindre le jury, revenu dans
la salle des agapes.
Pour une fois d'accord,
Collègue et moi refusâmes car, au milieu de l'après-midi et dans ces
circonstances, nous n'avions envie, ni de manger ou boire, ni de nous
mêler à nouveau aux dix-huit rapporteurs.
Peut-être ce deuxième
scandale aura-t-il davantage marqué les esprits que le premier car quoi
de plus important que de manger et boire ? La preuve : puisque nous ne
voulions pas rejoindre le festin, l'on nous fit apporter des assiettes
remplies et des bouteilles.
Enfin les deux membres
russes arrivèrent, pestant d'être arrachés au festin pour satisfaire la
lubie des étrangers. Lorsque je donnai la parole au premier rapporteur,
à moitié saoul, totalement idiot et deux fois en colère, son
intervention fut brève : "il avait une bonne opinion de cette thèse
puisque cette thèse venait d'être acceptée par le jury russe statuant
dans le respect des normes russes". Et il n'avait rien à ajouter.
Quoique le deuxième fît
un peu plus d'efforts, il nous fut impossible de rien comprendre à ses
propos, pas plus qu'aux réponses que lui fit le candidat. Probablement,
la traductrice fatiguait-elle car, outre le difficile travail qu'elle
accomplissait sans une seconde de répit depuis des heures, elle avait
été fortement perturbée par toutes ces péripéties. Nous posâmes nos
questions, le candidat se défendit et, enfin l'affaire fut faite et les
deux russes s'enfuirent retrouver leurs collègues. Le Doyen et le
Prorecteur international revinrent, nous jetèrent quelques cadeaux et
nous mirent dans l'auto, pressés de se débarrasser de nous. La brave
traductrice s'occupa encore d'arracher à la réception de l'hôtel le
récépissé attestant que nous avions été réglementairement enregistrés
par le service de contrôle des étrangers de la police, récépissé sans
lequel nous n'aurions pas pu prendre l'avion le lendemain matin à cinq
heures et elle s'enfuit à son tour soigner sa migraine.
Pendant toute la soirée
que nous
passâmes avec les candidats, désormais deux fois docteurs, Collègue se
répandit en critiques et en protestations naïves : pourquoi
l'université avait-elle signé cette convention si elle n'avait pas
l'intention de la respecter ?